« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 18 novembre 2017

#RDVAncestral : la photographie

Nous sommes en 1871. Aujourd’hui j’ai rendez-vous dans une nouvelle et belle artère de la ville d’Angers (Maine et Loire) avec une partie de la famille Rols : Alexandre, le père, Marie-Anne née Puissant, la mère, et leur petite fille, Élisabeth (la future « grand-mère Frète ») âgée aujourd’hui de trois ans. J’ignore où est mon ancêtre directe, Cécile qui a alors 14 ans (ma future arrière-arrière-grand-mère, bien éprouvée en 14/18 : voir ici).

Comme nous sommes en avance, nous discutons avec Alexandre. Il m’explique qu’à Paris, les troubles politiques ont fait une nouvelle fois vaciller le pouvoir. La IIIème République vient d’être instaurée, avec Mac Mahon à sa tête. La Révolution Industrielle est sur sa lancée, attirant dans les villes des paysans affamés qui viennent s’user la santé dans des usines dévoreuse d’hommes, de femmes et d’enfants. C’est le règne de la machine à vapeur. En parallèle, une nouvelle classe a émergé petit à petit : la bourgeoisie. Celle-ci prend ses aises, rêve d’aristocratie et de pouvoir. Ils sont hommes d’affaires, banquiers, négociants, marchands…
Comme toi, Alexandre, pensais-je.

- Le « progrès », reprend-il, comme on l’appelle désormais, s’est étendu aux grandes villes de province. On imite Haussmann (à une échelle moindre évidemment) en perçant de belles rues bien rectilignes. De belles bâtisses font leur apparition. On aspire à la postérité, mais de façon moderne : pour cela, on ne pose plus devant un peintre prenant des heures pour avoir son portrait à accrocher dans son salon (nouvelle pièce à la mode). Non, pour cela, on va chez le photographe !

C’est pourquoi nous sommes tous réunis ici. Nous entrons finalement à l’atelier. La famille s’est mise sur son 31. Marie-Anne a revêtu une ample robe de soie noire à la mode. Ses cheveux sont tirés en arrière en chignon. Elle a mis ses belles boucles d’oreille en nacre. Alexandre a revêtu le complet veston qu’il a fait tailler sur mesure, avec le nœud papillon assorti. La petite Élisabeth a revêtu sa robe claire à pompon et le bonnet assorti.

Le photographe nous propose plusieurs décors : balustrade, feuillage, toiles peintes [1]. Mais Alexandre veut quelque chose de simple.
- Oh ! Alors j’ai ce qu’il faut pour Monsieur : cette grande étoffe tendue qui rendra le plus bel effet et mettra vos personnes en valeur.

La petite Élisabeth trottine sur ses petites jambes à travers le studio. Le photographe fait un œil sévère : je la rattrape et tente de la garder tranquille.
- Attention messieurs, dames : si la technique photographique a fait d’énormes progrès ces dernières années, n’oublions pas que le procédé est encore tout récent : il n’a pas encore 30 ans ! C’est pourquoi le temps de pose est encore un peu long et la petite ne devra pas bouger.
- Ne vous inquiétez pas, nous la tiendrons bien, répondit Alexandre.

On s’essaye à différentes poses : Marie-Anne et Élisabeth assises avec Alexandre derrière elles, debout, une main sur l’épaule de son épouse ; ou bien tous debout, Alexandre tenant sa fille dans ses bras ; ou bien encore Alexandre assis et les femmes debout. Finalement, Alexandre choisi un fauteuil en velours à dossier, son épouse assise à côté d’elle et la petite assise.

Le photographe demande au couple de se rapprocher. Alexandre met une main sur l’épaule de son épouse tandis qu’elle pose la sienne sur l’avant-bras de son époux, dans un geste tendre. Au dernier moment Élisabeth, ne sachant pas s’il faut être plutôt sur les genoux de sa mère ou de son père, choisit… de ne pas choisir et se met au milieu !

Le photographe est paniqué, limite blême :
- Messieurs dames, messieurs dames, je vous en prie, gardez cette petite tranquille ou la photo sera floue !

Sa réputation est en jeu. Après tout, lui aussi vise une clientèle plus aisée : il ne peut pas se permettre de décevoir un client si important (il a fait sa petite enquête : il sait qu’Alexandre a été employé à la Banque de France et qu’il s’est maintenant installé à son compte comme négociant…).
Finalement on chapitre Élisabeth et chacun des parents lui sert une main. Bien calée entre eux deux, elle ne bouge plus. Le photographe respire à nouveau.
- Ne bougez plus, retenez votre respiration, c’est parti.
On attends quelques instants, qui paraissent interminable tant le moment est solennel.
- Ça y est ! annonce le photographe dans un cri de victoire. C’est terminé ! Messieurs dames vous pouvez à nouveau bouger, vous lever.

Je récupère au passage Élisabeth qui s’est remise à courir partout, l’immobilité prolongée qu’on lui a fait subir n’étant pas particulièrement à son goût.
- Voulez-vous un rafraîchissement peut-être ?
- Non ! Non ! réponds Alexandre, mais quand aurons-nous les photographies ?
- Je vous ferais livrer les épreuves par coursier demain dans la journée. Cela vous convient-il ?
- Oui, oui, ça ira !
Alexandre règle au photographe ce qu’il lui doit et nous sortons.

Une fois sur le trottoir je rends Élisabeth à sa mère.
- Vous voyez, c’est quand même plus rapide que de poser des heures devant un peintre ! Je te ferais parvenir une épreuve, si tu veux, me propose Alexandre.
- Avec plaisir !
Après des salutations chaleureuses, nous nous séparons.
- Zut ! dit Alexandre, je ne lui ai pas demandé son adresse pour lui faire livrer la photographie.



Famille Rols, 1871 © Coll. personnelle

Ne t’inquiète pas Alexandre, elle me parviendra bien ta photographie. Beaucoup plus tard peut-être, mais elle me sera transmise par ton arrière-petit-fils, mon grand-père, qui la conservait pieusement dans son album de famille… C’est la plus ancienne photographie familiale que nous avons conservée.


[1] Voir l’article "Toile peinte et balustrade".



samedi 11 novembre 2017

#Généathème: Nos Poilus et moi

En ce 11 novembre commémoratif, je publie mon généathème du mois en rapport avec les Poilus de la Grande Guerre. Je ne participe pas à l’indexation collaborative des Poilus. Pas de « Un jour un Poilu » pour moi, mais « un Poilu tous les jours » ! Une sorte d’indexation « individuelle » si l’on peut dire. En effet, depuis l’été 2014 (1914 pour lui) je suis mon arrière-grand-père au jour le jour : ce sont les « pas à pas ». Le principe ? Suivre mon Poilu pendant tout le temps où il a participé (de près ou de loin) au conflit.

Ça m’a pris sur un coup de tête, moi qui ne m’intéresserais pas du tout à cette période. Après un rapide tour d’horizon des hommes de ma famille ayant potentiellement participé à la Grande Guerre, il me restait deux soldats en lice pour mener ce projet. Mais la condition sine qua non était au moins d’avoir sa fiche matricule, pour savoir dans quelle(s) unité(s) il avait été affecté et retrouver le(s) parcours de cette/ces unité(s). 

Or pour mon arrière-grand-père paternel, j’ai eu beaucoup de mal à retrouver sa fiche matricule : il demeurait soudain dans un lieu que je ne lui connaissais pas (ce fut une mes plus ardues épines généalogiques). Quand enfin je l’ai retrouvé, son nom se trouvait en bas d'une page de la table alphabétique annuelle et son numéro matricule (qui me permettrait de mettre la main sur sa fiche) avait disparu : le coin de la page ayant été déchiré ! Bref, ce n’est que bien plus tard – bien trop tard – que j’ai enfin retrouvé sa fiche matricule. Il nous aurait emmené en Orient, mais sa fiche était assez peu détaillée finalement : la tâche aurait été plus laborieuse pour moi.

Il n’en restait donc plus qu’un : ce fut Jean-François Borrat-Michaud, mon arrière-grand-père maternel. Par ailleurs, ma mère m’a souvent raconté que lors des rares occasions où elle rendait visite à ses grands-parents, son « pépère » restait toute la journée assis devant la fenêtre. Elle avait 8 ans environ, lui tout juste la soixantaine. Ce n’est pas si vieux pour rester grabataire. Ma mère pensait qu’il avait été gazé pendant la guerre, ce qui expliquait sont état. Or, dès mes premières recherches généalogiques, j’avais découvert qu’il avait été déménageur après la guerre. Cela ne semblait pas trop correspondre avec l’image d’un homme gazé, brisé. Mais, pour sûr, cela a attisé ma curiosité !

Sans trop réfléchir (à ce que cela impliquerait), j’ai ouvert un compte Twitter à son nom, @jfbm1418, car le format court des tweets me paraissait convenir : il n’était pas question de faire un roman chaque jour, mais de voir (ou d’essayer de savoir) ce qu’il faisait et où il était. C’est lui qui parle, comme si nous étions à ses côtés : je n’interviens jamais en tant que descendante 100 après lui (enfin, pas sur ce compte-là en tout cas). Lorsque l’information est plus fournie, plusieurs messages sont publiés le même jour. Tous ces tweets sont réunis (et sourcés le cas échéant) dans un article qui paraît chaque dernier jour du mois sur le blog Murmures d’ancêtres. Une mention sur Facebook vient compléter le dispositif mensuel.

Lors de la déclaration de la guerre, Jean-François a 20 ans et vit chez ses parents à Samöens (Haute-Savoie). Il n’est incorporé qu'en septembre 1914 : je lui ai donc imaginé ces quelques semaines d’attente, entre inquiétude et impatience. Comme je ne dispose d’aucun document personnel le concernant (sauf une unique - mauvaise - photo, non datée mais vraisemblablement post-guerre), rien qui ne puisse m’éclairer sur son parcours, j’ai dû beaucoup inventer. 

Jean-François Borrat-Michaud et sa famille, sans date © Coll. personnelle

Bien sûr, j’ai beaucoup lu sur cette période, sur le conflit, je me suis beaucoup documentée, mais j’ai toujours une légère frustration à lui  faire dire des choses qu’il n’a peut-être jamais pensées ou prononcées de cette façon : je ne connais pas le « niveau de langage » qu’il avait, j’ignore même quelle langue il parlait : était-ce un patois savoyard de fond de vallée ou parlait-il un français soutenu ? Tant pis pour mes remords, le but n’est pas de faire une thèse sur lui, mais d’essayer de rendre compte de ce qu’il a traversé.

Lors de son incorporation, il est envoyé parmi les Chasseurs Alpins ; corps qu’il ne quittera pratiquement plus pendant tout son parcours militaire, même s’il a changé plusieurs fois de bataillon.

Pour sa période d’instruction militaire, un peu raccourcie, mais encore relativement longue par rapport aux générations suivantes et aux besoins rapides que l’Armée avait en hommes, je me suis basée sur un manuel d’instruction militaire, trouvé sur Gallica. Comme Jean-François, j’ai commencé à appréhender ce monde nouveau en douceur : gymnastique, paquetage, construction d’une tranchée…

Et puis c’est parti ! Il a rejoint le front. Affectation dans les Vosges, puis l’Alsace, la Somme, la Marne, la Meuse… A partir de ce moment-là, j’ai suivi les notes prises quotidiennement dans les Journaux des Marches et Opérations de chaque bataillon (trouvés sur le site Mémoire des Hommes). Au début son parcours était encore assez romancé, car j’avais amassé beaucoup de documentations, non seulement sur l’arrière mais aussi sur les soldats au front ou les grandes batailles plus ou moins connues auxquelles il a participé (Metzeral, le Linge…). Puis, avec le temps (celui qui passe et celui qui nous manque), les tweets collent de plus en plus aux JMO et sont moins « romancés ».

J’essaye néanmoins de publier des visuels (cartes postales anciennes, photos de guerre, « une » de journaux), quand je peux en trouver : champs de bataille, officiers qui ont commandé ses bataillons, vie au cantonnement… Pour chaque déplacement du bataillon, je fais une carte : cela me permet de le visualiser dans l’espace. Il en a fait du chemin (près de 80 cartes de déplacements à ce jour), mon arrière-grand-père, et ce n’est pas fini…

Deux infirmations cruciales me manquent néanmoins :
- où mon arrière-grand-père a-t-il passé sa convalescence après la blessure qu’il a reçu à Metzeral en janvier 1916 et qui l’a immobilisé six mois ? Son dossier aux archives médicales et hospitalières des armées (le SAMHA) ne le dit pas. C’est la seule fois où j’ai été contrainte d’arrêter les tweets quotidiens, l’incertitude étant trop grande et le temps me manquant pour combler les trous.
- a-t-il eu des permissions (sans doute) ? Quand ? Est-il rentré chez lui ? Comment était alors son état d’esprit vis-à-vis de sa famille, de ses proches ?

Je sais que plusieurs camarades de sa classe, originaire de Samoëns, sont tombés au front. Les connaissait-il ? Sûrement : Samoëns n’est pas si grand. Je les ai imaginés amis. Je l’ai imaginé affecté par leurs disparitions. Romans ou réalité ? Si ce n’est pas eux, c’est sans doute d’autres. Il y en a eu tellement…

Aujourd’hui, après 3 ans et demi (déjà !),  et comme je le disais sur ce blog récemment, je suis un peu lasse de préparer ces tweets chaque jour ainsi que les reprises mensuelles sur le blog. Mais bon, on ne peut pas comparer ma situation et celle de mon arrière-grand-père, alors relativisons… et twittons ! Même si cette série d’articles fait partie des moins lues sur le blog (ce que je peux comprendre : ce n’est pas très glamour et la vie dans les tranchées pendant plusieurs années peut paraître lassant), je remercie néanmoins ceux qui suivent son aventure et me le font savoir, quotidiennement ou de temps en temps.

Combien de temps cela durera encore ? Autant qu’a duré sa guerre, bien sûr…


Au fait, d’après ce que je sais, à ce jour (c'est-à-dire novembre 1917), Jean-François n’a pas été gazé !


samedi 4 novembre 2017

Prénoms imposés

Il y a quelques temps, ma généalogie se trouvait un peu en panne : j’avais écumé les sources disponibles jusqu’à extinctions des registres, examiné les arbres en ligne même les plus fantaisistes pour voir s’il ne s’y cachait pas une once de vérité... Bref, j’étais un peu en panne/pause. J’attendais que les archives aux quatre coins de la France (et de Suisse) mettent en ligne de nouvelles sources, puisque j’ai la malchance d’habiter une région où aucun de mes ancêtres n’a fait ne serait-ce qu’un bref passage - et donc un assaut régulier et prolongé du bâtiment de « mes » archives locales est inutile.

Comme nombre de généalogistes sans doute, j’ai commencé mes recherches uniquement sur mes ascendants directs. Et puis, faute de source comme je l’expliquais à l’instant, j’ai commencé à m’intéresser aux frères et sœurs  de mes aïeux. Histoire de m’occuper. Histoire de faire de nouvelles découvertes, cocasses parfois (merci aux parents d’avoir prénommés tous leurs fils Pierre, ça facilite grandement les recherches !), d’autres fois tristes (décès de 10 enfants sur 13). C’est comme ouvrir une porte : tout d’un coup on discerne la réalité qui entoure notre ancêtre. Et puis, autre raison non négligeable, lorsqu’un acte de mariage d’un ancêtre direct n’est pas filiatif, celui d’un frère peut l’être, ce qui permet de remonter une ou des génération(s) supplémentaire(s) alors qu’on croyait être irrévocablement bloqué. En un mot, si vous commencez votre généalogie, ou si vous ne l’avez pas encore fait, intéressez-vous aux fratries toutes entières, voire à leurs conjoint(e)s (et si vous êtes très motivés à leurs enfants !).

Tout ça pour dire que, un beau jour, alors que j’égrenais les enfants de Géraud Martin et son épouse Jeanne Raols (8 enfants en 15 ans), je m’aperçus d’une particularité commune à tous leurs actes de baptême (excepté ceux des deux enfants mort-nés) :
- 1698, Guilhaume : « je soubsigné pretre et recteur de Saint-Marcel [aujourd’hui Conques, Aveyron] ay baptisé un enfant […] auquel a esté imposé le nom guilhaume… »
- 1701, Guilhaume [notons au passage que le précédent est toujours vivant] : « … auquel a esté imposé le nom guilhaume… »
- 1702, Catherine : « Monseigneur Cantaloube pretre de la ville de Conques a mon absance a baptisé une fille […] a laquelle a esté imposé le nom catherine… »
- 1704, Anthoinette : « … a laquelle a esté imposé le nom anthoinette… »
- 1705, fils mort-né, « baptisé par la sage-femme a cause du danger qu’il y avoit ». Non prénommé.
- 1707, Pierre : « … auquel a esté imposé le nom pierre… »
- 1709, Pierre [le numéro 2] : « … auquel a esté imposé le nom pierre… ». Le prêtre a souligné dans l’acte avoir « demandé sil y auroit dans la famille du susd[it] martin dautre garçon du mesme nom, m'ont repondu y en avoir un autre de mesme nom » [ce qui ne les a pas empêché de le prénommer pareil] ; celui-ci est mon ancêtre direct – enfin je le suppose, son frère éponyme jouant les trouble-fêtes…
- 1713, enfant mort-né, sexe inconnu « baptisé à un main » par la sage femme. Non prénommé.

J’ai remarqué également que ces enfants étaient très rarement baptisés le jour même, comme c’était alors la coutume, mais plus tard : jusqu’à 6 jours pour Guilhaume n°2.

Évidemment c’est la mention « a esté imposé » qui m’a interpellée. Pourquoi le prêtre de la paroisse, et même celui de la paroisse voisine en l’absence du premier (en 1702), se permettent-ils d’imposer le prénom des enfants de la fratrie ?

J’avais déjà eu le cas de parrains/marraines refusés : voir l’article Luxure en Vendée.
Pour résumer l'histoire, le prêtre mentionnait dans les actes de baptême qu’il refusait les parrains et marraines choisis par les parents et qu’il en désignait lui-même des remplaçants ; ce qui était en fait dû à la religion protestante des parents, exemple de "catholicisation" forcée qu'ils subissaient. Mais ici, tous les actes concernant les parents, leurs frères/sœurs, grands-parents semblent indiquer que ce sont de bons catholiques, mariés à l’église, ayant reçu les sacrements avant d’expirer… bref, pas de protestant. Alors quoi ?

Après une rapide recherche infructueuse, j’ai donc lancé un appel sur Twitter. Et Sophie (@gazetteancetres) m’a rapidement trouvé la réponse :

D’après le Dictionnaire de l'Académie française, 1ère édition (1694) [1], on peut faire un mix entre deux définitions du verbe « imposer » :

- On dit, Imposer le nom, imposer un nom, pour dire, Donner le nom, donner un nom; & se dit de ceux qui ont droit de le faire. Untel imposa le nom à cet enfant au Baptesme.

- Mettre dessus: & en ce sens il ne se dit guère au propre qu'en cette phrase. Imposer les mains. l'Evesque luy imposa les mains en le faisant Diacre.

Sophie posa toutefois une condition à sa théorie : c’est que le prêtre imposait des noms à tous les enfants qu’il baptisait, et pas seulement à ma fratrie ; ce qui se vérifia effectivement. J’adoptais donc officiellement cette explication (il faut toujours croire ce que dit Sophie !).

Baptême © culture.gouv.fr

Le prêtre Valette avait donc en fait une lubie, un tic de langage et il goûtait si fort cette expression « d’imposer un nom » qu’il en usait et abusait. Y avait-il un geste grandiloquent pour appuyer son propos le jour du baptême ou était-ce seulement une formule qu’il utilisait à sa guise dans les registres, je ne le ne saurais jamais.

Après un examen attentif des registres, il apparaît que le prêtre Valette a utilisé cette formule dès son entrée en fonction en 1675. Son prédécesseur l’a utilisé également, mais seulement subitement à partir de juin 1673, alors qu’il ne le faisait pas auparavant. Valette, quand à lui, l’a utilisé jusqu’à ce qu’il quitte son ministère (ou tout au moins qu’il disparaisse des registres).

Mais désormais, je sais ce que peut signifier « imposer un nom » lors d’un baptême. Et vous aussi du coup !