« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 6 août 2017

Pris sous la poussière

J'ai pris de mauvaises habitudes : à force de dépouiller des sources diverses (fiches militaires, recensement, actes notariaux...), j'ai donné corps à mes ancêtres. Une poêle à frire un peu "uzée", un habit de noce neuf, des terres à labourer... Ces mentions donnent chaire au squelette d'un arbre qui, autrefois (quand j'ai commencé ma généalogie), ne comportait que - au mieux - les trois actes qui rythment la vie : baptême, mariage, sépulture. Depuis, il faut bien l'avouer, je ne peux difficilement m'en passer.

L'autre jour, je "feuilletais" mon arbre à la recherche d'une mention insolite, d'un événement qui pourrait donner matière à un article.
Et plus je furetais de branche en branche, plus les informations recueillies se raréfiaient : plus d'acte notarié d'abord, mais aussi des fiches de plus en plus courtes. Ce sont souvent les métiers qui disparaissent en premier : j'ignore alors si mes ancêtres sont de simples laboureurs ou de riches notaires. Et puis la paroisse d'origine qui reste obscure. Et enfin le nom qui m'échappe.

Le curé est moins bavard, les registres ont disparus : les raisons sont multiples à cette désertification progressive. Mais force est de constater que mon arbre se couvre de poussière. La poussière du temps. La poussière de l'oubli.

Arbre qui disparaît via sergeychubarov.ru

Combien sont-ils concernés ? Des centaines, des milliers peut-être...
Ils me font penser à ces corps momifiés par les cendres à Pompéi : on distingue leur silhouette, leur position, mais la poussière s'est déposée sur ces ancêtres, créant à la fois une gaine protectrice les fixant pour l'éternité mais brouillant leur image.

Les ai-je perdu à jamais ou parviendrai-je à les sortir de l'ombre un jour ? L'avenir le dira...


2 commentaires:

  1. Plein de poésie, il est beau ce texte.
    Est-ce que je peux tenter de dire que la poussière est une manière de préserver leurs vies et leurs secrets de la lumière éblouissante de notre temps. Ainsi nos rêves peuvent essayer d'imaginer leurs histoires.

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    1. Ah! L'imagination c'est sympa... mais savoir c'est bien aussi, non ? Je sais je veux tout !!! ;-)

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