« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 1 juillet 2018

#Genealogie30 2018

Pour ce mois de juin, le défi est nous retrouver autour du mot clé #Genealogie30.
Nous partageons sur les réseaux sociaux, sur nos blogs, notre passion pour la généalogie, nos coups de cœur.
Tous les jours un thème différent nous est proposé :


Tout comme le #ChallengeAZ, le but est de nous retrouver pour faire la fête et partager notre passion. Pas besoin de grands discours, un mot, une image suffisent parfois à communiquer et à toucher.
___

Comme de nombreux généalogistes, j'ai posté un court message sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram) au jour le jour, selon le thème imposé. Si vous avez manqué une ou plusieurs de ces publications, ou juste pour le plaisir, retrouvez-les ici réunies.

Jour 1. Votre généalogie : mes ancêtres me murmurent leurs vies, leurs histoires, leurs secrets. Tendez l'oreille, vous les entendrez aussi...


Jour 2. Signature : Les signatures les plus anciennes de mon arbre : Julien Jallot en 1617 pour les hommes et Anne Bachelier en 1673 pour les femmes.

Jour 3. Votre saison préférée : l'hiver, et plus précisément janvier et février, car c'est pendant ces deux mois-là qu'on s'est le plus marié chez mes ancêtres.


Jour 4. Votre espace de travail... c'est bien installée dans le canapé !


Jour 5. Tout petit. Tout petit est cet acte : un nom, une paroisse, une date et c'est tout ! Pas de "décédée, inhumée, cimetière, etc..." pas de témoin ni même le nom/signature du curé. Tout petit petit.


Jour 6. Une lettre (extrait) : celle de mon arrière grand père demandant un poste et expliquant qu'il "n'a jamais pu réussir en rien [...] veuf pour la 2eme fois [... et sa nouvelle] femme malade". Émouvant.



Jour 7. Cigale ou fourmi ? Mon ancêtre le plus pauvre apportait en dot une seule et unique chèvre. Le plus riche avait terres, titres et château.


Jour 8. Dessine-moi un arbre : c'est celui de mon grand père paternel, qui m'a donné le goût à la généalogie. Aujourd'hui il y a trop de monde pour représenter mes ancêtres sur un arbre...


Jour 9. La ménagerie : dans les actes notariés de mes ancêtres je trouve des "brebis garnyes, des bouefs a poil rouge, des chèvres mères poil blanc, demi douzaine tant de moutons que de brebis, des ruches à miel, des noges (torreau)", etc...


Jour 10. Vos archives préférées : les archives notariales, tellement riches en informations... pour peu que tu puisses les déchiffrer !

 
Jour 11. Arc en ciel : c'est l'image de mon arbre (enfin les 10 premières générations). Où l'on voit que les archives départementales de l'Aveyron et du Maine-et-Loire sont bien fournies, que la Révolution a laissé des traces dans les Deux-Sèvres et en Vendée et qu'un fils naturel fait un grand trou dans une roue.


Jour 12. Tic-tac : la généalogie c'est jusqu'à l'infini et au-delà... jusqu'à la mort quoi ! (Je sais, s’intéresser à la mort peut paraître bizarre pour des non-généalogistes...).


Jour 13. Au commencement : le cahier résumant les recherches de mon grand père, écrit de sa belle écriture (dont a aussi été extrait l'arbre du jour 8).
Jour 14. La paléographie : je l'ai apprise sur le tas. Je me débrouille de mieux en mieux, mais quand l'encre est délavée, le papier devenu transparent, ou que le rédacteur n'y met pas du sien avec ses pattes de mouches, on se sent un peu seule !


Jour 15. Des ruches (virtuelles) : je pense aux réseaux sociaux. Une véritable communauté où règne l'entraide, la solidarité et le partage... et où il y a même une reine, n'est ce pas ? 😉



Jour 16. Très grand. Très grand est mon arbre, à tel point que j'ai dû renoncer à l'imprimer : il ferait plusieurs fois le tour du salon avec ses... 10 648 individus (à ce jour) !


Jour 17. L'album : comme c'est la fête des pères je pense à l'album que j'ai fait pour mon père racontant l'histoire de ses ancêtres grâce à mes recherches (textes, photos, actes) - voir article du blog qui y est consacré.


Jour 18. Cousinage(s). J'ai découvert plusieurs cousin/es grâce à la "ruche" des réseaux sociaux (voir Jour 15); et de nouveaux sont apparus depuis le billet rédigé sur le blog à ce sujet. Mais bien sûr ma multiple cousine @feuilledardoise y a toujours une place de choix !

 
Jour 19. Mon outil favori : mon ordinateur. Il contient toute ma généalogie, documents et photos numérisées et me permet de consulter les archives (notamment) puisque je n'habite pas dans une région où vivaient mes ancêtres.


Jour 20. Insolite : rencontre plutôt étrange au détour d'un registre de mariages (1620/1644)...


Jour 21. Le document : la photo des Borrat-Michaud.
Pliée, déchirée : abîmée.
Au centre mon arrière grand père portant sa croix guerre : fierté.
Devant, ses parents dont je découvre le visage pour la première fois : joie.
Au milieu un enfant inconnu : question.
Encore plein de mystères...


Jour 22. Un métier : maréchal en œuvres blanches, le premier dont je ne connaissais pas la définition. Il s'agit d'un taillandier, fabricant des outils tranchants (armes blanches) : haches, scies, doloires, cognées...


Jour 23. Autoportrait : tout ce que je peux prendre, je prends !


Jour 24. Temps libre : en dehors de la généalogie je fais... de la généalogie ! Passion quand tu nous tiens...


Jour 25. Y'a d'la joie : quand on trouve un acte longtemps recherché, c'est la danse de la joie !


Jour 26. Vos gribouillis : en général je fais tout sur informatique, donc pas de gribouillis. Mais ça peut quand même être utile pour comprendre un implexe (individu qui apparaît plusieurs fois à cause d'un ancêtre commun) particulièrement complexe !


Jour 27. Un objet : un "livre de famille" où ma grand mère avait pris des notes. Elle y avait recopié par exemple son menu de fiançailles (et plus loin de mariage).


Jour 28. Une envie folle : que les archives suisses soient en accès libre - notamment pour les Français (et en ligne tant qu'à faire).


Jour 29. Vendredi lecture (à l'ère du numérique) : les blogs de généalogie bien sûr ! Nombreux, riches et variés : à lire absolument !


Jour 30. Pourquoi la généalogie ? Pour la recherche, le frisson de la découverte, la variété et la richesse de la passion. Et le partage bien sûr !





samedi 30 juin 2018

#Centenaire1418 pas à pas : juin 1918

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de juin 1918 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er juin
Le bataillon va quitter le cantonnement cette nuit et se rendre par voie de terre à la gare d’Arques (près de Saint Omer).

2 juin
Nous nous embarquons dans deux trains : le premier part à midi le second à 15h.

3 juin
Itinéraire : Calais, Boulogne, Etaples, Abbeville, Abancourt, Serqueux, Pontoise, le Bourget, Noisy le Sec, Meaux. Débarquement du 1er train à Villers les Riganet, le second à la Ferté sous Jouarre dans la nuit du 3 au 4.

Carte Fauquembergues-Meaux

4 juin
Nous voici de retour en Seine et Marne. Tout le bataillon est réuni à Isle les Meldeuses où nous cantonnons.

5 juin
Étape de 2 à 6 heures sur Château la Trousse (4 km à l’Ouest de Lizy). La Division est rattachée au VIIeme C.A. Puis départ à 23h pour Crouy sur Ourcq.

Carte Isle-Crouy

6 juin
On repart à nouveau sur les routes. Les bleus se tournent souvent vers leur sous off, mais il paraît aussi fourbu que nous. Et tout aussi ignorant de notre prochaine affectation durable. [1]
Arrivée à 2h. Le Bataillon est en réserve de Division ; la moitié de l’effectif cantonne dans le village, l’autre moitié est au bivouac dans les boqueteaux à l’Est du village.

7 juin 
Reconnaissance de travaux à exécuter par le bataillon entre le bois de Cerfroid et Chezy en Orxois.

8 juin 
Travaux de nuit.

9 juin 
Poursuite des travaux de nuit.

10 juin 
Le Bataillon est en réserve de C.A.

11 juin 
Exercice d’attaque avec des chars légers.

Chars Renault attaquant lors d'une offensive, 1918 © rosalielebel75.franceserv.com

12 juin 
Mêmes exercices que la veille.

13 juin 
Départ du capitaine adjudant major Roux qui part au 11eme corps pour y commander un bataillon. Le capitaine Marrin le remplace au titre d’adjudant major, le capitaine Montvignier Monnet prend le commandement de la CM.

14 juin 
En exécution de l’ordre n°156/5 le bataillon vient s’établir au bivouac dans le bois au SO de Vasset. Départ à la tombée de la nuit. L’installation se fait sans incident.

Carte Crouy-Vasset

15 juin
Installation. Journée calme. Le soir reconnaissance des cadres sur la position intermédiaire.

16 juin
A 4 h le bataillon reçoit l’ordre de s’alerter. Nous restons silencieux et immobiles, dans l’attente et l’incertitude de notre sort. A 6h le téléphone signale la fin de l’alerte. La situation est rétablie et quelques prisonniers ont été faits.

17 juin
Les dispositions sont prises pour nous porter sur la ligne des réduits de la 1ère position (Chézy). Organisation des bivouacs. On commence des abris contre les bombardements.

18 juin
Chaque nuit une compagnie et une section de mitrailleuse vont travailler sur la position intermédiaire. A la chute du jour rafales sur le carrefour de Cerfroid. Dans la nuit des obus toxiques sur le plateau.

19 juin
Notre bataillon relèvera le 12e bataillon dans le sous-secteur de Chézy demain soir. Reconnaissance préalable. Ordre de bataillon n°198.

20 juin
Diverses nominations et mutations.

21 juin
Relève sans incident, terminée vers 1h. Dispositif : trois compagnies en 1ère ligne, une en réserve, une dans le village de Chézy. Journée calme. Dans la nuit l’artillerie ennemie se montre assez active : rafales de 77 et 105. Pertes : 1 tué et 3 blessés.
Travaux d’organisation des 3 lignes de surveillance, de résistance, des réduits. Étude de la réduction des effectifs dans la ligne de surveillance. Les permissions sont reprises au taux de 8%.

22 juin
L’aviation se montre active : dès le petit jour jusqu’à la nuit des avions ennemis survolent nos lignes. Activité d’artillerie semblable à celle de la veille. Pertes : 1 tué, 2 blessés, 1 mulet tué et 2 blessés.

Explosion d'une marmite boche, 1916 © Gallica

23 juin
Tir de 150 sur les batteries. Quelques coups de 77 et de 105 sur Chézy. Toute la nuit notre artillerie exécute des harcèlements extrêmement violents (75 et 155) sur les 1ères lignes et les arrières ennemis. Pertes : 2 mulets.

24 juin
Faible activité de l’artillerie allemande mais l’aviation ennemie continue à survoler très fréquemment nos lignes. Continuation des travaux d’organisation. Pertes : 2 blessés.

25 juin
Notre artillerie harcèle l’ennemi de 1 à 2h et de 3 à 3h30. Calme. Reconnaissance, à la nuit, du 11e bataillon qui relèvera le 51e dans la nuit du 26 au 27.

26 juin
Journée et nuit calme. La relève s’effectue sans incident. Elle se termine vers minuit.
Tiens ! C’était mon anniversaire aujourd’hui. Encore un de sauvé. 24 ans. C’est étrange, alors que tant sont tombés autour de moi.
Et moi je suis encore là…

27 juin
Le bataillon s’installe sur la position intermédiaire en réserve du groupe, à la place du 12eme bataillon qui passe en réserve de D.I. au Sud Ouest de Vasset.

28 juin
Nominations et affectations.

29 juin
Journée calme. L’aviation ennemie est active. Travaux d’organisation de la position intermédiaire pendant la nuit.

30 juin
Tir de contre batterie. Quelques rafales sur le plateau et les bois au Nord de la route de Cerfroid-Brumetz. Ordre général d’affectation n°89 de la 47e Division modifiant l’organisation du secteur sur la position des avants postes.
Le dispositif est réalisé par une série de relèves établissant deux groupes accolés en ligne et un autre en réserve. Le 51e est sur la droite, le 12e à gauche. Travaux effectués pour permettre l’occupation des lignes.


[1] Inspiré de « Ils rêvaient des dimanches » de Ch. Signol

samedi 23 juin 2018

#Généathème : Des ancêtres

Pour ce #Généathème de juin laissons faire le hasard : la loterie des ancêtres s'est chargée de désigner le/la personne à étudier. Et c'est le numéro 73 qui est sorti pour moi !

Mon sosa n°73 est donc forcément une femme (numéro impair) [1]. Elle se nomme Michelle Dubois. Elle appartient à la branche angevine de mon arbre. Comme c’est une femme, je n’ai que peu d’information sur elle (les femmes sont toujours moins présentes dans les archives). Néanmoins, je sais qu’elle née en 1768 dans la paroisse de Jarzé, située à une trentaine de kilomètres au Nord Est d’Angers, d’où vient un grand nombre de mes ancêtres. Dans les années 1790 Jarzé compte un peu plus de 1 600 habitants.

Michelle n’a pas connu ses grands-parents, tous morts avant sa naissance. 

Ses parents, René Dubois et Jeanne Redessant  (dont on connaît une dizaine de variantes orthographiques du nom au fur et à mesure des actes) se sont mariés en 1754 et ont donné naissance à 9 enfants (3 fils et 6 filles). Michelle est la numéro 8. Comment se sont-ils connus ? Difficile à dire. Mais on ne peut manquer de remarquer que leur premier enfant naît trois mois seulement après le mariage ; il était temps ! Ce fils, hélas, ne verra pas l’âge adulte : il meurt âgé d’à peine trois ans.

La famille Dubois a quelque peu bougé : les 5 premiers enfants naissent à Echemiré, les 4 derniers à Jarzé. Il semble que, comme son père avant lui, René Dubois ait déménagé au fil des emplois trouvés : travailleur de la terre, il est tantôt dit closier tantôt cultivateur. Il est né à Jarzé. Son épouse Jeanne est dite de même, mais son acte de naissance n’y a pas été trouvé. Il semble que la famille Redessant habite Echemiré, paroisse voisine, lors du mariage de René et de Jeanne en 1754 ; c’est peut-être la raison qui explique que leurs premiers enfants y soient nés.

Au moment où « notre » Michelle naît, la famille est revenue à Jarzé depuis 4 ans ; elle n’en bougera plus. La paroisse a, selon le Dictionnaire historique et géographique de Célestin Port (1876/1878), « un sol inégal, coupé de vallons et de hauts coteaux boisés ». Vignes et bois se partagent le paysage.

La famille Dubois allait-elle aux grandes foires du 23 avril et celle du 2ème mardi de juin ? Ces foires existaient-elles seulement à leur époque ? Peut-être que les dates n’étaient pas les mêmes, mais sans doute en existait-il déjà et la famille devait s’y rendre, comme la majorité des paysans, ne serait-ce que pour vendre une partie de leur production, faire des rencontres et échanger les dernières nouvelles.

Quoi qu’il en soit, ils allaient forcément à l’église de Jarzé. Celle-ci est dédiée à deux saints peu connus, Saint Cyr et Saint Julitte. Jeanne a-telle raconté leur histoire à Michelle ? Lui a-t-elle dit qu’il y a fort longtemps, dans une ville lointaine, à Tarse, vivait un juge nommé Alexandre qui aimait à condamner les chrétiens. Que Saint Cyr avait à peine cinq ans lorsqu'il se faufila dans le tribunal en criant: "Moi aussi, je suis chrétien". Il courait dans les salles du tribunal et personne ne pouvait le rattraper. Il fallut plus d'une demi-heure pour que le juge mette la main dessus. Devant les exclamations de l'enfant, il lui fracassa la tête contre un mur. Sainte Julitte (ou Julienne), la mère de saint Cyr, fut également martyrisée [2]. De quoi calmer les ardeurs d’une enfant trop remuante sans aucun doute…

L’église s’élève un peu à l’écart du bourg, sur un sol fortement incliné. Une simple église de quatre travées, ajoutées au XVIème siècle à l’édifice primitif, où la petite Michelle Dubois a sans doute contemplé les voûtes en croisées d’ogive ornées de clés armoriées. Peut-être s’est-elle laissée distraire de l’office par la lumière qui entre dans l’édifice par des fenêtres à double meneau. Sa mère l’a peut-être légèrement poussé du coude pour qu’elle recentre son attention sur le prêtre officant dans la nef antique, composée de trois travées, servant de chœur. En partant, la famille a peut-être fait des dévotions particulières à la Vierge, dont une chapelle latérale lui est dédiée .Michelle a-t-elle été impressionnée par le chanoine Grippon dont le cadavre, couché nu, les mains croisées, étaient représenté sous son épitaphe datée de 1524 ? Ne préférait-elle pas contempler les belles statues de Saint Christophe et celle de Notre-Dame qui ornaient, plus loin, la chapelle seigneuriale ? Dans le chœur, a-telle pu s’approcher des stalles dont les miséricordes étaient ornées de feuillages, chauves-souris, « têtes de sauvages et bêtes fantastiques » ?

Église de Jarzé, lithographie de Deshayes et Bachelier, XIXe © AD49

Je n’ai trouvé aucune information particulière sur l’enfance de Michelle. Sans doute s’est-elle écoulée comme toutes celles des enfants de cultivateurs, au milieu d’une nombreuse fratrie. La seule anecdote notable est que le curé s’est trompé en rédigeant son acte de naissance : il a noté que le nom de sa mère était Dubois (son nom d’épouse) et non Redessant (son nom de jeune fille).

Est-ce qu'à la veillée on racontait des histoires à faire peur, des anecdotes du passé ? comme les épisodes de peste qui ont décimé la population angevine, notamment celle des années 1640 ; ou bien encore l’histoire de cette femme tuée en 1611 à coup de bâton et achevée d’un coup de pistolet parce qu’on l’accusait d’être une sorcière (et cependant enterrée dans le cimetière de Jarzé) ? Est-ce que pour garder les enfants à la maison on leur parlait de la « bête féroce » qui dévorait les enfants isolés de la paroisse quelques 70 ans plus tôt ?

Lorsqu’elle a 26 ans, Michelle et sa famille vont sans doute assister à l’ouverture de l’enfeu seigneurial : formant deux caveaux, on y trouva quatre cercueils « usés et vétustes », dont deux étaient brisés. Le tout fut transporté à Baugé. Cela a dû représenter un événement important dans la vie paroissiale et alimenter bien des conversations.

Est-ce que la période troublée de la Révolution a eu un impact direct sur leur vie ? Difficile à dire. Le château seigneurial, par manque d’héritiers mâles, avait déjà été plusieurs fois vendu. Il est loin le temps où le roi Charles IX s’y était arrêté pour dîner. Jarzé connu bien quelques troubles, notamment en 1794 lorsque l’armée vendéenne incendia le château, mais on ne signale pas d’autres événements graves.
La famille ne semble pas avoir déménagé à cette période, ni changé d’emploi, mais les sources la concernant sont assez lacunaires et il est délicat de combler les trous.

Michelle se marie assez tard, à 29 ans, avec un cultivateur nommé Louis Lejard (en 1798). La famille Lejard est aussi un peu nomade, même si elle reste dans un cercle géographique relativement restreint : Vieil Baugé, Le Plessis Grammoire, Fougéré, Clefs, Saint Quentin les Baurepaire… Les nombreuses variantes orthographiques de leur patronyme m’ont souvent causé quelques difficultés pour les pister (sans compter les nombreux déménagements). Louis est né au Vieil Baugé, un peu par hasard puisque ses parents déménageait environ tous les 5 ans. Il a 27 ans lorsqu’il épouse Michelle. Celle-ci a perdu son père 6 ans plus tôt : est-ce l’un de ses frères (tous deux témoins de son mariage) qui l’a menée à l’autel ? Je ne connais au couple que trois enfants, nés entre 1799 et 1806, mais peut-être d’autres m’ont-ils échappé lors de déménagements demeuré inconnus. Entre temps, Michelle assistera au décès en sa mère, en 1800.

Le fils aîné des Lejard, Louis, né en 1799, est mon ancêtre direct. Il est l’arrière-grand-père maternel de mon grand-père. Michelle assistera à son mariage en 1826 à Saint Barthélémy d’Anjou, avec Marie Pillet. Celle-ci est aussi issue d’une famille de cultivateurs qui a un pied à Jarzé, un pied ailleurs selon les circonstances. Michelle verra la naissance de ses 4 petits-enfants.

Elle s’éteindra à Jarzé en octobre 1840, dix ans avant son époux, à l’âge de 71 ans.


[1] Pour mémoire les numéros sosa sont une façon de compter et d’identifier les ancêtres : la souche de l’arbre est le n°1, son père le 2, sa mère le 3, son grand-père paternel le 4, etc… De cette façon tous les numéros pairs sont des hommes et les numéros impairs des femmes.
[2] Ce qui fait de Saint Cyr l’un des plus jeu martyr de la chrétienté. Des variantes existent sur l’histoire, mais le crâne de l’enfant finit toujours par être fracassé. De même, son nom connaît plusieurs formes : Cirgues ou Cirq par exemple. 42 localités portent ce nom (Saint Cirq Lapopie, dans le Lot, est l’une des plus connue). Source : Nominis.

samedi 16 juin 2018

#RDVAncestral : Le notaire infatigable

Lundi le 21 octobre 1726, après-midi, village de La Mollie, paroisse du Biot

J’ai rendez-vous aujourd’hui avec Garin François Vulliez, un de mes ancêtres notaires qui demeure en vallée d’Aulps (Haute-Savoie actuelle). Garin est notaire depuis presque 50 ans. Il est lui-même âgé de 69 ans, mais continue de courir la campagne pour servir ses clients. Il a plutôt belle prestance, tout de noir vêtu : habit de drap noir coupé droit, avec collet, parements, poches en velours, gilet de soie noire à boutons, pantalon de drap noir. Seule la canne qu’il utilise désormais pour l’aider à marcher trahit son âge avancé.

J’entre, bien que je sois un peu en avance. Il discute avec un autre notaire, sans aucun doute son fils Pierre François (communément prénommé seulement François) avec qui il travaille fréquemment depuis quelques années. Mon ancêtre direct, son frère Jean Pierre, notaire royal lui aussi, n’est pas là. Je reste sur le pas de la porte mais, tout en continuant de parler, Garin me fait signe d’entrer et de m’assoir.

J’obéis et tandis qu’ils continuent à parler ensemble, j’observe le décor : deux pupitres en bois sapin, dont l’un est pourvu d’une grosse serrure ouvragée, des layettes (tiroirs ou coffrets servant à ranger des papiers) et des étagères sur lesquelles s’entassent d’épais registres reliés, des liasses de parchemins plus ou bien rangés, un tas de feuillets vierges, des sacs en toiles où l’on range les pièces d’un procès déjà jugé (ce qui nous donnera la fameuse expression « l’affaire est dans le sac »). Les deux notaires sont devant une belle table en bois de noyer, couverte de papiers au sujet desquels ils discutent tout bas. A un bout de la table une écritoire et tout le nécessaire à écrire : plume, encrier, sabloir (le sable répandu sur l’encre encore humide servait encore de buvard à cette époque). De l’autre coté un joli coffret, de dimension modeste, mais agréablement décoré, muni d’une grosse clé engagée dans la serrure ; c’est sans doute là que Garin conserve son argent liquide et peut-être des documents de valeur. Des chandeliers sont là pour éclairer les longues soirées de travail. Devant la table, trois belles chaises ouvragées, couvertes d’étoffe bleue. Dans un angle de la pièce une imposante armoire à trois portes, fermant à clé, servant probablement à conserver les minutes notariales. Le long du mur un banc couvert d’étoffe rouge et verte ; nécessaire en cas d’affluence des quémandeurs probablement. En face, une bibliothèque présentant de beaux volumes aux tranches ouvragées et dorées : des livres de droits sans doute, peut-être aussi de piété et d’histoire comme on en trouvait dans les bibliothèques des lettrés, mais je suis trop loin pour en distinguer les titres. Je suis moi-même assise sur une chaise en noyer, assez simple, mais dont les finitions ne laissent aucun doute sur la qualité du travail. Un tapis aux couleurs chaudes réchauffe la pièce. Un poêle permet d’affronter l’hiver et d’éviter que l’encre ne gèle dans l’encrier. Enfin, trois petites tapisseries, un portrait (l’un de mes ancêtres ?) et quelques gravures ornent les murs et donnent un aspect chaleureux et confortable à la pièce. Le tout traduit un goût sûr mais pas tapageur.

Un petit homme, tout de noir vêtu entre. Il marque un léger temps d’arrêt en me voyant, puis se dirige rapidement devant l’un des pupitres et commence sa journée de travail. Le clerc, sans aucun doute. A force d’observer le notaire, de recopier les documents, de lire pour parfaire sa culture, le clerc apprend à connaître les coutumes, les formulations, et  développer l’art d’écrire et de signer avec assurance. C’est ainsi qu’il s’initie à son futur métier. Le clerc commença à manipuler règle, équerre, aiguilles et fils pour relier des parchemins et former des cahiers plus facile à manipuler ou expédier. Pas un mot n’avait encore été prononcé, à voix haute tout au moins.

- Bienvenue dans ma banche ! me dit finalement Garin en relevant la tête.
- Heu… la banche ? Je ne voudrais pas paraître impolie, mais qu’est-ce que c’est ?
- Ah ! C’est un terme du pays. L’histoire veut que ce terme provienne d’une espèce de bureau où les avocats donnaient rendez-vous à leurs clients. On peut aussi dire banc ou banque. Une sorte de comptoir quoi. Enfin, maintenant on est installé plus à notre aise. Il se penche vers moi : et dans un lieu clos, c’est aussi plus discret pour traiter certaines affaires, hum, hum… Tu vois ce que je veux dire ? Sans me laisser le temps de répondre, il enchaîne :
- Certains utilisent même le mot boutique ou cabinet, dit-il en pouffant.
Je ne saisis pas tellement la plaisanterie mais sourit poliment. Redevant plus sérieux, il ajoute :
- Depuis quelques temps on dit aussi étude. Enfin, tout ça c’est bien la même chose au fond.
Je ne lui avoue pas que le terme d’étude m’est plus familier et que c’est lui qui l’emportera au fil des siècles.

- Allons-y ! Nous avons fort à faire aujourd’hui. Il prend soin de retirer la grosse clé du coffre de son bureau et la glisse dans une poche de son gilet. Il enfile prestement sa robe noire, jusque-là pendu à une patère, qui lui sert de manteau et son bonnet carré assorti.
- Nous avons plusieurs rendez-vous au Biot aujourd’hui : ce n’est même pas à quart de lieue [1] : nous irons à pieds !

Régulièrement les gens de passage le saluent. Certains ôtent même leur chapeau en signe de respect. A vrai, tous ces saluts nous ralentissent quelque peu car il faut dire un mot aimable à chacun.
- Eh oui : depuis le temps que j’exerce dans la vallée, j’ai vu défiler tout le monde, toutes les familles, des plus humbles au plus puissantes : qui pour une quittance, qui pour un testament ou un acquis. C’est ce qui explique ma popularité.
Garin est fort modeste : avec le seigneur et le curé, il est un des personnages les plus importants de la paroisse. Sa fortune, son savoir, ses titres, et ce rang qu’il occupe dans la société, expliquent aussi sans aucun doute sa popularité. Consignant tous les actes qui rythment la vie quotidienne des populations, il est omniprésent et son rôle très important au sein de la communauté. Sans compter qu’il est aussi « le gardien des secrets » : avec tout ce qu’il sait sur tout le monde, il vaut mieux lui devoir le respect.

- Nous allons au village du Biot, en la maison de messire Philippe Faurat, châtelain de Saint Jean d’Aulps. Il a plusieurs affaires à traiter. Puis nous irons chez François Mudry qui m’a fait mander pour un acquis.

Le temps de s’assurer de la présence des témoins requis, de rédiger les différents actes, de relire les documents et de les faire signer, l’après-midi était bien avancée. Un détail me rappelle l’âge avancé de Garin : c’est son fils François qui a rédigé tous les actes, comme Garin le fait préciser à la fin de chacun d’eux : « le présent acte reçu et signé par le tabellion quoique écrit de la main de François Vulliez mon fils » ; sans doute son écriture n’est plus aussi sûre qu’avant, pourtant sa signature a encore belle prestance).


 Signature de Maître Vulliez Garin François, 1726 © AD74

- Reviens demain si tu veux : j’ai un autre rendez-vous prévu à 8h.
- Avec plaisir !

Mardi 22 octobre 1726, avant 8h

- Aujourd’hui nous allons à St Jean : c’est à un peu plus d’une lieue. Nous emprunterons donc une charrette car cela fait trop loin pour mes vieilles jambes. Quand j’étais jeune, je pouvais parcourir toutes les distances à pieds, mais maintenant… Sans compter qu’il faut porter avec soi une écritoire de campagne (dans certaines maisons il y a à peine une table pour écrire convenablement), les plumes, encre, sable ou poudre à sécher l’encre, papier, etc… C’est un métier d’itinérant : pire qu’un colporteur, allant de foyer en foyer ! Je rédige plus d’actes à travers la campagne que dans ma propre banche !

Installés dans la charrette, je demandais à Garin :
- Quelle est la différence entre un notaire et un tabellion ?
- Ah ! Le notaire est un mot qui vient du latin et qui signifie sténographe, scribe, celui qui note rapidement et fidèlement. La fonction de notaire est très ancienne car les puissants de ce monde ont toujours eu besoin de scribes. Puis, pour en garder la mémoire, il y a eu obligation d’avoir témoins et copies archivées des actes passés. Le tabellion, mot d’origine latine également, signifiait celui qui écrit sur des tablettes. Pendant longtemps on l’a distingué du notaire : son rôle est de conserver les « minutes » (l’original du document, parfois simplement quelques notes prises à la va-vite) et de délivrer les « grosses » (la copie, destinée au client ou à qui de droit, document plus développé et écrit plus « gros » car il était rémunéré en fonction de sa longueur). La distinction notaire/tabellion a officiellement disparue il y a une centaine d’années, mais nous, ici dans les États de Savoie, nous aimons bien le nom de tabellion. Le terme désigne l'ensemble des actes insinués (c'est-à-dire enregistrés). Mais par extension, il sert aussi à nommer l'administration chargée de la transcription et de la conservation de ces actes (actes publics, contrats entre vifs et dispositions de dernières volontés). L'insinuation, instaurée en 1610, vise à assurer l'authenticité des actes émanant aussi bien de particuliers que de communautés d'habitants. Les actes publics passés devant notaire n'ont aucune valeur, notamment judiciaire, s'ils ne sont insinués. En 1696, le duché de Savoie a été partagé en sept départements du tabellion : Savoie propre, Genevois, Faucigny, Chablais, bailliages de Ternier et de Gaillard, Maurienne, Tarentaise. Ici nous faisons partie du Chablais ; on y compte 4 bureaux du tabellion, chacun s'étendant sur un nombre variable de paroisses. 
- Et comment accède-t-on à cette profession ?
- Oh ! Pour cela il faut être un fils légitime, savoir ses lettres bien sûr,  professer la religion catholique, apostolique et romaine. Le postulant doit obtenir, le plus souvent du curé de sa paroisse, une attestation de bonnes vie et mœurs. Il doit avoir au moins 25 ans, c'est-à-dire d’être majeur, sauf s’il est fils de notaire : des dispenses peuvent alors être accordées. Un examen est également prévu, afin d'obtenir sa charge. Mais souvent on est  notaire de père en fils : il suffit de racheter la charge de son père (souvent elles sont héréditaires). Ainsi mon père, Claude, l’était avant moi, et mes deux fils, Jean Pierre et Pierre François, le sont aussi. Ma mère était fille de notaire également. Il faut dire qu’en fréquentant les mêmes familles, on finit fatalement par s’y épouser.

C’est un autre acquis qui nous occupe aujourd’hui, dans la maison de Jean Claude Cottet. La tâche n’est guère différente de la veille. Le métier serait-il monotone ?

- Si tu veux tu peux revenir demain : cette fois ma mission sera plus surprenante

Mercredi 23 octobre 1726, après midi

- Nous restons au Biot aujourd’hui : une petite marche nous fera le plus grand bien et tu as sans doute d’autres questions à me poser : cela nous laissera le temps de parler un peu…
- Très bien : parlez-moi donc un peu de votre profession alors…

Tout en marchant - étonnamment vite pour son âge - il entame un monologue, ponctué de grands gestes.
- La plupart d’entre nous cumulent différentes fonctions : procureurs, avocats, greffiers. Et dans les petits pays, comme chez nous, certains ont des responsabilités seigneuriales : ainsi moi par exemple je suis aussi "procureur d'office de la vallée d'aux" (je traduis dans ma tête : « procureur de la justice seigneuriale locale, en l’occurrence de la vallée d'Aulps »). Mon fils François est notaire mais aussi châtelain de la vallée d'Aulps et secrétaire de la paroisse du Biot. Il continue à détailler les rapports qu’entretiennent les notaires avec les autorités gouvernementales et judiciaires, avec leurs confrères, employés ou clients, mais s’interrompt soudain : nous y voici !

Je suis bien étonnée ; nous sommes au milieu de nulle part, au bord d’un chemin. Garin me regarde avec une lueur de malice dans les yeux :
- Tu ne t’attendais pas à ça, hein ? Mais c’est bien ici que nous avons rendez-vous !
Effectivement un groupe de personnes s’approche et François, qui nous accompagne toujours, commence à rédiger tant bien que mal, assis sur une souche bordant le chemin : « au chemin public au lieu de sous la motte en bas du cimetière du Biot ». Monotone le métier ? Sûrement pas ! 
Il y a là les deux contractant de l’acte d’obligation : la veuve Girod qui promet de bien payer à Pierre Mudry, ici présent, les 115 livres et 18 sols dus suite au prêt qu’il avait fait précédemment pour elle ; ainsi que leurs deux témoins. Seul Pierre Mudry sait signer (ce qu’il fait) puis tout le monde se sépare. Nous-mêmes, nous retournons vers la banche des Vulliez.
- Et bien ! Je savais que le notaire était itinérant, mais je pensais tout de même qu’il rédigeait ses actes avec un toit au-dessus de sa tête, et non au bord du chemin !
- Ah ! Ah ! La vie de notaire est pleine de surprises !
- Assurément !
- J’ai quelques jours plutôt tranquilles devant moi mais, si tu veux, tu peux revenir le 2 novembre courant : d’autres rendez-vous ont déjà été pris.
- Alors à bientôt.

Samedi 2 novembre 1726, avant midi

Nous retournons au Biot (mais dans une véritable maison cette fois !), chez Philibert Tornier, pour une histoire de quittance entre différents membres d’une même famille. L’acte est un peu long à rédiger car les contractants sont deux sœurs Tornier, toutes deux veuves, et leur beau-frère agissant en qualité d’administrateur des biens de ses enfants orphelins de mère (la sœur des deux sœurs : vous me suivez ?) ; lesquels reconnaissent que Philibert et Claude Tornier, leurs frères et beau-frère aussi présents, ont bien donné la somme, bétail et trossel [2] constituant la dot des trois sœurs, promis dans un acte de 1712. Ils en profitent pour régler aussi l’hoirie de leur autre frère mort ab intestat [3]. Il me faut un petit moment pour comprendre les liens familiaux qui unissent toutes ces personnes, d’autant plus qu’à chaque fois qu’elles sont citées ont y ajoute le nom du mari ou du père défunt, leur lieu d’habitation et paroisse. Sur le moment, c’est un peu brouillon, mais je me réjouis secrètement pour les descendants de la famille Tornier : s’il y a un généalogiste parmi eux, ce document est une pépite riche en informations !

Samedi 2 novembre 1726, après midi

Nous nous retrouvons dans la banche des Vulliez. C’est ici que tout avait commencé une douzaine de jours auparavant. Le décor n’a pas changé. Le clerc est encore à son pupitre, toujours aussi silencieux.
- Voilà, c’est notre dernier rendez-vous je crois, me dit Garin avec un quelque regret dans la voix.
- En effet.
- Tu sais, je voulais te dire…
Mais nous sommes interrompus par l’arrivée de nouveaux requérants et leurs témoins. Garin et François se mettent à la tâche. Quand à moi je dois partir.

Je ne sais pas ce que voulais me dire Garin un instant plus tôt, mais peu importe : il m’en a tellement appris durant ces quelques jours.


[1] 1 lieue = 4 km environ.
[2] Trossel = trousseau.
[3] Hoirie = héritage. « Ab Intestat » = se dit d’une personne décédée sans avoir rédigé de testament.