« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 18 mars 2017

#RDVAncestral : les petits héritiers

Aujourd’hui j’ai revêtu une longue robe, taillée simplement, mais ornée de quelques broderies aux encolures et aux poignets, ainsi que des souliers fins de cuir souple. Une houppelande me protégeait de la fraîcheur du matin. La capuche ayant glissé, elle laissait voir mes cheveux emprisonnés dans une fine résille ornée de perles. J’accompagnais Ermina, la nourrice du château.

Dès le portail franchi, une effervescence rompit avec le calme environnant qui nous avait accompagné tout au long du chemin. Des palefreniers sellaient les chevaux qui piaffaient sur le sol de la grande cour, impatients de sortir des stalles où ils avaient passé bien trop de temps à leur goût. Près de la porte menant à la grande salle, se tenaient les hommes, prêts à partir à la chasse ; tout aussi impatients que leurs montures d’aller se dégourdir les jambes au grand air. Dans un tumulte de sabots et d’ordres lancés à grands cris, les seigneurs du lieu et leurs invités s’en allaient passer la journée à chasser sur leurs terres giboyeuses.

Château de Thorens [*] de nos jours, vue aérienne © DgCphotographe, gpps.fr

Le calme revenu, je les aperçu enfin : deux jeunes turbulents qui ne connaissaient pas l’inactivité, toujours en mouvement, à courir, explorer leur domaine, se chercher querelle rien que pour le plaisir de la joute. Tout cela se terminaient parfois en légère catastrophes : combien de fois ne les avait-on pas retrouvés leurs chemises d’une propreté douteuse, voire déchirées, des ecchymoses un peu partout ? D’un premier abord, ils se ressemblaient, certains les prenant même pour des jumeaux (nés à seulement à un mois d’écart), mais en les examinant de plus près on pouvait les différencier.

Le premier des jeunes garçons se tenait bien campé sur ses jambes. Il était de petite taille, trapu, avec une tignasse brune et de grands yeux noirs. Le modelé ferme du menton contrastait avec la rondeur enfantine de ses joues. Plus tout à fait un enfant mais pas encore véritablement un homme. Il était habillé d’un manteau et d’une cotte bleu clair, de chausses grises. Ses vêtements étaient froissés : malgré l’heure matinale, il n’avait pas dû se tenir tranquille bien longtemps ce jour-là, mais avait sans doute vagabondé, arpentant la cour, inventant sans cesse de nouveaux jeux lorsque le précédent le lassait. Cependant il portait ces vêtements froissés avec une assurance toute aristocratique.

L’autre garçon, légèrement plus grand, le dominait d’une demi-tête. Il avait un visage tout en longueur, un front large. Il était tête nue et ses cheveux noirs luisaient comme le jais. Son ceinturon arborait une dague au fourreau incrustée d’argent. Il avait un port tout aussi altier. Difficile de dire qui était l’aîné des deux, et donc l’héritier du château, des terres et des fermiers qui l’exploitaient, libres ou serfs.

Voici donc les deux cousins, Gaspard et François. Ermina et moi avons la lourde tâche de les surveiller pour la journée. Heureusement, de nombreux serviteurs gardent aussi un œil sur eux, l’air de rien, car les suivre en permanence est une gageure en soi. Ce qui nous laisse le temps pour des travaux de broderies. Ermina avait été la nourrice de lait de Gaspard et si elle revenait de temps au temps au château, ce n’était plus elle qui avait en charge l’éducation des garçons. A treize ans il était temps pour eux d’apprendre leurs futurs responsabilités de gestionnaires de grands domaines, le métier des armes, bref, toutes les responsabilités qu’incombaient aux jeunes nobles de ces années 1580.

D’ailleurs, leur maître d’arme arrivait pour leur donner leur leçon du jour. Des épées à leur taille leur avaient été confectionnées et ils entendaient bien en user « comme les grands ». Parfois quelques entailles superficielles où perlait une goutte de sang arrêtaient la leçon.

Même pour le dîner il était difficile de les garder au calme. Une fois avalé un quignon de pain et une tranche de lard, ils ne cessaient de s’agiter, se donnant de grandes bourrades dans le dos, jusqu’à ce qu’on les autorise à quitter la haute table. Il serait bien temps, plus tard, d’apprendre la patience des longs banquets qu’ils donneraient inévitablement lorsqu’ils auraient hérité des titres et domaines de leurs pères.

L’après-midi s’écoula si rapidement. Je ne cessais de m’émerveiller à les contempler. Force était de constater que certains étaient des êtres d’exception. Quelque fut leur âge, on ne pouvait pas les manquer. Ces enfants en faisaient partie et c’était un réel plaisir de les admirer. Ma broderie n’avançait pas beaucoup, mais cela n’avait pas d’importance.

En fin d’après-midi les chasseurs étaient rentrés, aussitôt accueillis par les nombreux serviteurs et palefreniers du château. Les uns s’occupaient d’ôter les bottes de leurs maîtres, les autres pansaient les chevaux avant de les nourrir et de les rentrer dans leurs stalles pour la nuit. L’agitation qui régnait dans la cour avait ravivé celles des enfants qui, un moment plus tôt, ne savaient plus quoi faire.

Ermina et moi nous apprêtions à partir. Sous le porche, je me retournais une dernière fois. Au même moment, les cloches sonnaient à la chapelle du château pour l’office des vêpres. Gaspard proposa à François de « jouer à la chasse » mais celui refusa.
- «  Non, je préfère aller écouter l’office. »
Il laissa tomber négligemment son épée sur le sol de terre battue de la cour du château et rejoignit le groupe de gens qui se dirigeait vers la chapelle. Gaspard resta un instant seul, déçu, donnant par dépit un léger coup de pied pour faire valser l’épée abandonnée. Puis il haussa les épaules. Il s’aperçut alors qu’il commençait à faire froid, le soleil déclinant ne réchauffant plus la grande cour. Alors, résigné, il suivit les autres. Pour rattraper son retard, il se mit à courir vers la chapelle.
C’est la dernière fois que je le vis.


Gaspard de Sales, fils de Louis, naquit le 29 juillet 1567 en la paroisse de Thorens-Glières (Haute-Savoie actuelle, autrefois terres du Duc de Savoie), au château de Sales. Il est mon ancêtre direct (sosa n°6578) à la XIIIème génération.
François, fils de François, était son cousin germain. Né le 21 août 1567, il est plus connu sous le nom de Saint François de Sales. Il consacra sa vie à Dieu et renonça à tous ses titres de noblesse sur les terres de Sales. Il devint l'un des théologiens les plus considérés de son temps. Ce grand prêcheur accéda au siège d’évêque de Genève et fonda l’ordre religieux de la Visitation.


[*] Le château de Sales qu’ont connu Gaspard et François a été démantelé (en 1630). Il était édifié à 200 m de celui de Thorens. Néanmoins le château de Thorens a bien appartenu, lui aussi, à la famille de Sales.



samedi 11 mars 2017

#Généathème : les migrations de nos ancêtres

D'aussi loin que j'ai pu remonter, c'est-à-dire dans les années 1670, mes ancêtres éponymes ont habité Conques en Rouergue. Mais à partir de 1850, ils ont commencé à bouger. C'est Pierre Jean, le premier, qui quitte le berceau familial. En effet, il est gendarme et se voit muté dans différentes régions, notamment en Corse (histoire racontée dans le billet "L'ancêtre Corse : début de l'enquête" sur ce blog). Ses déplacements sont assez biens connus et expliqués.

Mais aujourd'hui, je vais m'intéresser à son fils aîné, prénommé Augustin Pierre Jean. Je vous le présente : il a les cheveux et les yeux châtains foncé, les sourcils noirs, le nez et le front ordinaire, le menton et le teint rond (sic), la bouche moyenne, le visage ovale [*].
Il est né en 1851 à Conques mais c'est son grand-père maternel Jean Antoine Mas qui a déclaré sa naissance, son père étant dit "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio".
Conques, dessin F.A.Pernot, 1834 © Delcampe

Rapidement, le père fait venir son épouse et son fils en Corse. On retrouve donc Augustin, enfant au sein du foyer familial, dans les recensements : à Appietto (1855), à 10 km d'Ajaccio, puis à Peri (1861), 26 km plus loin.
Appietto et Peri (soulignés en rouge),  Corse du Sud © Magic Serviettes

Par sa fiche militaire, on apprend que, devançant l'appel, il s'est engagé volontaire (classe de mobilisation de 1867) à la mairie d'Ajaccio le 3 octobre 1868 pour 7 ans et incorporé au 32ème de ligne sous le n°3363. Il a 17 ans. Qu'est-ce qui le pousse à quitter la maison si tôt ? Nous ne le saurons probablement jamais.
En 1871, toujours d'après sa fiche militaire (qui se trouve en Aveyron) il est dit cultivateur et caporal au 32ème de ligne. Je ne sais pas si on peut considérer cela comme un nouveau "domicile", mais il est alors dit prisonnier à Koenisgberg (Prusse / aujourd'hui Kaliningrad dans une enclave Russe isolée entre Pologne et Lituanie).
En 1873 est libéré du service actif et envoyé dans la réserve. Mais il ne rejoindra probablement pas sa famille, qui a déménagé à Aubin près de Decazeville (Aveyron).
En tout cas en 1875, lorsqu'il épouse Cécile Rols, il réside à Angers, 31 rue de la Roë. La famille Rols est aussi originaire de Conques; le père de Cécile ayant quitté le Rouergue dans les années 1875, mais on ignore pourquoi. Il a d'abord été en Indre et Loire puis à Angers. Il y était épicier et Augustin était son employé. Tous habitaient la même adresse : on sait où Augustin a rencontré son épouse ! Lors du recensement de 1876 il y habite toujours.

Angers, 31 rue de la Roë aujourd'hui © Google street view

"Le décès survenu à 47 ans de son beau-père et patron l'oblige à trouver un autre emploi" (d'après ce que disait mon grand-père : en fait il a quitté l'épicerie deux ans avant le décès dudit beau-père). Peut-être pistonné par son père, il est nommé "gendarme à pied à la compagnie de Maine et Loire" en 1877: on le retrouve en poste à la gendarmerie de Beaufort en Vallée lors de la naissance de son second fils. Il est ensuite rapidement muté à La Possonière (naissance de sa fille en 1879). Mais il ne fait pas carrière dans la gendarmerie puisqu'il démissionne en 1880. Lors des décès de deux de ses enfants, le 3 et le 16 avril 1881 [**], il est revenu à Angers, au 63 faubourg Saint-Michel; îlot misérable et insalubre totalement démoli dans les années 1960; mais qui avait peut-être meilleure allure dans les années 1880 ? Il est alors dit respectivement ouvrier de fabrique et employé de commerce.

Angers, entrée du faubourg Saint-Michel © Delcampe

Il fait ensuite un bref retour en Aveyron entre 1882 et 1886, à Aubin. Il n'apparaît pas dans le recensement de la commune en 1881, ce qui laisse supposer qu'il y est arrivé en toute fin d'année (après le décès de son fils Alexandre en avril) ou en tout cas avant le mois de juin 1882 puisque sa fille Marie Euphrasie y naît à cette date. Il rejoint sans doute ses parents qui habitent la commune, à nouveau sans doute pistonné par son père puisqu'on le retrouve garde mine comme lui; mais il change régulièrement d'adresses : lieu-dit Le Moulinou en 1882 (naissance de Marie Euphrasie), Combes en 1883 (décès de son père), Peyrolles en 1884 (naissance de son fils François) puis à nouveau Combes en 1886 (naissance de son fils Élie).

 Combes à Aubin, Puits de Mine, 1910 © merigot.chez-alice.fr

Finalement il revient en Anjou : il demeure à Angers, mais il a une adresse différente à chaque naissance ou décès d'enfant : 39 rue des Banchais en 1888 (naissance de son fils Augustin), rue Victor Hugo en avril 1889 (naissance de son fils Ernest), 27 rue Larevellière en juin 1889 (décès de son fils Ernest), 10 rue de la Rame [?] en 1892 (naissance de son fils Benoît), 14 rue Fénelon en 1895 (naissance de son fils Alexandre). Il est journalier.

Détail des migrations de Augustin PJ Astié, Angers et ses environs © TravelMap

En septembre 1904 il demeure encore à Angers, route des Ponts de Cé (mariage de son fils François), mais il déménage ensuite à nouveau : cette fois il va en région parisienne. Selon la tradition orale familiale "il est parti à Paris, à pied, chercher du travail". Il a alors 54 ans. Il deviendra journalier au gaz.

Cette fois il rejoint vraisemblablement son fils qui habite déjà à Ivry : en juin 1905 on le retrouve à Ivry, 34 rue Nationale (décès de son frère Louis), puis rue Raspail en 1911 (recensement).

Finalement, son acte de décès, en 1914 porte l'adresse Paris 13ème, 11 rue Damesme (rue qui se trouve dans le prolongement de la rue Nationale d'Ivry).

Migrations d'Augustin Pierre Jean Astié © TravelMap

Ce qui fait tout de même 20 adresses (je ne compte pas la Prusse) en 62 ans de vie - soit un déménagement environ tous les trois ans en moyenne ! Et peut-être que quelques adresses m'ont échappées, notamment à la fin de sa vie où les sources ne sont plus disponibles en ligne.
La plupart de ces déplacements s'expliquent facilement : la raison principale semble être la recherche de travail, qui se fait essentiellement par rapprochement familial (parents puis enfants) ou relationnel (son futur beau-père). Mais pourquoi ces déménagements incessants dans une même ville à quelques mois d'écart (comme à Angers, Aubin ou Ivry) ? Cela reste un mystère.


[*] Description trouvée sur sa fiche militaire.
[**] Pour l'anecdote les deux décès ont la même adresse, 63 faubourg Saint-Michel, mais celui du 3 avril est classé dans le 1er arrondissement d'Angers tandis que celui du 16 est dans le 2ème arrondissement !

samedi 4 mars 2017

Les oubliés

De retour d’un voyage dans sa famille (et belle-famille), ma mère m'a rapporté un certain nombre de documents généalogiques : 
  • Des photos (dont l’album de mariage de sa mère),
  • Des cartes postales écrites à sa grand-mère paternelle Marcelle,
  • Des cartes postales vierges, signe indéniable de la collectionnite aigüe de feue ma grand-mère maternelle (voir l’article « Défi 3 mois : le livre d'or »),
  • Une lettre manuscrite de mon grand-père paternel racontant sa jeunesse,
  • Des cartes de communion (vierges),
  • Mes lettres d’enfant écrites à mes grands-parents paternels.

Voyons d’un peu plus près tout cela :
  • Les documents connus :
Pour la plupart, je connaissais déjà ces documents : je possède l’album de mariage de ma grand-mère en trois exemplaires ( !), la lettre de mon grand-père, un certain nombre de photos...
J’ai eu un bref moment de nostalgie en relisant mes lettres d’enfants.
  • Les cartes postales :
Il y en a 182 ! Certaines ont dû être envoyées sous enveloppe, ce qui fait qu’elles ne sont pas toutes timbrées et oblitérées – donc datées. Mais pour celles qui le sont, elles ont été écrites entre 1945 et 1978, avec un gros contingent dans les années 60/70.

Cartes postales adressées à Marcelle Macréau, épouse Borrat-Michaud © coll. personnelle

Certaines ne sont pas signées. Quelques auteurs sont identifiés néanmoins : les sœurs de Marcelle, Paulette et Germaine; les petits-enfants de Marcelle (dont ma mère); la famille chez qui elle travaillait (elle était domestique); les enfants de cette famille (qu’elle a quasiment élevés et qui l’appelaient « mémère », comme ses propres petits-enfants). Quelques unes sont adressées à « ma chère sœur » mais ne comportent pas de signature : je ne sais donc pas laquelle des trois sœurs de Marcelle les a écrites.
D’une manière générale, ces cartes ne m’apprennent pas grand-chose : quelques changements d’adresse successifs, de la Seine et Marne à la Seine et Oise (aujourd’hui Val d’Oise notamment), des problèmes de santé à un moment donné. La plupart des messages sont du type : « nous avons fait un bon voyage », « j’espère que tu vas bien », « je te souhaite une bonne année ».
Cela me fait penser à cette chanson chantée par Yves Montand, intitulée «  Je me souviens » : « Quand la nostalgie a retrouvé de veilles cartes postales où le ciel est toujours bleu, l’arbre toujours vert, la mer est calme. […] Je suis seul à savoir ce que l’écriture au dos signifie. Les diminutifs, les phrases banales : poignée de main de Castelnaudary, bons baisers du Mont Blanc, un bonjour de Saint-Jean-de-Luz… ».

Je me souviens, Yves Montand

Personnellement, j’aimerai bien savoir « ce que l’écriture au dos signifie », et qui en sont les auteurs, mais bon…

Deux cartes ont attirées mon attention, mentionnant une tombe à Angers (Maine et Loire). Voici un extrait de l’une d’elle : « Ma chère Marcelle [...] Nous avons été à Angers fleurir la tombe. Nous y avons mis des fleurs artificielles puisque l'on ne peut arroser et la tombe est très propre [...]. Cela m'a fait beaucoup de bien au moral de faire cette visite pour te remplacer. ». A noter : la carte devait se poursuivre sur du papier libre car elle s'arrête en pleine phrase - et n'est donc pas signée et son auteur inconnu. Je me suis demandée un moment quel était le rapport entre cette tombe si éloignée de la région parisienne où a vécu Marcelle, puis je me suis rappelée qu’il s’agissait de la tombe de son fils unique, André, mon grand-père décédé en 1963.
  • Les photos :
Hormis quelques rares exemplaires connus (ma famille proche, même avec 30, 40 ou 50 ans en arrière), la plupart ne sont pas identifiés : c’est une succession de bébés, communiant(e)s, couples posant en studio

Photos non identifiées © coll. personnelle

J’ignore totalement qui ils sont : peut-être sont-ils des cousins éloignés, ou tout simplement les enfants du boucher d’en face ! Même si ces clichés sont très beaux, réalisés en atelier pour la plupart (de toute évidence), quelle valeur ont-ils aujourd’hui alors qu’on a oublié qui sont ces visages ? Et que faire de ces photos ? Les jeter me crève le cœur, mais les garder : à quoi bon ?

Lorsqu’ils ont été écrits, donnés, reçus, ces documents étaient « vivants », ils avaient une signification pour ceux qui les possédaient. Un caractère sentimental bien souvent.
Puis, petit à petit, avec le temps, ils ont pris un intérêt patrimonial, sociologique (ou ici en l’occurrence généalogique), témoins de modes diverses : vestimentaires, mais aussi relationnelles, scripturales, etc…
Mais avec le temps qui va s’écouler encore, ils vont pénétrer peu à peu dans le brouillard : on ne sait plus qui est qui et ça n’a plus d’intérêt pour personne. Ils entrent dans « une petite mort ». Ce ne sont que des vieux papiers sentant la poussière. C’est l’heure fatidique où, s’ils sont encore dans les greniers, on les jette par poignées.
Pourtant, dans deux ou trois siècles, ces « vieux papiers sans intérêt » regagneront leurs galons : devenus Historiques (avec un grand H), ils seront les incunables ou les parchemins d’aujourd’hui. Mais la question qui reste en suspens : les aura-t-on gardé assez longtemps pour cela ?

mardi 28 février 2017

#Centenaire1418 pas à pas : février 1917

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de février 1917 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er février
Étape de Docelles à Dounoux par Arches et Hadol.
Carte Docelles-Dounoux

2 février
Installation au cantonnement à Dounoux.

3 février
1ères manœuvres de cadres au camp d’Arches.

4 février
1ères manœuvres avec la troupe.

5 février
2èmes manœuvres de cadres.

6 février
2èmes manœuvres avec la troupe.

7 février
Repos. Critique à la mairie d’Arches.

8 février
3èmes manœuvres avec la troupe.
 
Soldats courant, 1914 © Gallica

9 février
Le bataillon se remet à l’instruction : individuelle, combat de groupe, évolutions, défilés…
Mutations d’officiers.

10 février
Changements de corps : mutations de chasseurs.

11 février
Comme hier.

12 février
Aucune note pour ce jour.

13 février
Aucune note pour ce jour.

14 février
Aucune note cette semaine.

21 février
Manœuvre de division : marche d’approche, recherche de contact.

22 février
Aucune note ce jour.

23 février
Ordre de bataillon n°140.

24 février
Ordre de bataillon n°141.

25 février
Aucune note ce jour.

26 février
Ordre de bataillon n°141 (sic). Préparatifs de départ. La 47e Division se rend en Haute-Alsace par voie de terre.

27 février
Nous faisons mouvement : ordre de marche du bataillon depuis le camp d’Arches sur Fougerolles.
Grand-halte à 4km SO de Plombières : nous cantonnons à La Ramousse.
Carte Arches-La Ramousse

28 février
Étape sur Citers. Passage à La Ramousse à 6h20. Grand-halte à 200m Nord du passage à niveau de Citers. Arrivée au cantonnement vers 14h.
Carte La Ramousse-Citers


samedi 18 février 2017

#RDVAncestral : Louise, mariée à 12 ans

Les petites sautillaient autour de Louise, admiratives. Marie 8 ans, Estiennaz 5 ans et même Claudine 2 ans, sur ses petites jambes malhabiles, imitant ses grandes sœurs. C'est la nouvelle robe de Louise qui suscitaient ainsi l'admiration. Clauda, leur mère, les surveillait du coin de l’œil, occupée aux tâches quotidiennes de l’entretien de la maison. Je ne sais pas où est Benoite, la sœur aînée âgée de 16 ans. Depuis le décès du petit Jean Antoine qui n'a vécu que 3 mois, il n'y a que des filles dans la maison.

Je regarde Louise. La nouvelle robe lui plaît, bien sûr. C'est pas tous les jours que sa mère lui confectionne une nouvelle robe. Mais en même temps elle a l'air un peu triste. Elle regarde le coffret en bois qui l'attend. C'est son père Benoît, laboureur, qui l'a fabriqué après ses journées de travail, dans le plus grand secret. Il est petit et ne contient que quelques rares effets : sa robe de tous les jours, une aune de toile et deux serviettes un peu usées. Mais c'est le sien. Ça lui a fait bien plaisir quand son père le lui a donné hier soir.
Mais ce coffre et cette robe, c'est aussi le signe du départ. Aujourd'hui Louise quitte sa famille. Elle va dans la vallée voisine, autant dire le bout du monde ! Reverra-t-elle ses proches ?

Et surtout... Ce voyage n'est pas ordinaire, comme quand on va à la foire ou dans un autre village pour une veillée. Non, cette fois Louise s'en va pour suivre son mari. Ce Claude qu'elle a épousé ce matin en l'église de Lantenay. Elle ne le connaît pas ce Claude. Elle sait juste qu'il est tailleur d'habits. En plus il est vieux ! Il a au moins 20 ans, voir plus ! Du haut de ses 12 ans, pour Louise, c'est un vieillard... Car, oui, Louise n'a que 12 ans et vient de se marier.


Jeune fille vintage © via littlepinkstudio.typepad.com sur Pinterest

- Bon allez, ça suffit maintenant !
Clauda met fin au chahut des petites.
- Le charriot est prêt : c'est l'heure.

Louise sent les larmes lui monter aux yeux. Il faut dire que sa mère n'en mène pas large non plus. C'est sa petite qui la quitte aujourd'hui, tout de même. Je crois qu'au dernier moment, le courage lui manque. Je propose donc d'accompagner Louise : d'un signe de tête Clauda me remercie.
Je prends le coffret sous le bras et Louise par la main. Nous sortons de la maison sans un mot et nous nous dirigeons vers le charriot qui attend la jeune épousée.

J'essaie de la réconforter comme je peux, mais il est vrai qu'avec ma mentalité du XXIème siècle j'ai un peu de mal à me réjouir d'une mariée de 12 ans ! On dit en général que le mariage est le plus beau jour dans la vie d'une femme. Mais à 12 ans... Ces usages ne sont plus dans nos habitudes et sont presque devenus choquants pour nous. Cependant Louise tient fort ma main dans la sienne, accrochée à moi comme un noyé à une bouée. Alors j'essaie de lui parler, de la rassurer.

- Ne t'inquiète pas Louise : il n'est pas si vieux ce Claude. Il n'a que 21 ans [Bon, c'est le quasiment le double de ton âge, mais ça pourrait être pire... : décidément, il y a des choses qui ne sont pas bonnes à dire]. Tu vas avoir ta maison à toi. Et bientôt des enfants. Et puis Brenod, n'est pas si loin.

Nous sommes déjà arrivées au charriot. Je pose le coffret et j'installe confortablement Louise, une couverture autour des épaules : à près de 1 000 m d'altitude en plein mois de novembre il peut faire très froid sur les routes. Elle semble un peu réconfortée. Je sais que son inquiétude va passer avec le temps. Et puis, dès l'année prochaine elle mettra au monde un fils; suivi de trois autres enfants. Après le décès de Claude, elle se mariera à nouveau. Elle aura cette fois 27 ans et déjà presque toute une vie derrière elle. Encore deux enfants. La vie qui continue. Finalement Louise s'éteindra à 59 ans.


Louise Baland, mon ancêtre à la 13ème génération (sosa n°5371) est à ce jour la plus jeune épousée de ma généalogie : mariée le 13 novembre 1657 à Lantenay (Ain) à 12 ans seulement avec Claude Massonet (âge probable : 21 ans).

Pour les curieux : afin de se rappeler de la différence entre nubilité (âge à partir duquel on peut se marier) et majorité matrimoniale (âge à partir duquel on peut se marier sans le consentement parental ni celui d’un tuteur) au cours du temps, voir le récent article du blog de Stefieh Ils étaient une fois... bienvenue chez mes ancêtres "N comme nubilité et majorité matrimoniale").


samedi 11 février 2017

L'armée des ombres

Il en va ainsi en général : nous aimons les chiffres ronds. Et en la matière je viens d’en atteindre un. Un assez conséquent. Pour paraphraser une célèbre citation : "je partis seule et nous arrivâmes 10 000."

10 000 c’est un cap… « C'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! » dirait certain. Je répondrais juste : « non, ce n’est qu’un arbre ». Un arbre généalogique qui affiche aujourd’hui 10 000 individus, selon mon logiciel de généalogie : mes ancêtres directs et leurs frères et sœurs (quand je les ai trouvés : leur recherche n’a pas été systématique), quelques beaux-frères ou belles-sœurs  pour les plus proches parents.
9 999 sont donc derrière moi, clairement identifiés ou plus flous, « invisibles » (c'est-à-dire que j’ignore presque tout d’eux) ou mieux connus, voire carrément familiers à force de patientes recherches - et trouvailles.
Ils sont là, à veiller sur moi. Ou plus probablement à m’ignorer complètement, ne se doutant pas un seul instant que 600, 400, 100 ou même 50 ans un(e) de leurs descendant(e)s s’amuserait à les faire sortir de l’ombre où le temps les a patiemment installés.

Foule © via dreamstime.com

Ce travail (bien que le mot semble fort inapproprié en l’occurrence) a fait émerger pauvres gens et riches notables, fermiers laborieux et nobles familles, mort-nés vite ondoyés et vieillards chenus. Il m’a fait voyager dans plusieurs pays, au sens propre comme au sens figuré :
  • 4 pays : France, Suisse, Autriche, Belgique,
  • 18 régions (celles d’avant la réforme de 2016),
  • 31 départements français,
  • 305 paroisses et/ou communes.

Les généalogistes disent souvent (ou entendent dire) qu'il y a dans chaque arbre généalogique un roi et un pendu :
  • Je ne suis pas encore remontée assez pour trouver un roi, mais une belle famille noble qui m'a emportée jusque dans les années 1320 (sous le règne du roi Jean II) - les générations antérieures étant sujettes à caution. C'est la branche la plus longue et la plus ancienne de mon arbre. Elle me mème en (Haute-)Savoie (actuelle). Ma mère est à l'autre extrémité de cette longue branche...
  • De pendu, point non plus; mais un grand oncle assez tapageur qu'on a envoyé se calmer dans un bataillon d'Afrique au début du XXème siècle; ce qui n'a eu guère d'effet puisqu'il a été à nouveau condamné, cette fois par un tribunal militaire. C'est finalement la boue d'une tranchée de la Somme qui aura raison de sa rébellion (comme je l'ai raconté dans cet Hommage aux Poilus). 
  • Par contre j'ai un saint (ou presque) : saint François de Sales, fondateur de l'ordre de la Visitation, est le cousin germain de mon ancêtre direct Gaspard de Sales (la fameuse famille noble citée plus haut).
  • J'ai aussi dans mon arbre un "bastard", une fille "donnée" (à la naissance ?) et un fils illégitime, mon arrière-arrière-grand-père, qui m'a privé d'une grosse branche de mon arbre...

10 000 en vrac, cela donne :
  • Villevêque (Maine et Loire) est le lieu qui compte le plus d’événements (naissance, mariage décès) : 593. 67 paroisses/communes n’en comptent qu’un seul.
  • 1381 patronymes ont surgi du passé. Le plus commun : Le Tessier (109 porteurs) : de braves pêcheurs, pontonniers, laboureurs, vignerons ou marchands des Pays de la Loire, assis sur la branche paternelle et angevine de mon arbre. Mon propre patronyme n’arrive qu’en 6ème position avec 54 porteurs ; 561 ne concernent qu'un seul ancêtre, 24 n’ont pas été identifiés (désignés sous le patronyme de Xxx).
  • 630 prénoms ornent mon arbre. La palme revient à Marie (1 136 porteuses), puis viennent Jean (797), Pierre (697), Jeanne (687), François et Françoise (975 à eux deux). Très classique en somme. 127 n’ont pas été transcrits (Xxx), 267 ont joué les originaux : porté par une seule personne – et heureusement parfois : Yolente, Premier, Rouph, Neymod, Miaz, Ildefonce (Ah ! non, tiens ! ils sont deux ceux-là en fait…), Felisonne, Etragie, Brenguier, Anoye. Quelques un(e)s ont adopté le nom de saints locaux, plus ou moins oubliés aujourd’hui : Vital (nom de plusieurs saints, en France et à l’étranger), Opportune (sainte normande), Maurille (saint évêque d’Angers, Maine et Loire), Fare (sainte de Seine et Marne), Barbe (sainte, grande martyre des églises orthodoxes et catholique)…
  • Ces ombres tutélaires ont, de leur vivant, exercé 207 métiers différents (à ma connaissance : nombreux n’ont pas livré leur secret sur ce point) : paysans, commerçants, artisans, marchands, notables, sans profession (ce qui recouvre de multiples situations : nobles, retraités, épouses de…). De laboureurs (164 personnes) à sarger - ouvrier fabriquant des étoffes ou tissus de laine, de la serge (1 seul) : une grande partie de la société, et de sa diversité, est représentée.
  • 315 ont signé au moins un document au cours de leur vie. Ce faible pourcentage s'explique par le fait que je n'ai enregistré que les signatures de mes ancêtres directs, et non les 10 000 en entier.

Au fait ! le n°10 000 est Benoît Monet, fils de Pierre (sosa n°718, ancêtre à la Xème génération, né vers 1677 dans l'Ain). Benoît fait partie des invisibles : cité dans plusieurs actes concernant sa sœur comme "frère", bien identifié comme fils de Pierre, je n'ai trouvé aucun acte le concernant directement. De plus sa mère n'est pas nommée; or Pierre a eu deux épouses : je ne sais donc même pas laquelle est sa mère. Benoît n'étant pas un ancêtre direct, mais un collatéral, il ne porte pas lui-même de numéro sosa... Mais c'est le n° 10 000 de mon arbre !



samedi 4 février 2017

#Généathème : généalogie côté insolite

Je n’ai pas souvenir d’en avoir rencontré après la Révolution, sans doute à cause des pages pré-remplies et à la rigueur des officiers d’État civil. Cependant, lorsque que c’était les curés qui tenaient les registres de baptêmes, mariages et sépultures (BMS), il n’est pas rare de croiser quelques digressions dans la marge ou carrément au sein du registre. Plus ou moins longues, cela peut être un dessin, le compte rendu d’une visite pastorale, le détail de travaux faits sur l’église. Très courantes sont les observations météorologiques (deux d'entre elles furent à l'origine de l'article L'effet papillon sur ce blog).

Je me rappelle avoir lu le récit d’une avalanche particulièrement destructrice, sur les hauts plateaux de l’Ain. Mais impossible de retrouver la date et la paroisse concernée ! Depuis, et sur les conseils de @gazetteancetres, à chaque fois que je rencontre une de ces mentions insolites, je l’enregistre dans un dossier dédié.

C’est ainsi que je peux aujourd’hui facilement ressortir celle-ci (parmi d'autres). Il s’agit d’une note d'un curé, nommé Récamier, en poste à Villes (Ain) dans les années 1730. La note commence sur l'avant dernier feuillet du registre BMS de la paroisse, à peu près au milieu d'une page (celle-ci débutant comme il se doit par les mentions de baptêmes et de décès, avant de laisser place audit commentaire). Sur le feuillet suivant, le début de la page concerne un acte de baptême, finalement rayé avec cette note dans la marge « il est écrit dans le registre suivant ». Tout le reste de la page est occupé par la fin de la fameuse note du curé. Ce qui suppose qu'elle a été écrite à postériori, là où il y avait de la place. Cette note est une véritable diatribe, au ton plutôt vif. Car, inutile de le cacher plus longtemps, M. le Curé est – de toute évidence – très en colère.
Un conflit l’oppose à l’un de ses paroissiens… pour une question d’argent.

Mais notre curé colérique ne manque pas d’ironie, commençant son texte par cette formule savoureuse « J’aurais laissé dans un entier oubli ce qui suit ». Il explique comment Pierre Bernard, orphelin de père, avait été placé en apprentissage chez un marchand toilier durant six ans. Le curé pense qu’il y a simplement « perdu son temps ». De retour chez sa mère et ses sœurs, il porte des accusations contre le curé, sans toutefois lui en parler directement mais en répandant des commérages « dans ce vilage ». Il prétend en effet « que ses parents avaient contribué aux réparations de l’église » ; « quoy que cela est très faux » rétorque le curé, insistant sur la « sotte vanité » dont fait preuve son paroissien. Il précise même que le père, feu Claude Bernard, « n’a jamais fourny ny un sol ny la valleur dicelluy pour la batisse en réparation de notre église ». Contrairement à « tous les autres habitants [qui y ont] contribué », chacun selon leurs capacités : « les uns en naydant à creuser les fondations », les autres en fournissant « les matériaux comme sable et pierre », voire en « faisant un four à chaux ». Et tous ces travaux ont été réalisés les jours de fêtes (normalement chômés), grâce à une autorisation spéciale de l’évêque. En lisant cette note, on perçoit la tension du curé crisser sous sa plume, à tel point que, tellement énervé contre son paroissien, il se refuse même à écrire de nouveau son nom, disant simplement « de l’autre part nommé ». On sent sous cette mention que des insultes, bien peu chrétiennes, auraient pu se libérer d’un coup. Quand à l’argent fourni, car il y a bien eu des dons en argent, « le curé soussigné […] en remercie Dieu de luy en avoir donné la pensé [= de s’en être rappelé ?] […] il est vray que il y a eu environ 130 livres qui ne sont pas de mon bien mais que je ne déclare pas non [plus] quelles proviennent d’aucune restitution mais elles sont venue d’une bourse dont le propriétaire n’en a pas scu l’employer, pieux et legitime. »

Non mais !

Diatribe à Villes, registre paroissial de Villes, 1734 © AD01

[première page] « J’aurais laissé dans un entier oubli ce qui suit mais
la sotte vanité de Pierre fils de feu Claude Bernard et
qui appres avoir perdu son temps  chez un marchand
toilier où il avait été mis pendant six ans par ses
parents pour y apprendre ce negoce, s’est venu revivre
dans sa maison a villes avec sa mere et ses sœurs , disoit
dans ce vilage, que ses parents avaient contribué aux
réparations de l’église de ce lieu quoy que cela est très
faux, je déclare que claude bernard enfant de feu Pierre
Bernard et qui socupoit à faire valoir son moulin
n’a jamais fourny ny un sol ny la valleur dicelluy
pour la batisse en réparation de notre église quoy que
tous les autres habitants y ayant contribué chacun [?]

[seconde page] comme il a pû les uns en naydant à creuser les
fondations les autres a fournir les matériaux comme
sable et pierre et tous a lexclusion dudit [… ?] qui est
de lautre part nommé, en faisant un four à chaux 
et le tout les jours de fetes par la permission
accordée par le seigneur eveque et tout largent fourni
par le curé soussigné qui remercie Dieu de luy
en avoir donné la pensé et le pouvoir de leffectuer
Il est vray que il y a eu environ 130 livres qui ne sont
pas de mon bien mais que je ne déclare pas non quelles
proviennent d’aucune restitution mais elles sont
venue d’une bourse dont le propriétaire n’en a pas
scu l’employer pieux et legitime ny pu le scavoir
cest tout ce que jassure en me signant
Recamier curé »