« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 8 mars 2016

#Généathème : le mois de la femme

Elle portait toujours la coiffe vendéenne, qu'elle amidonnait avec soin.

Marie Henriette Benetreau, épouse Gabard, années 1920 © coll. personnelle

Née Marie Henriette Benetreau le 10 juin 1871 à Saint Aubin de Baubigné (79), elle était mon aïeule à la cinquième génération. Ses parents étaient cultivateurs (ou bordiers ou métayers selon les années et les actes). Petite dernière, elle a grandi à la ferme avec ses parents, ses sœurs et son frère et bien sûr le domestique et la servante - personnels toujours présents dans les fermes de l'époque et de la région.

Plus tard la famille déménage un peu plus loin à Saint Amand sur Sèvre, au hameau de La Gidalière. C'est là que se trouve la ferme transmise de génération en génération dans la famille de ma grand-mère maternelle, depuis la Révolution et peut-être même avant...

Extrait carte environs de Saint-Amand-sur-Sèvre © Geoportail

Elle y rencontre Célestin Félix Gabard (c'est à sa famille qu'appartient ladite ferme) et l'épouse en 1892. La vie s'organise, avec plusieurs générations sous le même toit : les parents, les époux, son beau-frère et sa famille, ses enfants, les domestiques; entre 10 et 15 personnes selon les années. Les grossesses se succèdent (il y en aura neuf). Les enfants sont envoyés à l'école, au moins "la petite école" pour apprendre à lire et écrire. Ensuite, les enfants reviennent sans doute à la ferme pour aider aux travaux.

Plus tard quand la Grande Guerre éclate, elle connaîtra le destin difficile d'une mère s'inquiétant pour ses fils au front :
- Son fils aîné, Célestin Aubin, âgé de 21 ans est y envoyé dès le début de la guerre. Il est cité comme soldat "calme et courageux", mais sera évacué à cause des gaz qu'il reçoit à la toute fin de la guerre, en septembre 1918.
- Le second François Joseph est d'abord ajourné pour faiblesse, puis finalement incorporé en 1917. Il sera blessé, lui, en octobre 1918; blessure invalidante qui lui vaudra pension.
- Joseph Élie (mon arrière-grand-père) est trop jeune pour avoir participé à la Première Guerre Mondiale. De toute façon, quand viendra son tour, les autorités militaires l'ajourneront pour faiblesse de cœur.
- Les deux derniers fils, né en 1903 et 1912 ont aussi échappé à ce conflit, bien sûr, vu leur âge.

La paix revient mais n'empêche pas les drames : Marie perd son époux en 1924. Il décède "en son domicile", à la ferme, comme c'était l'usage autrefois : on y naissait, on s'y mariait, on y vivait, on y mourrait.
Mais la vie doit continuer. Marie n'a que 53 ans. Elle survivra à son époux et restera veuve pendant presque 30 ans encore.

Pendant la guerre, c'est Joseph, le malade du cœur, qui a aidé sa mère à tenir la ferme. Mais quand ses frères sont revenus le père lui a dit que, malgré la tâche (bien) accomplie, c'était à l'aîné de reprendre la ferme. Lui n'avait qu'à se trouver une situation ailleurs... Marie voir alors partir son fils à Angers où il va s'installer comme boucher. C'est le premier Gabard à quitter la ferme de la Gidalière.

Le vendredi Marie allait jusqu'à Châtillon (aujourd'hui Mauléon) pour y vendre au marché son beurre, ses lapins, poules et œufs. Le midi elle s'arrêtait chez Clémentine Bregeon (épouse Roy, la mère de sa bru) pour y déjeuner. Celle-ci tenait une mercerie : les murs étaient couverts de boîtes de boutons, de cotons à broder ou repriser, de laine à tricoter. Marie profitait de cette sortie "à la ville" pour faire ses achats à l’épicerie car elle trouvait que les épiciers ambulants passant à La Gidalière étaient trop chers.

A l'automne de sa vie, Marie va finalement s'installer chez l'une de ses filles qui habite à Treize-Vents (85). C'est là qu'elle décèdera en décembre 1951, à l'âge de 80 ans.



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