« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 18 décembre 2015

Insultes prohibées

A force de lire des histoires bizarres sur l'origine des noms - en particulier ceux qu'on ne voudrait pas porter comme Nibard ou Gueunon - ça m'a donné envie d'aller voir s'il y en avait dans mon arbre. Las ! Rien de rien ! Ou tout juste un Soulard et un Cocu : pas de quoi casser trois pattes à un canard ! Quelle tristesse. Alors pour me venger de mes ancêtres qui n'ont reçu en héritage que des patronymes fort corrects, j'ai écrit un texte composé - presque - uniquement de leurs noms (facilement identifiables car ils apparaissent en majuscules).
Les patronymes n'ont pas d'orthographe, c'est bien connu, ce texte n'en a pas non plus (inutile d'alerter le Bescherelle), ce qui va très bien avec cette histoire tout droit sortie des âges.

Ambrogio Lorenzetti, Effets du bon et du mauvais gouvernement © Larousse.fr

Il y a fort fort longtemps :

Tel un PELERIN et son POULLAIN, BERTRAND le CLERC, tout GROS et GRAS qu'il était, marchait dans la VALLEE, les bras BALAND, à côté de son BEAU BODET du POITOU, juste FERRÉ, qui préférait la FRICHE des FOURRÉ DE LA LANDE aux ROCHER DUCHEMIN. Avisant la RIVIERE, il s'écria "SEBAULT !". Il voulait traverser mais, TROUILLARD, il avait peur de LABOUE et d'abîmer ses SOULIÉ. Il se GARDAT de tenter l'aventure. Sortant DESBOYS de BOULEAU et de SUREAU, il arriva au HAMEAU.

Par-dessus DESHAYES, il vit ALLAIN, LE JOLY BACHELIER, qui jouait au BALLON. Le TAVERNIER, nommé GUILLAUME, le regarda de BIAIS, puis lui dit BONJOUR et lui souhaita la BIENVENU. Il épousseta une MIETTE de FROMEN ou de MILLET de son GILLET, le dernier PATÉE de GORET au ROMARIN PESANT comme une PIERRE sur son estomac, tout en comptant sa MONET en bon LOUIS d'or. Sortant son COUTEAU, il découpa un PIGEON sur une PLANCHE, le farcit d'ANIS et l'arrosa de PINEAU avant de le cuir au CHALUMEAU. Un REZAU de QUENELLE entourait LE COCQ et LELIEVRE NOUÉ ensemble dans LE POT qui cuisaient. "Rien de DEBORDE DUFOUR" pensa-t-il. Satisfait, il se versa une BONNE rasade de PINARD. MICHELLE, avec qui il était en MENAGE, passait le BALLET dans les SALLES, tout en surveillant ses POUPIN JUMEAU, COLIN et GERMAIN, qui jouaient du HOCHET.

Plus loin GIRAUD, le BARBIER ROUX - BLANC comme un linge - livrait BATAILLE avec LE GRAND ETIENNE, MARECHAL FERRANT, pour lui faire une COUPPE sans l'ÉCORNÉ avec son outils TRANCHANT, comme la dernière fois où on lui avait DONNET le FERT pour le punir !

Près de la FONTAINE un GAILLARD, nommé PAUL CHIRAC, GUETTÉ LAPORTE de GREGOIRE le BAILLIF. Son NEPVEU HUBERT LAISNÉ avait un PACQUET CARRE pour sa BRU, un CADOS de NOEL : LAMOUREUX offrait un CHASLE à sa BEL amie.

Soudain le MESSAGER du PUISSANT DUC ANCELIN, précédé d'un PETIT PAGE, venu tout droit DUCHATEAU de la HAUTEVILLE, alerta la population : BERTRAND LECLERC, ANTOINE le BOTTIER, ALBERT le BOUVIER : tous s'approchèrent.
"- Le CHATELAIN a décidé LE DILHUIT JUIN année courante que le FELON, le JUDAS, nommé GUIBERT, n'ayant JAMAIS voulu mettre un GENOUST en terre devant le COMTE DAVID sera traîné derrière le cheval de LECUYER, DU GUÉ aux BORIES du MAS BRUN."
Mais le MUTIN s'était déjà BARRÉ ! TOUPLIN de CHEVALIER, VALET et COCHET partirent à sa recherche, DESMAREST DUBOIS DANIEL au GROZ CHASTEAUX, sans le CROISÉ. LE SEIGNEUR SERAIE très fâché.
"- JAY FAY le serment, les mains JOINTE et par LE ROY, de le MOUCHET à vue, lui et tout le pays, DELACOSTE à LAGARRIGUE !"

Le GRANDHOMME REDESSANT du FORTIN en JUILLET tout armé, la BREYSE dans les yeux. LAURENT LE BRETON et ROBERT LANGEVIN plaident pour l'apaisement.
Dans LE VERGER, un MERLE PELÉ PERCHER sur un POIRIER BRANCHU, siffle DESCHAMPS à un PAPILLON. LOISEAU VOLAND a un RAMEAU d'olivier dans le BECOT. L'ire du MARQUIS BAYSSE d'un coup.

En souvenir, SIMON LE PEINTRE immortalisa la scène. Ce que je METAIS décidé à voir, en venant DUPORT en GABARD : la CHARNIÈRE DELAPORTE DUMOULIN ne grinça pas. DURANT un long moment, j'observais LEBEAU tableau, sentant la SEVE de mes ancêtres...


Texte réalisé avec 91 des 1 313 patronymes de mon arbre.



vendredi 11 décembre 2015

Laurent est-il Roland ?

Le moyen le plus sûr de progresser dans ma recherche généalogique, est de repérer la génération supérieure dans un acte de mariage. Par exemple, lorsque Marguerite Thiberge se marie (avec Pierre Le Masson en 1653 à Morannes - 49), elle est dite fille de Laurent Thiberge et de Marie Roger. Grâce à cette indication de filiation j'identifie rapidement son acte de naissance en 1626, toujours à Morannes.

Mais là où cela se gâte, c'est à la génération des parents, Laurent et Marie. En compulsant les registres, je m'aperçois que Marguerite est la seule fille de Laurent Thiberge et Marie Roger. Par contre, Roland Thiberge et Marie Roger ont, à la même époque, cinq enfants (nés entre 1614 et 1636). Il n'y a pas d'acte de mariage aux noms de Laurent/Marie ni Roland/Marie (pas de registre de mariage antérieur à 1617 à Morannes). Ayant déjà trouvé plusieurs couples homonymes au fur et à mesure de mes recherches, j'avais donc abandonné là cette piste, ne pouvant pas prouver que Laurent était en fait Roland.

Reprenant aujourd'hui mes investigations, je commence par chercher l'acte de décès de Laurent : rien.
Un coup d’œil sur Geneanet pour voir ce qu'il s'y dit : 5 généalogistes font figurer ce couple dans leurs arbres, dont deux donnent une date de décès pour Laurent. Chic ! Je vais voir aussitôt à la date du 30 avril 1653 à Briollay : et là je trouve l'acte de décès... de Roland !

Un acte de décès peu ordinaire, d'ailleurs :

Acte de décès multiple, Briollay, 1653 © AD49

"Le 1 et le 2 jour du mois de may furent inhumés en le cimetiere
de briollay ceux dont les noms suivent cy apres s'estant par un funeste
accident noyés dans les eaux sur ledit marais de cette paroisse
de briollay
en premier Jean bochier, perinne huet, la veusve --- --- ---
deux fils de tourteau dont je ne sais les noms, Mathurine nai--
catherinne plessis, la fame dEstienne Sale et son fils age environ qu--
Louise Sale, Roland Tiberge Anthoine Gautier, René preau--
christophle beron, Jacques solber, Jean Roger, Francoise pichonneau
Adam bastau et sa fame perrine Matiguone, Magdeleine pinson, Mag--
Masse, Marie Morillon Julien Maubert et sa fame Pierre Geslot
et sa fame, Jeanne Chevrier la veusve le Masson et Jacque le
Masson son fils, Mathurin closier, René Ritouet, Isabel Au[diot]
veusve feu Giles Ritouet, Jean Landais perrine olivier, Jean lig---
et sa fille, Jean olivier et barthelemy son fils, louise colombeau
Jacqe claire, ---- piron et son fils René piron,

C'est donc une quarantaine de personnes qui se sont noyées ce jour-là. Et le fameux Roland compris. On n'a pas de détail sur ce "funeste accident", mais l'on sait que - plus tard - un bac traversait la Sarthe (grâce au Dictionnaire historique de Célestin Port, édité en 1876), rivière qui borde des parcelles nommées "Les Marais" : s'il existait déjà à cette époque, c'est peut-être ce bac qui s'est renversé provoquant cette noyade massive.

En élargissant un peu la recherche, près d'une vingtaine de généalogies incluant le couple Roland/Marie supplémentaires ressortent. Ils confirment le décès dudit Roland et les naissances trouvées dans les registres, dont celle de "ma" Marguerite.

Alors : Laurent est-il Roland ? Comment le savoir ?

Je fais le tour de tous les actes concernant les possibles frères et sœurs de Marguerite : leur père est toujours prénommé Roland. Idem pour l'acte de décès de Marie Roger, dite veuve de Roland Thiberge en 1670. En bref, c'est seulement dans les actes de naissance et de mariage qu'il est nommé Laurent.

C'est l'acte de décès d'une sœur de Marguerite (prénommée Madeleine) qui laisse penser que Laurent et Roland sont la même personne : en effet l'un des deux témoins est Pierre Le Masson. Si ses liens de parenté ne sont pas précisés, on reconnaît néanmoins la signature de l'époux de Marguerite.

J'adopte donc Roland (et tous ses enfants)... jusqu’à preuve du contraire !





vendredi 4 décembre 2015

Les morts sur la montagne

Faisant écho à l'article de Benoît Petit (sur son blog Mes racines familiales) intitulé série de noyades à Chaumont-sur-Tharonne j'ai aussi rencontré une série de décès accidentels, liés cette fois à la haute montagne, trouvés dans les registres de Samoëns (74).

 Samoëns, retour de l'équipe chargée d'ouvrir les chemins en hiver © Hier à Samoëns

C'est l'époque où des officiers d'état civil sont nouvellement nommés et n'ont pas encore compris qu'un acte de décès n'est pas un roman (et tant mieux pour nous, généalogistes !). Très disert, François Duboin, "membre du conseil général de la commune de Samoën, département du Monblanc", décrit avec moult détails ces trois décès de 1794 ("An Second de la République Française une et indivisible").
  • Le premier est daté du 26 germinal an II (15 avril 1794) : il a été trouvé un "cadavre sur la montagne de Bostant" (Tête de Bostan, 2 403 m d'altitude). A l'époque les autorités se déplaçaient sur les lieux du décès : ledit François Duboin, accompagné du secrétaire greffier et de trois hommes servant de témoins dument assermentés, se rendent au village des Allamands, "distant d'une heure et demi environ dudit bourg de Samoën". Il y découvre une femme "couchée la face contre la neige, ayant sur son corps une chemise de toile mellée avec un corset et un juppon de drap de pays, avec des bas de laine gris et un mouchoir d'indienne, avec encore un mauvais tablier d'indienne rayé bleu dans lequel était enveloppé un morceau de pain gros, ayant ses souliers dans les poches". La "morte sur la montagne" est reconnue par les témoins comme étant Françoise Biord, épouse de François Gindre, mais "il ne s'y est rien trouvé ni aucun objet autour de son corps qui peut faire présumer le sujet de sa mort".
  • Le deuxième est rédigé un mois et demi plus tard (13 prairial / 1er juin). C'est en fait un acte rétroactif : le juge de paix du canton "est comparu en la salle publique de la maison commune" pour produire un procès verbal "par lui dressé le vingt six avril 1793 vieux style [ 1 ] au sujet de Jean Baptiste Brissay, prêtre et chapelain de Taninges mort sur le territoire du village de la Mollutaz distant du bourg de Samoën de six heures vu la grande quantité de neige ce qui empêche de la traverser". Deux témoins déclarent "avoir trouvé un cadavre reconnu de tous les assistant pour être celui dudit prêtre", divers papiers trouvés sur lui attestant de son identité : ses lettres de prêtrise, son extrait de baptême, une espèce de formule de serment, une liste contenant des dus à un habitant dudit Taninges "et plusieurs autres indices qui ne laissent pas ignorer sa connaissance".
  • Le dernier de la série date du jour suivant : le même juge de paix revient produisant un autre procès-verbal rédigé le 26 mai 1793 "qu'il a dressé sur le rapport" d'un habitant de la commune voisine de Vallon. Il s'est transporté, avec son greffier, "au-delà de la montagne appelée la petite ...?". Il y a "trouvé un cadavre, couché à la renverse, attachés par la cuisse, avec sa ceinture, reconnus par les assistants pour être celui de Claude Morel de Taninges". Ils n'ont "trouvé autour dudit cadavre aucun objet qui puisse faire présumer le genre de mort".

Comme d'habitude, chaque indice distillé dans les sources soulève beaucoup de questions : pourquoi Françoise Biord avait-elle ses souliers à la main ? Pourquoi le père Brissay avait-il emporté son extrait de baptême dans sa poche ? Pourquoi Claude Morel s'était-il fait un garrot avec sa ceinture ?

Pour tout cela, la montagne a gardé ses secrets !



[ 1 ] Le "vieux style" désigne l'ancienne façon de compter les dates, c'est-à-dire avant la mise en place du calendrier révolutionnaire en 1792, et qui sera à nouveau adopté en 1806.

lundi 30 novembre 2015

#Centenaire1418 pas à pas : novembre 1915

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de novembre 1915 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 


1er novembre
Dans le sous-secteur de Blancrupt les boches envoient sans résultat plusieurs bombes sur l’un de nos postes.

Une batterie ennemie de gros calibre tire 34 obus sur notre poste de Seraphin Henry.
Un de nos blockhaus est démoli sans qu’il y ait perte d’hommes.
Ordre de bataillon n°80 : attribution de la médaille militaire à deux soldats amputés suite aux combats.

2 novembre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Un mois et demi que nous sommes dans ce secteur. Un mois et demi d’accrochages avec l’ennemi qui est là, tout proche.
Nous n’avançons pas. Nous ne reculons pas non plus. Mais combien de temps ça va durer comme ça ?

3 novembre
Dans le sous-secteur de Noirrupt les boches envoient dans la journée quelques obus sur la lisière du bois de Noirmont.
Nous faisons face au froid : la neige est déjà épaisse à cette époque de l’année.
Perte : 2 chasseurs blessés.
Ordre de bataillon n°81 : citations.

4 novembre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Ce soir notre section va en renfort au-dessus de la Roche du Pin, sous la conduite d’un guide à travers la neige. Je suis en sentinelle double en avant des fils barbelés à 50m de nos tranchées dominant le grand ravin. Il y a bien 50cm de neige à cet endroit. Le matin, à la pointe du jour, nous devions nous retirer dans la tranchée par la chicane traversant le réseau. Mais pendant nos heures de factions, la neige tombée en abondance avait effacé la piste conduisant au passage des barbelés et impossible de pouvoir repérer l’endroit ! Le jour arrivait à grand pas et sur la neige avec nos costumes bleus foncés nous allions être vus de l’ennemi et tués comme des lapins. Enfin, à force de temps et à notre grande joie, on a trouvé le passage. Il faisait jour depuis un moment. Les boches devaient dormir et être engourdis par le froid, négligeant la surveillance des lignes (nous l’avons échappée belle). [ 1 ]
Bataille des Vosges © Delcampe
Pertes : 1 sous-lieutenant légèrement blessé à la tête et 4 chasseurs blessés.

5 novembre
Notre artillerie atteint d’un obus le clocher de la chapelle de Creux d’Argent.
Journée et nuit calmes.

6 novembre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs. Aucun événement à signaler.
Ordre de bataillon n°82 : affectation.

7 novembre
Journée et nuit calmes dans les deux sous-secteurs.
Dans la nuit le 23ème Bataillon est relevé par le 30ème Bataillon de Chasseurs. Le mouvement s’effectue sans incident.
On est de retour à Gaschney : on retrouve notre bivouac de l’été dans le bois (mais cette fois sous la neige !).
Chasseurs 7ème BCA © Histoirémilitaria

8 novembre
Séjour du Bataillon à Gaschney.
Ordre de bataillon n°83 : citations.

9 novembre
Séjour à Gaschney.
Dans la nuit le Bataillon relève au sous-secteur de Braünkopf le 24ème Bataillon de Chasseurs.
Le mouvement se termine à 20h30 sans incident.

10 novembre
Journée et nuit calmes. Aucun événement à signaler.
Nous avons fait l’expérience des chiens sentinelles : un chien-loup de forte taille est dressé à cela devait avertir l’approche d’un ennemi ou d’une patrouille en grommelant doucement et prenant air agressif. Les postes les plus dangereux avec un champ de vue limité par la broussaille ou tout autre obstacle lui était affectés. Cela faisait surtout un emploi envié par tous pour la garde le jour de l’animal. Quelque temps après tout cela fut supprimé n’ayant sûrement pas obtenu le résultat désiré.

11 novembre
Journée calme.
Dans la nuit l’ennemi tire quelques coups de feu sur nos tranchées. Ces coups proviennent des maisons de Rospel.

12 novembre
Ordre de bataillon n°84 : nominations et mutations.

13 novembre
Journée et nuit calmes.
Des bruits de travaux ennemis sont entendus dans le Bois Noir.
Entre 3h et 3h30 un charroi de véhicules boches se fait entendre dans Muhlbach.

14 novembre
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.

15 novembre
Journée et nuit calmes.
A 11h45 trois avions boches survolent nos lignes.
L’un d’eux vole très bas et lance quatre bombes sans résultat à proximité de nos tranchées de première ligne de la route de Muhlbach.
Ordre de bataillon n°85 : rétrogradation et mutation.

16 novembre
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Ordre de bataillon n°86 : citations.

17 novembre
Dans la nuit l’ennemi tire à plusieurs reprises sur nos travailleurs sans les atteindre.
Il est constaté que les boches travaillent de nuit à Looch.
Vers 18h30 on entend plusieurs coups de mines dans le Bois Noir.
Ordre de bataillon n°87 : nominations.

18 novembre
Journée calme.
A la nuit une patrouille boche sort du Bois Noir et se dirige vers nos lignes. Elle est aussitôt dispersée par notre feu.
Ordre de bataillon n°88 : citations.

19 novembre
Journée et nuit calmes.
Installation dans nos tranchées de deux batteries de fusils. Travaux de sapes et aménagement des boyaux.
Ordres de bataillon n°89 et 90 : affectations et cassation du sergent Ours pour négligences répétées.

20 novembre
Journée calme.
Dans la nuit deux paquets de cartouches sont tirés avec la batterie de fusils. Une rue de Muhlbach est prise comme objectif.
On matin on observe un charriot chargé abandonné au point où le tir était dirigé.
Perte : 1 sergent légèrement blessé.
Ordre de bataillon n°91 : décoration
Muhlbach, 1919 © Gallica

21 novembre
Dans la journée l’ennemi envoie 10 obus de 77 sur nos tranchées de la rive droite de la Fecht.
Au Braunkopf un abri d’escouade est démoli par un obus qui n’occasionne aucune perte en homme.
Perte : 1 chasseur blessé.

22 novembre
Vers 10h l’ennemi bombarde le Braunkopf avec des obus de 105.
Un obus éventre notre abri à munitions qui contient la réserve des trois compagnies de gauche du sous-secteur.
Un autre abri qui se trouve à proximité et qui contient tous les pétards n’est pas touché.
L’explosion de l’obus détermine l’incendie du magasin et provoque ainsi sans accident la perte de toutes les cartouches, des fusées éclairantes et des bidons de poudre noire qui s’y trouvent enfermées.
Vers 11h15 un avion boche survole les lieux. Le magasin est à nouveau bombardé avec précision par 15 obus de 105.

23 novembre
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.

24 novembre
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : 1 chasseur légèrement blessé non évacué.
Ordre de bataillon n°92 : remise de galons.

25 novembre
Aucune note pour ce jour.

26 novembre
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.

27 novembre
Journée et nuit calmes.
Dans la nuit le 24e bataillon de chasseur relève au Braunkopf le 23e qui se rend à Gaschney où il bivouac.

28 novembre
Séjour à Gaschney.
Repos.

29 novembre
Le bataillon se rend de Gaschney à Gérardmer où il passe la journée.

30 novembre
Étape de Gérardmer à Anould.
Nous reprenons la marche
Arrivée à 11h.
Ordre général n°46 : souscription des Militaires à l’Emprunt de la Victoire.
"Le 25 novembre la France émet un grand emprunt pour subvenir aux dépenses de la Défense Nationale…
Tous ceux qui souscrivent rempliront leur devoir de bon Français…
Écrivez à tous ceux, parents et amis, que vous avez laissés derrière vous au pays natal…
Dites-leur que souscrire à l’emprunt c’est servir la France, c’est combattre pour elle avec vous.
J. Joffre"
Souscription pour la Victoire, 1915 © AD18



Source complémentaire :
"Journal résumé de la guerre 1914-1918", par Jean Pouzoulet, caporal au 23e Bataillon de chasseurs alpins, AD Hérault :

[ 1 ] Anecdote arrivée à J. Pouzoulet à la Tête du Faux.


vendredi 20 novembre 2015

#Généathème : je rédige la biographie d'un ancêtre

Tout commença par un souffle. Un premier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge. Si ténu que le curé de Taninges lui-même n'osa baptiser officiellement le nouveau-né. Il coucha néanmoins sur le papier une courte note :

Le 11 avril est née et le lendemain baptisée à la maison  ... demors

Pourtant le nourrisson n'est pas mort. Deux mois plus tard, il fallu bien se rendre à l'évidence : accroché à la vie, il a repris des forces. Et c'est presque à la surprise de tous que "le 29 juin [1684] a été présentée à l'église une fille née le 11 d'avril d'honorable Jean Claude Perret et de Maurise Deleschaux mariés". C'est un chanoine de Saint Pierre de Genève qui lui a été choisi pour parrain. Lui et Demoiselle Humberte, sa marraine, "ont assisté aux cérémonies du baptême" qui ont été conférées à l'enfant miraculé, celui que l'ont avait "baptisé à la maison le jour de sa naissance à cause du péril" qu'il encourrait.


Le curé, perturbé par ce prodige, rajouta in extremis une mention dans la marge du registre : "on lui a imposé  le nom de Marie Humberte".

C'est ainsi que Marie Humberte entra dans la vie. Sur la pointe des pieds, mais entourée de l'amour et des soins attentifs de sa mère. Et la vie reprit son cours, les saisons succédant aux saisons. Au fil des années la fratrie s'est agrandie : sept enfants au total ont égayés le foyer, dont les venues au monde furent beaucoup plus calmes et moins éprouvantes pour les parents.

Le père, Jean Claude, s'est assuré une belle réputation de Maître chirurgien, et le respect de sa communauté : on ne croise jamais ce fier bourgeois savoyard sans lui donner le titre de "Sieur" ou  de "Maître".

A force de faire de menues courses pour son père chirurgien, Marie Humberte rencontra le fils d'un apothicaire d'une paroisse voisine, Bogève. Après de patientes discussions, un contrat de mariage fut dûment établi. Pour cela on fit venir Maître Cullaz, notaire à Cluses, au domicile de Jean Claude Perret, entouré d'un bel aréopage de bourgeois pour témoins. Tombent dans l'escarcelle du futur couple : "une montagne située au Plumey rière [banlieue ?] la paroisse de Fleyrier et 3000 florins" (de la part de Pierre Bel, le père du futur), 500 florins (promis par le testament de son aïeul François Bel), 3000 florins et un beau coffre de noyer contenant le trousseau de la future, à savoir "deux habits complets, l'un de serge de Londres et l'autre à la Dauphine, deux douzaines de linge de ritte, trois lots de serviette à la Venise (de 9 aulnes chacun), douze aulnes de nappe, deux douzaines de chemises et deux douzaines de tabliers de toile, les rideaux de lit garni, le menu linge et les habits quotidiens". Deux vaches, deux brebis mères et deux chevreaux complètent la dot (de la part de Jean Claude Perret, le père de la future).

Taninges © Delcampe

La noce peut avoir lieu et le jeune couple s'installe à Taninges. Un premier-né voit le jour dès l'année suivante, porté sur les fonds baptismaux par ses grands-parents maternels désignés comme parrain et marraine. Six autres bambins vont ensuite venir agrandir la famille.

Comme pour tous, les joies de la vie s'assombrissent de temps en temps. C'est le cas lorsque Jean Claude Perret quitte ce monde un jour de février 1718. Une belle cérémonie est organisée pour lui dire adieu. Marie Humberte réconforte sa mère Maurise. Aujourd'hui encore, elle savoure le bonheur d'avoir pu la garder auprès d'elle une quinzaine d'années supplémentaires.

Un soir de 1725, alors que les enfants sont couchés, François appelle son épouse. Auprès du feu, il lui explique qu'on lui propose d'ouvrir une officine à Bogève. Rapidement la décision est prise : la famille va déménager. François devient apothicaire. L'affaire est florissante et lui permet de passer sa maîtrise. Marie Humberte donne encore naissance à trois enfants.

Finalement, le couple revient à Taninges pour ouvrir une apothicairerie encore plus belle. François et Marie Humberte font partie des notables de la ville à part entière.

Alors que ses tempes commencent à peine à grisonner, Marie Humberte voit son fils François se rapprocher discrètement de la fille du noble Louis Aymé Marin. Peut-être qu'une union pourrait s'envisager : cela ferait un beau mariage... La nuit était tombée depuis longtemps en ce soir de janvier 1739. François était encore à l'apothicairerie à préparer des potions et des onguents, les enfants déjà couchés. Soudain la pièce se mit à tourner. Lentement, comme au ralenti, Marie Humberte s'affaissa sur le tapis de la chambre. Elle exhala un souffle. Un dernier souffle de vie. Plus fragile et plus fin qu'un fil de la Vierge.

Du neuf janvier 1739 a 20h du matin est morte et le lendemain a été enterrée honorable marie humberte perret femme de maître françois Bel Apothicaire aiant reçu les sacrement agée de 53 ans
J. Favre curé


Marie Humberte Perret est mon ancêtre à la dixième génération (sosa n°821). Née à Taninges (74) le 11 avril 1684, mariée à François Bel en 1710 (contrat de mariage du 11 février 1710 - acte de mariage non trouvé), décédée à Taninges le 9 janvier 1739.



vendredi 13 novembre 2015

Richesses (et pauvreté) des contrats de mariage

Un peu par hasard je me rends compte que, depuis que j'ai commencé à récolter les actes notariés de mes ancêtres, j'ai en ma possession 48 contrats de mariage.
Je les ai trouvés grâce aux archives en ligne, aux relevés posés sur Geneanet et à ceux des cercles généalogiques, aux bénévoles du Fil d'Ariane. Ce n'est donc pas une collection systématique et définitive : par exemple, bien que mes ancêtres soient les plus nombreux en Anjou, je n'y ai aucun contrat de mariage car je n'ai pas eu accès aux minutes notariales.

Contrat de mariage Guibe Noel, 1729 © AD61

Si on fait un petit tour de France en chiffres, j'ai pu avoir :
  • 12 contrats de mariage dans l'Ain
  • 2 en Vendée
  • 8 en Haute-Savoie
  • 17 en Rouergue
  • 9 dans l'Orne
Ils sont datés de 1601 à 1782.
Les contrats de mariage sont des documents notariés et obéissent donc à des règles précises et codifiées (comme les testaments, ainsi que nous l'avons vu dans Les deux testaments d'Aimé). On retrouve les mêmes rubriques : présentations du notaire, du lieu, des futurs, la date, la dot et les éventuels conditions de paiement, les témoins, les signatures.
Ces contrats de mariage  illustrent les niveaux de vie de nos ancêtres. Les dots ont souvent un socle commun (argent, animaux, trousseau de base), mais ont aussi parfois des singularités qui font tout le sel de ce type de document.
La plupart du temps, le contrat de mariage se rédige avant la noce, mais je dispose de plusieurs exemplaires passés chez le notaire après le mariage, comme celui de François Jannay et Andréanne Buffard daté du mois de juin alors que la noce a eu lieu en janvier 1710. Le délai le plus long entre les deux événements est de deux mois et seulement deux jours au plus court. Document précieux, il pallie parfois au manque d'acte de mariage (en cas de lacune des registres) : c'est le cas pour  19 d'entre eux.
On notera que dans l'Orne il est assez compliqué de trouver les contrats de mariage, car en fait puisque les dots étaient rarement payées dans les temps, on devait se référer à ce contrat souvent des décennies plus tard, lors de la "reconnaissance". Le notaire sortait donc à ce moment-là le contrat de son année réelle, et le reclassait avec la transaction passée des décennies plus tard. Ainsi le contrat mariage de Pierre Guillouard et Marie Bernier, passé en 1657, est classé en 1679, soit 22 ans plus tard !

  • L'argent
Dans tous les cas, la dot comporte une somme d'argent (citée en premier), "comme c’est une louable coutume au present pays [...] affin de plus facilement supporter les charges du mariage". Souvent elle est exprimée en livres (et ses divisions sols et deniers), mais en Haute-Savoie, avant son rattachement à la France, on trouve également des florins (de 400 à 6000 florins pour les contrats en ma possession). Le florin savoyard vaut une demi-livre tournois.
La moyenne des dots s'élève à 190 livres. Huit dépassent 1 000 livres, dont le record est détenu par Raymond Pradelly avec 15 250 livres ! (j'y reviendrai). Les plus humbles ne promettent que 50 ou 30 livres seulement, comme celle de Jean Claude Simon dans l'Ain (1720).

  • Le cheptel
On constate de grandes variétés selon les régions :
- dans l'Ain et en Savoie la coutume est de donner une vache, une chèvre et une brebis.
- dans l'Orne le cheptel prend une certaine importance : outre la (ou les) vache(s) il y a presque toujours une demi-douzaine de brebis (mais jamais de chèvre);
- en Vendée et Rouergue il n'y a presque jamais d'animaux dans les dots.
Les rares variantes font mention d'une génisse, une paire de bœufs et, cas unique, un véritable troupeau de 24 brebis (pour Raymond Pradelly, encore lui).

  • Le linge
Souvent les "habits" et le "linge" (de maison) sont bien séparés. En bonne place se trouve souvent "un habit de bon drap", une robe, une chemisette; parfois une jupe, un manteau, des coiffes, des cotillons; exceptionnellement des tabliers, une paire de manche, un corset.
L'usage en est quelques fois précisé : une chemise de noce par exemple. Si on a un peu de chance, les matières sont aussi détaillées (ratine rouge, sarge, toile, satin) voire même la "mode" ("un habit Dauphiné, un habit complet de droguet d'Angleterre, un habit en façon de l'ondre [Londres] noir").
D'autres fois au contraire le notaire se contente d'une simple mention comme "ses menus linges", ou plus amusant "un habit propre".
Les vêtements sont presque toujours destinés à la fiancée, ou bien de temps en temps à sa mère, ses sœurs, voire sa grand-mère.

Le reste du linge se compose de couverture, draps (dit aussi linceuls), tour de lit, nappes, serviettes, bref le "linge habituel", "servant à son usage". Les rares excentricités sont les franges du tour de lit ou de simples aunes de tissus non transformés.

  • Le mobilier
La plupart des dots comprennent un coffre en bois fermant à clé. La nature du bois en est assez souvent précisée : sapin en majorité, chêne, noyer, ou cerisier plus rarement. Ce coffre sert au linge de la fiancée.

Dans certaines régions, on y ajoute de la "vaisselle d'étain". La fille d'un praticien du Rouergue reçoit même, en plus de ses plats, assiettes et écuelles, une salière d'étain (objet d'apparat ?). Dans l'Orne , la vaisselle d'étain est presque systématique.

  • L'immobilier
Dans cinq cas seulement, les biens immobiliers sont inclus dans la dot, en particulier lorsqu'une communauté de biens est fondée pour le futur couple.

  • Autres
De temps en temps des donations sortent de l'ordinaire : des "joyaux", une croix d'or, une bague en pierres fines, un tour à filer, un grangeage, des terres, les biens hérités de défunts parents.

  • Les conditions de paiement
L'usufruit des biens donnés est parfois conservé pendant sa vie durant par le père donateur. Ou bien encore le futur époux se doit de doter ses frères et sœurs quand viendra leur tour de se marier.
En Rouergue les gains de survie (dons ou avantages qui se font entre époux en faveur de celui qui survivra) sont assez courants.
Pour certains, incapables de payer la dot en une seule fois, des termes de paiement sont établis : payable "dans l'année suivant le décès" du donateur, "d'ici Pâques" ou en partie "tous les 5 ans".
On notera que, parfois, la dot est en droit d'être réclamée par les donateurs si le couple ne donne naissance à aucun enfant.

Pour finir, un zoom sur le contrat de mariage de Raymond Pradelly. Daté du 2 février 1704, il anticipe le mariage de Raymond, donc, et Louise Fel. Tous deux demeurent à Ginolhac, en Aveyron. Il est fils de praticien, mais a été émancipé. Le père de Louise étant décédé, elle procède sous l’autorité de deux personnes, dont un prêtre (peut-être son oncle). Étant émancipé, c'est Raymond lui-même qui se dote de la somme non négligeable de 15 050 livres. Il tient cette somme de ses droits paternels et maternels, ainsi que de donations de ses proches (oncle, tante, frère). Il donne également 200 livres en louis d'or et d'argent à Louise et sa mère, ainsi qu'une vache, une génisse (évaluées à 3 livres) et 24 brebis (évaluées à 72 livres). Enfin, il promet de liquider les dettes de sa future belle-mère. Louise, de son côté, reçoit par sa mère et en respect du testament de feu son père, la moitié des biens parentaux (sans plus de précision). Le contrat de mariage prévoit en outre un gain de survie (100 livres pour la fiancée et 50 pour lui). Entre l'énumération des témoins et les signatures, l'oncle de Louise lui donne 24 livres.

On est donc très loin des 30 livres, la vache, la chèvre, la brebis et le coffre contenant le linge de la future mariée constituant l'ensemble de la dot détaillée dans le contrat de mariage de Jean Claude Simon et Louise Marie Levrat. Et c'est tout l'intérêt de ce type de document : outre les petits trésors qui les émaillent ("les coiffes de dentelle, la paire de manche de ratine presque neuve, la douzaine de mouchoirs tant de soie que de mousseline"...), ils permettent d'imaginer l'environnement de nos ancêtres, leur niveau de vie et de rentrer dans leur intimité.




vendredi 6 novembre 2015

"L'ancêtre Corse" : début de l'enquête

"On a un ancêtre Corse" disait-on dans ma famille, du temps où notre généalogie n'avait pas été vraiment explorée. J'ai mené l'enquête, bien sûr...

Tout commence avec une mention sur un acte de naissance, celui d'Augustin Astié  (mon AAGP, sosa n°16), en juin 1851 à Conques (12) : c'est l'oncle maternel qui déclare la naissance de l'enfant car son père est "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio (Corse)".

Les parents, Pierre Jean Astié et Geneviève Mas, se sont mariés en août de l'année précédente. Pierre Jean est issus d'une longue lignée de Astié vivant et demeurant à Conques, dont la plupart étaient vignerons. Lui-même était cultivateur l'année de son mariage. Avec cette mention de 1851, c'est la première fois que l'on voit un Astié quitter Conques. Et que commence la légende du Corse.
Ensuite je perds la trace du couple : sans doute Geneviève a-t-elle rejoint son mari sur l'île de beauté. D'après les premières recherches généalogiques de mon grand-père, je sais néanmoins que Pierre Jean est revenu prendre sa retraite à Conque où il a fini ses jours.

Grâce aux CD-Rom d'état civil (autre temps, autres mœurs...) de l'Aveyron, je retrouve en effet les actes de décès de Pierre Jean et Geneviève, non pas à Conques comme l'avait dit mon grand-père mais non loin de là : à Aubin près de Decazeville - respectivement en 1883 et 1897.

C'est alors que je suis contactée par un lointain cousin, Jean-Pierre, qui m'apprend la naissance de quatre enfants du couple, en Corse : Adrien, Jean François, Louis et Antoine, tous nés à Appietto entre 1853 et 1859. Jean-Pierre est le descendant du deuxième de ces enfants. Régulièrement, nous allons correspondre pour tenter de retracer le parcours de la famille "Corse". Car bien sûr il s'agit d'eux. De mon côté je peux donc dire que je n'ai point d'ancêtre Corse; du côté de Jean-Pierre... mais sans doute n'a-t-il pas la même légende familiale !

C'est la fin du suspens corse, mais le début d'une enquête au long cours.


  • Pierre Jean disparaît
J'ai fait là un résumé des recherches qui durèrent plusieurs mois, voire plusieurs années. Car nous avons un "trou" de plus d'une décennie que nous cherchons à combler : où est passé la famille entre 1859 (naissance de leur dernier enfant connu en Corse) et 1875 (mariage de leur fils Augustin qui confirme la résidence des parents à Aubin). Soit un manque de 16 ans. Nous pistons les enfants à la recherche du moindre indice. Pour cela nous explorons l'état civil de plusieurs départements, les recensements, les archives militaires (d'ailleurs merci à Jean-Pierre de passer ses vacances aux archives pour pallier des mises en ligne aveyronnaises assez pauvres). Les déplacements, voire même les allers-retours, des enfants Astié dans différentes régions ne facilitent pas les recherches (19 adresses connues pour Augustin !).

  • Louis, cet inconnu
Mais chaque découverte soulève des questions sans réponse. Par exemple en 1881 Pierre Jean et Geneviève (dont les patronymes sont orthographiés de façon plus ou moins fantaisiste) résident à Aubin avec un petit garçon de 4 ans dont le patronyme est Astié, prénommé Louis et qui est dit "fils". Mais s'ils ont bien un fils appelé Louis, il est alors âgé de 24 ans et il est caporal moniteur d'escrime au 9ème RI, probablement basé à Bourges (pas de recensement en 1881 dans la capitale du Cher pour le confirmer). Et un petit-fils qui a bien 4 ans, mais dont les parents vivent en Anjou (prouvé par deux actes de décès de jeunes enfants en 1881). Est-ce une erreur de saisie sur l'âge ? sur la parenté ? Qui est ce petit Louis ? Pour le moment nous pensons qu'il s'agit plutôt du petit-fils, mais pourquoi est-il sans ses parents ?

  • Les surprises du recensement
Plusieurs fois les recensements (quand ils existent : nous faisons face à plusieurs lacunes dans plusieurs communes) ont fait apparaître un enfant resté jusque là inconnu. Comme Alexandre, fils surprise d'Augustin. D'où l'intérêt d'explorer toutes les sources à disposition (mais ça, je l'ai déjà dit...).

Grâce à Brigitte (du blog Chroniques d'antan et d'ailleurs - merci à elle encore une fois), j'apprends que Pierre Jean a été muté à Peri (toujours en Corse) après son premier poste à Appietto : le créneau se resserre. Je le retrouve sans difficulté dans les recensements de Peri en 1861 et 1866; et là, surprise, la présence d'un nouvel enfant dont nous ne soupçonnions pas l'existence, né en 1861 à Peri ! La famille n'apparaît plus dans le recensement suivant en 1872. Pierre Jean a sans doute déménagé suite à sa demande de mise à la retraite faite en 1870. Mais pour où ? A nouveau il disparaît.

Par la fiche militaire de son fils Adrien, nous savons que Pierre Jean et Geneviève résident à Aubin en 1873. L'éclipse familiale a donc été réduite à 1871/1872.

  • Les enfants ont disparu à leur tour
Par contre, nous ne retrouvons plus trace d'Antoine et Benoît, les deux derniers enfants de la fratrie : après le recensement de Peri en 1866 (où ils sont âgés de 7 et 5 ans), on les voit plus ni dans les registres d'état civil des domiciles connus, ni dans les recensements postérieurs ou les registres matricules de leurs années de recrutement.

Il reste donc quelques mystères à éclaircir...