« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 13 mars 2015

#Généathème : capsule temporelle

Dans mon grenier virtuel (cf. précédent article du blog), j'ai aussi trouvé un vieux coffre dans lequel il y a :
  • un plat d'étain.
  • une chemise.
  • un paire de pinces.
  • un drap.
  • un fer de pelle.
  • une clé.
  • une petite pièce de cuir soyeuse et un cuir fort.
  • une petite bourse de peau contenant une pièce.
  • deux pièces de bois et quelques petits outils.
  • trois cartons de différentes tailles portant des dessins paysagés. 
Dessin n°1
  • quelques clous.
  • un fragment de papier à demi effacé et taché, trace d'un partage rédigé devant notaire.
  • une paire de souliers.
  • un couteau dont la gravure du manche se devine à peine.
  • et une lettre, qui a malheureusement pris l'eau et dont le contenu s'est effacé

J'ai donc décidé de mener l'enquête sur le propriétaire de cette boîte mystérieuse.

Dans le coffre on distingue quatre séries d'objets : du linge, des papiers, des objets usuels et des outils.
  • Du linge :
Une chemise, une pièce de drap (souvent appelé "linceul" dans les inventaires de Haute-Savoie), une paire de souliers. Ces vêtements et linge sont assez anonymes et ne révèlent rien, à première vue, du propriétaire du coffre.
Les pièces de cuir sont plus singulières. Elle ne semblent pas former de vêtement terminé : était-ce des chutes ou des éléments d'un habit non façonné encore ?
  • Des papiers :
La lettre, sans doute laissée par le propriétaire du coffre, ne m'apprendra rien car l'eau a effacé le texte. Peut-être était-ce une dédicace ? Un papier officiel ? Je ne le saurai jamais.

Le papier déchiré est un fragment de partage, acte rédigé devant notaire. Le nom a disparu sous une tache. Le lieu n'est pas précisé (ou en tout cas pas visible). La date que l'on remarque en haut à gauche est à demi effacée mais commence par mille sept cent; ce qui nous place au XVIIIème siècle.
Dessin n°2

Des trois cartons dessinés, deux restent assez mystérieux à première vue, si ce n'est que ce sont des paysages de montagne avec l'un une église dans un village ("dessins n°2") et l'autre une chapelle dans la nature ("dessin n°3"). Le troisième, en revanche, me met sur une piste ("dessin n°1") : au premier plan on distingue un village et sur le ciel se détache une montagne pointue. On retrouve d'ailleurs sa silhouette sur le dessin n°2. Nombre de mes ancêtres ont vécu sous son ombre protectrice : reconnaissable entre toutes, cette montagne est le Criou, qui surplombe la ville de Samoëns en Haute-Savoie.

Je sais donc désormais que le propriétaire du coffre a vécu à Samoëns au XVIIIème siècle.
  • Des objets usuels :
La clé a perdu sa serrure (j'ai vérifié : ce n'est pas celle du coffre), mais on trouve souvent, dans les inventaires ou contrats de mariage, des meubles fermant à clé. Si le meuble a été perdu, cette clé est sans doute le dernier témoin de ce mobilier traditionnel.
Le plat d'étain, lui, est beaucoup moins courant, signe d'un certain niveau de vie, quand on trouve plus couramment de la vaisselle de terre, voire de bois.
La présence du couteau n'est pas étonnante. C'était souvent un ustensile personnel, que l'on emmenait avec soi. D'ailleurs, généralement on n'en trouve pas dans les inventaires car il n'est pas impersonnel comme le sont les cuillères [ 1 ]. Souvent personnalisé : il n'était pas rare qu'il soit gravé d'un motif ou du nom du propriétaire. Ici, on le devine, mais trop effacé sous l'usage quotidien, l'inscription n'est plus lisible.
La pièce contenue dans la petite bourse de cuir se révèle être, après enquête, un "quart de patagon" : le patagon est une monnaie d'argent que l'on retrouve dans les royaumes espagnols (donc frappée jusque dans les Flandres ou la Franche-Comté). Elle vaut environ trois livres tournois.
La pelle est un objet assez courant dans les inventaires. Celle-ci a perdu son manche de bois et n'a conservé que sa palette de fer.


Dessin n°3
  • Des outils :
Ce sont les outils qui nous donnent la clé du mystère : une paire de pinces, des clous, des petits outils (sorte de canifs et petits marteaux) et surtout les pièces de bois. Ce sont des structures articulées ayant la forme d'un pied, destinées à être placées dans une chaussure pour en élargir une partie ou parfaire sa forme.
Ces outils sont caractéristiques du métier de cordonnier.
D'où la présence de souliers et de différentes pièces de cuir, que j'avais prises pour des vêtements tout à fait communs, au premier abord, mais nettement plus significatifs dans une malle de cordonnier.

Nous recherchons donc un cordonnier ayant vécu à Samoëns au XVIIIème siècle.


A partir de ce moment, aucun problème pour résoudre l'enquête : une simple requête dans mon logiciel de généalogie avec le métier, le lieu et la date.

Seuls deux cordonniers ressortent dans les résultats : un père et son fils. Jean Moccand (1662/1742) et son fils Jean Michel (1701/1755). D'après les actes notariés en ma possession les concernant (inventaires, testaments, contrats de mariage, etc...), le coffre a sans doute appartenu au père. En effet, Jean a bien réalisé un partage en 1727. De plus, ces objets se retrouvent dans un inventaire réalisé par lui et son épouse, en 1737 en vue d'un futur héritage [ 2 ]. Ces objets ont donc été réunis du vivant du père ou par son fils.

Dans quel but ? Nous ne le saurons jamais. Mais grâce à ce coffre, le souvenir de Jean et de Jean Michel est parvenu jusqu'à nous...


[ 1 ] Rappelons que la fourchette, introduite par Catherine de Médicis ou Henri III (selon les légendes), met du temps à se populariser dans les foyer les plus humbles. Sa diffusion massive ne se fait véritablement qu'à partir du XVIIIème siècle.
[ 2 ] Ou tout au moins la plupart de ces objets figurent dans l'inventaire : quelques uns ont été ajoutés pour les besoins de l'enquête !

vendredi 6 mars 2015

Grenier virtuel

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je crois, je vis dans un endroit différent de celui où ont grandi mes parents, mes grands-parents. 
De ce fait je n'ai pas de "maison de famille" qui se transmet de génération en génération. Vous savez, ces maisons au grenier magique rempli d'objets divers et variés qui sont comme des petits cailloux laissés par nos ancêtres; traces indicibles de ces temps jadis perdus à jamais.
Je suis très jalouse de ceux qui ont pu explorer ces greniers sombres et poussiéreux et y découvrir des merveilles.

Du coup, dans un accès d'imagination aigüe, j'ai... créé ce grenier. Ou plutôt un grenier virtuel. Un grenier que j'ai inventé et qui contient tout ce dont j'ai toujours rêvé.

 Vieux grenier, Bob-wit, Flickr

Ce qui est bien avec un grenier virtuel c'est que, déjà, il n'y a pas besoin de maison pour aller avec. Et puis, il peut être aussi grand que l'on veut et ça c'est bien. Le mien est très grand. Enfin, je le suppose car comme il est assez sombre (comme il se doit pour un grenier à merveilles digne de ce nom), je n'en vois pas le fond. Du coup, je pense que j'ai plusieurs années de recherche dans mon grenier virtuel devant moi.

La première chose que j'ai trouvée dans mon grenier virtuel c'est un arbre généalogique dessiné sur une feuille A3, réalisé par mon grand-père.

Et puis, en vrac, j'ai trouvé aussi une coiffe angevine, un cahier de doléance, une lettre qui a changé une vie, un brevet de capacité d'enseignement primaire.

Au milieu d'une pile de vieux livres, un dictionnaire des métiers m'a permis de comprendre ce qu'était un sarger, un procureur de fabrique ou une lapidaire.

Dans mon grenier, il y a aussi une ferme de Haute-Savoie (c'est l'avantage du virtuel : on peut y mettre ce que l'on veut, quelle que soit sa taille !).

J'y ai trouvé une boîte en carton contenant des photos et des cartes postales anciennes représentant les lieux où ont vécu mes aïeux. Et dans une autre boîte il y a tout un tas de vieux papiers et "titres"; je n'ai pas fini de l'explorer, mais pour le moment j'y ai trouvé :
  • 32 contrats de mariage
  • un fragment de dispense de consanguinité
  • 4 inventaires après décès
  • une fondation de messe à perpétuité
  • 3 partages après décès entre héritiers, dont un "pour evitter beaucoup de difficultés qui pourroient naitres entre eux"
  • une lettre de prêt 
  • 30 testaments 
  • un acte d'état [ 1 ]
  • 2 cessions [ 2 ]
  • une déclaration [ 3 ]
  • 3 quittances [ 4 ]
  • 2 arrentements [ 5 ]
  • 3 baux à ferme
  • 2 rentes [ 5 ]
  • une transaction
  • 2 ventes
Le long d'un mur il y a des rouleaux renfermant des copies de cadastres napoléoniens et de cartes anciennes. Il y a aussi tout ces papiers poussiéreux : coupures de presses, extraits de listes électorales ou registres de recensement.

Dans le silence de mon grenier virtuel, j'ai entendu mes ancêtres me murmurer des histoires, heureuses ou tragiques, des récits d'ouragan et d'inondation, de bénédiction de cloches, d'adoption par la Nation... Mais j'ai aussi entendu le cri atroce d'une bête féroce dévorant les enfants.

Dans mon grenier virtuel il y aussi des objets que j'ai vus vraiment ou que j'ai eu entre les mains, comme le mouchoir blanc au chiffre de mon arrière-arrière-grand-mère (j'en parlerai sans doute un jour...) ou la plaque funéraire en porcelaine de mon arrière-arrière-grand-père.
Et d'autres objets que je n'ai jamais vus, comme ce "coffret de sapin fermant à clé" renfermant "les formes et petits outils nécessaires à un cordonnier", "un habit de droguet d'Angleterre", ou "quelques écuelles et assiettes de terre de peu de valleur". Il y a même des objets dont j'ignore totalement l'usage, comme cette "coquonière de gueuse tenant environ un pot" !

Plus loin il y a quantité de "meubles présents et à venir" dont "un garderobbe sappin tout neuf", "un lit à la chartreuse" et "un tour à filer".

Dans un coin il y a aussi une citation à l'ordre de la Xème armée et même une croix de guerre que j'aimerai avoir vue (autrement qu'en photo).

Bien sûr, dans mon grenier il y a de vieux registres paroissiaux, que je compulse petit à petit et qui me font découvrir de nouvelles histoires, de nouveaux pays.

Je n'ai pas manqué de remarquer également ce répertoire mentionnant les adresses de mes ancêtres : rue del paleys à Conques, La Gidalière à Saint-Amand-sur-Sèvre, 31 rue de la Roë à Angers...

Et il y a même un ancêtre qui n'existe pas !

Enfin il y a un livre passionnant sur les monuments aux morts et une carte illustrant le tracé d'un nuage de poussière aux conséquences surprenantes.

Et puis il y a tout ce (et ceux) que je n'ai pas encore découvert... 



[ 1 ] Acte d'état : État des possessions (immeubles notamment) réalisé par des experts et rédigé par un notaire.
[ 2 ] Cession : Action ou acte de céder, d'abandonner quelque chose à quelqu'un volontairement ou non. 
[ 3 ] Déclaration : Déclaration d'experts, suite à une visite d'immeuble. 
[ 4 ] Quittance : Attestation écrite reconnaissant le paiement d'une somme due (dette, redevance, droit). 
[ 5 ] Arrentement : Action d'arrenter (donner à rente); Rente : revenu périodique, généralement annuel, à l'exception de celui du travail.

 

samedi 28 février 2015

#Centenaire1418 pas à pas : février 1915

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de février 1915 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er février
Travaux de tranchées.

2 février
Travaux de tranchées.

3 février
Des reconnaissances sont exécutées pour déterminer la nature et la praticabilité de la Tête de chien jusqu’au ballon de Guebwiller.

4 février
Travaux de tranchées.
Soldats construisant une tranchée, 1916, Gallica

5 février
Les mêmes reconnaissances que le 3 février sont exécutées.
Travaux de tranchées.

6 février
Travaux de tranchées.

7 février
Travaux de tranchées.
Le soir, nous rentrons au cantonnement.
Cantonnement à Wesserling, coll. Stamm-Binder

8 février
Travaux de tranchées.
De temps en temps un ordre du Bataillon modifie les affectations ou nomme des chasseurs au grade supérieur.

9 février
Des reconnaissances sont exécutées de Oderen jusqu’au Laudun Pee
et sur tous les chemins et sentiers entre la vallée de la Thür, de Krüt [Kruth] à Ranspach
et la crête : Breifürst, Drekhopf, Hundekopf.

10 février
Travaux de tranchées.

11 février
Le Général de Division devant visiter les cantonnements, le Bataillon a été rassemblé à 12h30 dans la cour de l’usine.
Tenue de campagne complète.
A 14h aux sons de la Marseillaise le Président de la République a fait son entrée.
Il était accompagné de M. Millerand, ministre de la guerre, et de plusieurs Généraux.
Défilé du 23ème BCA devant les Généraux, 11 février 1915, coll. Stamm-Binder

Après avoir passé devant le front du Bataillon, le Président a décoré des officiers et le directeur de l’usine de Wesserling.
Le Bataillon est ensuite rentré dans ses cantonnements, après avoir défilé devant M. Poincaré aux sons d’Alsace et Lorraine.

12 février
Après la visite présidentielle d’hier, on retourne à nos travaux de tranchées.

13 février
Des reconnaissances sont exécutées pour déterminer la nature et la praticabilité de la Haute Vallée de la Thür.
Par suite du départ du 6ème Bataillon pour les tranchées, le 23ème Bataillon est placé en cantonnement d’alerte.

14 février
Le Bataillon se tient prêt à prendre les armes au premier signal.

15 février
Le Bataillon reste en cantonnement d’alerte.
Nous cantonnons toujours à Wesserling.
Wesserling, éditions Alsatia

16 février
Le bataillon est replacé en réserve de la 4ème Brigade.
Il doit se tenir prêt à partir au 1er signal les 18, 20, 22, 24 février, etc.
Les autres jours 17, 19, 21, 23, etc. le Bataillon reprendra les travaux d’organisation de la 2ème ligne de défense de la Vallée de la Thür.

17  février
Travaux de tranchées.

18 février
Travaux de tranchées.

19 février
Travaux de tranchées.

20 février
"A partir du 22 février 1915 le 23ème Bataillon devra avoir, par modification aux instructions précédemment données
et sur l’ordre du Général commandant la DAV, 3 Cies aux travaux d’organisation de la 2ème ligne de défense de la Vallée de la Thür
3 compagnies prêtes à être alertées en tout temps."

21 février
Travaux de tranchées.

22 février
Travaux de tranchées.

23 février
Le Bataillon a reçu l’ordre téléphonique de se tenir prêt à partir à 12 heures.
Il s’est embarqué en automobile direction Gerardmer par Wesserling, Bussang, Le Thillot, Saulxures, Vagney, Le Tholy, Gerardmer.
Arrivée prévue à Gerardmer à 18 heures.
Gerardmer, convoi des chasseurs alpins, Delcampe

Le Bataillon doit être transporté au col de la Schlucht en 8 trains (19h30, 20h30, 21h30… etc).
En attendant d’être embarquées les unités du Bataillon dès leur arrivée à Gerardmer se rendront à la caserne du 152è Régiment de ligne.
Nous pourrons nous y reposer et manger une soupe chaude.

24 février
Le Bataillon à la descente du train s’est reformé provisoirement à Segmatt.
A 11h30 le Bataillon s’est porté vers la ferme du Gaschney.
On attend de nouveaux ordres.
Carte trajet Wesserling-Le Gaschney

Bivouac dans les bois du Gaschney.

25 février
Mêmes emplacements que la veille. Les compagnies aménagent leurs abris.
Le commandant Fabry nous fait porter l’Ordre de Bataillon n°6 :
"Aux Chasseurs du 23ème Bataillon. Après de longs jours de repos le moment est venu de souffrir et de vous battre.
Vous supporterez gaiement toutes les épreuves et vous vous battrez courageusement.
Le 23ème Bataillon doit être cité pour sa bravoure et sa ténacité ; il ne saurait connaître aucune défaillance.
Toujours vous penserez au beau refrain de nos concerts.
En avant, serrons les rangs ! Jamais vous ne reculerez !"

26 février
Le Bataillon relève les 11ème et 12ème Bataillons de Chasseurs.
Avant-poste à l’Altmattkopf et au Sillakerkopf.

27 février
Séjour au Gaschney.
Le Gaschney, camp Nicolas, 1915, Delcampe

Organisations diverses. Construction d’abris pour mulets, de réfectoires.

28 février
La 4ème compagnie va en première ligne tandis que nous, la 5ème, et la 11ème compagnie, restons en deuxième ligne.


vendredi 20 février 2015

Le sosa qui n'existe pas

Légèrement en panne d'inspiration, je réponds à mon tour à la question posée par Maïwen Bourdic sur son blog D'aïeux et d'ailleurs "Et vous quel est votre sosa n°1000 ?"

Pour mémoire, le système de numérotation dit "Sosa-Stradonitz" est le plus couramment utilisé en généalogie. Le personnage central de la généalogie porte le n°1, son père le n°2, sa mère le n°3, son grand-père paternel porte le n°4, sa grand-mère paternelle le n°5, etc... De ce fait, le numéro 1000 est toujours situé au même endroit dans l'arbre, quelque soit la généalogie. Comme dit Maïwenn "tout droit à droite sur 5 générations, tournez à gauche, prenez la suivante à droite, puis à gauche de nouveau sur 3 générations". En d'autres termes : la lignée maternelle sur cinq générations, puis son père et la mère de celui-ci (vous me suivez ?), et enfin les pères sur les trois générations suivantes.

Personnellement, je n'utilise jamais les numéros sosa pour désigner ou chercher mes ancêtres, même si mon logiciel de généalogie le calcule lui-même automatiquement. Mais cette numérotation existe parmi les critères de recherche : je me lance donc à mon tour. "Aucune personne ne correspond aux critères". Mince, avec plus de 8000 ancêtres, le logiciel ne trouve pas le 1000 ? Évidemment je pense d'abord à une erreur (du logiciel ou de saisie ?). Et je prends mon courage à deux mains en suivant le chemin indiqué par Maïwenn.


Emplacement (théorique) du n°1000 de ma généalogie

Bah oui ! Le n°1000 n'existe pas dans ma généalogie ! Ce n'était pas une erreur.

On est là à l'époque révolutionnaire (et avant), à la frontière entre la Vendée et les Deux-Sèvres (mes ancêtres y font des "allers-retours" réguliers). 

Du n°1000, je ne connais rien.
De son fils, Jean Jadaud, je sais qu'il a résidé à Saint Amand sur Sèvre (79).
De ses petits-enfants, je sais que certains sont nés à Saint Amand, mais se sont mariés à La Verrie ou La Flocellière (85).

Jean Jadaud était sans doute cultivateur, bien que je n'aie aucune mention précise à ce sujet (tous ses descendants le sont). Il est dit décédé en 1796 (au mariage de l'un de ses fils), mais pas en 1801 (au mariage d'un autre fils). Si la première mention est plus probable (on déclare plus rarement son père décédé quand il est vivant, alors que le curé du deuxième acte a peut-être omis de mentionner le décès lors de sa rédaction), cela ne change pas grand chose finalement car, en l'absence de registre, je ne peux pas le vérifier. 

Parce que, pour ceux qui n'ont pas d'ancêtres dans ce coin, sachez que beaucoup de registres ont disparu à l'époque révolutionnaire. Impossible de remonter plus haut par ce biais-là. Les Jadaud font donc partie de cette mince lamelle blanche dans mon arbre circulaire qui, dix générations plus tard, forme une tache béante qui brille par son absence (si je puis dire).

Sur Geneanet on trouve des dates toutes plus fantaisistes (et parfois contradictoires) les unes que les autres; prouvant que les généalogistes amateurs ne lisent pas toujours/souvent les actes qu'ils indiquent.

Je n'ai pas trouvé cette famille chez les notaires vendéens. J'attends que les Deux-Sèvres mettent en ligne leurs actes notariés. Un jour peut-être. Ou peut-être jamais.

Il y a de grandes chances pour que le patronyme de n°1000 soit Jadaud (mais on n'est pas à l'abri de surprises...). Peut-être que son prénom est Jean, comme son fils et son petit-fils. Ou pas du tout.

Pour le moment, donc, le numéro 1000 de ma généalogie est caché dans les replis de l'histoire. Il m'attend, à l'abri dans un document auquel je n'ai pas (encore) accès. Ou bien il est oublié à jamais.

Sinon, je connais assez bien le numéro 100, si ça intéresse quelqu'un...


vendredi 13 février 2015

#Généathème : généalogie, côté insolite

 Certains de nos ancêtres ont des vies particulières, qui les font remarquer et entrer dans le livre des records : mariage à 12 ans, décès à 104 ans, 17 enfants, etc... En voici un, parmi tant d'autres, sorti de mon guinness généalogique personnel :

  • Deux
Pierre Rouault est né le 15 juillet 1692 à Villevêque (au Nord d'Angers). Il est le dernier d'une fratrie de cinq enfants. Son père, René, est vigneron. Mais sa mère, Perrine Dalibon, meurt alors qu'il n'a que deux ans. Il sera élevé par Louise Repussard, la seconde épouse de René. Cinq autres enfants viendront ensuite agrandir la famille.

  • Huit
A l'âge de 22 ans (en 1715), il épouse Andrée Lemele, une fille du pays, de 8 ans son aînée. Ensemble ils auront 4 enfants. Laboureur, il cultive sa terre paisiblement, entouré de son épouse et de ses enfants.

  • Trente neuf
Après 39 ans de mariage, Andrée quitte ce monde. Les enfants ont tous plus de 30 ans et sont tous installés et/ou mariés.

  • Trente sept
Trois ans plus tard, en 1757, alors qu'il a 64 ans, Pierre épouse Magdelaine Saulnier. C'est le record dans ma généalogie : l'époux le plus âgé. Magdelaine, lors de ce mariage, n'a que 27 ans. Ils ont donc 37 ans de différence (ce qui n'est pas le record !).

  • Soixante douze
Ils auront trois enfants, dont Nicolas (de qui je descends). Ce Nicolas est né en 1764. Son père est donc alors âgé de 72 ans. C'est aussi le record dans ma généalogie : le père le plus âgé.

Mains intergénérationnelles, P.Chauvin


  • Quatre vingt trois
Pierre décède à l'âge de 83 ans, en 1776.

vendredi 6 février 2015

Bête féroce à Jarzé

De 1695 à 1697, la paroisse de Jarzé (49) est "terrifiée par les courses d'une bête féroce qui dévore les enfants" [ 1 ].


Bête du Gévaudan, Gallica



C'est le curé Pierre le Roy qui annote son registre BMS, avec des descriptions assez précises (cœurs fragiles, accrochez-vous).

Françoise Picault et Marie Guitton, jeunes filles âgées d'une douzaine d'années, sont les premières de cette sinistre série. Au mois de juin 1695, on les retrouve à cinq jours d'intervalle, toutes deux victimes de la bête. Marie est dite "dévorée et demie mangée à la base par une beste feroce".

Pendant plusieurs mois on n'entend plus parler de la "maligne beste". Mais elle est de retour en 1697, toujours au mois de juin. Cette fois, ce sont des enfants gardant les troupeaux dans les prés (probablement) qui sont attaqués. Marie Mezange, une fillette de sept ans, s'est laissée surprendre : "Ladite fille a esté devorée dans la lande au bout de l'avenue de la Roche Thibault. Les jambes et les cuisses ont esté mangées entièrement et séparées du corps."

Fin juillet c'est un jeune garçon de douze ans, Pierre Dubois, qui est "devoré par la beste feroce dans la lande a lentrée des bois d'aigrefoin sur le grand chemin qui conduit a angers [...] ladite beste l'a tout a fait mangé fors les foyx et quelques petits os qui ont esté mis dans le grand cimetière de ce lieu."

On ignore si c'est la même bête ou non dans tous les cas. Cette situation évoque facilement à la bête de Gévaudan, mais le terme de "bête féroce" désigne en général plutôt un loup. S'il est possible d'avoir affaire à des hybrides de chiens et de loups - bien qu'il reste difficile d'affirmer que ce soit des chiens errants en raison de la faiblesse des sources - la plupart des cas ces agressions restent le fait d’un animal isolé, caractéristique du loup et de son opportunisme alimentaire. 

Comme d'autres provinces, l’Anjou a été épisodiquement touché par le danger du loup. Les bandes de loups trouvaient asile dans les forêts septentrionales ou orientales de la province : Craonnais, Baugeois, confins de la Touraine. Et certaines années, la faim faisait sortir le loup du bois D’avril à juin 1693, plus de soixante-dix personnes ont déjà été tuées dans la région de Bourgueil, et autant sont blessées. On n’ose plus aller garder les bêtes au pré. En même temps que l'épisode de Jarzé, la paroisse voisine de Fontaine Milon est aussi touchée, peut-être par la même bête.

Pour empêcher le loup de proliférer, la noblesse organise "la huée aux loups qui s’attacquent ordinairement aux personnes et les dévorent" [ 2 ].

Ces attaques de loup étaient parfois suivies d'épidémies de rage. La vieille recette de Jacques Leloyer (curé de Villevêque de 1648 à 1681) est ainsi restée célèbre et plusieurs fois rééditée jusqu'au XVIIIème siècle : sa formule comprenait du galéga, du romarin, de la sauge, de l'angélique, du cassier, des pâquerettes, des pointes d’églantiers, de l'ail, du sel et du vin 

Aucun des enfants cités ci-dessus ne fait partie de mes ancêtres. Mais plusieurs familles de mon arbre habitent Jarzé à cette époque (dont une famille Dubois, même si aucun lien de parenté n'a été prouvé jusqu'à présent). Elles n'ont pas dû manquer de vivre cet épisode tragique, dans ce bourg d'un peu plus de mille habitants où tout le monde doit se connaître.




[ 1 ] C. Port : Dictionnaire historique de Maine et Loire, AD49
[ 2 ] Délibération du conseil de ville d’Angers du 13 novembre 1598, via le site angers.fr

dimanche 1 février 2015

Portrait de généablogueur

Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, me fait le plaisir de me convier à sa galerie de portraits de "généablogueurs" [ 1 ] (ceux qui ont participé au ChallengeAZ) :

"Comment terminer en beauté le challengeAZ ? En publiant un article résumant les 26 jours et surtout, les articles écrits par tous les participants. Une belle performance qui n'est pas passée inaperçue.


La Gazette reçoit Mélanie Astié, du blog Murmures d'ancêtres..."


Pour lire le portrait complet, cliquer ici.


Et retrouvez tous les portraits de généablogueurs en cliquant ici.

Dans la communauté des généablogueurs nous la connaissons tous mais, pour ceux qui l'ignorent, Sophie Boudarel anime le blog la Gazette des Ancêtres

Je n'ai pas la prétention de faire son portrait en retour, mais voici quelques éléments la concernant :
Elle est généalogiste professionnelle, mais aussi formatrice (elle aborde différents aspects liés à la généalogie, comme la gestion des archives personnelles ou les nouvelles technologies spécialement adaptées à ce domaine).
Elle effectue également une veille assidue, recensant les articles concernant la généalogie qui paraissent sur le Net et les regroupant dans des "magazines" Flipboard sous différents thèmes (Geneaveille, Geneatheme, 14-18, ChallengeAZ).

Et surtout, elle a beaucoup d'idées !

C'est ainsi qu'elle a adapté une idée anglaise et lancé en 2013 le Challenge AZ : pendant un mois, un article par jour et par lettre, suivant l'alphabet, sous le thème commun de la généalogie, bien sûr.
Elle suggère aussi un thème d'écriture par mois : c'est le Généathème.
Source d'inspiration pour beaucoup de généablogueurs, ses différentes actions visant à animer la communauté lui ont parfois valu les surnoms de "prêtresse" ou "papesse de la cyber-généalogie" ! [ 2 ]


Personnellement, j'aime me laisser porter par ces idées d'écriture et j'ai participé avec plaisir à l'édition 2014 du challenge AZ (lire les articles ici) et aux Généathèmes depuis décembre 2013 (lire les articles ici).

Alors pourvu qu'elle nous fasse partager ses idées pendant longtemps encore !


[ 1 ] Les généablogueurs sont ceux qui animent des blogs de généalogie.
[ 2 ] Mais ça, on ne sait toujours pas si ça lui plaît ou non...