« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 18 mars 2014

Un, deux, trois . . .

Parmi les documents complémentaires que peut consulter un généalogiste, il y a les listes de recensement.

Autrefois appelées listes nominatives des habitants d'une commune, y figurent tous les habitants résident habituellement dans la commune (qu'ils soient présents ou non au moment du recensement); exception faite des hôtes de passage, des militaires, marins, détenus, élèves internes, etc . . . qui sont comptés à part. Ces derniers évoluent un peu au fil du temps (disons que la liste se précise) : les ouvriers étrangers à la commune occupés aux chantiers temporaires, les individus exerçant des professions ambulantes . . . Mais globalement l'esprit reste le même.

Leur consultation permet de confirmer (ou non) la présence d'un ancêtre dans une commune. Mais ces documents sont aussi émaillés de multiples mentions qui peuvent nous fournir des détails complémentaires : le lieu précis d'habitation (hameau, rue), le métier, l'âge . . . Selon les époques, on peut trouver aussi des observations complémentaires, la nationalité, le nom du patron pour les ouvriers ou employés, etc . . .

Entre les lignes, on peut déceler aussi quelques us et coutumes locales.

Ainsi dans les listes nominatives de recensement de Saint Amand sur Sèvre (Deux-Sèvres), que ce soit en 1866, 1901 ou 1906, on s'aperçoit que les familles vivent souvent à deux ou trois générations sous le même toit, accompagnées de leurs domestiques.

Recensement famille Gabard, 1901, AD79

Prenons l'exemple de la famille Gabard, qui réside dans un hameau de la commune, La Gidalière :
  • Les Gabard apparaissent en 1866, le foyer est composé des parents, leurs sept enfants, et un domestique et un berger. Soit 11 personnes sous le même toit. Gabard Pierre est qualifié de "fermier, chef de ménage". 

  • En 1901, le foyer est composé des parents, des enfants, du grand-père (veuf) et des domestiques : trois "garçons domestiques à gages", âgés de 24 à 32 ans, et d'une "fille servante à gages" âgée de 18 ans. Soit 11 personnes. Gabard Célestin (fils de Pierre, comptabilisé au recensement de 1866) est aussi qualifié de "fermier, chef".

  • En 1906, le grand-père est décédé, mais il y a trois enfants de plus. Il y a toujours trois domestiques hommes (dont deux déjà présents au recensement précédent) et une servante (différente de celle de 1901). Soit 13 personnes.

Grâce à au registre de 1901 de la même commune, on voit que la famille Roy est la seule à habiter le hameau de La Cornulière (contrairement à La Gidalière, par exemple, composé de cinq foyers, dont les Gabard). Le foyer est composé des parents, trois enfants, dont le fils aîné marié, son épouse, leur petite fille âgée de 10 mois, et deux garçons domestique à gages. Soit 9 personnes. Roy François est qualifié de "fermier, chef".

Dans les listes nominatives de recensement de Seine-et-Marne, on suit assez facilement les différentes générations de la famille Macréau. Contrairement à ceux des Deux-Sèvres, ils vivent en cellule familiale restreinte, en général les parents et les enfants seulement. Néanmoins, on relève quelques curiosités, qu'on ne peut pas toujours expliquer :

  •  Le couple Macréau/Fouchy est recensé à Guérard (hameau du Grand Lud) : en 1836 ils habitent avec leur fille Louise; en 1841 et 1846 avec leur fille et leur fils Léon; de 1851 à 1861  il n'y a plus que Léon (la fille est mariée ou décédée); en 1866 avec leur bru mais Léon son époux n'est pas mentionné (sa trace n'a pas été retrouvée); de 1872 à 1886 ils habitent tout les deux et en 1891 et 1896 Etienne Macréau est seul puisque son épouse Angélique Fouchy est déjà décédée.

  • Le couple Macréau/Gibert est recensé à partir de 1866 au Grand Lud de Guérard (Marie Louise habite avec ses beaux-parents, Léon n'est pas présent), en 1872 ils habitent seuls avec leur fils Albert. On perd leur trace ensuite. On les retrouve à Tigeaux à partir de 1881 où ils habitent avec leurs deux enfants Albert et Henri; idem en 1886. Mais à partir de 1891, à leur domicile, vivent aussi des jeunes enfants : 2 en 1891, 3 en 1896 et 1901. On ne sait pas qui sont ces enfants, âgés de 4 mois à 8 ans. Seule une fillette a des liens familiaux connus : elle est la nièce de Marie Louise Gibert. Enfin, en 1906, ils vivent avec leur petit-fils (mais la génération intermédiaire, Macréau/Le Floch, n'est pas mentionnée; on ne sait pas où ils résident).


     Recensement famille Macréau, 1906, AD77  

    • Le couple Macréau/Le Floch est recensé en 1901 à Tigeaux. Comme vu précédemment leur fils vit avec ses grands-parents en 1906, mais eux n'ont pas été trouvés. En 1911 on les retrouve à Mortcerf avec leurs 6 enfants. L'un d'eux est dit né à Serris en 1906, ce qui nous apprend (enfin) où ils étaient à cette date (confirmé par les listes de recensement de Serris). On ignore toujours pourquoi leur fils aîné, âgé de 5 ans, habitait avec ses grands-parents et non avec ses parents en 1906.

    Ces précieuses sources sont, comme tous les documents anciens, à prendre avec précaution toutefois. Ainsi les âges donnés ne se vérifient pas toujours exactement. De même l'orthographe des noms peut varier. Par exemple mes ancêtres Borrat-Michaud sont recensés à Samoëns (Haute-Savoie) sous le nom Michaud (en 1866), Borrat-Michaud (en 1896), mais Méchond (en 1911) !

     

    mardi 11 mars 2014

    #Généathème : M comme métier

    Ma généalogie compte 241 métiers différents. Comment n'en choisir qu'un ?

    Il y a les métiers "rares", c'est-à-dire pratiqués que par une seule personne (164).
    Il y a les métiers au nom poétique : maréchal en œuvres blanches, par exemple (forgeron fabricant des outils tranchants).
    Il y a les métiers exclusivement féminins : mercière, ouvrière lapidaire, lingère . . .
    Il y a les métiers "héréditaires" : praticien, cordonnier, concierge des prisons . . .
    Il y a les métiers mystérieux, au sens variant selon les époques : travailleur, vacheron, "sans" . . .

    Mais puisqu'il faut en choisir un, ce serait vigneron.
    • C'est le métier le plus pratiqué par mes ancêtres
    • C'est (probablement) le métier pratiqué par mon plus lointain ancêtre éponyme
    • C'est un métier "inter-branches" : pratiqué par mes ancêtres paternels et maternels 


    Vignes, PhotoPin

    Moi qui n'y connais rien en vin : un comble !

    Mes ancêtres se répartissent sur quatre terroirs principaux :
    • l'Anjou 
    Vers l’an 600, l’historien Grégoire de Tours est le premier à évoquer les vignes de l’Anjou. Au XIIème siècle, les rois Plantagenêt donnent un sérieux coup de pouce aux vins d’Anjou en leur ouvrant la Cour d’Angleterre et les marchés de l’Europe occidentale. À l’origine, la vigne, entre Saumur et Angers, longe la vallée de la Loire puis s’étend entre coteaux du Layon et Saumurois. En 1883, le phylloxéra ronge les trois-quarts du vignoble. Cette crise entraîne néanmoins une véritable mutation : la replantation privilégie les meilleurs terroirs du Saumurois, du Layon, de l’Aubance et des Coteaux de la Loire.

    Pierre Clavier, les Bougard, vignerons sur plusieurs générations à Pellouailles-les-Vignes (la bien nommée * ) au XVIIème.
    Marin Frémont, vigneron à Cornillé-les-Caves au XVIIème.
    Pierre Clavier, les Galland, Guillaume Le Mesle, Jean Merceron, Mathurin Repussard, René Rohault, les Vaugoyau, vignerons à Villevêque aux XVII et XVIIIème.
    Pierre Flon, Urbain Lecuyer, vignerons à Andard au XVIIème.
    Michel Le Tessier, vigneron au Plessis-Grammoire au XVIIème.
    Jean Lochet, les Peulier, vignerons à Brain-sur-l'Authion aux XVII et XVIIIème.

    • l'Ain
    L'existence de la vigne en Bugey est relatée dès le Ier siècle après J.C.. Les Romains favorisèrent son développement en trouvant des débouchés à Rome, mais en concurrençant les vins italiens. L'arrachage des vignes ordonné par l'empereur Domitien stoppa le développement dans la région. Ce n'est qu'au Moyen-Age, sous l'impulsion des moines que la vigne va réapparaître. Ces derniers, grâce à leurs connaissances agronomiques approfondies, sélectionnèrent des terroirs de qualité qui furent exploités jusqu'au XVIIIème siècle. Secteur de Cerdon : Vignoble situé sur de très fortes pentes exposées au sud à des altitudes parfois élevées (plus de 500m). On y produit toujours du vin aujourd'hui : un vin mousseux rosé. 

    Louis Bolliet, Jean Claude Barbier Colomb, Jean Baptiste Guilin, Nicolas Mollie, vignerons à Cerdon aux XVII et XVIIIème. 

    • la Seine et Marne
    "Le vin de Brie n'est bon que pour les domestiques" Cette opinion de Boileau ne découragea pas la culture de la vigne sur les coteaux de la Marne jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ils sont issus de deux plants : le plant de Brie (ou meunier) robuste  qui mûrissait de bonne heure, et le gouais à maturité tardive, acide et sans bouquet. Ce sont des vins blancs pour la plupart; ponctuellement on trouve du vin rouge. L'ensoleillement n'étant pas suffisant pour permettre aux raisins rouges d'atteindre la pleine maturité. La proximité de Paris favorisa le développement des vignes et autres productions vivrières. Guérard était une des paroisses de Brie comprenant la plus grande étendue de vigne. Le vin de Guérard était très réputé dans la région. C'est la construction du chemin de fer, en permettant d'acheminer vers Paris le vin de Bourgogne, qui ruina les vignerons de Guérard. Le Phylloxera donna le coup de grâce.

    Les Becqué, les Couteau, les Gaudin, les Gibert, Nicolas Pottier, Pierre Raoult, vignerons à La Chapelle sur Crécy aux XVII et XVIIIème.
    Louis Cardon, Pierre Grandhomme, vignerons à La Celle sur Morin au XVIIème.
    François Beguin, les Bourjot, les Brunet, les Martin et Gaudin, les Testard et Hochet, les Leclerc et Pochet, les Lucas, les Macréau (sur six générations), Denis Marest, les Meheux, les Nicaise, les Noel, les Paveau, Jean Petit, les Thomeret, vignerons à Guérard aux XVII, XVIII et XIXème.
    Les Mercier, vignerons à Saint Augustin au XVIIIème.

    • l'Aveyron
    Au IXème siècle, tout commence à Conques avec la fondation du monastère par des moines venus de Bourgogne et les premiers greffons de Mansois qu'ils apportent avec eux dans la région. Jusqu’à la Révolution, l’église et la bourgeoisie de Rodez se partagent la majorité de la propriété des vignes. Après, les paysans continuent à cultiver ces vignes et à développer le vignoble, seule culture permettant de valoriser les coteaux. Les pieds sont implantés sur des petites surfaces, de pente plus faible, aménagées par l’homme et soutenues par des murets de pierre. Le vignoble aveyronnais connaît son apogée au milieu du XIXème siècle, puis le phylloxéra, l’exode massif, les guerres, l’arrachage des vignes mettent un terme à l’expansion du vignoble. 

    Les Alary, Etienne Amagat, les Astié (ancêtres éponymes, sur trois générations), les Bonnefous, les Cussac, Jean Labro, les Mas, les Raolz, les Rols, Antoine Reboux, vignerons à Conques aux XVII et XVIIIème.


    Difficile d'imaginer précisément les vies et conditions de travail de ces vignerons à travers les âges et les régions. Néanmoins, on peut esquisser un tableau, commun à tous les vignerons sans doute :
    La véritable année viticole commence en mars car on attend la fin des gelées, qui peuvent détruire les bourgeons jusqu’à la fin mai, pour tailler la vigne, une taille courte qui assure la qualité en limitant la quantité. Le vigneron n’a ni cheval ni charrue, et il pioche sa vigne à la main (il faut attendre les années 1880 pour voir apparaître les vignes bien alignées sur fil de fer). Ces travaux de taille, le vigneron donne, de la fin mars à début avril, un premier labour. Ce travail extrêmement pénible s’effectue à la houe. 
    Début mai, le vigneron fiche les échalas, pieux de bois de chêne ou de châtaignier, longs d’1,45 m environ, destinés à soutenir la vigne et à maintenir les grappes éloignées du sol. Les échalas plantés, le vigneron donne un second labour, plus léger, qu’il appelle le binage, et qui est terminé à la fin du mois de mai. 
    Puis la vigne fleurit, courant juin, les grains commencent à se former, le verjus grossit rapidement et, dans le courant de juillet, de toute façon avant la moisson des grains, le vigneron donne un troisième labour : on dit qu’il rebine ou encore qu’il tierce ; ce travail a pour but essentiel de débarrasser la vigne des mauvaises herbes. Si la saison est très humide un quatrième labour peut être nécessaire en septembre, avant les vendanges, pour permettre une maturation plus parfaite des raisins. 
    Si la vigne a été épargnée, le vigneron vendange fin septembre ou début octobre. Coupeurs et hotteurs parcourent alors la vigne. Les coupeurs, serpette à la main (le sécateur n’apparaît pas avant 1840 et se généralise tardivement), emplissent les paniers et les vident dans leurs hottes. Les hotteurs emplissent alors les bachoues, grandes hottes placées sur le dos des ânes, ou des cuves plus grandes transportées dans des charrettes en direction du cellier ou du pressoir.

    Ce métier de vigneron était l'activité principale pour certains, mais une activité temporaire ou annexe pour d'autres : un certain nombre d'entre eux sont en effet alternativement qualifiés de laboureurs, tonneliers, cultivateurs, mais aussi sabotiers ou couvreurs. Enfin, certains sont également marchands.


    * C'est Clemenceau qui, en 1919, fit rajouter "les Vignes" au nom de Pellouailles en remerciement de son effort de guerre. En effet, le vignoble de la commune fut entièrement destiné à la consommation des poilus; le vin devenant le pilier du moral des soldats dans les tranchées.


    lundi 3 mars 2014

    Adopté par la Nation

    Dans la marge de l'acte de naissance de Daniel Augustin Astié , né le 12/6/1913, il est porté la mention suivante : "Adopté par la Nation suivant le jugement du tribunal civil d'Angers en date du 4/12/1930."

    Aux archives départementales du Maine et Loire, on retrouve sa fiche individuelle : Le 4 décembre 1930, Daniel Augustin
    Astié est "Adopté par la Nation". Il a alors 17 ans.

    Fiche individuelle Astié D. A., coll. personnelle

    Sans avoir fait de recherches sur ce domaine, je pensais que les pupilles étaient les enfants des morts pour la France. Or je savais que son père, Augustin, était revenu du premier conflit mondial. Alors comment est-ce possible ?

    En fait les pupilles de la Nation sont des enfants des "victimes de guerre" au sens large, adoptés par la Nation (loi du 27 juillet 1917). Ils bénéficient d'une tutelle particulière de l'Etat, soutien et protection jusqu'à leur majorité. Les pupilles de la Nation sont des mineurs, orphelins de guerre ou assimilés, ou encore des enfants victimes civiles d'un conflit. Ce sont des enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille est décédé au cours de la guerre, ou encore d'une victime civile tuée par l'ennemi sans être soldat. Ce sont aussi des mineurs dont le père, la mère ou le soutien de famille est dans l'incapacité de travailler à cause de blessures ou de maladies contactées au cours de la guerre.

    Au lendemain de la Première guerre mondiale, les gouvernants se sont émus de l'hécatombe meurtrière qui fit plusieurs millions de victimes à travers la France. Parmi ces victimes, nombreux furent les enfants qui virent leur vie basculer parce que le père était resté au front. Les mères durent aller "gagner leur pain". L'absence d'hommes les ont contraintes à se débrouiller pour élever les enfants. La loi du 27 juillet 1917 accordent le titre de pupilles de la Nation aux enfants des parents "les plus méritants". Il y a ensuite une extension de la définition de cette qualité.

    Près d'un million d'enfants sont concernés suite à la guerre de 1914-1918, 300 000 pour la guerre de 1939-1945, et d'autres encore pour l'Indochine et la guerre en Algérie. Sans oublier les enfants des soldats des opérations extérieures, des gendarmes, des CRS et des pompiers.
    La loi de 1917, sans égale en Europe, est une politique nouvelle, relayant le rôle joué par les associations pendant le conflit. La puissance étatique prend le relais de l'action privée.


    Les dossiers individuels des pupilles de la Nation sont gérés par l'Office départemental des anciens combattants. L'office national des anciens combattants a été créé en 1926 par la fusion de l'office national des pupilles de la Nation et de l'office national des mutilés. La communicabilité est fixée à 60 ans à compter de la date de clôture du dossier.

    L'adoption est prononcée par les tribunaux de première instance, puis, à partir de 1959, par les tribunaux de grande instance. Les offices départementaux sont chargés de gérer le versement des aides, de l'accompagnement, de la surveillance, des placements et des conseils de tutelle. Le travail manuel, les vertus d'économie, d'épargne et de labeur sont fortement encouragés. Le bilan est très mitigé : le nombre élevé de malades, de décès précoces chez les pupilles révèle des conditions de vie extrêmement difficile et un état de grande pauvreté. Peu d'entre eux ont franchi le cap de l'enseignement secondaire.
     

    Il faut signaler que l'administration ne demande pas d'indiquer le nom de la mère, mais seulement de répondre à la question « est-elle vivante ? ». Pour les autorités de l'époque, seul le père possède l'autorité parentale et lorsque ce dernier décède, l'administration préfère confier la tutelle de l'enfant à un membre masculin de la famille plutôt qu'à la mère. C'est sous la pression des autorités religieuses et par l'intermédiaire de leur représentant au sein des commissions que la mère se voit confier la tutelle. Etonnant terrain de conflit entre l'Etat et l'église, une quinzaine d'années après la loi de séparation de 1905.

    Cette adoption apporte des aides :

    a) En matière d'entretien et d'éducation, l'ONACVG (Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre)  accorde, en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d'études) et chaque fois que la situation le requiert des subventions aux pupilles de la Nation :

    • Subventions d’entretien destinées à assurer les besoins de base de l’enfant (garde, habillement, nourriture, loisirs) versées si nécessaire dès la naissance ;
    • Subventions pour frais de maladie, de cure, de soins médicaux en complément des prestations de la sécurité sociale et de l'aide médicale gratuite (prise en charge des frais d'optique, de traitements  d’orthodontie etc . . . ) ;
    • Subventions de vacances ;
    • Subventions d'études qui peuvent être renouvelées jusqu'au terme des études supérieures dès lors qu'elles sont entreprises avant 21 ans. A cet égard, il faut souligner que les pupilles de la Nation sont, de plein droit, exonérés du paiement des droits de scolarité dans les universités ;
    • Subventions pour les projets des pupilles entrés dans la vie active avant 21 ans.


    b) En matière d'emploi :


    • Subventions d’aide à la recherche d'un premier emploi ;
    • Possibilité de prise en charge des formations dispensées par les neuf écoles de reconversion professionnelle de l'ONACVG ou par d’autres organismes de formation professionnelle;
    • Octroi par l’ONACVG de prêts d'installation professionnelle, cumulables avec des prêts de première installation. Sans intérêt, remboursables sur des délais pouvant couvrir 3 années, avec une franchise de 3 mois, ces prêts de 3.000 euros permettent de favoriser une installation professionnelle ;
    • Les pupilles de la Nation et les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, bénéficient du recrutement par la voie des emplois réservés dans les administrations, les collectivités locales, les établissements publics qui leur sont rattachés et les hôpitaux publics ;
    • Les orphelins de guerre âgés de moins de 21 ans bénéficient de l'obligation faite aux employeurs  de droit public ou privé occupant au moins vingt salariés de compter, dans la proportion de 6 % de l'effectif total, des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés.


    c) En matière de fiscalité :

    • Tous les actes ou pièces ayant exclusivement pour objet la protection des pupilles de la Nation sont dispensés du timbre. Ils doivent être enregistrés gratuitement s'ils sont soumis à cette formalité ;
    • Lorsque les pupilles de la Nation ont été adoptés par une personne physique, les transmissions à titre gratuit (dons et legs) faites en leur faveur par l’adoptant bénéficient des droits applicables en ligne directe et de l’abattement prévu à l’article 779 du code général des impôts, même en cas d’adoption simple ;
    • De même, les dons et legs consentis aux pupilles de la Nation bénéficient du régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe lorsque le donateur ou le défunt a pourvu à leur entretien pendant cinq ans au moins au cours de leur minorité ;
    • Les successions des personnes décédées du fait d'actes de terrorisme ou des conséquences directes de ces actes dans un délai de trois ans à compter de ceux-ci, ou de faits de guerre dans un délai de trois ans après la cessation des hostilités ou le fait générateur du droit, sont exonérées des droits de mutation.
     

    Les  orphelins de guerre et les pupilles de la Nation devenus adultes demeurent à vie ressortissants de l’ONACVG et continuent à bénéficier du soutien moral et matériel de l’Office à l’instar de l’ensemble de ses ressortissants.
    En Maine et Loire, il n'y a que les fiches individuelles qui sont conservées (aux archives départementales); Les dossiers individuels ont été autrefois détruits par les services des Anciens Combattants et ne sont plus, aujourd'hui, conservés.

    La fiches individuelle de Daniel nous apprend que le motif de l'adoption est une blessure de son père Augustin ayant entraîné une invalidité à 15%. Son représentant légal est son père, survivant au conflit mondial. Il entre donc dans les clauses suivantes : incapacité à travailler suite à des blessures de guerre. Si un jour je trouve la fiche militaire d'Augustin, peut-être en apprendrai-je davantage sur ses blessures.

    Concrètement, on ignore quel soutient a eu Daniel suite à cette adoption par la Nation en matière d'éducation, d'emploi ou de fiscalité. Le dossier complet ayant été détruit, il est peu probable que nous en sachions davantage un jour sur ce sujet.

    Daniel Augustin Astié était mon grand-père. Il nous a quitté en 2001.


    (Sources : AD37 et ONACVG)