« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 20 novembre 2015

#Généathème : je rédige la biographie d'un ancêtre

Tout commença par un souffle. Un premier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge. Si ténu que le curé de Taninges lui-même n'osa baptiser officiellement le nouveau-né. Il coucha néanmoins sur le papier une courte note :

Le 11 avril est née et le lendemain baptisée à la maison  ... demors

Pourtant le nourrisson n'est pas mort. Deux mois plus tard, il fallu bien se rendre à l'évidence : accroché à la vie, il a repris des forces. Et c'est presque à la surprise de tous que "le 29 juin [1684] a été présentée à l'église une fille née le 11 d'avril d'honorable Jean Claude Perret et de Maurise Deleschaux mariés". C'est un chanoine de Saint Pierre de Genève qui lui a été choisi pour parrain. Lui et Demoiselle Humberte, sa marraine, "ont assisté aux cérémonies du baptême" qui ont été conférées à l'enfant miraculé, celui que l'ont avait "baptisé à la maison le jour de sa naissance à cause du péril" qu'il encourrait.


Le curé, perturbé par ce prodige, rajouta in extremis une mention dans la marge du registre : "on lui a imposé  le nom de Marie Humberte".

C'est ainsi que Marie Humberte entra dans la vie. Sur la pointe des pieds, mais entourée de l'amour et des soins attentifs de sa mère. Et la vie reprit son cours, les saisons succédant aux saisons. Au fil des années la fratrie s'est agrandie : sept enfants au total ont égayés le foyer, dont les venues au monde furent beaucoup plus calmes et moins éprouvantes pour les parents.

Le père, Jean Claude, s'est assuré une belle réputation de Maître chirurgien, et le respect de sa communauté : on ne croise jamais ce fier bourgeois savoyard sans lui donner le titre de "Sieur" ou  de "Maître".

A force de faire de menues courses pour son père chirurgien, Marie Humberte rencontra le fils d'un apothicaire d'une paroisse voisine, Bogève. Après de patientes discussions, un contrat de mariage fut dûment établi. Pour cela on fit venir Maître Cullaz, notaire à Cluses, au domicile de Jean Claude Perret, entouré d'un bel aréopage de bourgeois pour témoins. Tombent dans l'escarcelle du futur couple : "une montagne située au Plumey rière [banlieue ?] la paroisse de Fleyrier et 3000 florins" (de la part de Pierre Bel, le père du futur), 500 florins (promis par le testament de son aïeul François Bel), 3000 florins et un beau coffre de noyer contenant le trousseau de la future, à savoir "deux habits complets, l'un de serge de Londres et l'autre à la Dauphine, deux douzaines de linge de ritte, trois lots de serviette à la Venise (de 9 aulnes chacun), douze aulnes de nappe, deux douzaines de chemises et deux douzaines de tabliers de toile, les rideaux de lit garni, le menu linge et les habits quotidiens". Deux vaches, deux brebis mères et deux chevreaux complètent la dot (de la part de Jean Claude Perret, le père de la future).

Taninges © Delcampe

La noce peut avoir lieu et le jeune couple s'installe à Taninges. Un premier-né voit le jour dès l'année suivante, porté sur les fonds baptismaux par ses grands-parents maternels désignés comme parrain et marraine. Six autres bambins vont ensuite venir agrandir la famille.

Comme pour tous, les joies de la vie s'assombrissent de temps en temps. C'est le cas lorsque Jean Claude Perret quitte ce monde un jour de février 1718. Une belle cérémonie est organisée pour lui dire adieu. Marie Humberte réconforte sa mère Maurise. Aujourd'hui encore, elle savoure le bonheur d'avoir pu la garder auprès d'elle une quinzaine d'années supplémentaires.

Un soir de 1725, alors que les enfants sont couchés, François appelle son épouse. Auprès du feu, il lui explique qu'on lui propose d'ouvrir une officine à Bogève. Rapidement la décision est prise : la famille va déménager. François devient apothicaire. L'affaire est florissante et lui permet de passer sa maîtrise. Marie Humberte donne encore naissance à trois enfants.

Finalement, le couple revient à Taninges pour ouvrir une apothicairerie encore plus belle. François et Marie Humberte font partie des notables de la ville à part entière.

Alors que ses tempes commencent à peine à grisonner, Marie Humberte voit son fils François se rapprocher discrètement de la fille du noble Louis Aymé Marin. Peut-être qu'une union pourrait s'envisager : cela ferait un beau mariage... La nuit était tombée depuis longtemps en ce soir de janvier 1739. François était encore à l'apothicairerie à préparer des potions et des onguents, les enfants déjà couchés. Soudain la pièce se mit à tourner. Lentement, comme au ralenti, Marie Humberte s'affaissa sur le tapis de la chambre. Elle exhala un souffle. Un dernier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge.

Du neuf janvier 1739 a 20h du matin est morte et le lendemain a été enterrée honorable marie humberte perret femme de maître françois Bel Apothicaire aiant reçu les sacrement agée de 53 ans
J. Favre curé


Marie Humberte Perret est mon ancêtre à la dixième génération (sosa n°821). Née à Taninges (74) le 11 avril 1684, mariée à François Bel en 1710 (contrat de mariage du 11 février 1710 - acte de mariage non trouvé), décédée à Taninges le 9 janvier 1739.



vendredi 13 novembre 2015

Richesses (et pauvreté) des contrats de mariage

Un peu par hasard je me rends compte que, depuis que j'ai commencé à récolter les actes notariés de mes ancêtres, j'ai en ma possession 48 contrats de mariage.
Je les ai trouvés grâce aux archives en ligne, aux relevés posés sur Geneanet et à ceux des cercles généalogiques, aux bénévoles du Fil d'Ariane. Ce n'est donc pas une collection systématique et définitive : par exemple, bien que mes ancêtres soient les plus nombreux en Anjou, je n'y ai aucun contrat de mariage car je n'ai pas eu accès aux minutes notariales.

Contrat de mariage Guibe Noel, 1729 © AD61

Si on fait un petit tour de France en chiffres, j'ai pu avoir :
  • 12 contrats de mariage dans l'Ain
  • 2 en Vendée
  • 8 en Haute-Savoie
  • 17 en Rouergue
  • 9 dans l'Orne
Ils sont datés de 1601 à 1782.
Les contrats de mariage sont des documents notariés et obéissent donc à des règles précises et codifiées (comme les testaments, ainsi que nous l'avons vu dans Les deux testaments d'Aimé). On retrouve les mêmes rubriques : présentations du notaire, du lieu, des futurs, la date, la dot et les éventuels conditions de paiement, les témoins, les signatures.
Ces contrats de mariage  illustrent les niveaux de vie de nos ancêtres. Les dots ont souvent un socle commun (argent, animaux, trousseau de base), mais ont aussi parfois des singularités qui font tout le sel de ce type de document.
La plupart du temps, le contrat de mariage se rédige avant la noce, mais je dispose de plusieurs exemplaires passés chez le notaire après le mariage, comme celui de François Jannay et Andréanne Buffard daté du mois de juin alors que la noce a eu lieu en janvier 1710. Le délai le plus long entre les deux événements est de deux mois et seulement deux jours au plus court. Document précieux, il pallie parfois au manque d'acte de mariage (en cas de lacune des registres) : c'est le cas pour  19 d'entre eux.
On notera que dans l'Orne il est assez compliqué de trouver les contrats de mariage, car en fait puisque les dots étaient rarement payées dans les temps, on devait se référer à ce contrat souvent des décennies plus tard, lors de la "reconnaissance". Le notaire sortait donc à ce moment-là le contrat de son année réelle, et le reclassait avec la transaction passée des décennies plus tard. Ainsi le contrat mariage de Pierre Guillouard et Marie Bernier, passé en 1657, est classé en 1679, soit 22 ans plus tard !

  • L'argent
Dans tous les cas, la dot comporte une somme d'argent (citée en premier), "comme c’est une louable coutume au present pays [...] affin de plus facilement supporter les charges du mariage". Souvent elle est exprimée en livres (et ses divisions sols et deniers), mais en Haute-Savoie, avant son rattachement à la France, on trouve également des florins (de 400 à 6000 florins pour les contrats en ma possession). Le florin savoyard vaut une demi-livre tournois.
La moyenne des dots s'élève à 190 livres. Huit dépassent 1 000 livres, dont le record est détenu par Raymond Pradelly avec 15 250 livres ! (j'y reviendrai). Les plus humbles ne promettent que 50 ou 30 livres seulement, comme celle de Jean Claude Simon dans l'Ain (1720).

  • Le cheptel
On constate de grandes variétés selon les régions :
- dans l'Ain et en Savoie la coutume est de donner une vache, une chèvre et une brebis.
- dans l'Orne le cheptel prend une certaine importance : outre la (ou les) vache(s) il y a presque toujours une demi-douzaine de brebis (mais jamais de chèvre);
- en Vendée et Rouergue il n'y a presque jamais d'animaux dans les dots.
Les rares variantes font mention d'une génisse, une paire de bœufs et, cas unique, un véritable troupeau de 24 brebis (pour Raymond Pradelly, encore lui).

  • Le linge
Souvent les "habits" et le "linge" (de maison) sont bien séparés. En bonne place se trouve souvent "un habit de bon drap", une robe, une chemisette; parfois une jupe, un manteau, des coiffes, des cotillons; exceptionnellement des tabliers, une paire de manche, un corset.
L'usage en est quelques fois précisé : une chemise de noce par exemple. Si on a un peu de chance, les matières sont aussi détaillées (ratine rouge, sarge, toile, satin) voire même la "mode" ("un habit Dauphiné, un habit complet de droguet d'Angleterre, un habit en façon de l'ondre [Londres] noir").
D'autres fois au contraire le notaire se contente d'une simple mention comme "ses menus linges", ou plus amusant "un habit propre".
Les vêtements sont presque toujours destinés à la fiancée, ou bien de temps en temps à sa mère, ses sœurs, voire sa grand-mère.

Le reste du linge se compose de couverture, draps (dit aussi linceuls), tour de lit, nappes, serviettes, bref le "linge habituel", "servant à son usage". Les rares excentricités sont les franges du tour de lit ou de simples aunes de tissus non transformés.

  • Le mobilier
La plupart des dots comprennent un coffre en bois fermant à clé. La nature du bois en est assez souvent précisée : sapin en majorité, chêne, noyer, ou cerisier plus rarement. Ce coffre sert au linge de la fiancée.

Dans certaines régions, on y ajoute de la "vaisselle d'étain". La fille d'un praticien du Rouergue reçoit même, en plus de ses plats, assiettes et écuelles, une salière d'étain (objet d'apparat ?). Dans l'Orne , la vaisselle d'étain est presque systématique.

  • L'immobilier
Dans cinq cas seulement, les biens immobiliers sont inclus dans la dot, en particulier lorsqu'une communauté de biens est fondée pour le futur couple.

  • Autres
De temps en temps des donations sortent de l'ordinaire : des "joyaux", une croix d'or, une bague en pierres fines, un tour à filer, un grangeage, des terres, les biens hérités de défunts parents.

  • Les conditions de paiement
L'usufruit des biens donnés est parfois conservé pendant sa vie durant par le père donateur. Ou bien encore le futur époux se doit de doter ses frères et sœurs quand viendra leur tour de se marier.
En Rouergue les gains de survie (dons ou avantages qui se font entre époux en faveur de celui qui survivra) sont assez courants.
Pour certains, incapables de payer la dot en une seule fois, des termes de paiement sont établis : payable "dans l'année suivant le décès" du donateur, "d'ici Pâques" ou en partie "tous les 5 ans".
On notera que, parfois, la dot est en droit d'être réclamée par les donateurs si le couple ne donne naissance à aucun enfant.

Pour finir, un zoom sur le contrat de mariage de Raymond Pradelly. Daté du 2 février 1704, il anticipe le mariage de Raymond, donc, et Louise Fel. Tous deux demeurent à Ginolhac, en Aveyron. Il est fils de praticien, mais a été émancipé. Le père de Louise étant décédé, elle procède sous l’autorité de deux personnes, dont un prêtre (peut-être son oncle). Étant émancipé, c'est Raymond lui-même qui se dote de la somme non négligeable de 15 050 livres. Il tient cette somme de ses droits paternels et maternels, ainsi que de donations de ses proches (oncle, tante, frère). Il donne également 200 livres en louis d'or et d'argent à Louise et sa mère, ainsi qu'une vache, une génisse (évaluées à 3 livres) et 24 brebis (évaluées à 72 livres). Enfin, il promet de liquider les dettes de sa future belle-mère. Louise, de son côté, reçoit par sa mère et en respect du testament de feu son père, la moitié des biens parentaux (sans plus de précision). Le contrat de mariage prévoit en outre un gain de survie (100 livres pour la fiancée et 50 pour lui). Entre l'énumération des témoins et les signatures, l'oncle de Louise lui donne 24 livres.

On est donc très loin des 30 livres, la vache, la chèvre, la brebis et le coffre contenant le linge de la future mariée constituant l'ensemble de la dot détaillée dans le contrat de mariage de Jean Claude Simon et Louise Marie Levrat. Et c'est tout l'intérêt de ce type de document : outre les petits trésors qui les émaillent ("les coiffes de dentelle, la paire de manche de ratine presque neuve, la douzaine de mouchoirs tant de soie que de mousseline"...), ils permettent d'imaginer l'environnement de nos ancêtres, leur niveau de vie et de rentrer dans leur intimité.




vendredi 6 novembre 2015

"L'ancêtre Corse" : début de l'enquête

"On a un ancêtre Corse" disait-on dans ma famille, du temps où notre généalogie n'avait pas été vraiment explorée. J'ai mené l'enquête, bien sûr...

Tout commence avec une mention sur un acte de naissance, celui d'Augustin Astié  (mon AAGP, sosa n°16), en juin 1851 à Conques (12) : c'est l'oncle maternel qui déclare la naissance de l'enfant car son père est "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio (Corse)".

Les parents, Pierre Jean Astié et Geneviève Mas, se sont mariés en août de l'année précédente. Pierre Jean est issus d'une longue lignée de Astié vivant et demeurant à Conques, dont la plupart étaient vignerons. Lui-même était cultivateur l'année de son mariage. Avec cette mention de 1851, c'est la première fois que l'on voit un Astié quitter Conques. Et que commence la légende du Corse.
Ensuite je perds la trace du couple : sans doute Geneviève a-t-elle rejoint son mari sur l'île de beauté. D'après les premières recherches généalogiques de mon grand-père, je sais néanmoins que Pierre Jean est revenu prendre sa retraite à Conque où il a fini ses jours.

Grâce aux CD-Rom d'état civil (autre temps, autres mœurs...) de l'Aveyron, je retrouve en effet les actes de décès de Pierre Jean et Geneviève, non pas à Conques comme l'avait dit mon grand-père mais non loin de là : à Aubin près de Decazeville - respectivement en 1883 et 1897.

C'est alors que je suis contactée par un lointain cousin, Jean-Pierre, qui m'apprend la naissance de quatre enfants du couple, en Corse : Adrien, Jean François, Louis et Antoine, tous nés à Appietto entre 1853 et 1859. Jean-Pierre est le descendant du deuxième de ces enfants. Régulièrement, nous allons correspondre pour tenter de retracer le parcours de la famille "Corse". Car bien sûr il s'agit d'eux. De mon côté je peux donc dire que je n'ai point d'ancêtre Corse; du côté de Jean-Pierre... mais sans doute n'a-t-il pas la même légende familiale !

C'est la fin du suspens corse, mais le début d'une enquête au long cours.


  • Pierre Jean disparaît
J'ai fait là un résumé des recherches qui durèrent plusieurs mois, voire plusieurs années. Car nous avons un "trou" de plus d'une décennie que nous cherchons à combler : où est passé la famille entre 1859 (naissance de leur dernier enfant connu en Corse) et 1875 (mariage de leur fils Augustin qui confirme la résidence des parents à Aubin). Soit un manque de 16 ans. Nous pistons les enfants à la recherche du moindre indice. Pour cela nous explorons l'état civil de plusieurs départements, les recensements, les archives militaires (d'ailleurs merci à Jean-Pierre de passer ses vacances aux archives pour pallier des mises en ligne aveyronnaises assez pauvres). Les déplacements, voire même les allers-retours, des enfants Astié dans différentes régions ne facilitent pas les recherches (19 adresses connues pour Augustin !).

  • Louis, cet inconnu
Mais chaque découverte soulève des questions sans réponse. Par exemple en 1881 Pierre Jean et Geneviève (dont les patronymes sont orthographiés de façon plus ou moins fantaisiste) résident à Aubin avec un petit garçon de 4 ans dont le patronyme est Astié, prénommé Louis et qui est dit "fils". Mais s'ils ont bien un fils appelé Louis, il est alors âgé de 24 ans et il est caporal moniteur d'escrime au 9ème RI, probablement basé à Bourges (pas de recensement en 1881 dans la capitale du Cher pour le confirmer). Et un petit-fils qui a bien 4 ans, mais dont les parents vivent en Anjou (prouvé par deux actes de décès de jeunes enfants en 1881). Est-ce une erreur de saisie sur l'âge ? sur la parenté ? Qui est ce petit Louis ? Pour le moment nous pensons qu'il s'agit plutôt du petit-fils, mais pourquoi est-il sans ses parents ?

  • Les surprises du recensement
Plusieurs fois les recensements (quand ils existent : nous faisons face à plusieurs lacunes dans plusieurs communes) ont fait apparaître un enfant resté jusque là inconnu. Comme Alexandre, fils surprise d'Augustin. D'où l'intérêt d'explorer toutes les sources à disposition (mais ça, je l'ai déjà dit...).

Grâce à Brigitte (du blog Chroniques d'antan et d'ailleurs - merci à elle encore une fois), j'apprends que Pierre Jean a été muté à Peri (toujours en Corse) après son premier poste à Appietto : le créneau se resserre. Je le retrouve sans difficulté dans les recensements de Peri en 1861 et 1866; et là, surprise, la présence d'un nouvel enfant dont nous ne soupçonnions pas l'existence, né en 1861 à Peri ! La famille n'apparaît plus dans le recensement suivant en 1872. Pierre Jean a sans doute déménagé suite à sa demande de mise à la retraite faite en 1870. Mais pour où ? A nouveau il disparaît.

Par la fiche militaire de son fils Adrien, nous savons que Pierre Jean et Geneviève résident à Aubin en 1873. L'éclipse familiale a donc été réduite à 1871/1872.

  • Les enfants ont disparu à leur tour
Par contre, nous ne retrouvons plus trace d'Antoine et Benoît, les deux derniers enfants de la fratrie : après le recensement de Peri en 1866 (où ils sont âgés de 7 et 5 ans), on les voit plus ni dans les registres d'état civil des domiciles connus, ni dans les recensements postérieurs ou les registres matricules de leurs années de recrutement.

Il reste donc quelques mystères à éclaircir...



samedi 31 octobre 2015

#Centenaire1418 pas à pas : octobre 1915

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois d'octobre 1915 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 


1er octobre
Mêmes emplacements.

Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs.
Pertes : 1 chasseur tué.
Ordre de bataillon n°56 : décorations.


2 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : action des minenwerfers [ 1 ] sur les Carpathes, Neurgey et Haute Roche.
Journée et nuit calme dans le sous-secteur de Noirrupt.
Continuation des travaux en cours.
Ordre de bataillon n°57 : citations à l’ordre de la division.
Ordre de bataillon n°58 : affectations.

3 octobre
Mêmes emplacements.
Continuation des travaux en cours.
Bombardement du ravin de Lomberg (Basses Huttes) vers 16h.
Pertes : 1 sergent-major tué par balle.

4 octobre
Mêmes emplacements.
Continuation des travaux en cours.
Sous-secteur de Blancrupt : de 19 à 21 h bombardement par le minenwerfer des boches de la Roche du Corbeau et des Carpathes Nord.
A 21h les boches tentent un coup de main sur ces postes en attaquant avec des grenades.
Devant le poste de la Roche du Corbeau, ils sont repoussés à coups de fusil.
Le poste des Carpathes Nord presque entouré doit se replier légèrement ; l’ennemi occupe son emplacement mais il en est chassé et à 23h30 notre poste le réoccupe.

5 octobre
Mêmes emplacements.
Continuation des travaux en cours.
Sous-secteur de Blancrupt : tirs intermittents d’artillerie. De 19h à 22h fusillade très vive de part et d’autre aux Carpathes Nord et à roche du Corbeau. Des bombes de tous calibres sont lancées par les boches sur les Carpathes Nord.
Sous-secteur de Noirrupt : vers 9h30 l’ennemi bombarde le ravin de Rottenbach avec du gros calibre.
Perte : 1 chasseur disparu.
Ordre de bataillon n°59 : décorations.

6 octobre
Mêmes emplacements.
Continuation des travaux en cours.
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs.
Ordre de bataillon n°60 : décorations.

7 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : plusieurs bombes de minenwerfer sont lancées sur Beauregard.
A 20h30 une fusillade intense venant de la Roche du Corbeau est dirigée sur nos positions des Carpathes.
Quelques bandes de nos mitrailleuses et cinq feux de sabre dirigés par nos postes avancés des Hautes Roches rétablissent le calme.
Perte : 1 chasseur tué.

8 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : à 21h30 l’ennemi dirige vers nos postes de la Roche du Corbeau et des Carpathes Nord une fusillade et lance quelques bombes.
A 1h15 une patrouille boche tente de couper les chevaux de frise placés en face de notre sentinelle du poste de Neurgey.
Elle est aussitôt dispersée par notre feu dirigé par le petit poste.
Ordre de bataillon n°61 : citations.

9 octobre
Ordre de bataillon n°62 : promotion.
 
Campement alpin Lac Noir, 1915 © Gallica


10 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : à 2h une patrouille boche s’approche de nos sentinelles des Carpathes.
Elle est aussitôt repoussée à coups de grenades.
Vers 10h une nouvelle patrouille s’approche du petit poste de droite de l’Arbre Blanc et lance une bombe sur notre sentinelle.
Quelques coups de feu la mettent en fuite.

11 octobre
Sous-secteur de Noirrupt : nos postes avancés du Rain du Pair et de la ferme Cyrille dispersent par quelques coups de feu des travailleurs ennemis.

12 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : plusieurs bombes sont lancées par les boches sur le poste des Carpathes au moment où ils prononcent une violente attaque sur le Linge.
Entre 17h et 17h30 ce poste reçoit une douzaine de gros crapouillots. Le poste est démoli en partie.
Dans le sous-secteur de Noirrupt : l’ennemi bombarde le Collet de Noirrupt avec des obus à gaz suffocants au moment où leur attaque sur le Linge se déclenche.
Perte : 1 sergent et 1 chasseur blessés par balles de mitrailleuse.

13 octobre
Ordre de bataillon n°63 : nominations.
Ordre de bataillon n°64 : affectations.

14 octobre
Aucune mention dans les JMO.

15 octobre
Sous-secteur de Blancrupt : vers 9h les boches envoient une vingtaine d’obus de 77 sur Tiercom sans produire aucun dégât.
En raison des circonstances la garnison de la rive gauche de Surcenord est réduite à 6 escouades au lieu de 8.
A 1h30 à la droite du sous-secteur de Noirrupt les boches lancent une attaque sur le Linge.
16 octobre
Vers 15h un avion ennemi survole nos lignes dans le sous-secteur de Blancrupt.
A Noirrupt nous envoyons une patrouille pour tenter d’enlever la sentinelle boche placée à la Corne Sud du Bois Neutre (Basses Huttes).
L’ennemi aperçoit notre mouvement.
Il donne aussitôt l’alarme au moyen d’une fusée et accueille notre patrouille par un feu de salve nourri.
Elle peut néanmoins retourner indemne dans nos lignes sans avoir pu accomplir sa mission.
A 17h30 notre artillerie tire sur la scierie du Bonhomme et sur quelques travailleurs boches.
 
Biplan allemand de reconnaissance © wintzenheim1418.free.fr


17 octobre
Vers 20h une patrouille boche tente de traverser nos lignes entre Haute Roche et les Carpathes.
Elle est aussitôt dispersée par nos coups de feu.

18 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs.
Rien à signaler.
Ordre de bataillon n°65 : citations.
Ordre de bataillon n°66 : affectation.

19 octobre
Noirrupt : l’ennemi tire beaucoup dans la direction de nos travaux de la nouvelle tranchée du Rain du Pair.
Nous répondons en dispersant de nouveaux groupes de travailleurs dans les champs.

20 octobre
Noirrupt : dans la matinée notre sentinelle placée au boqueteau du Rain du Pair tire plusieurs coups de fusil sur une corvée boche qui traversait la route. Un des boches est blessé.
Ils répondent par une vive fusillade sans résultat.
Ordre de bataillon n°67 : citations.
La 2ème brigade n’ayant donné aucune réponse aux propositions de citations du 31 août, le Commandant (tout en regrettant ce retard) est heureux de citer les Chasseurs qui se sont distingués au cours des attaques des 22 et 23 août 1915.

21 octobre
Noirrupt : vers 16h30 une patrouille de la 3ème Compagnie est lancée à la recherche du Chasseur Marsaleix (du 22ème BCA).
Ce Chasseur avait abandonné son poste le matin. Il a tenté de franchir nos lignes et de passer à l’ennemi.
Surpris par une de nos sentinelles, il la tue à bout portant de deux coups de fusil.
Serré de près par la patrouille, il se cache dans un buisson vers le poste de Cyrille.
Il est pris enfin et amené à l’Etat-Major de la 5ème Brigade.
Sur l’ordre du Lieutenant Colonel commandant la Brigade, un Conseil de Guerre Spécial se réuni à 23 heures.
Condamné à mort, Marsaleix est exécuté le matin du 22 à 7h30.
 
Dossier fusillé Marsaleix © Mémoire des Hommes


22 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement important à signaler.
Perte : 1 caporal et 1 chasseur blessés, 1 chasseur tué.
Ordre de bataillon n°69 (sic : pas de 68) : citation du chasseur Schlier, tué par le déserteur Marsaleix alors qu’il allait l’arrêter.
Ordre de bataillon n°70 : décorations.

23 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Rien à signaler.
Perte : 1 chasseur blessé.
Ordre de bataillon n°71 : cassation du sergent Favery pour avoir libéré ses hommes du travail 1h30 avant l’heure fixée.
Ordres de bataillon n°72, 73 et 74 : citations.

24 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Perte : 2 chasseurs blessés par éclat de crapouillot.
Ordre de bataillon n°75 : cassation.

25 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Perte : 1 caporal et 1 chasseur blessés, 1 chasseur tué.

26 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Perte : 1 chasseur tué par balle.
Ordre de bataillon n°76 : citations.

27 octobre
Dans le sous-secteur de Blancrupt vers 10h les Allemands envoient quelques obus de 77 sur notre petit poste au boqueteau de Neurgey et quelques crapouillots sur le petit poste de l’Arbre Blanc.
Dans le sous-secteur de Noirrupt nos postes avancés entendent dans la matinée des tirs d’exercice exécutés par les boches en arrière d’Orbey.

28 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Ordre de bataillon n°77 : cassation.
Ordre de bataillon n°78 : nominations.

29 octobre
Dans le sous-secteur de Blancrupt de 14h à 15h un avion français survole les lignes boches.
Il reçoit environ 150 coups de canons, sans résultat.
Pertes : 3 chasseurs légèrement blessés.

30 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Ordre général n°44 : le Général Commandant en chef est heureux de transmettre aux armées l’ordre que de sa Majesté le Roi d’Angleterre lui a adressé lors de sa visite sur le front français : « Soldats de France, je suis bien heureux d’avoir pu réaliser un désir qui me tenait au cœur depuis bien longtemps, de vous exprimer ma profonde admiration pour vos héroïques exploits […] et ces magnifiques vertus militaires qui sont le fier héritage de l’Armée Française.
[...] Mes armées sont bien fières de se battre à côté de vous et de vous avoir comme camarades.
Puissent les liens qui nous unissent subsister  et nos deux pays rester toujours intimement liés.
Soldats, acceptez mes salutations les plus cordiales et les plus vives. Je ne doute pas que vous ne meniez cette lutte gigantesque à une fin victorieuse  et je tiens au nom de mes soldats et de mon pays à vous exprimer mes chaleureuses félicitations et mes meilleurs souhaits. »
Le président de la République qui a accompagné le Roi d’Angleterre pendant son voyage joint ses félicitations personnelles à celles qui vous sont adressées par Sa Majesté.
Revue du roi d’Angleterre sur le front français, 1915 © Gallica



31 octobre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.




[ 1 ] Le Minenwerfer (lance-mine) est un mortier léger de 76 mm tirant un projectile de 4,5 kg, dont la portée optimale était comprise entre 300 et 1 000 mètres.