« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 29 mars 2014

Une ferme en Haute-Savoie


Les archives nous permettent de mieux connaître la vie de nos ancêtres. En voici une autre : la découverte de l'habitat traditionnel. A travers cette présentation de la ferme traditionnelle savoyarde, on peut appréhender (un peu) la vie quotidienne autrefois. 

Bien sûr, selon les vallées, on constate des différences, dues aux matériaux utilisés par exemple. Mais les fermes restent soumises à des contraintes identiques, notamment de pentes et de climat. Je prends comme exemple ici une ferme de la vallée du Giffre (Haute-Savoie).

Ferme savoyarde, coll. personnelle


La ferme traditionnelle s'organise toujours de la même façon :

  • Parfois une (des) cave(s) en (semi) sous-sol. Lieu(x) de stockage ou abris pour les chèvres et/ou cochons.
  • Un rez-de-chaussée où se répartissent l'habitation et les étables (vaches, chevaux) de part et d'autre d'un mur de refend.
  • Un premier étage où se trouve la grange. 
  • Des bâtiments annexes (grenier, parfois four ou cabane à outils).

Maquette ferme savoyarde (fermée), coll. personnelle

Maquette ferme savoyarde (ouverte), coll. personnelle


On utilise la pente à bon escient : on ouvre la grange à l'arrière (façade Nord) pour charger le foin, l'entrée se fait par la façade Est, on habite le côté le plus éclairé et chaud (l'adret, la façade Sud).

Comme partout ailleurs, l'architecture traditionnelle utilise les matériaux locaux : la pierre (notamment pour les soubassements) et surtout le bois. Le bois se trouve sur place, il constitue une bonne isolation et un bon maintien de la neige.

On remarque le débord du toit, qui permet de lutter contre le climat, en l'occurrence de se protéger de la neige. Ce toit débordant aménage aussi un espace de stockage ou de travail à l'abri des intempéries.

La toiture est à deux pans. La couverture est en bois : ancelles ( =  planches en bois, mesurant 80 cm de long sur environ 30 cm de large et simplement posées sur le toit, retenues par des perches et pierres placées dessus) ou tavaillons ( = planches en bois mesurant 40 cm de long sur environ 15 cm de large et clouées).

Les animaux dessous et à l'arrière, le foin au-dessus : l'habitation est bien isolée. 

Chaudrons dans la cheminée, située dans la "cuzna" (la cuisine), coll. personnelle


Haut du conduit de cheminée, où on fait fumer le jambon ou les saucisses, coll. personnelle


Grange et conduit de cheminée en bois (à l'étage), coll. personnelle


La grange est très vaste, car les bêtes sont à l'étable une grande partie de l'année : il faut donc disposer de foin en conséquence. On y abrite aussi le matériel agricole et on y bat le blé en cas de mauvais temps.

Pierre à évier (sous la fenêtre, à l'extérieur), coll. personnelle


"Pèle" (pièce principale), coll. personnelle

C'est la pièce à vivre, où la famille se retrouve (parfois à plusieurs générations) et parfois y dort.


Courtine (courette abritée à l'Est), coll. personnelle
 
C'est l'entrée de la maison : habitation à gauche, écurie à droite. Elle est abritée : on peut aussi y travailler.


"Écurie des vaches", coll. personnelle


Détail façade, coll. personnelle


Annexes : on craint les incendies du bâtiment principal, c'est pourquoi les objets de valeurs sont stockés dans des bâtiments annexes. 

Cabane à outils, coll. personnelle

Inutile de rappeler la valeur des outils, notamment dans les périodes anciennes. Souvent fabriqués sur place, ils étaient parfois transmis de générations en générations.


Grenier, coll. personnelle

Le grenier contient les grains (la récolte de l'année) au rez-de-chaussée et les objets précieux de la famille à l'étage : habits du dimanche, papiers importants...

Four, coll. personnelle


Détail façade, travail du bois, coll. personnelle



Photos réalisées à la ferme éco-musée du Clos-Parchet à Samoëns. 

dimanche 23 mars 2014

Ligne de vie

La ligne de vie, késako ?
Si vous êtes adeptes des blogs de généalogie, et en particulier celui de Sophie Boudarel "la Gazette des ancêtres", vous le savez parfaitement, et sans doute en avez vous-même rédigées (voir son article à ce sujet ici).
Pour les autres, il s'agit d'un tableau recensant toutes les informations trouvées sur un ancêtre. Il permet de valider la cohérence de l'ensemble, ou au contraire de déceler des anomalies, et pourquoi pas, d'aiguiller les recherches futures.
J'ai testé à mon tour, sur quelques ancêtres et, très honnêtement, je ne suis pas très convaincue de l'utilité de faire ce travail (désolée Sophie !). En particulier lorsqu'on s'éloigne dans le temps et que le tableau se réduit comme peau de chagrin vu la (pauvre) somme des informations trouvées.

Mais comme je n'aime pas gâcher le travail effectué, j'ai cherché à utiliser ce tableau. En lisant un article de Sophie à ce sujet dans le Revue Française de Généalogie (pp 43/46 du n°209), j'ai découvert la frise chronologique animée.
Maïwenn Bourdic, sur son blog D'aïeux et d'ailleurs, a testé la version Timeline JS (voir ici).
Personnellement, j'ai testé la version MyHistro.


J'ai choisi de suivre la vie de Jules Assumel Lurdin. J'ai déjà parlé de mon arrière-grand-père dans l'article Sévère ou touchant sur ce blog. Grâce à un important dossier trouvé aux archives de l'Ain, j'ai pu récolter un somme d'informations assez conséquente. J'ai ajouté quelques mentions sur l'histoire nationale, pour rappeler le contexte.
Vous pouvez consulter ici le résultat : la ligne de vie de Jules Assumel *

Mes impressions sur MyHistro :
  • les +
- Facilité d'utilisation pour créer les "événements" et les assembler dans "l'histoire" (un simple glisser-déposer et ils se classent tout seuls dans l'ordre chronologique).
- La cartographie (bien qu'un peu volumineuse) qui permet de visualiser d'un coup d’œil les lieux cités.
- On peut mettre une date inconnue (jour et mois), mais il faut mettre une année (ou une période).
- Une nouvelle façon de présenter sa généalogie.
  • les -
- On ne connaît pas les dimensions (fixes) de l'image qui accompagne l'événement : c'est parfois difficile à adapter.
- On est obligé de mettre un lieu (même si on ignore où l'événement s'est produit).
- L'impossibilité d'ordonner plusieurs événements d'une même période.


Bien sûr, il existe d'autres éditeurs similaires (Dipity, Time Rime, Tiki Toki . . .).
Globalement, je trouve le résultat de MyHistro plutôt sympa. Et vous qu'en pensez-vous ? Avez-vous testé la frise chronologique ?

Après Prezi (voir ici la présentation de ma généalogie version Prezi), voici une autre façon de présenter sa généalogie. En particulier lors des réunions de familles, où on se demande souvent comment faire passer, de manière attrayante et ludique, la masse d'information que nous avons collectée.



* Je n'ai pas réussi à l'intégrer directement dans le blog (si quelqu'un a le mode d'emploi, je suis preneuse).


mardi 18 mars 2014

Un, deux, trois . . .

Parmi les documents complémentaires que peut consulter un généalogiste, il y a les listes de recensement.

Autrefois appelées listes nominatives des habitants d'une commune, y figurent tous les habitants résident habituellement dans la commune (qu'ils soient présents ou non au moment du recensement); exception faite des hôtes de passage, des militaires, marins, détenus, élèves internes, etc . . . qui sont comptés à part. Ces derniers évoluent un peu au fil du temps (disons que la liste se précise) : les ouvriers étrangers à la commune occupés aux chantiers temporaires, les individus exerçant des professions ambulantes . . . Mais globalement l'esprit reste le même.

Leur consultation permet de confirmer (ou non) la présence d'un ancêtre dans une commune. Mais ces documents sont aussi émaillés de multiples mentions qui peuvent nous fournir des détails complémentaires : le lieu précis d'habitation (hameau, rue), le métier, l'âge . . . Selon les époques, on peut trouver aussi des observations complémentaires, la nationalité, le nom du patron pour les ouvriers ou employés, etc . . .

Entre les lignes, on peut déceler aussi quelques us et coutumes locales.

Ainsi dans les listes nominatives de recensement de Saint Amand sur Sèvre (Deux-Sèvres), que ce soit en 1866, 1901 ou 1906, on s'aperçoit que les familles vivent souvent à deux ou trois générations sous le même toit, accompagnées de leurs domestiques.

Recensement famille Gabard, 1901, AD79

Prenons l'exemple de la famille Gabard, qui réside dans un hameau de la commune, La Gidalière :
  • Les Gabard apparaissent en 1866, le foyer est composé des parents, leurs sept enfants, et un domestique et un berger. Soit 11 personnes sous le même toit. Gabard Pierre est qualifié de "fermier, chef de ménage". 

  • En 1901, le foyer est composé des parents, des enfants, du grand-père (veuf) et des domestiques : trois "garçons domestiques à gages", âgés de 24 à 32 ans, et d'une "fille servante à gages" âgée de 18 ans. Soit 11 personnes. Gabard Célestin (fils de Pierre, comptabilisé au recensement de 1866) est aussi qualifié de "fermier, chef".

  • En 1906, le grand-père est décédé, mais il y a trois enfants de plus. Il y a toujours trois domestiques hommes (dont deux déjà présents au recensement précédent) et une servante (différente de celle de 1901). Soit 13 personnes.

Grâce à au registre de 1901 de la même commune, on voit que la famille Roy est la seule à habiter le hameau de La Cornulière (contrairement à La Gidalière, par exemple, composé de cinq foyers, dont les Gabard). Le foyer est composé des parents, trois enfants, dont le fils aîné marié, son épouse, leur petite fille âgée de 10 mois, et deux garçons domestique à gages. Soit 9 personnes. Roy François est qualifié de "fermier, chef".

Dans les listes nominatives de recensement de Seine-et-Marne, on suit assez facilement les différentes générations de la famille Macréau. Contrairement à ceux des Deux-Sèvres, ils vivent en cellule familiale restreinte, en général les parents et les enfants seulement. Néanmoins, on relève quelques curiosités, qu'on ne peut pas toujours expliquer :

  •  Le couple Macréau/Fouchy est recensé à Guérard (hameau du Grand Lud) : en 1836 ils habitent avec leur fille Louise; en 1841 et 1846 avec leur fille et leur fils Léon; de 1851 à 1861  il n'y a plus que Léon (la fille est mariée ou décédée); en 1866 avec leur bru mais Léon son époux n'est pas mentionné (sa trace n'a pas été retrouvée); de 1872 à 1886 ils habitent tout les deux et en 1891 et 1896 Etienne Macréau est seul puisque son épouse Angélique Fouchy est déjà décédée.

  • Le couple Macréau/Gibert est recensé à partir de 1866 au Grand Lud de Guérard (Marie Louise habite avec ses beaux-parents, Léon n'est pas présent), en 1872 ils habitent seuls avec leur fils Albert. On perd leur trace ensuite. On les retrouve à Tigeaux à partir de 1881 où ils habitent avec leurs deux enfants Albert et Henri; idem en 1886. Mais à partir de 1891, à leur domicile, vivent aussi des jeunes enfants : 2 en 1891, 3 en 1896 et 1901. On ne sait pas qui sont ces enfants, âgés de 4 mois à 8 ans. Seule une fillette a des liens familiaux connus : elle est la nièce de Marie Louise Gibert. Enfin, en 1906, ils vivent avec leur petit-fils (mais la génération intermédiaire, Macréau/Le Floch, n'est pas mentionnée; on ne sait pas où ils résident).


     Recensement famille Macréau, 1906, AD77  

    • Le couple Macréau/Le Floch est recensé en 1901 à Tigeaux. Comme vu précédemment leur fils vit avec ses grands-parents en 1906, mais eux n'ont pas été trouvés. En 1911 on les retrouve à Mortcerf avec leurs 6 enfants. L'un d'eux est dit né à Serris en 1906, ce qui nous apprend (enfin) où ils étaient à cette date (confirmé par les listes de recensement de Serris). On ignore toujours pourquoi leur fils aîné, âgé de 5 ans, habitait avec ses grands-parents et non avec ses parents en 1906.

    Ces précieuses sources sont, comme tous les documents anciens, à prendre avec précaution toutefois. Ainsi les âges donnés ne se vérifient pas toujours exactement. De même l'orthographe des noms peut varier. Par exemple mes ancêtres Borrat-Michaud sont recensés à Samoëns (Haute-Savoie) sous le nom Michaud (en 1866), Borrat-Michaud (en 1896), mais Méchond (en 1911) !

     

    mardi 11 mars 2014

    #Généathème : M comme métier

    Ma généalogie compte 241 métiers différents. Comment n'en choisir qu'un ?

    Il y a les métiers "rares", c'est-à-dire pratiqués que par une seule personne (164).
    Il y a les métiers au nom poétique : maréchal en œuvres blanches, par exemple (forgeron fabricant des outils tranchants).
    Il y a les métiers exclusivement féminins : mercière, ouvrière lapidaire, lingère . . .
    Il y a les métiers "héréditaires" : praticien, cordonnier, concierge des prisons . . .
    Il y a les métiers mystérieux, au sens variant selon les époques : travailleur, vacheron, "sans" . . .

    Mais puisqu'il faut en choisir un, ce serait vigneron.
    • C'est le métier le plus pratiqué par mes ancêtres
    • C'est (probablement) le métier pratiqué par mon plus lointain ancêtre éponyme
    • C'est un métier "inter-branches" : pratiqué par mes ancêtres paternels et maternels 


    Vignes, PhotoPin

    Moi qui n'y connais rien en vin : un comble !

    Mes ancêtres se répartissent sur quatre terroirs principaux :
    • l'Anjou 
    Vers l’an 600, l’historien Grégoire de Tours est le premier à évoquer les vignes de l’Anjou. Au XIIème siècle, les rois Plantagenêt donnent un sérieux coup de pouce aux vins d’Anjou en leur ouvrant la Cour d’Angleterre et les marchés de l’Europe occidentale. À l’origine, la vigne, entre Saumur et Angers, longe la vallée de la Loire puis s’étend entre coteaux du Layon et Saumurois. En 1883, le phylloxéra ronge les trois-quarts du vignoble. Cette crise entraîne néanmoins une véritable mutation : la replantation privilégie les meilleurs terroirs du Saumurois, du Layon, de l’Aubance et des Coteaux de la Loire.

    Pierre Clavier, les Bougard, vignerons sur plusieurs générations à Pellouailles-les-Vignes (la bien nommée * ) au XVIIème.
    Marin Frémont, vigneron à Cornillé-les-Caves au XVIIème.
    Pierre Clavier, les Galland, Guillaume Le Mesle, Jean Merceron, Mathurin Repussard, René Rohault, les Vaugoyau, vignerons à Villevêque aux XVII et XVIIIème.
    Pierre Flon, Urbain Lecuyer, vignerons à Andard au XVIIème.
    Michel Le Tessier, vigneron au Plessis-Grammoire au XVIIème.
    Jean Lochet, les Peulier, vignerons à Brain-sur-l'Authion aux XVII et XVIIIème.

    • l'Ain
    L'existence de la vigne en Bugey est relatée dès le Ier siècle après J.C.. Les Romains favorisèrent son développement en trouvant des débouchés à Rome, mais en concurrençant les vins italiens. L'arrachage des vignes ordonné par l'empereur Domitien stoppa le développement dans la région. Ce n'est qu'au Moyen-Age, sous l'impulsion des moines que la vigne va réapparaître. Ces derniers, grâce à leurs connaissances agronomiques approfondies, sélectionnèrent des terroirs de qualité qui furent exploités jusqu'au XVIIIème siècle. Secteur de Cerdon : Vignoble situé sur de très fortes pentes exposées au sud à des altitudes parfois élevées (plus de 500m). On y produit toujours du vin aujourd'hui : un vin mousseux rosé. 

    Louis Bolliet, Jean Claude Barbier Colomb, Jean Baptiste Guilin, Nicolas Mollie, vignerons à Cerdon aux XVII et XVIIIème. 

    • la Seine et Marne
    "Le vin de Brie n'est bon que pour les domestiques" Cette opinion de Boileau ne découragea pas la culture de la vigne sur les coteaux de la Marne jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ils sont issus de deux plants : le plant de Brie (ou meunier) robuste  qui mûrissait de bonne heure, et le gouais à maturité tardive, acide et sans bouquet. Ce sont des vins blancs pour la plupart; ponctuellement on trouve du vin rouge. L'ensoleillement n'étant pas suffisant pour permettre aux raisins rouges d'atteindre la pleine maturité. La proximité de Paris favorisa le développement des vignes et autres productions vivrières. Guérard était une des paroisses de Brie comprenant la plus grande étendue de vigne. Le vin de Guérard était très réputé dans la région. C'est la construction du chemin de fer, en permettant d'acheminer vers Paris le vin de Bourgogne, qui ruina les vignerons de Guérard. Le Phylloxera donna le coup de grâce.

    Les Becqué, les Couteau, les Gaudin, les Gibert, Nicolas Pottier, Pierre Raoult, vignerons à La Chapelle sur Crécy aux XVII et XVIIIème.
    Louis Cardon, Pierre Grandhomme, vignerons à La Celle sur Morin au XVIIème.
    François Beguin, les Bourjot, les Brunet, les Martin et Gaudin, les Testard et Hochet, les Leclerc et Pochet, les Lucas, les Macréau (sur six générations), Denis Marest, les Meheux, les Nicaise, les Noel, les Paveau, Jean Petit, les Thomeret, vignerons à Guérard aux XVII, XVIII et XIXème.
    Les Mercier, vignerons à Saint Augustin au XVIIIème.

    • l'Aveyron
    Au IXème siècle, tout commence à Conques avec la fondation du monastère par des moines venus de Bourgogne et les premiers greffons de Mansois qu'ils apportent avec eux dans la région. Jusqu’à la Révolution, l’église et la bourgeoisie de Rodez se partagent la majorité de la propriété des vignes. Après, les paysans continuent à cultiver ces vignes et à développer le vignoble, seule culture permettant de valoriser les coteaux. Les pieds sont implantés sur des petites surfaces, de pente plus faible, aménagées par l’homme et soutenues par des murets de pierre. Le vignoble aveyronnais connaît son apogée au milieu du XIXème siècle, puis le phylloxéra, l’exode massif, les guerres, l’arrachage des vignes mettent un terme à l’expansion du vignoble. 

    Les Alary, Etienne Amagat, les Astié (ancêtres éponymes, sur trois générations), les Bonnefous, les Cussac, Jean Labro, les Mas, les Raolz, les Rols, Antoine Reboux, vignerons à Conques aux XVII et XVIIIème.


    Difficile d'imaginer précisément les vies et conditions de travail de ces vignerons à travers les âges et les régions. Néanmoins, on peut esquisser un tableau, commun à tous les vignerons sans doute :
    La véritable année viticole commence en mars car on attend la fin des gelées, qui peuvent détruire les bourgeons jusqu’à la fin mai, pour tailler la vigne, une taille courte qui assure la qualité en limitant la quantité. Le vigneron n’a ni cheval ni charrue, et il pioche sa vigne à la main (il faut attendre les années 1880 pour voir apparaître les vignes bien alignées sur fil de fer). Ces travaux de taille, le vigneron donne, de la fin mars à début avril, un premier labour. Ce travail extrêmement pénible s’effectue à la houe. 
    Début mai, le vigneron fiche les échalas, pieux de bois de chêne ou de châtaignier, longs d’1,45 m environ, destinés à soutenir la vigne et à maintenir les grappes éloignées du sol. Les échalas plantés, le vigneron donne un second labour, plus léger, qu’il appelle le binage, et qui est terminé à la fin du mois de mai. 
    Puis la vigne fleurit, courant juin, les grains commencent à se former, le verjus grossit rapidement et, dans le courant de juillet, de toute façon avant la moisson des grains, le vigneron donne un troisième labour : on dit qu’il rebine ou encore qu’il tierce ; ce travail a pour but essentiel de débarrasser la vigne des mauvaises herbes. Si la saison est très humide un quatrième labour peut être nécessaire en septembre, avant les vendanges, pour permettre une maturation plus parfaite des raisins. 
    Si la vigne a été épargnée, le vigneron vendange fin septembre ou début octobre. Coupeurs et hotteurs parcourent alors la vigne. Les coupeurs, serpette à la main (le sécateur n’apparaît pas avant 1840 et se généralise tardivement), emplissent les paniers et les vident dans leurs hottes. Les hotteurs emplissent alors les bachoues, grandes hottes placées sur le dos des ânes, ou des cuves plus grandes transportées dans des charrettes en direction du cellier ou du pressoir.

    Ce métier de vigneron était l'activité principale pour certains, mais une activité temporaire ou annexe pour d'autres : un certain nombre d'entre eux sont en effet alternativement qualifiés de laboureurs, tonneliers, cultivateurs, mais aussi sabotiers ou couvreurs. Enfin, certains sont également marchands.


    * C'est Clemenceau qui, en 1919, fit rajouter "les Vignes" au nom de Pellouailles en remerciement de son effort de guerre. En effet, le vignoble de la commune fut entièrement destiné à la consommation des poilus; le vin devenant le pilier du moral des soldats dans les tranchées.


    lundi 3 mars 2014

    Adopté par la Nation

    Dans la marge de l'acte de naissance de Daniel Augustin Astié , né le 12/6/1913, il est porté la mention suivante : "Adopté par la Nation suivant le jugement du tribunal civil d'Angers en date du 4/12/1930."

    Aux archives départementales du Maine et Loire, on retrouve sa fiche individuelle : Le 4 décembre 1930, Daniel Augustin
    Astié est "Adopté par la Nation". Il a alors 17 ans.

    Fiche individuelle Astié D. A., coll. personnelle

    Sans avoir fait de recherches sur ce domaine, je pensais que les pupilles étaient les enfants des morts pour la France. Or je savais que son père, Augustin, était revenu du premier conflit mondial. Alors comment est-ce possible ?

    En fait les pupilles de la Nation sont des enfants des "victimes de guerre" au sens large, adoptés par la Nation (loi du 27 juillet 1917). Ils bénéficient d'une tutelle particulière de l'Etat, soutien et protection jusqu'à leur majorité. Les pupilles de la Nation sont des mineurs, orphelins de guerre ou assimilés, ou encore des enfants victimes civiles d'un conflit. Ce sont des enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille est décédé au cours de la guerre, ou encore d'une victime civile tuée par l'ennemi sans être soldat. Ce sont aussi des mineurs dont le père, la mère ou le soutien de famille est dans l'incapacité de travailler à cause de blessures ou de maladies contactées au cours de la guerre.

    Au lendemain de la Première guerre mondiale, les gouvernants se sont émus de l'hécatombe meurtrière qui fit plusieurs millions de victimes à travers la France. Parmi ces victimes, nombreux furent les enfants qui virent leur vie basculer parce que le père était resté au front. Les mères durent aller "gagner leur pain". L'absence d'hommes les ont contraintes à se débrouiller pour élever les enfants. La loi du 27 juillet 1917 accordent le titre de pupilles de la Nation aux enfants des parents "les plus méritants". Il y a ensuite une extension de la définition de cette qualité.

    Près d'un million d'enfants sont concernés suite à la guerre de 1914-1918, 300 000 pour la guerre de 1939-1945, et d'autres encore pour l'Indochine et la guerre en Algérie. Sans oublier les enfants des soldats des opérations extérieures, des gendarmes, des CRS et des pompiers.
    La loi de 1917, sans égale en Europe, est une politique nouvelle, relayant le rôle joué par les associations pendant le conflit. La puissance étatique prend le relais de l'action privée.


    Les dossiers individuels des pupilles de la Nation sont gérés par l'Office départemental des anciens combattants. L'office national des anciens combattants a été créé en 1926 par la fusion de l'office national des pupilles de la Nation et de l'office national des mutilés. La communicabilité est fixée à 60 ans à compter de la date de clôture du dossier.

    L'adoption est prononcée par les tribunaux de première instance, puis, à partir de 1959, par les tribunaux de grande instance. Les offices départementaux sont chargés de gérer le versement des aides, de l'accompagnement, de la surveillance, des placements et des conseils de tutelle. Le travail manuel, les vertus d'économie, d'épargne et de labeur sont fortement encouragés. Le bilan est très mitigé : le nombre élevé de malades, de décès précoces chez les pupilles révèle des conditions de vie extrêmement difficile et un état de grande pauvreté. Peu d'entre eux ont franchi le cap de l'enseignement secondaire.
     

    Il faut signaler que l'administration ne demande pas d'indiquer le nom de la mère, mais seulement de répondre à la question « est-elle vivante ? ». Pour les autorités de l'époque, seul le père possède l'autorité parentale et lorsque ce dernier décède, l'administration préfère confier la tutelle de l'enfant à un membre masculin de la famille plutôt qu'à la mère. C'est sous la pression des autorités religieuses et par l'intermédiaire de leur représentant au sein des commissions que la mère se voit confier la tutelle. Etonnant terrain de conflit entre l'Etat et l'église, une quinzaine d'années après la loi de séparation de 1905.

    Cette adoption apporte des aides :

    a) En matière d'entretien et d'éducation, l'ONACVG (Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre)  accorde, en complément des aides du droit commun (allocations familiales, bourses d'études) et chaque fois que la situation le requiert des subventions aux pupilles de la Nation :

    • Subventions d’entretien destinées à assurer les besoins de base de l’enfant (garde, habillement, nourriture, loisirs) versées si nécessaire dès la naissance ;
    • Subventions pour frais de maladie, de cure, de soins médicaux en complément des prestations de la sécurité sociale et de l'aide médicale gratuite (prise en charge des frais d'optique, de traitements  d’orthodontie etc . . . ) ;
    • Subventions de vacances ;
    • Subventions d'études qui peuvent être renouvelées jusqu'au terme des études supérieures dès lors qu'elles sont entreprises avant 21 ans. A cet égard, il faut souligner que les pupilles de la Nation sont, de plein droit, exonérés du paiement des droits de scolarité dans les universités ;
    • Subventions pour les projets des pupilles entrés dans la vie active avant 21 ans.


    b) En matière d'emploi :


    • Subventions d’aide à la recherche d'un premier emploi ;
    • Possibilité de prise en charge des formations dispensées par les neuf écoles de reconversion professionnelle de l'ONACVG ou par d’autres organismes de formation professionnelle;
    • Octroi par l’ONACVG de prêts d'installation professionnelle, cumulables avec des prêts de première installation. Sans intérêt, remboursables sur des délais pouvant couvrir 3 années, avec une franchise de 3 mois, ces prêts de 3.000 euros permettent de favoriser une installation professionnelle ;
    • Les pupilles de la Nation et les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, bénéficient du recrutement par la voie des emplois réservés dans les administrations, les collectivités locales, les établissements publics qui leur sont rattachés et les hôpitaux publics ;
    • Les orphelins de guerre âgés de moins de 21 ans bénéficient de l'obligation faite aux employeurs  de droit public ou privé occupant au moins vingt salariés de compter, dans la proportion de 6 % de l'effectif total, des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés.


    c) En matière de fiscalité :

    • Tous les actes ou pièces ayant exclusivement pour objet la protection des pupilles de la Nation sont dispensés du timbre. Ils doivent être enregistrés gratuitement s'ils sont soumis à cette formalité ;
    • Lorsque les pupilles de la Nation ont été adoptés par une personne physique, les transmissions à titre gratuit (dons et legs) faites en leur faveur par l’adoptant bénéficient des droits applicables en ligne directe et de l’abattement prévu à l’article 779 du code général des impôts, même en cas d’adoption simple ;
    • De même, les dons et legs consentis aux pupilles de la Nation bénéficient du régime fiscal des mutations à titre gratuit en ligne directe lorsque le donateur ou le défunt a pourvu à leur entretien pendant cinq ans au moins au cours de leur minorité ;
    • Les successions des personnes décédées du fait d'actes de terrorisme ou des conséquences directes de ces actes dans un délai de trois ans à compter de ceux-ci, ou de faits de guerre dans un délai de trois ans après la cessation des hostilités ou le fait générateur du droit, sont exonérées des droits de mutation.
     

    Les  orphelins de guerre et les pupilles de la Nation devenus adultes demeurent à vie ressortissants de l’ONACVG et continuent à bénéficier du soutien moral et matériel de l’Office à l’instar de l’ensemble de ses ressortissants.
    En Maine et Loire, il n'y a que les fiches individuelles qui sont conservées (aux archives départementales); Les dossiers individuels ont été autrefois détruits par les services des Anciens Combattants et ne sont plus, aujourd'hui, conservés.

    La fiches individuelle de Daniel nous apprend que le motif de l'adoption est une blessure de son père Augustin ayant entraîné une invalidité à 15%. Son représentant légal est son père, survivant au conflit mondial. Il entre donc dans les clauses suivantes : incapacité à travailler suite à des blessures de guerre. Si un jour je trouve la fiche militaire d'Augustin, peut-être en apprendrai-je davantage sur ses blessures.

    Concrètement, on ignore quel soutient a eu Daniel suite à cette adoption par la Nation en matière d'éducation, d'emploi ou de fiscalité. Le dossier complet ayant été détruit, il est peu probable que nous en sachions davantage un jour sur ce sujet.

    Daniel Augustin Astié était mon grand-père. Il nous a quitté en 2001.


    (Sources : AD37 et ONACVG)

    dimanche 23 février 2014

    #Généathème Doc du mois : Inventaire d'une vie

    Trouver des ancêtres c'est bien.
    Trouver les actes Baptêmes/Mariages/Sépultures qui leur correspondent c'est mieux (et je dirais même nécessaire : historienne de formation, je ne peux pas me contenter d'une mention trouvée sur un site internet. Je dois prouver leurs existences et leurs liens par une source fiable. Déformation professionnelle).
    Mais cela reste frustrant : qu'est-ce que l'on sait au final ? Un âge, parfois un métier, plus rarement un lieu précis de résidence. Bien peu de choses en réalité.
    Pour découvrir véritablement la vie de nos ancêtres, rien ne vaut un acte passé chez le notaire : contrats de mariage, testaments, inventaires après décès . . . Parce qu'on y trouve des informations sur la vie quotidienne : description de la maison, niveau de vie, inventaire des biens meubles et immeubles. Et là, on touche du doigt une réalité tangible. La vraie vie, quoi.

    C'est pourquoi, mon document du mois est une vente après décès.


    Pierre Caillaud a épousé Marie Bourdet le 6 février 1709 à La Verrie (85). Ils sont bordier. On leur connaît 5 enfants :
    - Jeanne née le 3 mai 1711 notre ancêtre
    - Vincent né le 19 avril 1714
    - Marie née le 24 février 1716
    - Marie née le 3 mai 1719
    - Jacques - acte de naissance pas trouvé, marié en 1752

    Jeanne se marie avec Mathurin Landreau en 1732. Ils n'auront qu'un seul enfant, Marie, née en 1734 post mortem, puisque son père est décédé un mois avant sa naissance. Jeanne meurt le 5 juin 1759.
    Jacques décède avant janvier 1759, mais Marie (que nous appellerons Marie 2) vit jusqu'en 1761.
    Les décès de Vincent et Marie 1 n'ont pas été trouvés.

    Marie Bourdet meurt le 25 septembre 1759, à l'âge de 69 ans.
    Pierre Caillaud meurt le 29 septembre 1759, à l'âge de 72 ans.

    Un dossier important (27 vues) a été mis en ligne par les archives de Vendée, concernant cette vente :
    • Document 1 : vente
    • Document 2 : requête permettant "de lever les sceaux et de vendre les effets"
    • Document 3 : affiche annonçant la vente
    • Document 4 : attestation de paiement du vicaire de La Verrie pour l'enterrement des défunts Caillaud et Bourdet
    • Document 5 à 12 : attestations de paiement au créanciers des défunts, suite à la vente
    • Document 13 : ? ? ? (difficultés de déchiffrage)
    • Document 14 : mémoire de frais de justice
    • Document 15 : ? ? ? (sens non compris)

    Le 22 et 23 novembre 1759 a eu lieu la "vente des meubles et effets" du couple. Cette vente peut paraître curieuse car ils ont encore des héritiers (au moins leur fille Marie 2 Caillaud, leur petit-fille Marie Landreau - incertitude concernant Vincent et Marie 1). Mais "personne ne se presante pour accepter lesdittes successions" et le couple a des dettes : les créanciers espèrent donc que cette vente permettra de les rembourser.

    Cette vente a lieu à l'initiative du vicaire de La Verrie qui reclame la "somme de dix sept livres pour droits d’enterremant, luminaire, messes cellebrées pour lesdits feus caillaud et bourdet [ . . . ] et autres frais funéraire." Ce vicaire considère "qu’il a un interrest notable d’estre payé de laditte somme par prefferance a tous autres creanciers."

    Le notaire des Epesses se déplace donc sur place pour procéder "a la vente et enquant des meubles et effets tant morts que vif". Les enchères commencent :
    • Dans la maison :
    "Premieremant a été exposé en vente la cremaillere avec son cremaillou encheris par rene landriau laboureur a quinze sols, par jacque janneau a seize sols, et par françois garreau laboureur a dix sept sols, à luy adjugé pour ledit prix comme dernier encherisseur et a payé cy"
    - un mauvais compere etoffe grize, une livre cinq sols [selon O. Halbert le compère est, en Anjou, une sorte de vêtement de dessous que les femmes portaient autrefois en guise de corset. Au bord inférieur, à hauteur des reins, était cousu un bourrelet qui soutenait les cotillons, la jupe courte de dessous]
    - un poillon et une coüillere à pot, quarante huit sols
    - une autre coüillere de pot estant comme la premiere de cuivre, seize sols
    - un tournier [ ?], six sols
    - trois chemises dhommes et deux de femme le tout tres mauvais, cinq livre seize sols
    - un gril, une livre
    - la pelle à piller, deux livres
    - un mauvais chapeau, cinq sols
    - une mauvaise marmitte de fert estant cassée, une livre six sols six deniers
    - une bouteille de verre, six sols
    - un petit mauvais chaudron à tenir environ les trois quart d'un sceau d'eau, une livre cinq sols
    - la poele a frire, une livre douze sols
    - le grand trois pieds [ ?], une livre cinq sols
    - deux vestes et une culotte le tout tres mauvaise, trente un sols
    - un petit trois pieds, cinq sols
    - une autre mauvaise veste, trante cinq sols six deniers
    - six livres trois quart de vesseille d'estain, six livres quinze sols
    - un tot [= tas ?] de mauvais linge, trois livres six sols
    - deux plancheron limander, une livre
    - un linge en forme daube, deux livres un sols 
    - une mauvaise clisse debout une met deux coffres et plusieurs mauvais pots, dix livres 
    •  Le matériel agricole et cheptel :
    - une fausille, dix sols
    - une gaye ou peigne pour aprester le lin, une livre quatre sols
    - un fu de quartau a la mesure de mortaigne, six sols trois deniers
    - environ six a sept livres [ ?] de poupée de lin, trente quatre sols
    - quatre flots, un mauvais fauchet [selon O. Halbert le fauchet, dans le Maine, est un instrument qui rappelle la faux et sert à couper la bruyère pour litière des animaux] et une etrepore [ ?], une livre dix sept sols
    - environ cinq quartau de poivre vers [?], deux livres dix sols
    - un peseau pour aprester le lin, dix sols trois deniers
    - un fu un [ ?] boisseau, treize sols
    - une mauvaise beche avec une pierre ou pinan [ ?] pour eguizer les faux, neuf sols six deniers
    - un troinl [ ?] avec un pot et une jede [selon o. Halbert la jède est une jatte ou vase de bois utilisé pour la mise en mottes du beurre] le tout en bois, une livre trois sols
    - une mauvaise hache, quatorze sols
    - un mauvais chaudron à tenir environ quatre seau d'eau la demy uzé, cinq livres six sols
    - un autre chaudron de trois sceaux aussy ou environ, quatre livres
    - une bourgne [= sorte de nasse] en laquelle il y a environ trois boisseaux de bran [= partie grossiere du son] ou son, deux livres neuf sols six deniers
    - un autre bourgne en lequelle il y a du mil, deux livres onze sols
    - deux charges et un boisseau de bled et seigle mesure de mortaigne, une livre deux sols dix deniers
    - douze boisseaux de baillarge [= orge de printemps] sur ditte mesure de mortaigne, neuf livres quinze sols, qui est a raison de treize livre la charge et de seize sols trois deniers le boisseau
    - plusieurs terrallerie [ ?] avec un boutillon, trois livres
    - quatre livres de fil, huit livre quatre sols a raison de quarante un sols la livre
    - un autre bourgne avec un peu poudre [ ?], onze sols
    - un panier et quelques poires mellée, treize sols
    - un tetrau, une livre huit sols
    - dix neuf livres de gros fil, huit livres onze sols [9 sols/livre]
    - le lin en trousseau, neuf livres treize sols
    - un panier de pommes, quinze sols
    - une tore ou nogesse sous poil roux [selon O. Halbert la taure ou thore est une génisse], vingt huit livre deux sols
    - un torreau ou noge même poil, vingt sept livres dix sols
    - une vache mere dage inconnu sous poil roux, vingt deux livres quinze sols
    - une petitte bode, sept livre onze sols
    - une chartée et demie de foin avec une chartée de paille aussy ou environ, trente livres cinq sols
    - une pelle ferrée, une livre un sol
    - un pic et une tranche etroitte [selon O. Halbert la tranche est une houe à 2 dents, étroite, pour défoncer la terre] le tout tres mauvais, une livre dix sols
    - une braye [selon O. Halbert la braye est une machine à briser les tiges du chanvre ou du lin rouies, pour en séparer la chènevotte ; c'est une sorte de banc fait d'un soliveau de bois percé dans toute sa longueur de 2 grandes mortaises. On y ajuste une autre pièce, assemblée à charnière par une extrémité ; l'autre est terminée par une poignée pour la main du broyeur], quatre livres dix sols
    - une poulle, sept sols six deniers
    - un fu de deux boisseau, quatorze sols avec un peu de bled dans [ ?] icelluy tres salle
    - la pature verte tant choux marine [ ?] qu'autres actuellement en terre, neuf livres huit sols
    - un chastet tres mauvais, trois livres

    Total 292 livres 9 sols 7 deniers


    "Fait clos et arrete le presant proces verbal de vente [ . . . ] en la maison et chambre basse ou sont deceddez lesdits feus".

    A noter : quelques éléments sont restés mystérieux (tournier, plancheron, terrallerie, chastet . . . )

    Le total des dettes s'élevait à 292 livres 15 sols et 11 deniers. 
    La vente ne couvre donc pas totalement les sommes dues. Comme on peut s'en douter, ce n'est pas le vicaire qui a "bien voullu se restraindre", mais les autres créanciers (meunier, vendeur de bois . . . ).

    On remarque la faible qualité et l'état général des biens souvent qualifiés de "mauvais" ou "uzé". 
    Le bordier n'est pas le plus fortuné dans la hiérarchie des métiers agricoles, mais certains d'entre eux pouvaient vivre confortablement. Pour mémoire, le bordier est un laboureur qui possède deux bœufs et exploite 6 à 10 hectares : cette propriété se nomme une borderie. Il peut être propriétaire ou fermier [ = celui qui a pris à ferme le bail d'un bien foncier]. On sait que les Caillaud n'étaient pas propriétaires puisque ces derniers apparaissent dans la liste des créanciers. Ils étaient plusieurs (le nombre précis n'est pas dit) et ils ont reçu la somme de 111 livres 10 sols pour "les prix de fermes exploitée par lesdits feus".

    De ces documents se dégagent un léger parfum de tristesse et de solitude : le fait que l'héritage n'a pas été transmis, qu'aucun membre de la famille ne soit nommé, la pauvreté du matériel. Une triste fin. Retrouver ces documents me permet - un peu - de leur redonner vie aujourd'hui. Une pensée émue pour eux.