« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 3 juin 2019

Calendes

Une fois n'est pas coutume, je vous présente aujourd’hui un petit outil que je trouve fort pratique. Il s’appelle « Calendes » et il permet de retrouver n’importe quel jour de la semaine, saint du jour ou fête religieuse à n’importe quelle date. Utile quand on se promène dans les méandres du temps comme nous le faisons, nous autres généalogistes.

Voici un exemple : je recherche depuis des années l’acte de décès de mon (arrière) mémé Berthe et enfin le Graal ! Le voici sous mes yeux. Mais le curé est facétieux et n’a pas souhaité me faciliter les choses : l’acte est daté de « l’Annonciation de l’an de grâce 1682 ». Et bien cela me fait une belle jambe ça !

J’ouvre aussitôt « calendes » et fait dérouler le calendrier jusqu’à trouver l’année correspondante : et hop ! en un clic je vois que l’Annonciation de l’an de grâce 1682 tombait le 25 mars. Je peux ainsi rentrer la date complète du décès de mémé Berthe dans mon logiciel de généalogie (parce que « Annonciation de l’an de grâce 1682 » il n’aimait pas trop en fait…).


Ça marche avec Pâques, fête mobile s’il en est, le solstice d’été ou encore le calendrier de l’Avent (pour les fans…), etc...

Dans l'exemple ci-dessous, j’ai affiché 1682 (et n’importe quel mois) : sur la partir droite de l’écran sont affichées toutes les grandes fêtes de l’année (on remarque que je n’ai coché ici que le fêtes chrétiennes) : ainsi pas besoin de dérouler tous les mois si on veut savoir quand tombait le début du carême cette année-là.



On peut choisir d’afficher les saints – ou pas.




Évidemment le calendrier républicain est disponible (en cliquant sur « correspondances entre calendriers » en haut à gauche), ainsi d’autres, plus exotiques : romain, éthiopien ou… pataphysique !




Et si l’astronomie vous passionne, ça marche aussi avec les levers de soleils ou les quartiers de lunes !




Si vos ancêtres viennent d’horizons lointains ou de religions différentes, on peut cliquer sur le calendrier juif, musulman ou orthodoxe.

Au fait ! J’ai failli oublier :
  • C’est gratuit (et ça c’est une bonne nouvelle)
  • Pour télécharger cliquez ici et choisissez Calendes ! 


En espérant que cet outil vous sera aussi utile qu'à moi...




    dimanche 26 mai 2019

    La mère de la mère de... ma mère


    samedi 18 mai 2019

    #RDVAncestral : A l'école !

    En arrivant à Cocherel (petite bourgade de Seine et Marne actuelle), je demandais mon chemin pour me rendre chez les Bachelier – mes ancêtres à la XIIème génération. Presque à chaque fois on me regardait d’un air bizarre, on chuchotait une fois que j’avais le dos tourné, sans parler du couple qui refusa carrément de me répondre ! Je me demandais bien ce qu’il se passait : qu’avaient fait mes ancêtres pour subir cet opprobre de la part de leur communauté ? Finalement j’arrivais enfin à trouver leur maison et j’y fus accueillie à bras ouverts. Cela me changeait de l’atmosphère pesante qui avait accompagnée mon entrée dans le bourg.

    Après les salutations et diverses politesses d’usages, j’osais raconter mon arrivée et l’accueil plutôt froid, pour ne pas dire hostile, que j’avais reçu dès lors que je prononçais leur nom.
    - C’est à cause de moi ! répondit une petite voix tranquille.
    Je me penchais de l’autre côté de la table pour apercevoir son auteur : une petite fille haute comme trois pommes, qui jouait silencieusement avec une poupée de chiffon.
    - Mais non, ma chérie : ce n’est pas ta faute, rassura la voix chaude de sa mère Jeanne.

    Ma surprise devait se lire sur mon visage. Pierre et Jeanne échangèrent un regard puis Pierre prit la parole :
    - Nous avons décidé d’instruire notre fille, de lui faire apprendre ses lettres et un peu les chiffres. Nous pensons que le savoir c’est important.
    - Et pas que pour les garçons, appuya Jeanne.
    - Et c’est là l’origine du problème ?
    - Beaucoup ne partagent pas notre point de vue : ils disent que la seule chose que les filles doivent savoir c’est tenir leur ménage et satisfaire leur mari. Même le curé y a fait allusion lors d’un prêche à l’église. Désormais, même ceux qui nous soutenaient auparavant n’osent plus le faire ouvertement.
    - Ah ! Je comprends mieux maintenant…


    Alphabet méthodique © crdp-strasbourg.fr

    Jeanne enchaîna tristement :
    - Apprendre aux filles c’est apprendre au diable. Seule l’éducation religieuse est permise. De toute façon elles sont sottes et n’y comprendraient rien. C’est ça qu’on nous dit. Et encore, des fois c’est pire : si elles sont savantes elles deviennent vaines, voire lascives et dangereuses !
    Jeanne regarda sa petite fille qui, dans l’innocence de sa jeunesse, n’avait rien de tout cela.
    - Les filles passent de la domination du père à celui du mari. Ou alors  c’est le couvent ! Pas d’autre alternative possible, confirma Pierre.
    - Moi je ne veux pas de cela pour ma fille : je veux qu’elle soit instruite et qu’elle trouve un mari qui l’appréciera pour cela aussi. Et pas juste une servante pour s’occuper des gosses et balayer sa cuisine.
    L’intention était louable, mais l’époque ne s’y prêtait guère. Rencontrer une féministe au XVIIème siècle était déjà curieux, mais un féministe encore plus ! Parce que bien sûr, rien ne pouvait se faire sans la volonté du mari. Et de toute évidence, celui-ci était tout acquis à cette cause ; ce qui me fit bien plaisir moi qui, tous les jours ou presque, assistais au lent grignotage des droits des femmes un peu partout dans le monde.

    - Mais alors, qu’allez-vous faire ?
    - Nous cherchons un cours paroissial qui voudrait l’accepter parce que, bien sûr, le curé de notre paroisse de veut pas en entendre parler. Peut-être à Vendrest, d’où je suis originaire et où ma famille est connue et respectée.
    - J’espère qu’ils l’accepteront car cela fait déjà une heure de marche pour y aller, plus encore pour Anne et ses petites jambes. Parce qu’on ne pourra pas l’accompagner : il y a trop de besogne ici. Elle devra y aller seule, souligna Jeanne.
    - En attendant, nous avons commencé à l’éduquer nous-mêmes, reprit Jeanne dans un souffle, surveillant la porte au cas où une oreille indiscrète passerait par là.
    - Je suis moi-même un peu instruit : oh ! pas un savant hein ? Mais je sais mes lettres, alors je me sers des citations de la bible utilisées lors des offices par le curé, comme ça on ne peut rien me reprocher ! expliqua Pierre.
    Un petit air de défi éclairait son visage.

    J’admirais ces parents qui, seuls, contre tous, voulaient absolument éduquer leur fille. Quitte à prendre des risques, à être mis à l’écart de leur communauté. Combien de siècles avaient-ils d’avance ? Au XVIIème siècle près de 90% des femmes étaient illettrées. Et encore, dans les 10% restant il y avait surtout des citadines bien nées et vivant déjà dans un milieu sinon cultivé au moins instruit.
    Je ne sais pas s’ils trouvèrent enfin une école pour accueillir et éduquer leur fille, mais une chose est sûre : à 18 ans, lors de son mariage, elle savait parfaitement signer son nom et peut-être bien plus encore...

    Signature Anne Bachelier, Cocherel, 1673 © AD77

    On est alors en 1673. C’est la plus ancienne signature féminine de mon arbre.