« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 20 décembre 2013

Capable d'enseigner

Mon arrière-grand-mère maternelle Flora Roy est née en 1900 tout rond, à Saint-Amand-sur-Sèvre (79). Son histoire est presque un roman et mériterait un article à part entière. Aujourd'hui néanmoins je vais me concentrer sur un document qui m'est parvenu : son brevet de capacité pour l'enseignement primaire.

BCEP, coll. personnelle

Aux termes de l'article Ier de la loi du 16 juin 1881, nul ne peut, en France, exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
Il existe deux brevets de capacité pour l'enseignement primaire : le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Le premier se passait à 16 ans, le second à 18.
Le premier est le seul titre requis pour enseigner dans un établissement quelconque d'enseignement primaire public ou privé.
Le second confère aux maîtres et maîtresses qui en sont pourvus certains privilèges, tels que la nomination aux fonctions d'adjoint ou d'adjointe dans les écoles primaire, etc...

Les intitulés concernant cet examen sont si savoureux, que je ne résiste pas à vous les livrer [et à les commenter . . . ].

L'examen comprend trois séries d'épreuves :

Epreuves de la première série. —  

1° Une dictée d'orthographe d'une page environ, choisie dans nos meilleurs auteurs. [J'adore cette expression]
Des questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte (définition du sens d'un mot, d'une expression ou d'une phrase ; analyse d'un mot ou d'une proposition). Il est accordé une demi-heure aux candidats pour revoir la dictée et pour répondre par écrit aux questions posées.
Chacune des deux parties de l'épreuve est cotée de 0 à 10 ;
2° Un exercice de composition française (lettre ou récit d'un genre très simple, explication d'un proverbe, d'une maxime, d'un précepte de morale ou d'éducation). 
Durée de l'épreuve : deux heures ;
3° Une question d'arithmétique et de système métrique, et la solution raisonnée d'un problème comprenant l'application des quatre règles (nombres entiers, fractions, mesure des surfaces et des volumes simples). [Hum, hum . . . ça fait rêver la littéraire que je suis]
Durée de l'épreuve : deux heures. 

Epreuves de la deuxième série. — 

Les aspirants doivent : 
 1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter à main levée un croquis côté d'un objet usuel de forme très simple (plan, coupe, élévation). 
Durée de l'épreuve : une heure et demie ;
3° Exécuter les exercices les plus élémentaires de gymnastique prévus par le programme des écoles primaires. 
Durée de l'épreuve : dix minutes au maximum. 

Les aspirantes doivent : [les épreuves pour les garçons et pour les filles sont donc différentes : bonjour le sexisme]
1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter un dessin au trait d'après un objet usuel. 
Durée de l'épreuve : une heure ;
3° Exécuter, sous la surveillance de dames désignées à cet effet par le recteur, les travaux à l'aiguille prescrits par l'article 1er de la loi du 28 mars 1882. 
Durée de l'épreuve : une heure. [Ah, Ah, Ah, on comprend les épreuves différentes]
 
Epreuves de la troisième série.

1° Lecture expliquée ; la lecture se fera dans un recueil de morceaux choisis en prose et en vers ; des questions seront adressées aux candidats sur le sens des mots, la liaison des idées, la construction et la grammaire ;
2° Questions d'arithmétique et de système métrique ;
3° Questions sur les éléments de l'histoire nationale et de l'instruction civique ; sur la géographie de la France avec tracé au tableau noir ;
4° Questions et exercices très élémentaires de solfège ;
5° Questions sur les notions les plus élémentaires des sciences physiques et naturelles et sur les matières de l'enseignement agricole.
Dix minutes au maximum sont consacrées à chacune de ces épreuves.

Nous rappelons aux candidats que :

ART. 1 et 2 : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat constitue un délit. — Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de 1 épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de un mois à trois ans et à une amende de 100 francs à 10 000 francs, ou à l'une de ces peines seulement. *

 [Gloups !]

Je ne sais pas, hélas, quels étaient les intitulés exacts des épreuves que Flora a passées. Mais rien qu'au travers de ces quelques lignes on sent bien une autre époque (et je ne reviendrai même pas sur les travaux d'aiguilles).

Enfin, au cas où vous auriez été distrait pendant cette lecture de cet article (et surtout si vous n'avez pas examiné le brevet à la loupe), je vous rappelle que Flora a obtenu son brevet d'enseignement alors qu'elle n'était âgée que de 15 ans tout juste (tout de même). Elle a dû bénéficier d'une dispense pour pouvoir passer son examen.
Autre temps, autre époque.

Cet examen lui permis d'être institutrice primaire. Elle exerça notamment au pensionna du Sacré Cœur (avant de rejoindre son mari à la boucherie conjugale, changeant ainsi complètement de voie).

Flora Roy, 1918, coll. personnelle

C'était mon arrière-grand-mère (on l'appelait la "petite mamie") et je l'ai connue.

(*Source : inrp.fr)

8 commentaires:

  1. Bravo à la petite Mamie ! Les détails des épreuves sont savoureux en effet et formaient d'excellents instituteurs !
    Merci pour cet article ! Elle est douce, souriante et jolie cette institutrice, ce qui change des mines revêches que l'on croise sur certaines photos de classe anciennes !
    Amitiés.

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  2. C'est vrai qu'elle a tout à fait l'air charmante cette petite mamie.

    Merci de nous avoir fait partager ce petit moment bien agréable.

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  3. A 15 ans, en effet. Très instructif cet article.

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  4. Brevet à 15 ans, elle était donc institutrice à 16 ans alors que, si je ne dis pas une bêtise, la majorité civile était à 21 ans ! Intéressant cet article.

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    1. cela lui donnait la capacité de pouvoir enseigner à sa majorité bien sur

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  5. merci d avoir publier ce certificat
    daniel

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  6. souvenir très vivace d'une mamie adorée de ses petits enfnants

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