« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 22 juillet 2017

Mémère et la tante Henriette

Pour les générations les plus proches de nous il est difficile de récolter des documents officiels, les délais de communicabilité empêchant l’accès à un grand nombre d'informations. Alors il ne nous reste que la parole. Celle de ceux qui nous précèdent. Et il faut faire vite avant qu’ils disparaissent.

Du côté de ma mère c’est, disons… un peu compliqué. D’après ce que j’ai compris belle-mère et belle-fille ne s’entendaient pas. Bref, du vivant de ma grand-mère, je n’ai pas pu avoir d’information sur sa belle-famille.

Du côté de mon père, les questions sont venues trop tard.
On peut donc dire que j’ai laissé passer ma chance : maintenant tous mes grands-parents sont dans les nuages. Je tente donc de me rattraper sur la génération suivante : celle de mes parents.

Mes grands-parents paternels ont eu 7 enfants. 12 ans séparent l’aînée du dernier. Mon père se place en avant-dernière position : beaucoup d’événements vécus par ses aînés lui sont étrangers. Faute de grands-parents pour me renseigner, je me tourne donc vers leurs enfants premiers-nés. Mais eux aussi vieillissent. Ma tante aînée n’est plus vraiment là pour répondre à mes questions, hélas. Alors, prenant dans l’ordre,  je « harcèle » le deuxième. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié. Récemment il protestait gentiment, disant que les vieilles mémoires étaient comme des passoires. Ayant quelques notions de dinanderie, je tente de transformer les passoires en louches, pour récolter le maximum d’informations avant que la marmite de la mémoire percée ne soit définitivement vide.

Passoire © Delcampe

Parfois je fais choux blanc : qui se rappelle que le grand-oncle Frète avait (peut-être) adopté le cousin Robert de son père alors qu’on n’était même pas né (pour en savoir plus sur cet épisode, cliquez ici) ? Mais d’autres fois j’ai plus de chance et les quelques anecdotes que me raconte mon oncle sont un véritable régal pour moi… Mais parfois aussi un véritable casse-tête !

En effet, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans les souvenirs des autres :
- Attend ! Attend ! Qui c’est « grand-mère Frète » dont tu me parles ? C’est la mère du boucher Daniel Frète ? Mais je croyais qu’il était orphelin. Ou est-ce sa belle-mère qui habitait avec eux ? Mais non, suis-je bête, celle-ci tu ne l’as pas connue : grand-mère Frète ne peut donc être, logiquement, que l’épouse de Daniel, la sœur de ton arrière-grand-mère, d’accord !
La « grand-mère » n’étant pas du tout sa grand-mère, ça part bien ! Bon, je commence à sentir que les petits noms vont me donner quelques séances de « mal aux cheveux ». Continuons.
Mon oncle reprend le fil de ses souvenirs :
- Suite à leur départ du logement qu’ils occupaient au-dessus de celui de grand-mère Frète, les grands-parents ont habité une cité d’urgence, construite après-guerre, appelée les Frémureau. Du coup, chez nous, on les appelait les grands-parents Frémureau.
- Bon, mais ces grands-parents, ce sont de « vrais » grands-parents cette fois ?
- Oui, c’étaient les parents de notre père. Nos enfants les avaient appelés comme ça pour les distinguer de leurs grands-parents maternels.
- OK, je suis : il s’agit donc d’Augustin et Louise Astié. Ensuite ?
- Et bien cette Louise, justement, on l’appelait Joséphine.
- … ?
- C’était à cause de ses employeurs : elle était domestique. Avant elle, ils avaient une Joséphine. Donc, ils ont décidé de continuer d’appeler la - nouvelle - domestique Joséphine (c’est vrai après tout : pourquoi s’embêter à apprendre un autre prénom !). Il se trouve que c’était, par hasard, son second prénom, mais de toute façon ça n’aurait rien changé. C’est pour cela qu’on l’appelait toujours Joséphine et non Louise.
- ... !!! Merci les patrons ! Et du coup, pourquoi tout le monde appelait sa sœur Célestine « la tante Henriette » ? Parce qu’elle, elle n’était pas domestique, elle, mais ouvrière chez Bessonneau (la grande usine d’Angers).
- Alors ça, je ne sais pas…
Ma louche est percée : personne ne peut me dire pourquoi Célestine est devenue Henriette.

Ma mère, de son côté, appelait sa grand-mère « mémère ».
- Oh ! Oh ! Doucement : laquelle de tes grand-mère appelais-tu ainsi ?
- Ma grand-mère paternelle, voyons ! Elle était domestique et les enfants de ses patrons l’appelaient mémère eux-aussi. Ils la considéraient comme leur propre grand-mère.
Voyons, voyons, c’est pas toujours facile à suivre, vos histoires de petits noms…
En tout cas,  quand ma mère est devenue grand-mère à son tour, alors là pas question qu’elle se fasse appeler mémère ! Ça faisait trop… "mémère" : vous voyez ce que je veux dire ? Mémère, dans le mauvais sens du terme qu’on peut lui donner aujourd’hui.

En tout cas entre les Joséphine qui n’en sont pas vraiment, les Henriette qui n’en sont pas du tout, les grands-parents qui changent de surnoms quand ils changent de domicile, les mémères qui ont de vrais/vrais et des vrais/faux petits-enfants, pas facile de s’y retrouver…


samedi 15 juillet 2017

#RDVAncestral : le mendiant

Je suis avec Suzanne. Nous faisons face à l’enclos paroissial de l’église du Quillio. Suzanne s’est arrêtée, indécise. Je respecte son silence. Son hésitation. Elle regardait fixement l’ensemble de bâtiments de granit. Je savais qu’elle ne voulait pas venir ici ; je lui avais un peu forcée la main. « Je n’en suis pas capable » m’avait-elle dit. Mais j’avais insisté. Et nous étions ici maintenant. Je regardais à mon tour : le muret de pierre, les colonnes de granit supportant le portail en fer forgé surmonté d’une croix, la placette délimitée par le muret et au fond l’église avec sa forêt de pinacles décorant le porche et les angles de l’église. A l’extrémité ouest, le clocher, tout blanc, couvert d’une toiture en ardoise et dominé par un coq en métal.

Le Quillio, enclos paroissial © le-quillio.fr

Brusquement Suzanne fit demi-tour, me laissant seule sur la place. Je ne lui en voulais pas. Je pensais ne même pas que nous arriverions jusque là, pour tout dire. Elle avait quitté cette paroisse depuis longtemps : étaient-ce les hasards de la vie ou les mauvais souvenirs qui s’y rattachaient ? Je n’avais pas osé lui poser la question.
Finalement, je traversais la place et franchis le portail. L’office était terminé mais quelques personnes flânaient encore ici et là, par petits groupes, devisant tranquillement, s’accordant un moment de repos avant le reprendre le labeur quotidien. 

Je ne le vis pas tout de suite, mais je savais où le trouver : il était toujours au même endroit, m’avait dit Suzanne. Je pris mon temps pour m’approcher. Effectivement, dans la pénombre profonde du porche, je commençais à le distinguer. Au début ce n’était qu’une ombre, puis la silhouette se fit plus nette. Il était assis, le dos au mur, les jambes repliées sous lui. Il était si concentré qu’il ne me remarqua pas au début. Il comptait les quelques piécettes que la charité des paroissiens lui avait octroyée au sortir de la messe. Je m’arrêtais à bonne distance pour le contempler sans l’offenser. Ses vêtement n’étaient que guenilles, la barbe lui mangeait les joues, ses cheveux étaient hirsutes et sales. Un profond sentiment de tristesse m’envahit. J’avais sous les yeux la misère. Non pas la misère ordinaire, mais celle d’un de mes ancêtres. Etait-ce pour cela qu’elle me touchait particulièrement ? 

Yves le Corre était le frère de la grand-mère de Suzanne. Il mendiait là depuis plusieurs années. L’affaire était un peu compliquée, et je n’avais pas su démêler le vrai du faux dans les différentes versions de son histoire que j’avais entendues : est-ce que sa famille l’avait abandonnée ? Est-ce lui qui avait refusé leur aide ? Y avait-il eu fâcherie irrémédiable ? Ou juste un désespoir qui vous entraîne vers l’abîme ? Il n’avait pas dû avoir une enfance très heureuse. Ses parents avaient été mariés 10 ans et avaient eu 4 enfants, dont une petite fille qui n’avait pas vécu. Puis sa mère mourut des suites d’une longue maladie alors qu’Yves n’était âgé que de 7 ans. Son père s’était rapidement remarié et un garçon était venu agrandir la fratrie dès l’année suivante. Les années avaient passées et ce n’était qu’à 43 ans qu’il s’était finalement lui-même marié. Puis il était devenu veuf à son tour.
Et aujourd’hui, à près de 80 ans, il était là. Seul. A mendier sous le porche de l’église. 

Je comprenais Suzanne qui ne voulait pas venir. Ne pas voir ce spectacle désolant. C’était le frère de sa grand-mère - un parent relativement éloigné, donc - mais ça devait lui déchirer le cœur de le voir ainsi.

Est-ce parce qu’il avait fini de compter ses pièces, ou m’avait-il aperçu du coin de l’œil ? Il releva la tête et tendit son bras vers moi. Sans un mot. Juste un pauvre sourire qui n’éclairait pas sa triste face. Dans sa main, une coupelle en argile dans laquelle tintaient quelques pièces. Je me penchais vers lui. Nos regards se fixèrent, intensément. Je lui mis dans la main de la monnaie que j’avais prévue à cet effet. Je gardais un moment sa main dans les miennes, sans que mes yeux ne quittent les siens un seul instant. Combien de temps cela a duré, je ne saurais le dire. Mes émotions se bousculaient. C’était un moment très fort. Est-ce qu’il perçu quelque chose de particulier, moi qui étais sa descendante ? Nous avons l’air aussi ému l’un que l’autre. 

Finalement c’est l’arrivée du curé, un quignon de pain à la main, qui nous sépara. Je partis vite, écrasant une larme au coin de l’œil : je savais que d’ici la fin de l’année il trouverait la mort, par une nuit froide de décembre. Le curé de la paroisse écrirait sur le formulaire pré-rempli du registre de décès qu’il n’avait pas survécu au-delà de quatre heures du matin, il mettrait « mendiant » à côté de « profession » et que les deux témoins cités dans cet acte seraient un colporteur et un laboureur.

Ces quelques lignes ne disaient rien. Et pourtant elles disaient tout : la pauvreté, la solitude, l’absence familiale…La triste fin d’une pauvre vie.


Rencontre avec Yves le Corre, frère de mon ancêtre Marie, mendiant, décédé le 30 décembre 1815 au Quillio (Côtes d’Armor).


mardi 4 juillet 2017

Les surprises du recensement

Au début était une famille. Ou plutôt quatre. Enfin quatre qui n’en faisaient qu’une. Nous allons les suivre (ou tenter de les suivre) sur plusieurs décennies au travers des recensements.

Au centre, la famille Astié :
1) Les Astié [attention, suivez bien ils ont presque tous le/les même(s) prénom(s)]
- Pierre Jean et son épouse Geneviève
- leur fils Augustin Pierre Jean, qui épousera Cécile Rols (voir plus loin)
- dans cet article paraîtront trois de leurs dix enfants (trois sont morts en bas âge) : Marie Euphrasie (dite Marie ou Maria), Élie et Augustin Daniel (communément prénommé Auguste)
- mon grand-père, fils d’Augustin Daniel, prénommé… Daniel Augustin !

Autour :
2) Les Rols
- Alexandre, le père, et son épouse Marie Anne Puissant (dite Marie ou Maria)
- Cécile, leur fille aînée, épouse d’Augustin Pierre Jean Astié
- Élisabeth, leur fille cadette, qui épousera Daniel Frète

3) Les Frète
- Daniel Frète, époux d’Élisabeth Rols
Ils n’ont pas eu d’enfant… quoi que…

4) Les Raveneau
- Charles Gaston Raveneau époux de Marie Euphrasie Astié
La question de leurs enfants est un des nombreux fils qu’il m’a fallu tirer pour dénouer la pelote bien emmêlée de ces liens familiaux.

Un arbre pour visualiser tout cela (oui, je sais, c'est un peu petit, mais il y a du monde !).

J’espère que jusqu’ici, tout va bien pour vous ! D’après les informations identifiées dans les divers actes d’état civil, j’ai souhaité retrouver tout ce petit monde dans les listes de recensements d’Angers.

Les faits : les données issues des listes de recensements publiées par les archives municipales d’Angers.

  • 1872
 34 rue de la Roë, Angers, 1er arr.
- Rols Alexandre, né à Conques (Aveyron), âgé de 40 ans, épicier
- Puissant Maria, née à Candé (Maine et Loire) son épouse, âgée de 42 ans
- Rols Cécile, née à Saint-Patrice (Indre et Loire), leur fille, âgée de 14 ans
- Rols Élisabeth, née à Angers, leur fille, âgée de 3 ans
- un employé de l’épicerie né à Conques (Aveyron), âgé de 19 ans



En grisé les personnes décédées ou pas encore nées. Celles identifiées dans les recensements sont marquées d'une pastille de couleur (une par domicile).

  • 1876
31 rue de la Roë, Angers, 1er arr.
- Rols Alexandre, né à Conques (Aveyron), âgé de 45 ans, épicier
- Puissant Maria, née à Candé (Maine et Loire) son épouse, âgée de 46 ans
- Rols Cécile épouse Astié (qui suit), née à Saint-Patrice (Indre et Loire), leur fille, âgée de 20 ans
- Rols Élisabeth, née à Angers, leur fille, âgée de 8 ans
- Astié Augustin (marié à Cécile), gendre, né à Conques (Aveyron), âgé de 26 ans, employé de l’épicerie
- Astié Alexandre, fils du précédent, né à Angers, âgé d’un an

  • 1881
12 place des Prisons, Angers, 1er arr.
- Rols Marie (née Puissant), âgée de 51 ans, ouvrière, mère (époux décédé en 1879)
- Rols Élisabeth, fille, âgée de 13 ans

  • 1886
Cour Ayrault, faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Puissant Anne Marie, âgée de 56 ans, employée
- Rols Élisabeth, fille, âgée de 17 ans, couturière
106 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Raveneau Auguste, 35 ans, chef, plombier
- Deniau Louise, 34 ans,  épouse, ménagère
- Raveneau Auguste, 4 ans
- Raveneau Charles, 1 an
- Raveneau Blanche, 66 ans, belle-mère, ménagère

  • 1896
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, âgé de 30 ans, boucher
- Rols Élisabeth, épouse, âgée de 27 ans, bouchère
- Astié Auguste, neveu, âgé de 8 ans

  • 1901
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Veuve Rols (née Puissant) Marie, âgée de 71 ans, grand-mère
- Astié Élie, petit-fils, âgé de 15 ans, tapissier
82-84 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, âgé de 35 ans, chef de ménage, patron boucher
- Rols Élisabeth, âgée de 32 ans, épouse
- Astié Auguste, âgé de 13 ans, neveu
- Astié Maria, âgée de 19 ans, nièce, lingère embauchée par Daniel Frète

  • 1911
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, né à Angers en 1865 (46 ans), chef de ménage, patron boucher
- Rols Élisabeth, née à Angers en 1868 (43 ans), épouse
- Raveneau Robert, né à Paris en 1903 (8 ans), enfant adoptif, écolier
- Astié Élie, né à Combes (Saint-Aubin, Aveyron) en 1886 (25 ans), neveu, tapissier
- une domestique de 29 ans et un garçon boucher de 17, tous les deux embauchés par Daniel Frète
86 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Raveneau Charles, né à Angers en 1884 (27 ans), chef de ménage, employé poinçonneur ?
- Raveneau Maria (née Astié), née à Angers en 1882 (29 ans), épouse, ménagère
- Raveneau Élisabeth, née à Angers en 1906 (5 ans)
- Raveneau Suzanne, née à Ivry en 1902 (9 ans)
- Raveneau Marcel, né à Ivry en 1909 (2 ans)


Les questions qui en découlent :

  • En 1881
- Pourquoi ne trouve-t-on pas Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols, dans les recensements à Angers, 63 faubourg St Michel (adresse donnée par l’état civil lors du décès d’un fils) ? 

  • En 1886
- On ignore où habite Augustin et sa famille. Pas trouvé sur les adresses précédentes ou suivantes : une nouvelle adresse encore inconnue ?

  • En 1896
- On ne trouve pas les Raveneau : où sont-ils ?
- Anne Marie Puissant n’apparaît pas à son adresse habituelle cette année-là : où est-elle ?

  • En 1901
- Pourquoi Élie habite seul avec sa grand-mère : où sont ses parents Augustin et Cécile Astié ?
- Pourquoi son frère Auguste (Augustin Daniel) et sa sœur Maria (Marie Euphrasie) habite chez son oncle et sa tante.
> Où sont Augustin et Cécile ? Ils sont censés habiter toujours en Anjou (où on les voit en 1905 dans l’état civil). Où sont les autres enfants du couple ? 

  • En 1911
- Qui est cet enfant adoptif des époux Frète, nommé Raveneau Robert, né à Paris en 1903, alors qu’on sait que Marie Euphrasie Astié a épousé un Raveneau Charles en 1905 à Angers ? Coïncidence ? Parenté avérée ?
- Où est Augustin Daniel ?

Ce que l’on sait : 

  • En 1872 (probablement) et 1876
- Les parents Pierre Jean et Geneviève Astié (et leurs enfants) n’apparaissent pas dans les recensements d’Angers puisqu’ils vivent en Corse au moins jusqu’en 1870 puis en Aveyron à partir de 1873 et jusqu’à leur mort respectivement en 1883 et 1897. Il reste une légère incertitude sur les années 1871/1872 ; l’hypothèse la plus probable est qu’ils soient partis directement de Corse pour aller en Aveyron, mais à cause de lacunes dans les recensements on ne peut pas le prouver (pour en savoir plus sur cet épisode, cliquez ici).

  • En 1876
- On sait que leur fils Augustin Pierre Jean Astié a trouvé un emploi chez les Rols, en tant que commis épicier ; c’est pourquoi il demeure chez eux rue de la Roë. Sans doute le réseau social a-t-il joué puisque les deux familles sont originaires de Conques. C’est là qu’il rencontre la fille de la maison, Cécile (Marie Augustine de ses autres prénoms), qu’il épouse en 1875.

  • En 1881
- Le couple Augustin et Cécile Astié quitte l’Anjou entre juillet 1881 où il réside à Angers, 63 faubourg St Michel (décès d’un fils) et juin 1882 où on le retrouve à Aubin en Aveyron (naissance d’une fille). Cependant ils n’ont pas été trouvés dans les recensements au faubourg St Michel d’Angers, ni à Aubin…

  • Années 1880/1890
- Augustin, Cécile et leurs enfants reviennent en Anjou à partir de 1888 et changent presque tous les ans d’adresse : 39 chemin des Banchais, Angers (1888), rue Victor Hugo à Angers (1889), 27 rue Larevellière à Angers (1889), 10 rue de la Rame à Angers (1892), 14 rue Fénelon à Angers (1895), Route des Ponts de Cé à Angers (1904). Jusqu’à ce qu’on les retrouve en région parisienne à partir de 1905 (34 Rue Nationale à Ivry) où ils finiront leur vie (pour en savoir plus sur leurs nombreux déménagements, cliquez ici). D’après les souvenirs familiaux, Augustin "était journalier dans une ferme. Quand il n'y avait plus de travail, on le renvoyait. Il mettait ses enfants et ses effets dans un coffre, le tout dans une charrette à bras, et partait avec toute la famille à pied à la recherche d'un nouvel emploi. Si un/une parent(e) avait besoin d'une aide il lui laissait un enfant. "
- Maria (de ses véritables prénoms Marie Euphrasie donc) épouse Charles Gaston Raveneau à Angers en 1905. Une fille y naît l’année suivante, puis en 1907 et 1909 ils donnent naissance à deux enfants à Ivry (aujourd’hui Val de Marne) mais reviennent ensuite en Anjou puisqu’on les retrouve sur les recensements de 1911.
- Augustin Daniel (communément prénommé Auguste), fils d’Augustin et Cécile Astié, échappe souvent aux recensements : il naît en 1888 : trop tard pour celui de 1886 ; il se marie en 1912 : trop tard pour celui de 1911 ; les recensements suivants (1921 etc…) ne sont pas encore communicables. On ne le trouve qu’en 1901, âgé de 13 ans, vivant chez son oncle Frète.

  • En 1886
- Daniel Frète demeure chez son tuteur (parents décédés) lors de l'appel militaire (en 1885), 17 rue de la Préfecture à Angers. Il part au service en décembre 1886 (selon sa fiche militaire). Mais il n’a pas été trouvé à cette adresse dans le recensement de 1886. Il n’est pas non plus inscrit sur les listes électorales d’Angers cette année-là  (né en 1865 était-il encore trop jeune pour y être inscrit ?) : où est-il ?

  • En 1901
- Augustin Pierre Jean Astié habite 35 rue Franklin d’après les listes électorales, mais on ne le retrouve pas à cette adresse dans les listes de recensement.
- Charles Raveneau n’est pas inscrit sur les listes électorales d’Angers en 1901 (né en 1884 était-il encore trop jeune pour y être inscrit ?) : pourquoi ? où habite-t-il ?

Les réponses (plus ou moins) 

  • Les insaisissables :
- Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols échappent aux recensements d’Angers et d’Aubin en 1881. Est-ce simplement dû à un timing serré : parti avant celui d’Angers, arrivé après celui d’Aubin ?
- La famille n’a toujours pas été retrouvée en 1886.
- Daniel Frète n’a pas été trouvé, en 1886, au 82 rue du Faubourg Saint-Michel à Angers où il habite lors de son mariage en 1889 : visiblement il n’y habite pas encore. Son épouse Élisabeth Rols habite avec sa mère. Bien que né à Angers, Charles semble avoir habité à Châtellerault, dans la Vienne (mention de son acte de mariage où il est dit qu’il y résidait « avant », mais sans doute dans une période récente car les bans y ont été publiés en tant que « précédent domicile du futur » ; bien que non trouvés en ligne).

  • Les enfants
- On ignore toujours pourquoi trois des enfants d’Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols n’habitent pas avec leur parents (ni où sont ceux-ci) en 1901, mais l’un avec sa grand-mère et les deux autres avec leur oncle. Le fait que le couple, subissant la misère, « larguait un enfant au gré des cousins qui voulaient bien les accepter » est sans doute l’explication de ces séparations. Mais où sont les autres enfants ?
- Après des recherches plus poussées, notamment dans l’état civil, il s’avère que Marie Euphrasie a eu un fils, né de père inconnu, né en 1903 à Paris. Son prénom est Robert. Il est reconnu et légitimé en 1905 lors du mariage de Marie et de Charles Raveneau.
Il est fort probable que l’enfant « adoptif » des Frète, Robert Raveneau, soit cet enfant illégitime de Marie Euphrasie Astié. Daniel Frète semble très proche de Marie : il est témoin à son mariage, à la naissance de sa première fille. Peut-être a-t-il gardé Robert ? Cependant, pourquoi le garçonnet, n’habite pas avec ses parents légitimes en 1911 ? Difficile de répondre à cause du manque de sources postérieures.
Je dispose d’une photo de Robert, âgé de 9 ans, prise lors du mariage de son oncle Augustin Daniel en 1912 ; il est entouré des Frète et d’Élie Astié (sans doute l’une des dernières photos de lui puisqu’il meurt pendant la Grande Guerre, sur un front de Picardie, en 1916).

Noces Astié/Lejard, 1912 © Coll. personnelle

- Les enfants Raveneau nommés en 1911 (Suzanne, Élisabeth et Marcel) : ce pourrait-il que Suzanne soit en fait Robert (né à Paris à la même époque selon le recensement) ? Quant à Marcel, c’est en fait Marcelle ; ce qui induit une légère nuance… 
Si tel est le cas, je veux bien reconnaître que le vin d’Anjou a des effets secondaires puissants et que l’agent recenseur a dû en abuser…
Par contre pas de trace de Germaine, trouvée lors de ces recherches inattendues, née en 1907 à Ivry, n’apparaît pas avec ses parents à Angers (mariée en 1935 à Paris, décédée en 1966 à Villejuif) : où est-elle ? Est-ce la même enfant en fait ?

  • Le dernier recensement, en 1911 :
- Augustin Pierre Jean et Cécile Astié n’apparaissent plus dans les recensements d’Angers car ils ont déménagé à Ivry, à partir de 1905.
- En 1911 je ne trouve pas trace d’Augustin Daniel : il est probablement à l’armée (d’octobre 1909 à septembre 1911 selon sa fiche militaire) ; à moins que le recensement ait eu lieu en toute fin d’année et dans ce cas il a une nouvelle adresse… 
- Mon grand-père, né en 1913 à Angers, est (était) « trop jeune » pour les recensements en ligne, mais peu importe : il y a bien assez à faire comme cela avec le reste.

En bref, les réponses ne sont pas très satisfaisantes. Par contre, ce qui pouvait me paraître une simple promenade de santé (récupérer les clichés issus des recensements où figurent mes ancêtres) est devenu un sac de nœud que j’ai eu bien du mal à dénouer, m’entraînant dans de longues recherches à travers toute la France et divers types de sources; certaines questions étant restées sans réponse encore. Comme quoi, rien n’est jamais simple en généalogie.