« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 9 juin 2014

#ChallengeAz : H comme héritage

Autrefois les biens se transmettaient de générations en générations : je pense, par exemple, à la ferme de la Gidalière, dans les Deux-Sèvres, transmise durant près de cinq générations, soit de la Révolution jusqu’au début du XXème siècle – la disparition des registres antérieurs à la Révolution nous empêchant de savoir s’ils occupaient les lieux plus avant.

Découverte dans le grenier © Brunor

Mais aujourd'hui, avec la dispersion géographique des membres du foyer, les maisons de famille se raréfient. De ce fait, dans nos époques modernes, on n’hérite pas toujours des biens matériels de ceux qui nous ont précédé comme autrefois. Dans ce cas, nos ancêtres nous transmettent-ils autre chose ?

L'exploration des archives nous permet de connaître la vie de nos aïeux, alors que le patrimoine de nos ascendants - et leur souvenir même, bien souvent - s'est perdu dans les fils du temps. Contrats de mariage, inventaires après décès et autres documents nous font entrevoir leur existence : la maison, la ferme, les meubles, les terres (si on a de la chance).

Mais si la curiosité nous fait fouiller sans vergogne dans l'intimité de nos ancêtres lointains, c'est n'est pas aussi aisé lorsque l'on a connu les personnes.

En effet, les générations proches (parents, grands-parents) nous ont parfois transmis des objets ou des papiers de famille : bijoux, médailles, photos, lettres, journaux intimes. Mais alors, lire la correspondance privée de ses grands-parents c'est autre chose que déchiffrer un acte notarié ! Je me souviens de lettres qui nous étaient revenues après le décès de ma grand-mère (parce qu'elles nous concernaient) : lors de leur lecture, je me suis presque sentie "de trop". Soudain, on ressent un sentiment d'intrusion dans la vie privée, l'impression bizarre d'écouter aux portes.

Alors que c'est finalement le sens de toutes nos recherches généalogiques : en savoir le plus possible sur ceux qui nous ont précédés. Est-ce la différence entre l'Histoire et l'histoire (la grande et la petite) ? L'héritage peut alors se révéler pesant. Sans compter qu'on ne sait jamais sur quoi on peut tomber : révéler des secrets de famille de gens que l'on connaît est toujours délicat...

Enfin, l'héritage peut-il être immatériel ? Est-on l’héritier de tous ceux qui nous ont précédés ? Est-ce que les actes ou traits de caractères de nos ancêtres ont une influence sur nous aujourd’hui ? C’est ce que suggère la psychogénéalogie (bien que cette thèse ne soit pas admise par tous) : par exemple, une génération ayant souffert de difficulté financière va enseigner la « rigueur budgétaire » à ses enfants, qui vont l’inculquer à leur tour aux leurs. Et c’est ainsi que la transmission se fait de génération en génération.

Dans quelle mesure nous influencent-ils véritablement (s’ils le font) ? Au-delà de la deuxième génération (celle des grands-parents) peut-il y avoir transmission, alors même qu’on n’a pas, ou peu, connu les personnes ? Les souvenirs se perdent si vite : on en fait chacun l'expérience très souvent.

En dehors d’une pensée émue quand j’entends un patronyme qui fait partie de mon arbre, des lieux où mes ancêtres ont vécu, suis-je influencée par tous ceux dont j’ai connaissance aujourd’hui (et ceux que je n’ai pas encore découvert) ?

2 commentaires:

  1. Merci pour cet article est très intéressant !
    Je me suis un peu intéressée à la psychogénéalogie (par curiosité), et il est vrai que la limite entre ce qui peut être transmis ou non d'une génération à l'autre est difficile à cerner, et c'est parfois discutable.
    Toutefois, je pense qu'il est indéniable qu'une partie de l'éducation que nous donnent nos parents vient de ce qu'ils ont reçu de leurs propres parents, d'où une transmission à travers les générations.
    Encore merci pour cet article qui soulève de nombreuses questions très intéressantes.
    Elise

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  2. J'éprouve la même retenue face aux lettres que ma grand-mère écrivait à mon père ou à celles qu'ont échangé mes parents. Comme un sentiment que "cela ne me regarde pas"...

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