« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 10 novembre 2018

#ChallengeAZ : I comme Italie

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Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, l'Italie qui jusque-là était alliée de la Triplice (Autriche-Hongrie, Allemagne, Italie) décide de rester neutre. Finalement elle s'engage auprès de la Triple-Entente (France, Russie, Royaume-Uni) en échange de la promesse de nombreuses concessions territoriales en cas de victoire (mai 1915). Les opérations italiennes resteront limitées à un front qui les oppose, la plus grande partie de la guerre, à l'Autriche-Hongrie. De 1915 à 1917 l'armée italienne, mal équipée et mal commandée, arrive néanmoins à pénétrer de quelques kilomètres en territoire ennemi, les Autrichiens restent en général sur la défensive. Cependant à l'automne 1917 les Italiens subissent une cuisante défaite à Caporetto.

C’est alors que le bataillon de Jean-François est envoyé en renfort sur le front italien, face aux austro-hongrois. Il participe à une vaste opération d’aide, composée de troupes françaises et anglaise : du côté français, c’est la Xème Armée qui est envoyée, avec des régiments d’artilleries mais aussi différents bataillons de Chasseurs Alpins. Ceux-ci, habitués aux combats à flanc de montagne, vont combattre l’ennemi sur les sommets qui surplombent la vallée du Piave (Vénétie). Ils volent au secours de leurs homologues italiens, les Alpini, démoralisés après leur récent désastre de Caporetto.  En décembre 1917 ils prennent le nom de Forces Françaises en Italie. Les Anglais sont sous le commandement du général Plummer.

Le 51ème BCA, auquel appartient Jean-François, embarque de Champagne où il était positionné début novembre 1917. Il est convoyé par train jusqu’à Turin, où les Italiens leur réservent un accueil chaleureux. Après une courte pause, ils poursuivent leur voyage vers Peschiera près de Vérone (Vénétie) puis des camions les conduisent vers Cedegolo et Edolo, région montagneuse près de Brescia (Lombardie).
La neige a déjà envahi les cols et les Alpins doivent développer tout leur savoir-faire pour empêcher l’ennemi de progresser.
A la mi-novembre on les rapatrie déjà vers Vicense (Vénétie). Leurs missions sont de renforcer l’armée italienne, contre-attaquer l’ennemi s’il se présente, couvrir un repli éventuel de l’armée italienne.

Début décembre ils rejoignent Castelcucco, au Nord Ouest de Trévise (Vénétie), au pied du massif montagneux surplombant la Piave qu’ils sont chargés de défendre. Pendant un mois, ils vont se battre férocement, sans cesse harcelés par l’artillerie et l’aviation ennemie, subissant de lourdes pertes. Mais les Chasseurs savoyards contribuent finalement à colmater la brèche. Le 30 décembre 1917, ils enlèvent avec brio la position clé du Monte Tomba aux Autrichiens. Cette bataille mémorable vaudra au 51ème BCA une citation à l’ordre de l’armée et une décoration de son fanion par le Général Fayolle, alors commandant supérieur des Forces Françaises en Italie (voir la lettre M).

Collection "patrie" © forum.pages14-18.com

Le 51ème se retire ensuite plus bas dans la plaine, faisant différents exercices, notamment des marches de manœuvre. Est-ce le froid ? La fatigue ? Jean-François tombe malade et doit être hospitalisé pour bronchite. Il reste 6 semaines éloigné du front, avant de pouvoir enfin rejoindre son bataillon.

Puis les Alpins doivent rentrer d’urgence en France au printemps 1918 car l’Allemagne a rompu le front (certaines troupes restent cependant en Italie, intégrées à la 12ème Armée Italienne en octobre 1918). Jean-François effectue son étape la plus longue de toute la guerre : près de 1 400 km, de la Vénétie à la Somme (voir la lettre D).


vendredi 9 novembre 2018

#ChallengeAZ : H comme honneur

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L’horreur de la guerre est un instant rompu par l’honneur qui est fait au 23ème BCA : la garde du Drapeau des Chasseurs.

Ordre de bataillon n°14 (daté du 25 juillet 1915) :
« Chasseurs de la 4ème Brigade,
Notre drapeau – le glorieux Drapeau des chasseurs est confié à votre garde pendant quelques jours.
C’est un honneur qui vous rendra fiers et aussi une récompense qui vous est due.
Je n’ai pas besoin de vous dire ce qu’est notre Drapeau décoré de la Légion d’Honneur, de la Médaille Militaire, de la croix de guerre, lambeaux héroïques de soie tricolore qui renferment dans leurs plis toute la gloire du passé, toute celle du présent. [...]
Vous avez, depuis un an de guerre, forcé l’admiration du monde par votre énergie, votre courage et votre abnégation. […]
Réunis autour du drapeau des chasseurs, vous lui jurerez fidélité, vous ferez le serment non seulement de le défendre mais encore de le conduire, coûte que coûte, au bord de ce Rhin que nous voyons d’ici, au pied des dernières montagnes vosgiennes.
Et quand, votre tâche accomplie, vous défilerez sous l’Arc de Triomphe, au milieu des acclamations de la France entière, ne serez vous pas récompensés de vos peines et de vos fatigues en voyant flotter au-dessus de vos têtes notre glorieux étendard.
Signé : Lacapelle. »

Et le général Puydragin, commandant la 47ème DI y va aussi de son commentaire élogieux : « La 47e D.I. a brisé la résistance des troupes d’élite que l’ennemi lui a successivement opposées et maintenu glorieusement la vieille réputation des Chasseurs dont elle avait l’honneur de garder le drapeau ».

Les Chasseurs et leur drapeau, 1915 © lagrandeguerre.cultureforum.net

En effet, il n’y a qu’un seul et unique drapeau, commun à tous les bataillons et groupes de chasseurs à pied ou alpins. Autrefois chaque régiment d’infanterie, composé de plusieurs bataillons, avait alors son drapeau. Cependant à leur création il n’existait pas de "régiment de chasseurs" mais uniquement des bataillons. C’est pourquoi il n’y aurait donc qu’un seul drapeau, symbole de l’unité et de la cohésion de tous les chasseurs. Ce premier drapeau fut remis par le Roi, Louis Philippe d’Orléans, lors d’une cérémonie qui eut lieu le 4 mai 1841. Il fut confié au 2ème bataillon de chasseurs à pied pour tous les bataillons de chasseurs. 

Désormais la garde en est confiée, à tour de rôle et dans l'ordre croissant des numéros, à chaque bataillon pour la durée d’un an, mais en 1915 le 23ème ne l’a gardé que quelques jours. La passation se fait aujourd’hui au château de Vincennes, berceau des chasseurs, lors de la cérémonie nommée « les journées bleu-jonquille » (référence aux couleurs de l’uniforme des Chasseurs).

Ce drapeau des chasseurs a reçu de la Légion d’honneur pour avoir enlevé un drapeau autrichien, en 1859, à la bataille de Solférino. Il a aussi obtenu différentes décorations : la Médaille Militaire (c’est le seul de l’armée française à pouvoir la porter), médaille obtenue suite à la prise du drapeau au 132ème régiment Prussien le 14 août 1914 par le 1er bataillon de chasseurs à pied à Saint-Blaise-la-Roche (Vosges) ; La Croix de Guerre 1914-1918 avec palme qui rappelle, sur leur unique Drapeau, l’héroïsme des bataillons d’active et de réserve ; La Médaille Italienne du Mérite de Guerre qui marque la part éminente que prirent les Chasseurs dans les combats du front italien durant la Grande Guerre, etc…


jeudi 8 novembre 2018

#ChallengeAZ : G comme grades

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Les principaux grades dans l'infanterie sont les suivants :
  • Les hommes de rang :
- soldat de 2ème classe : Soldat
- soldat de 1ère classe : Distinction et non un grade ; permet d'accéder au grade de caporal
- caporal : Commande une escouade (composée de 10 hommes environ)
  • Les sous-officiers :
- sergent : Commande une demi-section (composée de 2 escouades soit environ 30 hommes)
- adjudant : Chargé des corvées et de l'organisation de la compagnie.
- major : Sous-officier chargé de l'administration
  • Les officiers supérieurs :
- lieutenant : Commande une section (composée de 60 hommes)
- capitaine : Commande une compagnie (composée d'environ 240 hommes)
  • Les officiers subalternes :
- commandant : Commande un bataillon (composé de 4 compagnies, 1100 hommes)
- colonel : Commande un régiment (composé de 3 bataillons, 3400 hommes)
  • Les officiers généraux :
- général de brigade : Commande une brigade (composée de 2 régiments, 6800 hommes)
- général de division : Commande une division (composée de 2 brigades, 16000 hommes)
- général de corps d'armée : Commande une armée (composée d'au moins 2 divisions)
- général d'armée : Commande un corps d'armée (composé d'au moins 2 armées)
- maréchal : Distinction et non un grade


Grades et insignes des Chasseurs © Wikipedia

Jean-François est resté toute la guerre un soldat de 2ème classe. Le soldat de 2ème classe constitue la base de la hiérarchie militaire française. Il se situe au-dessous du premier grade qui est caporal. Il peut obtenir la distinction de première classe qui n'est pas un grade de l'armée française mais une distinction attribuée aux hommes du rang.

Naïvement je pensais que le grade de caporal pouvait s’obtenir « à l’ancienneté », en particulier lorsque tous les gradés étaient morts sur le champ de bataille et qu’il fallait bien quelqu’un pour mener les troupes lors des assauts. Je pensais donc logiquement que Jean-François, ayant passé 4 ans aux armées, aurait eu cette « promotion » puisqu’il n’a semble-t-il pas démérité : lui-même a reçu une médaille et les bataillons auxquels il a appartenu ont souvent été cités pour leur bravoure (pour en savoir plus, voir la lettre M).
Cependant rien de tel.

Depuis les Lois Gouvion Saint Cyr et Soult de 1818 et 1832, le statut des officiers est précisément défini.
Le grade est propriété de son titulaire qui ne peut pas en être dépossédé, hormis dans quelques cas très limités (démission, perte de la qualité de français et certaines condamnations). La nomination au grade d'officier se fait soit par accès aux écoles (Saint-Cyr ou Polytechnique), soit par nomination au sein du corps des sous officiers, à condition d'avoir déjà deux ans de grade. Cette procédure favorise les jeunes gens de bonne famille, bénéficiant d'utiles relations et qui ne souhaitent pas (ou ne réussissent pas) passer par les écoles.
Pour devenir caporal, en plus de savoir lire et écrire, il faut maîtriser un socle de connaissances (service de place, service intérieur...) et il faut avoir "servi activement au moins six mois, comme soldat, dans un des corps de l'armée" (article 1er). Les hommes ayant obtenu le Brevet d'Aptitude Militaire peuvent de droit intégrer l'école des élèves caporaux et le devenir au bout de 4 mois de service. Pour tous les autres, il s'agit de soldats choisis pour leur moralité, leur conduite, leur aptitude au commandement et leurs connaissances professionnelles.
Une fois sous-lieutenant, la progression en grade se fait à l'ancienneté ou au choix de la hiérarchie.
Après 1834, la plupart des nominations aux grades de lieutenant et de capitaine et la moitié des grades de chef de bataillon ou d'escadron se fait à l'ancienneté, les autres au choix. Au-delà (colonel et général), toutes les nominations sont au choix.
Jusqu’au grade de capitaine compris, les promotions se font dans le corps (le régiment) pour l'infanterie et la cavalerie. Au delà de ce grade, l'avancement se fait au sein de l'arme. Cette procédure favorise les officiers servant dans des régiments engagés au combat qui, s'ils survivent, on plus de chance d'être promus en bénéficiant de la mort de leurs aînés.
Pour les officiers subalternes, les promotions sont décidées par l'inspecteur général, sur proposition des chefs de corps. Au delà, l'inspecteur général établit une liste qui sera décidée par le comité de l'arme en question (infanterie, cavalerie, artillerie, génie et état major) ou par le ministre.

Il semble que Jean-François avait les nécessaires requis pour devenir au moins caporal. Ce qui n’a pas été le cas. Peut-être qu’un élément m’a échappé ? N’avait-il pas les connaissances requises ? Ou peut-être le lui a-t-on proposé et a-t-il refusé ? Cela reste un mystère pour moi.


mercredi 7 novembre 2018

#ChallengeAZ : F comme formation militaire

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Paysans, ouvriers, marchands… il faut faire de ces hommes aux profils divers des soldats. 

La base de l’enseignement militaire commence par la connaissance des grades et des commandements.

Ensuite, la formation (nommée « école ») s’élargit pour passer de l’individuel au collectif : soldat, section, compagnie, bataillon. Elle comprend plusieurs volets :
  • L’éducation physique est évidemment primordiale dans la formation du futur soldat. Pour ceux qui en sont capable, s’y ajoute la « gymnastique d’application » constituée par des applications militaires et sportives, destinée à surmonter les difficultés rencontrées en campagne. Et enfin pour les élites, la « gymnastique de sélection » qui comprend certains exercices spéciaux aux agrès et certains sports exigeant des facultés particulières. Chaque recrue dispose d’une fiche individuelle de gymnastique où sont notées ses performances à la natation, au saut, à la course, etc…
  • Les manœuvres sont le second volet de la formation militaire : la mise au garde à vous, au repos, la marche (pas de gymnastique ou pas cadencé), les positions du fusil (à l’épaule, au repos, etc…). Les positions debout, à genou, couché.
  • Vient ensuite le tir, instruit de façon individuelle puis collective : chargement de l’arme, visée, feux dans différentes positions, cessez le feu, inspection des armes. Le combat à la baïonnette : la mettre et la défaire, charge. On considère encore à l’époque que la baïonnette est l’arme suprême du fantassin.
Quittant la caserne, les soldats commencent leur instruction sur le terrain : le « service en campagne ». Ils y apprennent la connaissance et l’utilisation du terrain, l’orientation, les missions des sentinelles, des éclaireurs. Un cours sur la Convention de Genève leur est apporté.
  • Les travaux de campagne comportent un volet sur les destructions, les travaux de camp ou de bivouac, des exercices pratiques d’embarquement en chemin de fer ou de ravitaillement en munitions. Les exercices se pratiquent de jour comme de nuit. La construction des tranchées y tient une place importante.

 Extrait du manuel d'instruction militaire, les positions dans les tranchées © Gallica
  • L’éducation morale leur inculque les notions de Patrie, de Drapeau, les principes de discipline et de solidarité. Ils doivent également connaître l’historique de leur Corps d’Armée.
  • Bien sûr, ils doivent reconnaître immédiatement les marques extérieures de respect, en particuliers celles dues aux supérieurs hiérarchiques. Les récompenses, certificats de bonne conduite ou permissions sont expliquées, de même que les punitions encourues.

  • L’alimentation (on dirait aujourd’hui la nutrition) est abordée, de même que divers programmes tels que le tabac ou le fonctionnement de la poste.
  • L’hygiène militaire fait l’objet d’un programme complet : on y aborde les soins de propreté corporelle (bien que finalement, beaucoup devront s’en passer pendant de longues périodes), mais aussi la tenue des chambres, la vie au bivouac, le paquet individuel de pansement. Enfin, les maladies contagieuses (en particulier syphilis ou tuberculose), et l’alcoolisme sont également abordés.
  • Le paquetage est soigneusement détaillé, notamment dans sa façon de le ranger afin que des éléments indispensables soient facilement accessibles et inversement.
  • Le code de justice militaire clôt la formation, avec ses obligations et cas particuliers (maladies, voyages, réformes…).

On notera que Jean-François est entré en formation début octobre 1914 : ses « classes » auraient dû durer 6 mois, mais ont été écourtées d’un mois : en janvier 1915 l’armée se considérait déjà en manque d’hommes et a fait abréger les formations militaires pour remplacer les – nombreux – soldats morts sur le front.


mardi 6 novembre 2018

#ChallengeAZ : E comme éléments de description

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La fiche matricule donne un certain nombre de renseignements sur le soldat :
- Son nom, prénom et surnom éventuel ;
- Son état civil ;
- Date et lieu de naissance ;
- Résidence et domicile (pour mémoire le domicile, en droit civil, c'est le lieu où l'individu a son principal établissement, c'est-à-dire son habitation principale et le centre de ses intérêts les plus importants, tandis que sa résidence est le lieu où l'individu se trouve en fait, en général de façon temporaire). Au point de vue militaire, la distinction entre le domicile et la résidence est tout aussi importante qu'en droit civil. Pour le recrutement, le canton assigné au jeune homme est celui du domicile de ses parents, qu'il conserve tant qu'il ne peut justifier d'un domicile personnel (quelque soit sa résidence au moment du recrutement) ;
- Profession ;
- Parenté ;
- Mariage éventuel.
- Signalement physique : couleurs des cheveux, des yeux, forme du visage, taille, marques particulières…
- Degré d’instruction.
- Localités successivement habitées.
- Parcours militaire (nous en parlerons dans la lettre R).


Extrait de la fiche matricule de Jean-François © AD74

C’est ainsi que j’ai fait quelques découvertes à propos de Jean-François :

Si je connaissais sa date et lieu de naissance, son domicile et l’identité de ses parents, j’ai remarqué en revanche qu’il avait sa résidence à Paris, au 174 faubourg Saint Martin, dans le 10ème arrondissement, et qu’il était garçon de café. Mais son domicile étant toujours en Haute-Savoie, il fut recensé militairement parlant dans les Alpes. A ma connaissance, après la guerre, il ne revint jamais faubourg Saint Martin et changea de métier.

Sur la fiche principale, la partie dévolue à son signalement a été très peu remplie : je sais juste qu’il était roux aux yeux châtains. Cependant la fiche contient plusieurs retombes (papiers collés parce que les cases d’origines étaient trop petites) ; or, au verso de l’une d’elles, on retrouve un extrait de sa fiche matricule (un double ? un brouillon ?) et là, surprise, on voit qu’il avait le front droit et le visage ovale. Et dire que je ne me suis aperçue de ce détail que 4 ans après avoir reçu ledit document !

J’ignore son degré d’instruction, partie non remplie également.

Après guerre, il naviguera entre Eaubonne (Val d’Oise), Samoëns, retour à Eaubonne et enfin Paris.

Sa fiche signale encore qu’en 1924 il était camionneur. Par ailleurs (et là encore je viens seulement de m’en apercevoir : comme quoi on ne lit jamais vraiment à fond les documents qu’on a sous les yeux !), il est mentionné qu’en 1937 il est « classé affecté spécial au titre de la Société des Matières Colorantes et Produits Chimiques de Saint-Denis (rue des Poissonniers à Saint-Denis) comme "ouvrier spécialisé en produits chimiques". Cette usine est née de la fusion en 1881 de l’usine Dalsace, qui produisait de l’aniline et des dérivés de la houille servant à la teinture, avec les établissements Poiriers, fabriquant des produits chimiques. Elle a fermé ses portes en 1965. Comment un fils de cultivateur, anciennement garçon de café puis camionneur s’est-il retrouvé à travailler comme ouvrier spécialisé pour une usine utilisant des produits chimiques tels que la soude, des engrais, des nitrates et diverses matières colorante s ? Mystère. Quoi qu’il en soit, il a quitté ce poste au moins en 1946 car alors une autre source m’indique qu’il entre à la Société Anonyme des Pneumatiques Dunlop… mais ceci est une autre histoire.


lundi 5 novembre 2018

#ChallengeAZ : D comme déplacements

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Parti de Haute-Savoie, Jean-François commence son périple par l’entraînement à la caserne, probablement celle de Chambéry. Lors de sa première affectation, avec le 23ème BCA, il est envoyé dans les Vosges. Il y connaîtra différents lieux, soit en premières lignes soit en cantonnements à l’arrière. Avec son nouveau bataillon, le 51ème, il rejoint la Somme, puis la Picardie, la Meuse, la Marne, les Ardennes. Ils sont finalement envoyés en Italie, avant de rentrer en France : Somme, Nord, Oise, Aisne et Somme à nouveau.

Les déplacements de courte distance, entre cantonnement et premières lignes, sont effectués à pied, parfois dans des conditions pénibles de froid et de neige (durant la période vosgienne par exemple). Parfois le transport se fait en automobiles ou en convois de camions. Et pour les trajets plus longs, des trains sont affrétés spécialement.

Il y a aussi d’autres types de déplacements : des missions de reconnaissances régulièrement effectuées.
Lors des périodes de « repos » sur les lignes arrières, les soldats ne restent pas inactifs et font de longues marches de manœuvre, avec barda complet sur le dos : ils vont d’un point à un autre ou marchent parfois en boucle, revenant à leur point de départ.
A tous ces déplacements il faudrait ajouter les permissions : en effet, en 4 ans de guerre, il est fort probable que Jean-François en ait eu ; malheureusement je n’ai pas d’indication quand aux dates et aux lieus de départ dont il aurait pu en bénéficier, si bien que je ne peux pas les prendre en compte.

L'année 1917 est particulièrement riche en déplacements : le bataillon va de cantonnements en cantonnements, monte parfois en première ligne, mais fait surtout de longues marches d'exercice. Vosges, Haute-Saône, Haut-Rhin, Marne, Oise, Seine et Marne, Marne, Meuse, Vosges, Marne se succèdent à un rythme effréné jusqu'au grand départ de novembre vers l'Italie.

Parfois les déplacements sont difficilement compréhensibles, comme cet aller-retour italien : étape Lonato-Cedegolo le 8 novembre 1917, poursuite vers Edolo le 9  et retour immédiat à Lonato (prévu le 13, mais reculé au 17 à cause d’un éboulement sur la voie), soit 240 km initialement prévus en 5 jours (et finalement réalisés en 9).

Si l’on ajoute tous les déplacements en 4 ans de conflits, d’après mes estimations, cela représente 13 037 km (hors les 5 mois de formation, les marches de manœuvres qui ne sont pas détaillées et les permissions dont je n’ai pas retrouvé les traces), soit environ 280 km par mois. L'étape la plus longue a lieu lors du retour d'Italie : de la Vénétie jusque dans la Somme, ce sont près de 1 400 km qui sont effectués en trois jours (par train principalement, terminés par une marche pénible sous la pluie et sur des routes défoncées).

Voici ce que cela donne sur une carte :



Bref, en 4 ans de guerre, Jean-François en a fait du chemin !


samedi 3 novembre 2018

#ChallengAZ : C comme costume alpin

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L’uniforme (appelé tenue chez les chasseurs) des Alpins comprend :
  • La « tarte » avec son insigne d'arme. C’est un béret, c'est-à-dire coiffure souple en laine tricotée et feutrée, circulaire et plate, généralement garnie d'une couronne intérieure en cuir, d’origine béarnaise. Il est adopté comme coiffe des chasseurs en 1891. La tarte devient vite l'emblème des chasseurs alpins : suffisamment grande pour protéger du froid lors des longues gardes en montagne (« Il faut pouvoir y glisser les deux pieds quand il fait froid au cantonnement. » selon le cahier des charges), elle protège aussi du soleil. Lors de la Première Guerre mondiale, les chasseurs abandonnent même le casque réglementaire pour porter leur tarte emblématique durant les combats. Selon certains, la tarte pouvait aussi être remplie de chiffons afin protéger les chasseurs des chutes de pierres.
  • La vareuse dolman bleue foncé et à boutons argentés. Son col est frappé du cor et du numéro de bataillon surmonté de pattes losangées ornées de deux soutaches (galon étroit et plat, à deux côtes).
  • Selon les époques, une taillole (ceinture de laine bleue entourée autour de la taille, mesurant 4,20 mètres de long) ou un ceinturon de cuir.
  • Un pantalon gris de fer avec, plus tard, un passepoil (liseré) jonquille sur la couture du pantalon.
  • Des bandes molletières, en drap gris bleu, autorisées en janvier 1895, mais déjà portées depuis longtemps en manœuvre.
  • De solides brodequins à semelle débordante et à clous adaptés aux manœuvres montagnardes; sur la semelle est gravée la lettre d’identification de la compagnie.
  • Une ample pèlerine à capuchon qui permet de s’envelopper dans le bivouac.
  • Un sac, modèle 1882, d’une capacité de 25 kg de chargement.
  • Un bâton en merisier également ferré, appelé alpenstock : c’est une canne se terminant par un fer de section carrée, initialement fourchue et permettant d’y appuyer l’arme pour faciliter le tir, puis simplement à bec recourbé.
  • Un piolet, une corde et des raquettes à neige.
  • L’insigne distinctif des chasseurs est le cor de chasse. Il est porté sur la tarte, les pattes d’épaules et les insignes de bataillons. Il est hérité de l’infanterie légère du Premier Empire.




Costume soldat du 13ème BCA © militaria-medailles.fr

Il existe de légères différences selon les bataillons. Ainsi la fourragère du 23ème BCA est aux couleurs de la croix de guerre de 14-18.