« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 5 novembre 2019

#ChallengeAZ : D comme désaccord

Si Jean Avalon passe souvent chez le notaire pour acheter ou vendre des biens (400 fois au total, rappelons-le), on le trouve mentionné aussi lors de mises en demeure ou procès. Bref, quand on ne peut pas régler l’affaire à l’amiable, on passe à la vitesse supérieure !

Dans son inventaire après décès on recense ainsi plusieurs « liasses de procès » (26 pièces au total, malheureusement le notaire n’a pas jugé bon d’en décrire le contenu…), des « mises en instance », « appointements de condamnations », etc...*


Sacs à procès © AD31

Par exemple, en 1694, on trouve une mise en instance de Jean Avalon contre Marguerite Boissière et son époux Jean Burguiere, demandant la condamnation des héritiers de Jean Rayrolles parastre (beau-père) de ladite Boissière en raison des impayés dudit feu Rayrolles : Jean Avalon avait fait un « prêt d'argent, viande de boucherie denrées, pain, vin et autres choses » équivalent à un total de 340 livres (soit près de 6 500 euros).

A l’inverse, en 1679 c’est une protestation* à l’encontre de Jean Avalon portée par le second consul de la ville, Bernard Brunet, pour taille non payée : après un dernier délai accordé, et une taille toujours non payée, un chaudron est confisqué au boucher pour être vendu en place publique (j'ai raconté cette histoire ici).

Dans ses disputes « notario-judiciaires », le marchand boucher n’hésite pas à faire face aux consuls de la ville ou bien… aux membres de sa famille ! En effet, dans ses papiers, figure par exemple un appointement de condamnation de Jean Avalon contre Meyric Pervenquières (1694). Et ce dernier n’est autre que son beau-frère  (le frère de feue sa première épouse Jeanne, très exactement).

Ou encore à mes propres ancêtres : Pierre Mayrinhac (sosa 2148, génération XII) figure parmi les condamnés !

On notera au passage que l’épouse de Jean Avalon, Bonne Noël, n’hésite pas elle aussi à faire valoir ses droits : à plusieurs reprises les appointements de condamnation sont en sa faveur.

Les sommes en jeu ne sont pas toujours des tas d’or : l’un des appointement de condamnation est de 6 livres seulement (un peu moins de 130 euros). Mais on n’hésite pas à lancer une procédure tout de même.


* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie de ce blog pour le découvrir !


lundi 4 novembre 2019

#ChallengeAZ : C comme comte

Entraygues, autrefois vicomté, a été achetée par les comtes de Rodez au XIIIème siècle. Ceux-ci font construire un château, puis des remparts pour fortifier la ville qui se trouve aux confluents des routes d’Auvergne et du Lot. Au gré des guerres, le comté changera plusieurs fois de mains.

A l’époque de « notre » Jean Avalon, c’est le comte Henri II de Montvallat et son épouse la comtesse Blanche de Castrevielle qui règnent sur la ville. Le couple se marie en 1668 à Jaujac, fief d’où est native la future comtesse, situé à 200 km à l’Est (en Ardèche actuelle). 

La maison de Montvallat est originaire d’Auvergne. Le grand-père d’Henri II épousa une dame d’Entraygues et c’est ainsi qu’ils arrivèrent en Rouergue.

Les Castervielle (ou Castrevielhe, Castervieille, Chastrevieille) « sont venus, on ne sait en quelle circonstance, mais très anciennement, au château de Castrevieille. Ce château est situé à l’entrée du bourg de Jaujac. […] Après sept générations, la maison tomba en quenouille (sic), en la personne de Blanche de Castrevieille, héritière de tous les biens de sa famille [Castrevieille, Jaujac, Rocles, Saint Pierre de Malet, etc…] dont le fils, François Gaston, vendit tous ses biens du Vivarais ».*

Ils auront huit enfants, dont seul l’aîné semble naître à Jaujac. Après cela la famille s’installe vraisemblablement à Entraygues, s’enracinant dans le comté. Henri de Montvallat acquiert, en 1685, la seigneurie de Montpezat (Ardèche, à une quinzaine de kilomètres de Jaujac), étendant ainsi le domaine. Il était aussi capitaine-lieutenant de la compagnie des Chevaux-Légers de Monseigneur le Duc d'Orléans (en 1656) et portait le titre de seigneur de divers lieux, en plus du comté d’Entraygues : Neuve-Église (aujourd’hui La Chapelle Neuve Église en Aveyron), Cornette, Unies, Montpezat et Castrevielle.

Henri décède en 1690 et son fils François Gaston lui succède en tant que comte. La comtesse douairière survit quelques années à son défunt époux : elle meurt en 1703.

Le nouveau comte d’Entraygues, François Gaston porte également les titres de seigneur de Montpezat et Castreveille (jusqu’à la vente de ce dernier tout au moins). Il fut page du roi dans la grande écurie avec son frère puîné Hyacinthe en 1685. Il servit ensuite chez les mousquetaires. Il porta successivement les titre d’enseigne, sous-lieutenant, lieutenant puis enfin capitaine dans le régiment des gardes françaises en 1700. Il quitta le service en 1704 (suite au décès de sa mère et de la vacance du comté ?). Entre temps il s’était marié en 1700 avec Marguerite de Pleure (en la paroisse de St Jean de Grève à Paris), fille d’un chevalier et seigneur de Romilly et divers autres lieux.

Dans les archives notariales concernant Jean Avalon, on voit régulièrement apparaître la Dame comtesse, en particulier après le décès de son époux. Je n’y ai pas rencontré son fils, qui devait alors se trouver en région parisienne.

Le château comtal est situé à l’extrémité de la ville, à la confluence des deux rivières qui entourent la cité (le Lot et la Truyère). La bâtisse médiévale fut pillée et dévastée en 1587, puis reconstruite par le grand-père d’Henri II de Montvallat. Des vestiges du XIIIème siècle il ne reste que la cage d'escalier, la salle voûtée gauche du rez-de-chaussée et les deux tours carrées. Le corps de logis a été édifié au XVIIème siècle. Il restera dans la famille de Montvallat jusqu’à la Révolution où il fut vendu comme bien national. Par la suite il changea plusieurs fois de propriétaire. Il appartient aujourd’hui à une communauté religieuse qui y a fondé une école.


 Château d'Entraygues aujourd'hui © Wikipédia

* (source : Revue historique, archéologique, littéraire et pittoresque du Vivarais illustrée)


samedi 2 novembre 2019

#ChallenAZ : B comme boucher

Jean Avalon est dit boucher et, plus souvent encore, marchand boucher. Le boucher était autrefois le marchand qui vendait principalement de la viande de bœuf ou de mouton.

Boucher © Wikipedia

En 1678 Jean afferme une boucherie, pour une durée de deux ans et un loyer de 2 livres par an. La boutique est située « dans la place publique de ladite ville » (il s’agit sans doute de la place Mage – aujourd’hui A. Castanié – la place principale de la forteresse). Ce n’est pas son seul établissement puisqu’il dispose aussi d’une petite boucherie située rue Droite près du portail de la ville. Cette dernière est sans doute celle dont il a hérité de son père.

D’après son inventaire après décès, elle comprenait des balances et leurs poids, des couteaux de boucherie, un grand quartier et un petit de viande de « pourceau » (lard ? jambon séché ?), un pressoir pour le suif, un coffre, un tour de fer à tourner la broche, etc…

On a vu dans la lettre A que Jean avait remporté le marché de fourniture de viande, avec son frère, auprès des consuls de la ville. Par contrat, ils sont tenus de « fournir ladite ville et habitants dicelle de la viande necessaire pour la subsistance diceux. […] A condition neanmoins quils soient surs quils puissent debiter et tenir boucherie dans ladite ville et fauxbourg dicelle sur le prix quils seront convenus [les] dites parties. » La viande vendue doit être de la viande de bœuf ou de veau et les prix en sont fixés à l’avance, de façon fort précise (15 deniers la livre de Pâques à la St Michel puis 1 sol la livre de la St Michel jusqu’au carême suivant). « La chair de motton », de veau de lait, de pourceau et de brebis sont réglementées de la même façon. Le contrat est signé pour une durée d’un an, commençant à partir de Pâques 1679. J’ignore s’il a été renouvelé ou non.

A travers les documents notariés, on voit régulièrement Jean vendre ou acheter des animaux :
- 2 vaches poil rouge l'une avec son suivant mâle et l'autre pleine, d'environ 6 et 4 ans (1680).
- une paire de bœufs de 3 ans (1693, 1694).
- une vache à poil rouge de 5 ans avec son suivant femelle de 3 semaines aussi poil rouge (1695).
- une paire de taureaux (1695).
Ces animaux sont sans doute destinés à son commerce. Plus rare, en 1695 il achète un cheval poil gris âgé de 3 ans. Je ne sais pas si à cette époque on mangeait de la viande de cheval, mais Jean possède aussi beaucoup de terre, qu’il faut travailler : le cheval est peut-être réservé à cet usage ?

On le voit aussi faire crédit à ses clients (devant notaire bien sûr), comme en 1694 où il fait crédit « pour viande de boucherie, pain et argent » pour une somme de 80 livres. Ses clients sont parfois prestigieux : la comtesse d’Entraygues elle-même lui doit 8 livres 16 sols « pour la viande de boucherie prise à la boutique ».

Grâce à ces documents notariés, nous avons un aperçu du quotidien d’un boucher au XVIIème siècle.


vendredi 1 novembre 2019

#ChallengeAZ : A comme Avalon

Jean Avalon est né sans doute au début des années 1640 (mais comme il n’y a pas de registre antérieur à 1662 dans sa ville d'Entraygues je n’en sais pas plus) de Guillaume Avalon et Izabeau Bosque. Ceux-ci demeurent rue Droite à Entraygues (la rue principale de la ville). Le père est boucher. Le couple aura deux autres enfants : Gabrielle et Louis.

Jean se marie une première fois avec Jeanne Pervenquieres. La date n’est pas connue, disons dans les années 1660. Des trois enfants de leur union (nés en 1669, 1672 et … ?), Eymeric et Anne sont décédés en bas âge; le sort de leur sœur Gabrielle reste incertain (décès pas trouvé mais elle n'est pas mentionnée dans le testament de son père en 1700).

En 1669 Jean achète une maison sise rue Esquerre (aujourd'hui rue du Collège), composée de deux étages et un « chay » (cave) ; elle est couverte de tuiles. Son prix est de 160 livres, payés en pistoles d’Espagne, louis d’or et d’argent (payable en plusieurs fois).

Le père de Jean est décédé avant 1669 et sa mère en 1670. Il reprend alors probablement la boucherie familiale avec son frère, lui aussi boucher (ensemble ils obtiennent le marché de la fourniture de la viande pour la cité d’Entraygues, contrat passé auprès des consuls de la ville pour l’année 1679, par exemple).

Le décès de Jeanne Pervenquières, épouse Avalon, se situe entre 1672 (naissance de sa fille Gabrielle) et 1675 ou début 1676. En juin 1676 en effet Jean fait rédiger un contrat de mariage pour lui-même et une dénommée Bonne Noël. Elle est aussi originaire d’Entraygues. Son père, Bernard, est déjà décédé, mais sa mère Bonne Soulié est encore vivante. Ce couple a eu 11 enfants, dont deux prénommées Bonne, deux Suzanne et un Durand.

J’espère que vous suivez toujours.

Le mariage de Jean Avalon et Bonne Noël doit probablement suivre de peu le contrat de mariage, mais là encore des lacunes m’ont empêché de le trouver. Ils auront eux aussi trois enfants (nés entre 1678 et peut-être 1687 ?) : Louis, Bonne l’Aînée et Bonne la Jeune. Mon ancêtre directe est Bonne l’Aînée.


 Arbre Jean Avalon via Généatique

Ce qui, au passage, nous fait 2 Gabrielle, 2 Louis, 2 Suzanne et 5 Bonne ! Une belle pelote à démêler…

La maison de la rue l’Esquerre est revendue en 1679, au prix de 253 livres, faisant là une belle opération immobilière.

L’épouse de Jean, Bonne Noël, décède le 28 janvier 1700, ab intestat, c'est-à-dire sans avoir eu le temps de faire un testament. Ce que ne fera pas Jean – et c’est pour cela que nous sommes là ! – faisant rédiger son testament le 27 décembre 1700. Il est alors « alite de certaine maladie corporelle [mais] toute fois en son bon sens entendement et parfaite mémoire ». Cependant « de laquelle maladie il croit mourir et afin quapres son deces il ny ait discussion parmy ses enfants bas nommes et autres ses heritiers » il a fait part de ses dernières volontés. Comme on l'a vu plus haut sa fille aînée Gabrielle n’y est pas mentionnée, ce qui peut laisser supposer qu’elle est déjà décédée, même si l’acte n’a pas été trouvé. Il ne resterait donc plus aucun des trois enfants de son premier lit.

Il donne a chacun de ses trois enfants du second lit 4 000 livres, « payables audit louys et bonne plus jeune la moity en biens fonciers [ ?] et lautre moytie en obligations quand ils marieront ou auront ateint laage de vingt cinq ans ». Louis et Bonne la jeune devront être logés et nourris jusqu'à ce qu'ils aient 25 ans ou qu'ils se marient. En échange ils devront participer aux travaux de la maison. Il « institue son heritier general universel le sieur simon mommaton son beau fils » (l’époux de Bonne l’Aînée).

Et finalement il aura bien fait de rédiger son testament car il décède 13 jour plus tard, le 9 janvier 1701. Il a probablement 60 ans ou environ. Son acte de décès est le seul document type BMS (baptême/mariage/sépulture : les « 3 actes de la vie ») que j’ai retrouvé le concernant directement. Un seul acte.

A la demande de Simon Mommaton, l’héritier désigné, un inventaire des biens laissés par le couple défunt est souhaité ; ce qui sera fait du 3 au 12 février 1701. Un conseil de famille a suivi début avril (pas trouvé), sans doute pour évoquer la situation des deux enfants orphelins mineurs. Puis finalement un partage des biens, qui a lieu le 20 avril 1701.

Et c’est à partir de ces trois documents (testament, inventaire et partage) que j’ai découvert… un total de 400 actes notariés concernant Jean Avalon !