« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 19 septembre 2016

L'escargot est très très lent

Mais ne dit-on pas "rien ne sert de courir..."
Au début il y a Marguerite Valette. Je la connais depuis longtemps (sa fiche a été créée quand j’ai acheté la première version de mon logiciel de généalogie en 2009 ; ce qui signifie que je l’avais identifiée avant cette date, sûrement en remontant mon arbre, grâce à ses enfants). Et je peux dire que je la connais assez bien puisque j’ai trouvé son acte de naissance en 1698 à Conques (Aveyron), son mariage en 1716 et son décès en 1721 – sans doute décédée de suites de couches (un fils né 4 jours plus tôt) ; actes trouvés au fil du temps et des recherches. J’ai ainsi su qu’elle était la fille de Jean Valette (ou Vallette), qualifié tantôt de menuisier et tantôt de maître menuisier, et de Marie Burguiere, mariés en 1696 à Conques (identifiés en 2010).
Et pendant longtemps ça s’est arrêté là. Impossible de remonter plus haut.

  • Première étape :
Feuilleter les registres BMS à la recherche de la génération supérieure. Rien, absolument rien concernant la mère.
Mais une énigme concernant le père : je vois bien apparaître régulièrement un Jean Valette, menuisier qui plus est, mais marié à une certaine Paule Raouls (par ailleurs fille d’un autre couple de mes ancêtres). Ensemble ils ont quatre enfants. D’accord, c’était avant le mariage d’avec Marie Burguière, Paule étant décédée deux ans avant la seconde ( ?) union, mais le coup de l’homonyme parfait, on me l’a déjà fait (voir l'article Exploit ou fantôme ? – ça doit être le fait de mettre en enfant au monde alors qu’on est déjà morte qui m’avait mis la puce à l’oreille… !). De plus, dans l’acte de mariage Valette/Burguière, Jean n’est pas dit veuf, alors… Alors j’avais juste mis une note dans la fiche de « mon » Jean signalant cet « autre Jean ».
Après une rapide recherche,  je ne trouvais de famille pour aucun des deux Jean à Conques. J’ai donc commencé à faire « l’escargot » : compulser les registres des paroisses alentours pour voir si ce n’était pas un voisin plutôt qu’un paroissien de Conques. Chronophage (et un peu décourageante car vaine), cette démarche n’a rien donné non plus. Au bout d’un moment j’ai arrêté de tourner.

  • Deuxième étape :
Les archives départementales de l’Aveyron ont mis en ligne les registres notariaux pour Conques (entre autres) : très complets, ils s’étendent de 1179 (!) à 1770, hormis quelques failles spatio-temporelles (ils manquent en 1642/1688 et 1747/1755 par exemple). Du coup, pendant longtemps, je n’y étais plus pour personne, feuilletant les registres (virtuellement) page après page. C’est d’ailleurs quand il n’y a pas de répertoire, ni même d’en-tête à l’acte que tu te rends compte de leur importance. Manque de chance, le Jean Valette qui épouse Paule Raouls le fait en 1680, en plein dans une des lacunes des archives notariales ; dommage, un contrat de mariage m’aurait - peut-être - bien arrangé. Je ne trouve pas non plus de contrat de mariage pour les Valette/Burguière à Conques.

Accessoirement, si l’on peut dire, je compulse tous les registres notariaux de la paroisse, car après tout j’y ai aussi beaucoup d’autres ancêtres. Oui, oui, tous les registres mis en ligne, du moins à partir du moment où j'y ai identifié des ancêtres, fin XVIIème siècle.

Et là je tombe sur une autre énigme : de nombreux actes notariés de Me Flaugergues, notaire à Conques, sont signés par un Jean Valette, menuisier, apparaissant en tant que témoin ou protagoniste des actes.

Signature Jean Valette, acte notarié Conques, 1689 © AD12
Signature Jean Valette, acte notarié Conques, 1699 © AD12

Or « mon » Jean ne signe pas son acte de mariage avec Marie Burguière, pas plus que l’acte de naissance de sa fille l’année suivante. Ni le mariage d’avec Paule Raouls.

J’ai continué néanmoins à compulser les archives notariales, pour voir si 1 + 1 = 1 (vous me suivez ?)*. Bref, ça m’a pris un moment mais à force de persévérance j’ai trouvé… le testament de la mère, Marie Burguière. Et dans ce testament une mention : celle de sa propre mère demeurant à Villecomtal (à près de 30 km de Conques). Je ne risquais pas de trouver sa famille à Conques, puisqu’elle n’y était pas originaire ! Grâce au legs de trente sols que Marie faisait à sa mère, j’ai pu retrouver rapidement toute sa famille à Villecomtal : père, mère, frères, sœurs, oncles, tantes et grands-parents (13 personnes en une journée). Franchement, pour 30 sols ça valait le coup !

Tweet du 09/09/2016 © M.Astié

Autre trésor dans ce testament : la mention d’une somme due dans la dot de Marie. S’il y a eu dot, il y a sans doute eu contrat de mariage. Ni une ni deux, j’ai cherché ledit contrat, mais cette fois à Villecomtal, où il attendait sagement que je le déniche depuis 320 ans… Je n’étais pas prête de le trouver à Conques, soit dit en passant. Sans plus attendre, je me suis attelée à sa transcription, un peu fébrile car espérant toujours résoudre le mystère de(s) Jean Valette. Le futur marié est bien dit menuisier de la ville de Conques… mais c’est tout !!! Ses parents ne sont pas cités. Les témoins ne font pas partie de son entourage proche. Il n’apporte rien dans la corbeille du mariage (ce que je n’ai, je crois, jamais rencontré encore), si ce n’est en fin d’acte un droit d’augment (ou gain de survie) à sa future épouse, comme c’est la coutume du pays. Quelle déception !
Mais en bas, tout en bas, qu’est-ce que j’aperçois ? La signature du futur époux : Jean Valette (qui signe Vallette). Et là pas de doute : c’est la même que celle qui apparaît au bas des actes de Me Flauguergues cités plus haut.

Signature Jean Valette, CM 1696 Villecomtal © AD12

  • Troisième étape : 
Je retourne examiner les actes Valette/Raouls sur la période où ils ont été mariés. Je m’aperçois que les parents dudit Jean sont cités dans l’acte de mariage avec Paule ! Ils sont dits de Rieutort : je ne risquais pas de les trouver à Conques non plus. Rieutort, Rieutort… c’est bien beau ça, mais c’est où Rieutort ? En continuant je trouve rapidement le mariage d’Étienne Valette, aussi menuisier, frère de Jean (les parents cités sont identiques). Tiens ? Ne serait-ce pas le parrain de Marguerite Valette, la fille de Jean, dont les liens de parenté ne sont pas précisés ? Mais dans l’acte de mariage d’Etienne, le curé est un peu plus bavard et précise que Rieutort est dans le diocèse de Mende ! En Lozère (actuelle) ! A 150 km de Conques ! Et bien je n’aurai pas assez de toute une vie à faire l’escargot pour arriver jusque là-bas !
A Rieurtort-de-Randon (nom actuel), il n’y a pas de registre en ligne antérieur à 1727 et pas (encore) d’acte notarié en ligne pour la période qui m’intéresse. Les recherches sur les ascendants de Jean (et d’Étienne) s’arrêtent là… pour le moment.

  • Conclusion :
Je pense aujourd’hui que les deux Jean Valette sont une seule et même personne. Le faisceau d’indices qui me fait penser cela est principalement influencé par les signatures de Jean, des dates concordantes et la présence d’Étienne. Donc, sauf mention précise qui viendrait me prouver le contraire, je viens d’adopter officiellement Jean Valette comme unique ancêtre. La recherche a été longue (plus de 7 ans), et encore : j’ai arrêté de faire l’escargot au bout d’un moment ; mais a, sans doute, trouvé une conclusion heureuse.



* J’ai concentré mes recherches dans la même paroisse : quand on reste sur place, ce n’est plus « l’escargot », alors c’est quoi ? La limace ? Faut dire que ça m’a pris du temps…


6 commentaires:

  1. J'aime beaucoup cet article et admire votre patience pour enfin retrouver votre ancêtre. Je pense avoir aussi résolu une énigme en comparant des signatures, mais pas celles de mon ancêtre directe, mais celles de son frère. A cette date c'est mon écrit le plus long pour essayer de justifier mes conclusions! Annick H.

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  2. Belle persévérance !
    Patience et longueur de temps...

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  3. C'est un plaisir de lire tes articles. Je reconnais la méthode de l'escargot pour la pratiquer, La métaphore me plait, je m'en souviendrais. Mais surtout, comme tu racontes bien ces recherches : avec humour et sérieux !

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  4. Bravo Mélanie ! Bravo pour la patience dans ces recherches et aussi pour l'article qui en rend compte. C'est un régal à lire !

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  5. Moi je pencherais pour un mollusque plutôt, une patelle, une anémone de mer : ancrée fermement sur son rocher et qui ne lâche pas le morceau !

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    1. Merci ! C'est un peu plus sympa qu'une limace (pas très sexy !)... ;-)

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