« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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vendredi 25 novembre 2022

#52Ancestors - 47 - Garin François Vulliez

  - Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 47 : Vos ancêtres et la justice

 

Malgré toute la rigueur que l’on peut avoir, des fois, on se fait des films ! Ainsi, moi, avec Garin François VULLIEZ – ou devrais-je dire Maître Garin François VULLIEZ   je m’étais imaginé un certain nombre de choses.

Il est mon sosa 1612, XIème génération. Il a vécu au Biot (Haute-Savoie) entre 1657 et 1728. Je trouvais son nom suffisamment original (Garin…) mais pas ridicule (bonjour le cousin Ildefonce !). Élégant, quoi. Il était notaire, fils de notaire, père de notaire. Il exerça aussi la charge de procureur d'office c'est-à-dire que c’était un officier nommé par le seigneur, chargé de poursuivre un justiciable devant la cour de justice seigneuriale (l’équivalent du ministère public). Il faisait immanquablement partie des notables de la paroisse. D’ailleurs il était dit « égrège », titre savoyard signifiant « homme d'un grand savoir et d'une grande probité », donné aux notables ruraux ou aux personnes exerçant des professions du droit telles que les notaires; plus ou moins synonymes de sieur ou honorable. Il avait une belle signature. Je m’imaginais, pour aller avec tout ça, un beau costume, de belles manières, une belle prestance. Bref, c’était la classe !

Or, la réalité paraît plus nuancée… Cet article fait suite à celui de la semaine 32. Alex et Sasha ont accepté d’aller aux archives pour moi (je les remercie, d’autant plus que consulter des documents aux archives de Savoie semble bien compliqué…).


En ce mois de mai 1682, Garin François VULLIEZ (prénommé ici seulement Garin pour des questions de commodité) a 25 ans. Il n’est pas encore marié. Mais il occupe déjà la charge de notaire ducal. Il demeure au Biot.

 

Le Biot est une paroisse qui fait la liaison entre la vallée d'Aulps et la vallée d'Abondance, à 800 m d’altitude (1 870 mètres au plus haut), proche du Valais Suisse, à une vingtaine de kilomètres au Sud de Thonon (aujourd’hui Thonon les Bains). Pays rural, d’alpage, d’économie agropastorale, les habitants vivaient de l’élevage, de l’exploitation des forêts, du tannage du cuir. Le Biot organisait foires et marchés qui attiraient la population des deux vallées (la halle est toujours visible aujourd’hui), disposait de ses propres mesures. Il y avait plusieurs notaires (dont mes ancêtres, donc). La paroisse comptait 300 feux en 1605, soit environ 1 500 personnes.
En cette fin de XVIIème, ce territoire appartient au duché de Savoie, dont la capitale est alors à Turin. Il n’est pas encore occupé par la France, comme il le sera entre 1703 et 1713 (ces événements s’inscrivent dans la guerre de succession d’Espagne qui voit ce territoire alternativement indépendant ou sous occupation française).
Le duché de Savoie est émaillé de châtellenies, gérées par des châtelains, aux mains de plusieurs familles nobles de la région et de baillages. Le bailli possède le contrôle direct de la châtellenie où il réside, surveille également les châtelains qui lui sont rattachés. La justice est rendue par un juge, elle a lieu quatre fois par an pour chacune des châtellenies.

 

Hormis les courtes biographies, les événements relatés sont tirés en intégralité de la pièce BO4541 (conservée aux archives départementales de Savoie), procédure d’appel de l’affaire criminelle présentée au Sénat de Savoie [= cour de justice du duché de Savoie] ; ce qui explique le vocabulaire et les tournures de phrases parfois un peu curieuses. En cas de nécessité j’ajouterai une parenthèse en italique pour expliquer un mot ou apporter une précision.

 

A 2 km au Nord du bourg du Biot se situe le hameau de Gys (se prononce « ji »), où se trouve une hostellerie. Celle-ci appartient à Jean Vulliez Cadet. Malgré un patronyme proche, je n’ai pas trouvé de lien entre « mes » Vulliez et les Vulliez Cadet.
Le 24 mai Garin y goûtait avec des proches [dîner précoce ? Il y a du vin à table]. A partir de là, les versions diverges. Les témoins, comme Blaise Plumex (un habitant de Gys d’une quarantaine d’années) ou Jean Gindre (maréchal de Gys âgé d’une trentaine d’années) se sont parfois rétractés, ou des variations de témoignages sont apparues au fil des interrogatoires.
Une altercation a opposé Garin et un personnage nommé Claude Cochenet. Dans les documents en ma possession ce dernier est dit paysan. Selon les généalogies sur internet il serait marchand, mais les lacunes nombreuses de l’état civil du Biot ne me permettent pas de le confirmer, et qualifié d’honorable [= titre que l'on donne à ceux qui n'en ont point d'autres, et qui n'ont ni charge ni seigneurie qui leur donne une distinction particulière, mais qui bénéficient d'une certaine aisance, par exemple les bourgeois, les marchands et les artisans.]. Néanmoins son identité ne fait pas de doute : son père, ses enfants et son domicile y sont attestés. Claude a environ 53 ans. Il a une dizaine d’enfants (dont Claude, Claude François – 22 ans – et Noël que nous reverrons ensuite). Les deux familles se connaissent et entretiennent des liens amicaux : le parrain de Claude François Cochenet est Claude Vulliez, le père de Garin, par exemple.

 

Cinq jours plus tard, le 29 mai, Claude Cochenet porta plainte auprès du greffe du Biot, représenté par André Merlin. Probablement âgé d’une quarantaine d’année, ce greffier est issu d’une famille de notables originaire d’Evian, où il réside.
C’est Me Noel Rolaz, procureur d'office, qui a été chargé des poursuites contre Garin. Il a une quarantaine d’années. Il est aussi notaire.
Garin fit, très rapidement (dès le 3 juin), une tentative de récusation du procureur d'office, Me Noel Rolaz (s’excusant au passage de douter de son intégrité !) ; sans succès. L’un des arguments était que le procureur d'office pouvait être partial à cause des « divers procès avec honorable Claude Vulliez son père ».

[Gloups ! Quoi ? En plus Garin est en (multiple) procès contre son père ! Aïe, aïe, aïe ! L’image idéale se corne encore un peu plus.]

Bon, la récusation n’aboutira pas : Garin est débouté le 6 juin. L’intégrité notoire du procureur ne faisant aucun doute, nul ne pouvait l’accuser d’aucune malversation dans la fonction de sa charge de procureur d’office ni autrement. De plus les procès qu’il a contre son père étant purement civils, ils ne regardaient aucunement les intérêts dudit Garin en sa cause criminelle.
L’affaire est traitée en première instance au banc du droit de la cour de châtellenie du Biot par devant
Guillaume Mudry, le châtelain d’Aux [ancienne forme de (Saint Jean) d’Aulps]. Celui-ci est aussi notaire ducal. Il a une quarantaine d’années. Son père était également le (précédent) châtelain d’Aulps.

 

Pour certains, c’est mon ancêtre qui a exercé une tyrannie sur Claude, tandis que celui-ci aurait fait preuve d’une grande modération.

Mais que s’est-il passé ? La scène se passe donc dans l’hostellerie de Gys, le 24 mai 1682. Il est seize heures environ. Garin mange avec des amis : Jacques Muffat [non identifié], son beau frère nommé… Jean Jacques Cochenet [j’ignore néanmoins quels liens unissent Claude et Jean Jacques Cochenet] et Jean Gindre qui payait du vin pour eux. Claude Cochenet, le plaignant, les avait rejoints à la même table.

 

Comme il fut levé pour se retirer, Garin demanda à voir Claude dans une chambre particulière dudit logis où il n’y avait personne. Après trois demandes successives, croyant que Garin avait quelques affaires à lui proposer, il le suivit. Garin lui demanda s’il ne voulait pas l’accompagner dans l’exaction des censes [= perception des impôts] pour Monseigneur Dom Anthoine de Savoie abbé d’Aux.
Celui-ci était l’un des fils naturel du duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie, né vers 1626. Abbé de Saint-Michel-de-la-Cluse, puis de Saint Jean d'Aulps, et enfin d'Hautecombe où il est enterré. Dès ses seize ans, et par faveur spéciale due probablement à son origine nobiliaire, il fut nommé abbé commendataire [abbé qui a le titre – et perçoit les revenus – mais n’est pas forcément religieux et n’est pas tenu de demeurer sur place]. Il est nommé à Aulps en 1646. Il fut un des rares abbés comandataires à s’intéresser réellement à l’abbaye : il commença notamment les travaux de la construction de la première aile d'un nouveau cloître afin de recloîtrer les religieux qui vivaient dans des maisons individuelles disséminées sur le domaine et travailla à un retour à une réelle observation de la Règle qui avait tendance à se relâcher.

 

Mais revenons à notre histoire. Claude refusa de traiter l’affaire avec Garin, alors que selon celui-ci c’était une promesse que Claude lui avait faite les jours précédents.
Selon Claude, Garin, à cet instant, lui aurait sauté dessus le tenant d’une main par les cheveux et de l’autre lui mettant la paume au col à dessein de l’étrangler. Il l’aurait renversé contre une table puis fait tomber à terre en le maltraitant à coups de pied et le traitant de fripon et pendard. Claude cria miséricorde. A sa voix Jacques Muffat, Jean Vulliez, Claude et Claude François Cochenet (les fils de Claude) accoururent et les séparèrent.
Selon Garin au contraire c’est ledit Claude, voyant qu’il se retirait avec Jean Gindre, qui lui sauta à grands coups dessus et s’attacha avec violence à ses cheveux alors qu’il ne lui avait fait aucune offense. Et c’est encore Claude qui, avec Claude et Claude François Cochenet ses enfants, maltraitèrent beaucoup le notaire, le trainant par les cheveux dans la chambre en l’appelant bougre. S’il n’avait été enlevé de leurs mains par les assistants ils l’auraient beaucoup maltraité davantage. Non content de cela, comme Garin rentrait quelques temps plus tard dans la maison de son père à la Moille, il fut attendu sur le chemin au lieu de Richebourg devant la maison desdits Cochenet (qui est joignante au grand chemin) par les trois hommes.
Lesquels sans mot dire, lui sautèrent dessus à grands coups de pied et de bâton, s’attachant à ses cheveux en sorte qu’ils le jetèrent par terre où ils le trainèrent longtemps dans un bourbier avec grande effusion de sang tant par la bouche que sur les mains où ils lui firent beaucoup de plaies. Sans l’assistance de Jean Gindre et d’autres qui y accoururent lesdits Cochenet auraient peut-être laissé Garin [mort] sur place, le père sollicitant toujours de plus en plus fort sesdits enfants de le maltraiter en l’appelant bougre, larron, fils de larron et beaucoup d’autres injures, comme ils avaient déjà fait auparavant à l’auberge ; lui ayant même fait perdre son chapeau [ !]. La préméditation est soutenue par Garin qui souligne que Claude et ses fils, ayant bu dans une chambre proche de celle où était le notaire, et après avoir fait leurs comptes, ils sortirent de ladite chambre et vinrent se mettre à la table Garin. Le père lui aurait beaucoup cherché querelles et lui fit quantité d’injures. Il l’avait même voulu faire boire malgré lui, par force.

 

Dans la version de Claude, lui et ses fils s’en revinrent chez eux à Richebourg à une vingtaine de minutes de l’auberge. Garin, ne s’étant pas contenté de sa première saillie, et n’ayant pu alors exécuter son mauvais dessein, serait revenu à la charge : il serait allé chercher, avec ledit Gindre, chacun un gros bâton et seraient revenus à l’hostellerie. L’hôtelier, croyant que Claude Cochenet s’y trouvait encore, ils le cherchèrent dans toutes les chambres. Voyant qu’il n’y avait plus personne, ils rentrèrent chez eux. Mais sur le chemin ils passèrent à Richebourg où ils aperçurent Claude Cochenet, endormi sur les degrés [= marches] de sa maison.  Ils l’assaillir alors : Garin le frappa à la tête du gros bâton qu’il portait. Il voulait redoubler encore un coup mais il en fut empêché par un des fils de Claude, lequel voyant le mauvais dessein du notaire, lui sauta dessus et lui enleva son bâton, à Garin et audit Gindre, après beaucoup de résistance. Claude fut délaissé tout étourdi du premier coup qu’on lui bailla à la tête, ne sachant plus ce qu’il avait subi.
A raison de quoi Claude aurait été contraint d’en porter plainte à la justice du seigneur abbé d’Aux contre ledit Me Vulliez lequel (sans prétendre de la qualité de notaire) est coutumier de commettre divers mauvaises actions et dont il aurait été ci devant fait prisonnier par autorité du Sénat.

 

Témoignent pour Garin : Jean Gindre, son beau frère et son frère (prénommé Garin).
Le premier juge est Me François DUFRESNE docteur es droit, avocat au sénat de Savoie, en cette partie député en l’absence du sieur juge d’Aux. Il s’est exprès transporté, sur la demande de Garin, depuis la ville de Thonon (lieu de son domicile) jusqu’audit lieu du Biot, le 2 juin, accompagné de M. André Merlin greffier d’Evian. Neufs jours sont nécessaires pour auditionner les témoins, entendre la requête de récusation de Me Rolaz, finalement non aboutie. Neufs jours pendant lesquels Me Dufresne et Merlin font les allers-retours à cheval ; parfois pour rien, Garin ayant, par exemple, le 2 juin prétendu présenter des témoins qu’il n’a jamais produits ou le 9 juin où il ne s’est carrément pas présenté.
Le 12 juin une nouvelle requête est déposée au Sénat par Garin pour dessaisir le juge, croyant par ce moyen que l’affaire demeurerait au croc et que le crime dont il est accusé resterait temporisé [= retardé].
Pourtant Garin est condamné une première fois.

 

Il fait appel. C’est alors le Président au Sénat de Savoie*, noble et spectable [= titre donné notamment aux docteurs en droit] Philippe Bally, qui juge une nouvelle fois l’affaire. Il considéra (encore) que Garin n’avait exposé la vérité du fait et fut convaincu d’avoir porté les insultes et, dans le logis de Jean Vulliez hôte [= hôtelier], saisi ledit Cochenet par les cheveux ; et quelques temps après l’avoir battu de divers coups de bâton pendant que ledit Cochenet dormait sur les degrés. Pour réparation de quoi il fut condamné à une amende de cent livres de dommages et intérêts pour Claude, cinquante livres envers le seigneur abbé d’Aux et mille livres de frais de justice pour avoir commis semblable excès.

 

___

 

Malgré ces activités judiciaires quelques peu houleuses, la bonne entente entre les deux familles ne sera pas rompue : Claude Cochenet passera par Garin pour rédiger le contrat de mariage de sa fille Charlotte en 1691 et, de son côté, Garin accepta de donner son fils Pierre François en mariage à Françoise Cochenet, fille de Noël et petite-fille de Claude…

 

Quant à moi, suis-je déçue par mon ancêtre ? Je crois que non. La belle image que je m’étais construite autour de lui a, semble-t-il, résisté à ses malversations. De toute façon, il ne m’appartient pas de juger des faits et des personnes qui ont vécu 300 ans avant moi. J’ai encore un autre procès à transcrire, cette fois par les syndics et communiers (= habitants) du Biot contre Garin. Et il faut que cherche les procédures civiles qui l’opposent à son père. Et que je transcrive la procédure qui oppose son fils aux sieurs Vignet. Et il existe aussi une procédure contre Françoise, l’épouse de Garin, pour voie de faits dans l’église ! Ma parole c’étaient tous les voyous ces beaux notaires du Biot !

 

* Je ne suis pas sûre du rôle exact qu'ont joué tous ces avocats, procureurs et juges (les documents étant un peu flous en la matière), mais cela ne change rien à l'histoire...



vendredi 2 septembre 2022

#52Ancestors - 35 - Jean Baptiste Marin

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 35 : Libre expression

 

Je râle beaucoup contre les généalogistes qui mettent leurs arbres en ligne sans indiquer la moindre source. Mais quand les sources sont citées, quel plaisir de savoir où chercher ses ancêtres !

J’utilise beaucoup Geneanet où j’ai de nombreux (et souvent très lointains) cousins. Je compare mon travail et le leur. Et lorsqu’une nouvelle branche apparaît je vais vérifier les informations données pour, éventuellement, les adopter. Bien sûr, en retour, je dépose moi aussi mon arbre, afin qu’il serve à d’autres.

C’est, je trouve, une forme d’entraide fort appréciable.

 

Ainsi, alors que j’étais bloquée sur l’ascendance de Jean Baptiste Marin, mon ancêtre à la XIIème génération (sosa n°3288), originaire de Thonon les Bains (74). Plusieurs arbres indiquaient la parenté de ce procureur fiscal du Chablais, mais sans source : je m’étais donc gardée de les suivre. Lorsqu’enfin j’ai su où chercher j’ai pu, à mon tour, compléter cette branche de mon arbre.

 

En effet, c’est dans l’Armorial et nobiliaire de l'ancien duché de Savoie d’Amédée de Foras que l’on peut trouver ces informations. Les tomes I à III sont numérisés et accessibles en ligne sur Gallica.

La généalogie des Marin s’y trouve car la famille a été anoblie : Claude et Pierre Marin, originaires de Bonneville, reçoivent des patentes de noblesse le 7 octobre 1598. Le nouveau blason de la famille est d’azur au chevron d’argent accompagné de trois cannes de mer (ou des joncs marins, les experts se contredisent) de sinople, deux en chef et une en pointe.

Blason Marin, Armorial de Foras © Gallica

La famille s’est divisée en deux branches : celle de Claude (mes ancêtres directs) s’est transportée à Thonon. Elle s’est éteinte au milieu du XVIIIème, faute de fils. La seconde branche, celle de Pierre, s’est établie à Pers-Jussy et s’est éteinte vers 1680.

 

Je suis sûre qu’il s’agit bien de cette famille (et non d’homonymes), car Foras désigne mon ancêtre Jean Baptiste « neveu à la mode de Bretagne de Saint François de Sales ». En effet, Jean Baptiste a épousé Marie Marthe de Sales, fille de Gaspard (lui-même cousin germain de Saint François : voir ici la "rencontre" que nous avons partagée lors du #RDVAncestral de 2017).

 

A partir de là, j’ai pu dérouler sa fratrie : 3 sœurs et 3 frères. L’un d’eux (Claude) fut nommé lieutenant du juge maje de Chablais, par patentes du 16 septembre 1629. Le juge-mage, parfois écrit juge-maje (du latin judex major = grand juge) est une ancienne fonction juridique variant selon les lieux et les époques. Depuis l`Antiquité romaine le judex major était le premier juge d’un tribunal. Dans le cadre de l'administration du comté, puis le duché de Savoie, les princes de Savoie ont mis en place, à partir du XIIIème siècle, des baillis ainsi que des juges de bailliage, dits juges-mages. À partir de 1260 dans le bailliage de Savoie, puis plus tard dans les territoires contrôlés. Ils remplacent peu à peu les châtelains dans certaines prérogatives dans le cadre judiciaire, ils deviennent de fait les exécuteurs des jugements rendus. Avec la mise en place des Statuts de Savoie (1430), le juge-mage devient judex ordinarius. Il doit être présent dans chaque centre des provinces du duché de Savoie. Cette magistrature disparaît lors de l'Annexion du duché de Savoie à la France en 1860.

Un autre frère (Jean François) fut religieux de Contamine. Il s’agit sans doute du prieuré Notre-Dame (aujourd’hui à Contamine-sur-Arve), ancien prieuré bénédictin, occupé en 1083 par des moines de l'ordre de Cluny. La question de la suppression du prieuré se pose dès l'année 1618, puis en 1621. L'intervention de François de Sales aurait permis, le 7 octobre 1625, au prieuré d'être relevé par les Barnabites, ordre de clercs réguliers fondé en 1530 dans le but de prêcher, d'instruire la jeunesse et d'établir des missions.

 

Le père de Jean Baptiste, prénommé Claude, était lui aussi procureur fiscal du Chablais (nommé par lettre patente du 9 février 1594). Le procureur fiscal est l'officier d'un seigneur, haut justicier chargé de l'intérêt public et de celui du seigneur Il est chargé d'exercer le ministère public auprès du tribunal seigneurial. Il veille aux droits du seigneur et aux objets d'intérêt commun. C'est ce Claude Marin qui est souvent nommé dans les vies de Saint François, dont il était l'ami.

C’est le père de Claude, aussi prénommé Claude, qui est anobli. Il est mon ancêtre à la XIVème génération.

Aymon, son père, est la dernière génération ajoutée. Selon Foras il a épousé Charlotte de Rochette. Il détaille aussi cette famille… mais dans le tome V. Las, n’ayant pu consulter ce tome, j’ai arrêté ici cette branche. Bien sûr, si une âme généreuse veut photographier pour moi l’article de Rochette (situé à partir de la page 203 d’après ce que j’en sais), je serai ravie…


Bref, trois générations supplémentaires, une quinzaine de personnes et de nouvelles pistes de recherches : vive le partage en généalogie !



 

vendredi 12 août 2022

#52Ancestors - 32 - François Jay

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 32 : Besoin d’aide aux archives ?

 

Comme je vous l’ai expliqué la semaine dernière, le mois d’août est le mois de l’entraide dans le défi #52Ancestors. Aujourd’hui j’ai besoin d’aide aux archives de Savoie et Haute-Savoie.

En effet, lors du #ChallengeAZ 2019, je découvrais le Sénat de Savoie grâce au blog La piste de mes ayeuls. Sur le site du département de la Savoie, se trouvent des inventaires regroupant des centaines de fiches énumérant les affaires criminelles de la Savoie… Mais de la Savoie au sens large, c'est-à-dire des deux départements actuels de la Savoie et Haute-Savoie. N’ayant pas d’ancêtres en Savoie (seulement en Haute-Savoie), je n’avais pas eu l’idée, jusqu’alors, d’explorer le site des arches départementales de Savoie.

 

Après cette découverte, je me plongeais donc goulûment dans les fiches d’inventaires des procédures criminelles et civiles (1424/1792 ; Cote : FR.AD073. 2B 10001 à 14000 - 4 000 articles). Et là j’y trouvais les noms de plusieurs de mes ancêtres !

 

Ainsi Garin François Vulliez, notaire ducal et royal, procureur d’office au Biot (74), apparaît lors d’une affaire de coupe de bois (n°B02875) ou de terre (n°B01862). Mais celui que j’imagine digne notable, représentant de l’autorité, se retrouve embarqué dans une affaire de voies de fait (n°B04541) en 1682.

Fiche B04541 © AD73

Et son épouse Françoise Louise Bardy, six ans plus tard, est impliquée elle aussi dans une histoire de voies de fait… dans l’église !

Fiche B02137 © AD73

Comme j’aimerai avoir les détails de ces procédures !

 

Plus croustillant encore, l’affaire concernant François Jay et son épouse Françoise Guilliot (ou Guillot) en 1748. Résumé de l'affaire : Un soldat espagnol est retrouvé mort, son corps lardé de coups de couteau. L'enquête révèle qu'il était amoureux d'une femme mariée de Samoëns. Le soldat menaçant a été tué un soir par le mari, aidé de sa femme. Un chanoine, ami du couple, et leur servante ont aidé les époux à transporter le corps dans les bois. Mais ils n'ont pas pris part à l'assassinat.

Mais c’est Dallas, ma parole !

Affaire criminelle 2B12376 Jay-Guillot 1748 © AD73

 

N’ayant pas pu résister, je me suis rapproché du Fil d’Ariane pour aller chercher le détail de l’affaire pour moi (ne pouvant y aller moi-même : j’habite à 500 km du dépôt d'archives). J’ai d’abord contacté les bénévoles de la Savoie, qui m’ont répondu de faire la demande auprès de leurs homologues de la Haute Savoie. Ce que j’ai fait aussitôt, mais ceux-ci m’ont rétorqué que ces archives n’étaient pas conservées chez eux : « Les documents demandés sont des procédures criminelles et civiles devant l’État de Savoie et se trouvent aux archives départementales de la Savoie » !

 

On tourne en rond. Mais en attendant, je n’ai pas pu avoir accès aux procédures. C’est pour quoi, je sollicite votre aide. Sans doute plutôt en Savoie qu’en Haute-Savoie (après tout l’inventaire se situe chez eux).

 

Chemin pour accéder à la fiche de l’affaire criminelle :

Archives de la Savoie > Les formulaires de recherches en ligne > Plan de classement > Tous les inventaires > Archives anciennes : Moyen Age et Ancien Régime (996-1792) > Voir le plan de classement des archives anciennes > Justice et juridictions avant 1793 > 2B 1-4220 Fonds du Sénat de Savoie > Voir l'inventaire xml (2B) > Inventaire pdf. - IR 220. Inventaire (2006) : Procédures criminelles et civiles du Sénat. 2B 10001-14000 (PDF téléchargeable p265/1262) 

(Désolée de ne pas pouvoir faire plus court !)


Chemin pour accéder aux autres fiches :

Archives de la Savoie > Les formulaires de recherches en ligne > Plan de classement > Tous les inventaires > Archives anciennes : Moyen Age et Ancien Régime (996-1792) > Voir le plan de classement des archives anciennes > Justice et juridictions avant 1793 > 2B 1-4220 Fonds du Sénat de Savoie > B0 1-8171 - Procédures du Sénat de Savoie : procédures recensées dans le fichier établi entre 1920 et 1950, dit fichier "Gabriel Pérouse". (1559-1792) > Voir l'inventaire xml (B0 1-8171)


 

Ou accès directs :

Vulliez Garin François, voies de faits 1682, n°4541, p271/499
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/a5fbfa70abdfc530

Martin contre FL Bardy, voies de fait dans l'église 1688, n°2137, p69/500
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/055d85290bec3dcd 

Vulliez 1740, n°1862, p428/499
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/43dd3079b703cf2d

François Jay de Samoëns 1777, n°2491, p246/500
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/055d85290bec3dcd

Coupe de bois Garin F Vulliez 1698, n°2575, p438/500
https://archives-numeriques.savoie.fr/v2/ark:/77293/055d85290bec3dcd

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 Edit novembre 2022 :
Alex et Sasha ont accepté d'aller aux archives pour moi : voir la première affaire en détails sur le blog #52Ancestors semaine 47

 

 

vendredi 15 juillet 2022

#52Ancestors - 28 - Marie Louise Jay

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 28 : Des personnages hauts en couleur ? Marquants ?


A l'occasion de cette vingt-huitième semaine du challenge #52Ancestors dont le thème est "des personnages marquants de votre généalogie", je ressors le portrait de Marie-Louise Jay, co-fondatrice des grands magasins "La Samaritaine".  

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Marie-Louise Jay se trouve un peu loin dans mon arbre : il faut remonter 12 générations pour nous trouver un ancêtre commun. Cependant elle est bien de la famille de mon arrière-arrière-grand-mère, née Jay. Cette famille est depuis la nuit des temps originaire de Samoëns (Haute-Savoie). Marie-Louise y est née le premier juillet 1838. Son père, Aimé, est maçon (une spécialité locale) et sa mère « campagnarde ». Elle est la huitième de neuf enfants. Comme nombre de Savoyards, elle quitte le domicile familial pour la capitale afin de chercher du travail. Elle est assez jeune, 15 ans semble-t-il, mais elle est accompagnée d'une tante et d'un cousin. Elle est embauchée comme vendeuse à La Nouvelle Héloïse, une boutique de lingerie féminine avant d’intégrer le personnel du Bon Marché. Rapidement elle grimpera les échelons et y deviendra première vendeuse au rayon confection. 

 

Marie-Louise Jay, 1903 © Wikipedia, Siren-Com 

En 1856, elle fait la connaissance d’Ernest Cognacq, un provincial lui aussi (il est originaire de l’Ile de Ré) monté à la capital pour faire fortune. Après avoir exercé divers métiers de vendeur pour un patron ou pour son propre compte, Ernest Cognacq était devenu calicot (un vendeur de nouveautés pour la clientèle féminine) dans une petite boutique sur le pont Neuf appelée « corbeille ». C’est alors qu'il s'entendit avec le propriétaire d'un petit café qu'il fréquentait rue de la Monnaie pour louer, à partir du 21 mars 1870, sa salle annexe peu utilisée et en faire un petit commerce de nouveautés : c’est la naissance de son échoppe « À la Samaritaine ». Le premier avril suivant la boutique s'agrandissait déjà. 

Le nom de la Samaritaine provient de la fontaine qui se trouvait à cet endroit. En effet, sur le Pont Neuf se situait une pompe à eau dont l’existence remontait à Henri IV. Cette pompe était décorée d'une représentation de l’épisode évoquant la rencontre de Jésus et de la Samaritaine au Puits de Jacob. Le tout était surmonté d'une horloge, puis plus tard d'un carillon. Elle a été détruite en 1813. 

Marie-Louise et Ernest se marient, le 18 janvier 1872 à la mairie du Vème arrondissement. Mais Marie-Louise ne se contente pas d’être une bonne épouse et tenir le ménage pendant qu’Ernest fait fructifier les affaires : elle a aussi le titre de directrice et propriétaire du magasin. Tous deux sont dotés de la bosse du commerce, d'un indéniable don d'anticipation et d'un véritable sens de l'entreprise. La petite boutique des débuts se transforme ainsi petit à petit en véritable empire, constitué de plusieurs magasins, répartis en quatre îlots voisins. 

En effet, entre 1852 et 1870, les halles de Paris se sont modernisées avec la construction des dix pavillons de Baltard. Le couple profite de l'achèvement de ces travaux et de l'attractivité de plus en plus évidente du quartier pour agrandir et moderniser leur entreprise. Le premier magasin en 1883, puis le deuxième en 1903 sont aménagés dans un style contemporain, de type Art nouveau. À l’apogée de son rayonnement commercial, la Samaritaine se compose d’un ensemble de quatre magasins-îlots, situés entre le quai du Louvre et la rue de Rivoli. Initiées en 1883, l’installation, la construction et la reconstruction de ces édifices hétérogènes sur les bords de la Seine s’étalent sur une cinquantaine d’années. 

En matière d’architecture le couple Cognacq-Jay se révèle novateur : à partir de 1885 Ernest Cognacq fait appel à l’architecte Frantz Jourdain pour l'aménagement, l'agrandissement et la transformation des nouveaux magasins. Associés avec Marie-Louise, ils conçoivent dans les années 1903-1904, un plan directeur pour encadrer le réaménagement et l’extension des surfaces regroupées, ainsi que la colonisation des îlots voisins. Une architecture de métal et de verre à la mise en œuvre rapide se substitue de proche en proche à la construction traditionnelle. La couverture des cours au moyen de verrières et la propagation des planchers de verre permettent une colonisation des nouvelles parcelles. Le magasin y gagne en volume et en luminosité, phénomène très remarquable jusqu’à la généralisation de l’éclairage électrique. La longévité des planchers de verre jusque dans les années 1980 atteste de l’étonnante performance technique du procédé, assuré par Saint-Gobain. La Samaritaine s’enrichit ensuite de deux grands halls rectangulaires à escalier monumental qui n’ont pas leur égal dans tout Paris. Éclairé d’une immense verrière commune, cet atrium double très dessiné deviendra l’espace intérieur identitaire de l’ensemble des quatre magasins. Les proportions de cette cathédrale du commerce participent de l’exaltation d’une marchandise foisonnante et tentatrice. C’est l’invention d’une mise en scène novatrice, où la clientèle est invitée à parader : désormais on va au grand magasin autant pour voir que pour être vu. 

Plan des 4 magasins © amc-archi.com 

Marie-Louise Jay et Ernest Cognacq font partie de ces grands entrepreneurs commerciaux du XIXème qui révolutionnent le mode de consommation. Comme Marguerite et Antoine Boucicaut qui ont développé « Au Bon marché » (lire ou relire Au bonheur des Dames de Zola qui s’inspire de leur histoire pour s’imprégner de cette véritable révolution commerciale), les Cognacq-Jay comme on les appelle - car ils sont indissociables l’un de l’autre - savent que pour réussir il convient d'innover et d'offrir aux clients une nouvelle conception du commerce. Ils structurent leurs magasins en rayons autonomes, placé sous l'autorité d'un véritable responsable. Ils inaugurent une politique de faibles marges et développent la vente à crédit aux mêmes prix que les achats au comptant - ce qui ne se faisait pas ailleurs. S'inspirant des pratiques commerciales des Boucicaut, ils instaurent des périodes de promotion pour certains produits : deux fois par an, à l'automne et à la fin de l'hiver, ils organisent ainsi une vente d'articles nouveaux. Les prix sont fixes, et clairement affichés : on ne vend plus « à la tête du client ». C’est la révolution dans les rayons ! En revanche, plus question de négocier, de marchander, de discuter des remises : les prix sont les mêmes pour tous. Cependant les clientes pourront essayer les vêtements et, si elles le souhaitent, échanger la marchandise défectueuse. 

Ils développent également la vente par correspondance et la livraison à domicile : des catalogues sont édités afin que les clientes puissent faire leurs choix puis, à partir d'un entrepôt situé quai des Célestins, ils envoient les commandes grâce au chemin de fer et au bateau au départ de Marseille pour l'outre-mer. 

Catalogue A la Samaritaine, 1920 © tresorsdugrenier.canalblog.com 

Le couple confectionne méticuleusement un fichier de clients pour leur expédier un catalogue des produits de La Samaritaine. Les adresses sont collectées au fur et à mesure des gros achats opérés dans leurs magasins. Ils installent également un grand atelier de confection de vêtements pour hommes, où travaillent près de 500 ouvrières, afin de produire à coûts moins élevé. La politique de Marie-Louise et Ernest consiste à ne pas fermer complètement les magasins le dimanche afin que les familles qui se promènent ou déambulent dans le centre de Paris puissent y faire des achats. 

Les Cognacq-Jay ne sont cependant pas de bons samaritains (sans mauvais jeu de mot) : si des ristournes importantes, de l'ordre de 15 %, sont peuvent être accordées aux employés de La Samaritaine, ce n’est pas sans arrière-pensée mais pour qu'ils achètent sur place ce dont ils ont besoin et n’aillent pas à la concurrence. Tout employé à La Samaritaine a droit à quinze jours de congé par an. Par contre les Cognacq-Jay exigent beaucoup de leurs employés : un parfait professionnalisme et une tenue impeccable sont indispensables. Un carnet est remis à chaque employé, précisant ses obligations. Ainsi, il est obligatoire pour les hommes le port "de vêtements de nuance foncée; pas de cols mous ni de chemises de couleur. Les chaussures sont noires". Le personnel féminin doit revêtir des lainages discrets ; le noir et le blanc sont les seules couleurs admises. Un corps d’inspecteurs est recruté pour surveiller les étalages, mais aussi les employés ! Ils doivent veillent à la politesse du personnel à l'égard des clients et à leur tenue : "Pas de mains dans les poches ni de jambes croisées". Les Cognacq-Jay imposent en effet à leurs vendeurs une courtoisie sans faille. Ils sont persuadés que si les clients sont bien reçus, s'ils sont satisfaits de l'accueil, ils reviendront à La Samaritaine. "Quand un des rayons sous sa surveillance est encombré, l'inspecteur ne doit pas hésiter à prélever du personnel dans les rayons où il y a peu de clientes pour les faire débiter ou faire des ventes dans ceux où il y a foule. Une prime est accordée pour chaque débit", indique le règlement. Les instructions précisent aussi à chaque vendeur qu'il "ne doit sous aucun prétexte" quitter une cliente avant de "s'assurer qu'un autre employé s'occupe d'elle". La discipline est sévère, les écarts ne sont guère tolérés. Pendant le travail, les employés ne doivent pas bavarder entre eux, si ce n'est pour les nécessités du service. Naturellement, les absences sans motif ou répétées ne sont pas acceptées. Il n'est pas bon, dans ces conditions, de contester l'organisation ou les méthodes, ni de critiquer la discipline. Lorsqu'un salarié affiche trop ouvertement une appartenance syndicale, il est vite repéré et, s'il persiste, tout est mis en œuvre pour qu'il quitte l'entreprise. 

Marie-Louise et Ernest règnent, dirigent, ordonnent, veillent et surveillent en permanence. Pour eux, la vie, c'est d'abord et presque exclusivement le travail. Pendant que l'un prend son repas, l'autre assure une présence visible de tous. La Samaritaine est leur revanche sur la vie et sur leurs débuts difficiles ; c'est l'enfant qu'ils n'ont pu avoir, car leur mariage est resté infécond, sur lequel ils veillent jalousement et sans partage, attentifs à sa croissance. Marie-Louise est, de ce point de vue, l’égale de son époux. 

 Les Cognacq-Jay, devenus riches, vivent dans un hôtel particulier avenue du Bois-de-Boulogne. Mais cette réussite, ils entendent la partager avec leur personnel. En effet, s’ils peuvent se montrer durs et intransigeants, ils savent aussi être reconnaissants du travail effectué. À l'instar des Boucicaut, ils instituent l'intéressement aux bénéfices. En plus de leur salaire, les employés reçoivent un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé dans leur rayon. C’est ainsi que 65 % des bénéfices sont redistribués chaque année. Les Cognacq-Jay cèdent la moitié du capital aux salariés et l'autre moitié à la Fondation qu'ils créent en 1916 pour financer de nombreuses œuvres sociales et caritatives. Cette Fondation a pour mission de faire fonctionner une maternité, une maison de retraite, un "pouponnat" prenant en charge 40 enfants d'employés jusqu'à l'âge de cinq ans, un orphelinat pour 50 enfants, une maison de repos et de cure en montagne, des colonies de vacances à la mer et à la montagne pour les enfants du personnel, un musée, etc... Des allocations sont accordées aux familles dont l'un des parents travaille à La Samaritaine; elles varient en fonction du nombre d'enfants à charge. Des indemnités de maladie sont versées aux employés non assurés. Le prix Cognacq-Jay a été créé grâce à un don de 20 000 francs or donné à l'Institut de France, destiné aux familles nombreuses. 

 

Deux créateurs, une œuvre © encheres.parisencheres.com 

Marie-Louise n’a pas oublié son village natal de Samoëns : elle a apporté son aide à différentes actions (restauration de l’église par exemple) et a fondé la Jaÿsinia en 1906, jardin botanique alpin ouvert au public, classé jardin remarquable de France qui se visite encore aujourd’hui et permet d’admirer plus de 5 000 espèces végétales issues des différentes zones montagneuses des cinq continents. 

En 1920, pour ses actions d’œuvres de bienfaisance, Marie-Louise est nommée Chevalier de la Légion d’honneur. Elle reçoit la prestigieuse médaille grâce au rapport rendu par le Ministre de l’Hygiène, l’Assistance et la Prévoyance sociale… et en dépit d’une lettre calomnieuse signée d’un bon commerçant de la rue de la Monnaie ! Le motif d’attribution de la distinction est les dotations attribuées aux familles nombreuses, la fondation Cognacq-Jay pour l’entretien d’œuvres existantes et la création d’œuvres nouvelles. 

On notera que son époux a été élevé au grade de chevalier de la légion d’honneur dès 1898, officier en 1903 et commandeur en 1922; lui aussi pour ses œuvres de bienfaisance. 

Alors que La Samaritaine prospère près du pont Neuf, les Cognacq-Jay visent à toucher une nouvelle clientèle, plus aisée : ils font construire dans un autre quartier de Paris un nouveau magasin inauguré en octobre 1917, boulevard des Capucines. Obéissant à un nouveau concept, La Samaritaine de luxe, est faite pour attirer une clientèle plus fortunée ou étrangère et populariser le luxe. 

Marie-Louise s’éteint dans son hôtel particulier du Bois de Boulogne, le 27 décembre 1925. C'est ainsi que disparaît une pionnière du commerce moderne. Son mari la rejoindra le 21 février 1928. 

À leur mort, le couple laisse une entreprise florissante de quelque 8 000 employés et de 48 000 m², la plus importante en terme de surface de vente. 

 

Sources : Wikipédia (dont M. Germain : Personnages illustres de Haute-Savoie), base Léonore, amc-archi.com

 

vendredi 3 juin 2022

#52Ancestors - 22 - Guilliot Nicolas

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 22 : Y-a-t-il des informations conflictuelles dans votre généalogie ?

 

Quand Nicolas Guilliot se remarie, il ne pensait sûrement pas affoler tous les compteurs, depuis mon logiciel de généalogie jusqu'au site de Geneanet !

Né en 1690 à Samoëns (74) il se marie une première fois avec mon ancêtre Jeanne Antoinette Vuagnat en 1716. Ensemble ils auront 3 garçons et 3 filles (dans cet ordre). Mais Jeanne décède en septembre 1756. Nicolas décide donc de se remarier. C’est chose faite 4 mois plus tard, avec Josephte Aimée Excoffier. C’est une jeunette : elle lui donne 4 enfants supplémentaires :

  • François Marie né en 1757 – il décède 5 ans plus tard
  • Pierre Antoine né en 1759 – il décède 6 mois plus tard
  • Pierre Antoine né 1762 – enfant survivant
  • Clauda Françoise née en 1764 – enfant  survivant

 

Et c’est là que ça cloche. Ding, ding, ding ! ferait mon logiciel de généalogie s’il pouvait parler. Mais comme il ne peut pas, il voit rouge à la place, et c’est déjà pas mal.


Sur la fiche de Nicolas, un avertisseur !

Sur la fiche de Josephte, un avertisseur !

Sur la fiche de Pierre Antoine, un avertisseur !

Sur la fiche de Clauda Françoise, un avertisseur !

 

Et, Geneanet, site sur lequel j’ai mis mon arbre en ligne, détecte lui aussi une anomalie.

 

Pourquoi tout cet affolement ? Si vous avez été attentif à la lecture de ce billet, vous avez sûrement remarqué que Nicolas est né en 1690 : il a donc enfanté ses deux derniers enfants à l’âge de 72 et 73 ans (l'enfant né en janvier, Nicolas fêtera son 74ème anniversaire en mai) !

 

Bien trop âgé, dit Geneanet !

 

Je me lance alors dans une vaste opération de vérification des sources.

 

Concernant la première union, je dispose :

  • du contrat de mariage, le 15 janvier 1716, passé devant Me Duboin, notaire à Cluses. Il y est dit « honneste nicolas fils de feu françois guilliot ». D’après mes investigations, son père se prénommait bien François et il est décédé en 1695.
  • de l’acte de mariage, daté du 21 janvier 1716,  « Nicolas a feu François Guilliot ».

Bon, la mère n’est pas mentionnée, mais ce n’est pas l’usage ici.

Naissent donc 6 enfants, entre 1717 et 1730. Les actes de naissance sont en latin, mais ne laissent pas de doute sur l’identité des parents.

Lorsque Jeanne Antoinette décède en 1756, elle est dite « fille de feu Nicolas Vuagnat et femme de Nicolas Guilliot ». Elle avait 62 ans. Nicolas 66.

 

Vient la seconde union :

  • Le contrat de mariage du 12 janvier 1757, passé devant Me Duc, notaire à Cluses, l’identifie comme « Nicolas fils de feu françois Guilliot ». L’identité de la future épousée ne fait pas de doute : elle est clairement mentionnée (fille de « feu joseph excoffier et de l’anne barbe famel ses père et mere »). Il n’est pas fait mention d’un premier lit ou d’enfants de ce premier lit, mais ce n’est pas rédhibitoire (ce n’est pas vraiment leur place).
  • L’acte de mariage est plus bavard : « Nicolas fils de feu françois Guilliot et de feu Bernardine Riondel veuf de la Jeanne anthoine Vuagnat ». Son identité ne fait plus de doute.

Naissent donc 4 enfants, entre 1757 et 1764. Les actes de naissance sont cette fois en français, et l’identité des parents n’est pas à remettre en cause. La mère a de 31 à 37 ans.


D’autres documents jalonnent la vie de Nicolas : recensement en 1745, testament de 1767, inventaire après décès de 1767. Dans le testament il y est fait mention de « la claudaz françoise guilliot sa chere fille née de ladite josephte aimée excoffier sa derniere femme ». C’est sa dernière fille, qui est née en 1764 – celle qui affole les compteurs. Par ailleurs, Nicolas prévoit une éventuelle grossesse de son épouse : « Si son épouse se trouvait enceinte et accoucher d'une, ou plusieurs, enfants posthumes femelles, le legs à sa fille serait alors divisible ». Une nouvelle paternité n’a pas l’air de l’effrayer…

Les enfants du premier lit ne sont pas oubliés et reçoivent chacun leur part.

Enfin, « son cher fils » Pierre Antoine – celui né en 1762 qui affole les compteurs  - est nommé héritier universel et devra veiller au respect de ses dernières volontés et aux droits de ses héritiers vivants déjà nommés mais aussi « le posthume ou les posthumes males dont sadite femme pourroit être enceinte et accoucher ».

 

Donc non seulement Nicolas a eu des enfants jusqu’à l’âge de 72 et 73 ans, mais il prévoyait (éventuellement) d’en avoir d’autres… !

 

 

 

vendredi 20 mai 2022

#52Ancestors - 20 - Jeanne Françoise Denarie

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 20 : Habillement

 

 

Tout comme les aliments et boissons de la semaine dernière, c’est un document notarié qui nous donne des informations sur l’habillement.

 

Lorsque Jeanne Françoise Denarie se marie avec Joseph Anthoine, en 1731 à Morillon (74), il lui est promis un certain nombre de vêtements dans son contrat de mariage. Elle appartient au milieu des notables de la ville. Ses parents lui promettent plusieurs centaines de livres (on parle d’argent ici, hein, pas de lecture !), des animaux, du linge de maison et des vêtements qu’on fait venir de loin.

 

  • En premier lieu, « un habit neuf de sarge de l'ondre noir ». La sarge, ou serge, est une étoffe présentant de fines côtes obliques, mince et légère, généralement de laine (mais peut aussi être en soie). Quant à « l’ondre », je me suis demandé ce que cela signifiait, jusqu’au moment…  où je l’ai prononcé à haute voix. L’ondre… Londres. Ce vêtement noir vient donc d’Angleterre ! Il a parcouru plus de 1 000 km.

Est-ce à cela que ressemblait la robe de Londres ?

  • « Un autre habit presque neuf en façon de l'ondre de coulleur bleue ». Un deuxième vêtement vient de Londres, de couleur bleue cette fois. On remarquera le « presque neuf » caractérisant l’état de l’habit. A-t-il été déjà porté par d’autres ? Par la future qui l’aurait eu par anticipation ?

 

  • « Un autre habit de sarge de [… ?] tout neuf ». Un mot n’a pas pu être déchiffré, sans doute était-ce la provenance de l’habit.

 

  • « Un autre habit moittie usé deux corps bas un de droguet et l'autre de sarge de l'ondre avec leurs manches de rattines presque neufs ». Encore un vêtement « moitié usé ». Cet habit est composé de deux parties (« deux corps »). Le corps bas, la jupe, est double : l’une est en droguet, une étoffe grossière, de peu de prix, de laine ou généralement de serge, moitié fil et moitié laine, formant une sorte de drap mince. On peu parfois y faire entrer aussi de la soie (droguet satiné), de l'or ou de l'argent - et n'a plus rien à voir avec le mauvais droguet. La deuxième est en sarge. Le tout a été fabriqué à Londres. La partie haute est caractérisée par ses manches de ratine, qui est une étoffe de laine ou drap croisé dont le poil est tiré en dehors par cardage et frisé de manière à former comme de petits grains. C'est un tissu épais et chaud, servant à la confection des vêtements d'hiver.

 

  • « Une camisolle de sarge de vallence presque neuf ». La camisole est un vêtement court ou long et à manches, qui se portait sur la chemise. Cette fois, sa provenance est Valence à l’Ouest du massif du Vercors (aujourd’hui dans le département de la Drôme), à 280 km de Morillon.

 

  • « Une [reliure étroite] usée de toisle drapt neuve ». Le vêtement suivant n’a pas été identifié à cause d’une reliure trop étroite.

 

  • « Deux cotillons de toisle drapt, un neuf et l'autre le [reliure étroite] tier usé ». Viennent ensuite deux cotillons, qui sont des jupes de dessous (jupons). Ils sont en drap, étoffe résistante de laine (pure ou mêlée à d'autres matières) dont les fibres sont feutrées (foulage) et le tissu est lainé. L’un est neuf, l’autre usé au tiers ( ?)

 

  • « Une dousaine de chemise scavoir huit neuves et les autres quattre d'indienne presque neufs et les autres huit presque neuf ». Bon, je ne comprends pas trop le calcul du lot suivant : 8 + 4 + 8 = 12 (sic). Ceci dit mis à part, ces chemises sont neuves ou presque neuves. Quatre sont d’indienne, une toile de coton peinte ou imprimée à décor de fleurs, feuillages et oiseaux provenant à l'origine des Indes, puis fabriquée en Europe.

 

Aucune chaussure n’est mentionnée.

 

Le futur marié donne à sa promise « un habit droguet dangleterre pour marque d’amour et d’amitié qu’il a pour ladite Jeanne Françoise Denarie » [ce qui confirme l’hypothèse de la provenance anglaise de ces vêtements].

 

Au total, la future mariée reçoit plus d’une vingtaine de pièces de vêtements, dont certains viennent de très loin.

 

Selon Saor alba, association écossaise, « la Grande-Bretagne demeurait plutôt puritaine dans ses mœurs et cela se voyait sur les vêtements. Rares étaient les robes à motif, les Anglaises préféraient les teintes unies et une faible présence de passementeries. » Mais est-ce à dire que la robe de l’ondre obéissait à ces caractéristiques de sobriété ? Hélas, difficile de répondre. Le contrat de mariage est assez détaillé… mais pas encore assez ! Il ne nous permet pas de savoir clairement à quoi ressemblaient ces tenues.

 


vendredi 4 mars 2022

#52Ancestors - 9 - Felisonne de Lucinge

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 9 : Les femmes de votre généalogie


Sur les 3652 ancêtres directs que compte mon arbre, 46,28% sont des femmes (soit 1690 ancêtres féminines).

Les générations I à VI sont complètes (100% d'ancêtres trouvées). Mais une fille-mère me fait baisser mon taux aux générations suivantes. A partir de la génération X les implexes s'en mêlent ! Je compte jusqu'à 29% d'implexe aux générations XV et XVI.

Ma sosa la plus ancienne est Félisonne de Lucinge (sosa 841987, génération XX), qui se serait mariée en 1367 selon la bibliographie historique (elle est une collatérale de la famille de Sales en Haute-Savoie).

Mais l’acte le plus ancien retrouvé est celui prouvant la naissance de Charlotte Le Peintre en 1592 (Jarzé, 49), sosa 2373 génération XII.


  • Prénoms

Sans surprise le prénom le plus donné à mes ancêtres féminines est Marie (15,74%). Viennent ensuite Jeanne (14,44%), Françoise (7,57%), Perrine (5,09%), puis Marguerite, Louise, Renée…


Beaucoup moins courant, je trouve aussi une Anoye, une Etragie, une Yolante et quatre Helipx.


  • Mariage

577 ancêtres ont un âge connu (et prouvé) au mariage.

Ma mariée la plus jeune a 11 ans (sic !). Clémence Monneret s’est mariée en 1689 à Viry (39). 6 autres ont été mariées avant 15 ans.

La mariée la plus âgée (au premier mariage) avait 42 ans : c’est Jeannette Durier, une de mes ancêtres Suisse.

La moyenne d’âge au mariage est d’un peu plus de 23 ans.


 
  • Métiers

Les métiers de mes ancêtres féminines sont cités pour 88 d’entre elles. Les plus représentés sont les cultivatrices (20%) et les ménagères (13%). 

Parmi cette liste on notera la lignée des « filles de peine », la mère, la fille et la belle-mère du petit-fils, ou la « campagnarde », mon ancêtre de Haute-Savoie (dite aussi ménagère ou cultivatrice).


  • Signatures

Parmi mes 1690 ancêtres directes féminines, seules 51 savent signer (3,02%). 28 autres ont apposé « leur marque » (une croix ou un signe quelconque) ; celles-ci viennent toutes de l’Orne.

La signature le plus ancienne est celle de Jacquine Pinot, en 1627. Elle demeure à Angers et signe son acte de mariage. Son métier n’est pas connu, pas plus que celui de son époux, mais son gendre est marchand ; ce qui sous-entend un milieu plutôt aisé et explique sans doute qu’elle sache signer.



  • Longévité

547 de mes ancêtres ont une date de naissance et de décès identifiée.

Mathurine Crahan est mon ancêtre féminine ayant eu la vie la plus courte : elle est décédée à 19 ans seulement. Elle vivait à Loudéac (22) entre 1657 et 1676. Sa vie n’a été qu’un fil fragile et ténu : "Baptisée au logis par Julien le Pioufle a cause du danger [...] de more", elle est décédée "après avoir reçu en sa dernière maladie les saints sacrements".

Mon ancêtre ayant vécu le plus longtemps est Mathurine Le Floc, censée être décédée à 104 ans à Loudéac (mais son acte de naissance en 1573 n’est pas sûr : difficilement lisible à cause d’une numérisation en trop basse définition).

A défaut, c’est ma grand-mère Marcelle Assumel-Lurdin qui tient le record : 97 ans (décédée à Angers, 49).

La moyenne d’âge est d’un peu plus de 60 ans.






vendredi 11 février 2022

#52Ancestors - 6 - Jean-François Borrat-Michaud

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 6 : Cartographiez  

A l'occasion de cette sixième semaine du challenge #52Ancestors dont le thème est "cartographiez", je ressors le périple effectué par Jean-François Borrat-Michaud, soldat de la Première Guerre Mondiale, mon arrière-grand-père.

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Parti de Haute-Savoie, Jean-François Borrat-Michaud commence son périple par l’entraînement à la caserne, probablement celle de Chambéry. Lors de sa première affectation, avec le 23ème BCA, il est envoyé dans les Vosges. Il y connaîtra différents lieux, soit en premières lignes soit en cantonnements à l’arrière. Avec son nouveau bataillon, le 51ème, il rejoint la Somme, puis la Picardie, la Meuse, la Marne, les Ardennes. Ils sont finalement envoyés en Italie, avant de rentrer en France : Somme, Nord, Oise, Aisne et Somme à nouveau.

Les déplacements de courte distance, entre cantonnement et premières lignes, sont effectués à pied, parfois dans des conditions pénibles de froid et de neige (durant la période vosgienne par exemple). Parfois le transport se fait en automobiles ou en convois de camions. Et pour les trajets plus longs, des trains sont affrétés spécialement.

Il y a aussi d’autres types de déplacements : des missions de reconnaissances régulièrement effectuées.
Lors des périodes de « repos » sur les lignes arrières, les soldats ne restent pas inactifs et font de longues marches de manœuvre, avec barda complet sur le dos : ils vont d’un point à un autre ou marchent parfois en boucle, revenant à leur point de départ.
A tous ces déplacements il faudrait ajouter les permissions : en effet, en 4 ans de guerre, il est fort probable que Jean-François en ait eu ; malheureusement je n’ai pas d’indication quand aux dates et aux lieus de départ dont il aurait pu en bénéficier, si bien que je ne peux pas les prendre en compte.

L'année 1917 est particulièrement riche en déplacements : le bataillon va de cantonnements en cantonnements, monte parfois en première ligne, mais fait surtout de longues marches d'exercice. Vosges, Haute-Saône, Haut-Rhin, Marne, Oise, Seine et Marne, Marne, Meuse, Vosges, Marne se succèdent à un rythme effréné jusqu'au grand départ de novembre vers l'Italie.

Parfois les déplacements sont difficilement compréhensibles, comme cet aller-retour italien : étape Lonato-Cedegolo le 8 novembre 1917, poursuite vers Edolo le 9  et retour immédiat à Lonato (prévu le 13, mais reculé au 17 à cause d’un éboulement sur la voie), soit 240 km initialement prévus en 5 jours (et finalement réalisés en 9).

Si l’on ajoute tous les déplacements en 4 ans de conflits, d’après mes estimations, cela représente 13 037 km (hors les 5 mois de formation, les marches de manœuvres qui ne sont pas détaillées et les permissions dont je n’ai pas retrouvé les traces), soit environ 280 km par mois. L'étape la plus longue a lieu lors du retour d'Italie : de la Vénétie jusque dans la Somme, ce sont près de 1 400 km qui sont effectués en trois jours (par train principalement, terminés par une marche pénible sous la pluie et sur des routes défoncées).

Voici ce que cela donne sur une carte :


 Bref, en 4 ans de guerre, Jean-François en a fait du chemin !

 

vendredi 4 février 2022

#52Ancestors - 5 - Pierre de Sales

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 5 : Jusqu'où s'étend votre généalogie ?

Une infographie valant mieux qu'un long discours, voici une présentation des limites de ma généalogie.



vendredi 14 janvier 2022

#52Ancestors - 2 - Aymée Perroud

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 2 : Découverte favorite 

Ma découverte favorite, c’est ce que j’appelle « le nid d’ancêtres ». Lorsque pendant longtemps, une branche s’est trouvée bloquée et qu'enfin, la recherche se trouve relancée (par une alerte automatique de Geneanet par exemple).

Ce fut le cas avec Aymée Perroux. Je ne la connaissais que par la naissance de ses enfants. Je savais qu’elle était l’épouse de Jean Pierre Perriere, maître cordonnier à Anthy (Haute Savoie) à la charnière des XVIIème et XVIIIème siècles. Un arbre en ligne mentionnait sa parenté mais trop peu de sources permettaient de s’en assurer.

C’est là que la quête commence. Pourquoi Jean est-il indiqué comme père d’Aymée ? Comment sa mère et son grand-père sont-ils connus ? Les registres paroissiaux sont lacunaires, il faut se tourner vers les actes notariés. Enfin un contrat de mariage est trouvé : en octobre 1697 Aymée et Jean Pierre se promettent l’un à l’autre. Les pièces du puzzle commencent à s’emboîter. Le nom d’Aymée s’orthographie Perroud. C’est la graphie que j’adopte désormais : selon mon habitude, je privilégie l’orthographe trouvée du vivant de la personne. Je garde en note que la forme Perroux existe dans certains actes, mais je corrige le nom dans mon logiciel.

Le contrat de mariage est en partie filiatif : Jean est bien le père d’Aymée. Nouvelle pièce du puzzle.

D’après ce document, l’identité de sa mère n’est pas connue. Comment prouver que Jeanne Françoise Voguet, citée dans un arbre en ligne, est bien celle qui a donné naissance à Aymée ? Je traque sa piste dans la fratrie d’Aymée. Je navigue dans les registres paroissiaux, parfois en latin, parfois lacunaires. Un mariage entre Jean Perroud et Jeanne est trouvé. Elle est dite fille de Philibert : ainsi l’identité du grand-père d’Aymée serait connue. De là je déroule la fratrie. Des frères et sœurs sont trouvés, mais ils restent à l’état de probabilité : tant que je n’ai pas sous les yeux  un lien officiel entre Jeanne et Aymée, je ne les adopte pas (encore). Mais ce Jean Perroud est-il bien "mon" Jean ou un homonyme ? Jeanne Françoise est-elle la mère d’Aymée ou une autre épouse de Jean ? La naissance d’Aymée m’échappe encore.

C’est finalement dans les actes notariés que je trouve ma preuve irréfutable : une procuration, passée en 1703 devant un notaire de Thonon par une Jeanne malade, est donnée à son gendre Jean Pierre Perriere.

Je peux donc officialiser :

- Jean Perroud, père d’Aymée,

- Jeanne Françoise Voguet, sa mère,

- Jacques, Claudine, Claude et Charlotte, ses frères et sœurs,

- Philibert Voguet, son grand-père.

 

Pixabay

C’est ainsi que j’ai trouvé un « nid d’ancêtres », une famille sur trois générations, une demi-douzaine d’individus supplémentaires. J’ai navigué d’Anthy à Allinges, berceau de la famille d’Aymé. J’ai complété le cadre familial de mon aïeule. Et grâce aux différents documents notariés trouvés pendant ma quête, j’ai reconstitué des petits fragments de vie (acquisitions, quittances), des proches qui ont compté dans sa vie.

 

 

lundi 9 décembre 2019

La Savoie, ce monde à part

Tout a commencé par un article d’Estelle lors du #ChallengeAZ sur son blog « Sur la piste de mes ayeuls ».
Elle a choisi de présenter la Savoie et ses particularités. En effet, longtemps la Savoie n’a pas été française (jusqu'au traité de Turin de 1860) et de ce fait, les sources généalogiques diffèrent quelque peu des sources « françaises ». 


Les états réunifiés à la France en 1860 © www.manuelweb.belin-education.com

Pour moi, assez peu de découvertes puisque j’ai de nombreux ancêtres en Haute-Savoie et je manie ces sources « bizarres » depuis un certain temps. Une exception toutefois : le jour de la lettre S avec un article au sujet du Sénat de Savoie.

En effet, mes ancêtres sont tous situés dans le département actuel de la Haute-Savoie et j’ai facilement tendance à oublier que des sources les concernant peuvent aussi se retrouver aux archives du département de la Savoie du fait de cette unité territoriale passée.

Les habitués de mon blog savent que j’habite très loin de mes ancêtres, si je puis dire ainsi : je ne peux donc me déplacer dans aucun dépôt d’archive directement. Je reste dépendante des archives en ligne. Heureusement de gros efforts ont été faits ces dernières années et ma généalogie a fait de grands bonds en avant au fur et à mesure des nouvelles rubriques sur internet. Un domaine reste néanmoins souvent oublié : les archives judiciaires. Cela reste complètement « terra incognita » pour moi. Je ne sais même pas à quoi cela ressemble.

Pour revenir à la Savoie, je cite Estelle : « Il [le Sénat de Savoie] exerce un rôle considérable : justice, pouvoir réglementaire et administratif, affaires politiques et religieuses. Ses archives sont une source historique majeure qui concerne aussi bien les particuliers que les communautés d’habitants. […] "Gabriel Pérouse […] entreprend […] d’en dresser l’inventaire au moyen d’innombrables fiches. Pierre Bernard, son successeur, continue cette tâche immense et André Perret pourra ainsi dresser le plan de classement précis et achever un répertoire numérique dactylographié."

Et d’ajouter que ces fiches sont consultables en ligne. Aussitôt je me précipite pour voir si mes ancêtres sont des brigands ! Au début je navigue un peu à l’aveugle, le temps d’apprivoiser l’outil, puis mes recherches s’affinent. Et là je kiffe grave !!! Vols, voies de fait, insultes, adultères, meurtres, etc… C’est super (oui je sais c’est mal : mais c’est quand même super !!!).

Je trouve deux affaires qui concernent de façon certaines mes ancêtres parce que leurs noms sont peu communs. La première : voies de fait dans l’église par l’épouse d’un notaire (1688). Je kiffe !
La deuxième concerne un de mes ancêtres dont je ne suis jamais parvenue à trouver le décès. Je vous livre le résumé de l’affaire tel qu’il se présente sur la fiche (1748) :
« Un soldat espagnol est retrouvé mort, son corps lardé de coups de couteau. L’enquête révèle qu’il était amoureux d’une femme marié de Samoëns. Le soldat menaçant a été tué un soir par le mari, aidé de sa femme. Un chanoine, ami du couple, et leur servante, ont aidé les époux à transporter le corps dans les bois. Mais ils n’ont pas pris part à l’assassinat. »
Et devinez quoi : le couple dont il est question ce sont mes ancêtres ! Je kiffe grave !
Sentence : Bannissement 10 ans pour l’épouse et condamnation aux galères 10 ans pour l’époux. Et moi qui ne trouvais pas son décès : tu m’étonnes ! Je kiffe grave grave ! Rebondissement inattendu : « couple gracié par le roi » !
Oh ! bon sang je veux voir les détails de l’affaire. Mais j’habite à 500 km.

Je fais appel au Fil d’Ariane (FDA : association d’entraide généalogique pour ceux qui ne connaissent pas) de Savoie. Comme dans les champs pré-remplis il n’y a pas « Sénat de Savoie » j’envoie un mail au coordinateur pour lui demander si ce type de recherche un peu extraordinaire (dans tous les sens du terme) est possible. Or l’affaire se passe en Haute-Savoie et non en Savoie : il me renvoie donc à ses collègues du FDA74. Là, même scénario : j’envoie mon mail. La gentille Kate qui a l’habitude de mes demandes se déplace aux archives (merci à elle) et, comme je le pensais, me dit qu’il n’y a rien en Haute-Savoie et qu’il faut que je m’adresse directement en Savoie puisque le fonds du Sénat de Savoie se trouve chez eux. Là, je comment à kiffer nettement moins. Ayant à faire à des situations toutes plus ubuesques les unes que les autres avec les diverses administrations actuelles, je crains que pareille mésaventure ne se reproduise ici.

Bref, j’envoie mon fameux mail (il aura été rentabilisé celui-là) cette fois directement aux archives de Savoie, expliquant ce que je cherche, est-ce que le personnel des archives peut faire cette recherche pour moi ou a-t-il d’autres solutions à me proposer et après les formules de politesse d’usage  je signe de mon nom et prénom (qui est Mélanie pour ceux qui l’ignorent).

Quelque jours plus tard je reçois la réponse des archives :
«  Monsieur (donc en Savoie Mélanie est un prénom masculin : OK, je le note pour plus tard), nous vous invitons à venir consulter ces cotes sur place en salle de lecture (comment dire…). En effet, s’agissant de pièces éparses de procédures judiciaires anciennes, nous ne sommes par sûrs de pouvoir déterminer précisément la pièce en question (jugement définitif). ( ??? bon mais si l’archiviste dont c’est le métier ne peux pas trouver une cote, moi je n’ai aucune chance !)
Dans l’attente de vous recevoir, nous vous prions de croire, Monsieur (qui ça ? Ah : oui, c’est moi !), à l’assurance de nos sentiments les meilleurs. »

Bon, OK c'est ma faute : je n'ai pas précisé que j’habite à 500 km et je suppose que le coup de "vous pourriez faire les recherches à ma place parce que je suis un flemmard" ça dois arriver souvent. Par ailleurs, comme je n'ai jamais eu d'archives judiciaires entre les mains je ne sais pas comment cela se présente; mais il me semble tout de même que l'archiviste doit être plus calé que moi en ce domaine (enfin j'espère). Et c'est aussi ma faute parce que j'ai pas précisé que Mélanie était un prénom féminin...

Donc, en conclusion, je peux affirmer que la Savoie est restée un monde à part et que jamais je ne trouverai les détails croustillants de mes supers affaires criminelles. Ah : oui, au fait, je ne kiffe plus. Du tout. Mais ça, vous l’auriez deviné sans doute…