« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 29 novembre 2019

#ChallengeAZ : Y comme y a encore des questions

Bien sûr il reste beaucoup de questions en suspend… que même 400 documents n’ont pas réussi à résoudre.

  • La première est : pourquoi ? Mais pourquoi tous ces documents pour un simple marchand boucher ?

  • La deuxième : est-ce que les documents que je n’ai pas (encore) trouvés permettraient de répondre à toutes ces questions ?
                   
  • La troisième : est-ce que Jean apparaît encore de nombreuses fois dans les fonds que je n’ai pas dépouillés systématiquement ? J’en ai trouvé une petite vingtaine au hasard de mes recherches mais je n’ai pas fait de fouille méthodique par peur d’être noyée sous la masse. Peut-être que je reprendrai ça, à petite dose, quand je me serai désintoxiquée.

Questions © depositphotos.com

Mais surtout, à travers ces archives, Jean apparaît comme un homme plein de contradictions. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler à travers les billets précédents, ainsi :
- Jean est un marchand influent, parfois élu consul de sa ville, traitant avec la bourgeoisie et même les comtes d’Entraygues, mais il ne sait pas écrire. Et il ne sait probablement pas lire, bien qu’il possédât des livres en français et en latin.
- Il s’est fait confisquer un chaudron pour non paiement de la taille par le consul Brunet, mais (pas rancunier) c’est à lui qu’il va confier la tutelle de ses enfants mineurs après son décès.
- Il manie beaucoup d’argent, notamment grâce aux documents notariés, aux maisons, boutiques et domaines possédés, mais il semble vivre chichement, son intérieur comme ses vêtements étant souvent qualifiés de vieillis ou d’usés.
- Il est parfois très patient dans le recouvrement de ses dettes (une quinzaine d’années par exemple), mais il n’hésite pas à faire un procès quand il a décidé de récupérer son dû.

Mais qui était cet homme ???


jeudi 28 novembre 2019

#ChallengeAZ : X comme x ou les oublis des notaires

Je ne veux pas jouer les enfants gâtées, mais parmi les 400 actes de Jean Avalon il y quand même quelques oublis ou lacunes fâcheuses.

Bon je ne parle pas de fonds entiers qui ne sont pas en ligne (mais qui le seront peut-être un jour puisque « seuls » 12 000 registres ont été numérisées alors que la collection départementale en compte plus de 30 000)… Même si pour le moment cela me prive de plusieurs centaines de documents. Il y a aussi quelques années manquantes dans certains fonds en ligne et ce sont plusieurs tranches de vie qui avaient l’air importantes qui se sont évanouies… ce qui m’a bien fait rager ; mais ainsi va la généalogie.

"Je crois que j'ai oublié quelque chose..."

Le notaire responsable de l’inventaire après décès, Me Salvetat, qui a mis plusieurs jours à tout recenser, a laissé passer quelques informations dans sa minutieuse liste : ainsi plusieurs pièces n’ont pas de date, ou bien le nom du notaire a été oublié. Difficile de chercher un document sans date et sans notaire, surtout quand on sait que le fonds notarial de la ville d’Entraygues contient 213 références, allant de un seul à une trentaine de folio (c'est-à-dire de 5 à 40-45 vues en moyenne) juste pour la période qui m’intéresse  (plus de 2 200 pour la totalité du fonds en ligne sur cette ville) ! De temps à autre la pièce n’a pas de résumé ou pas de somme, ce qui brouille ma vue d’ensemble.

Parfois il y a bien ces renseignements, mais je ne trouve pas le document à la date donnée (ni un peu après ou un peu avant, des fois qu’il y aurait eu quelques mélanges).

Une cinquantaine de pièces n’apparaissent pas dans l’inventaire, mais sont citées dans le partage qui a suivi quelques mois plus tard : je ne comprends pas cet oubli (ou cette apparition miraculeuse).

J’aurai aussi bien aimé que Jean garde des documents d’autant précieux pour moi que les registres BMS de son époque sont en grande partie lacunaires : je pense à ses contrats de mariage par exemple, le testament de sa première épouse (si elle en a fait un), les documents similaires concernant ses enfants… Bref, tout un pan de sa vie qui m’échappe. Et ce, malgré 400 actes !


mercredi 27 novembre 2019

#ChallengeAZ : W comme waouh la jolie vaisselle

Dans l’inventaire de Jean Avalon, on trouve un certain nombre de pièces de vaisselle. Là aussi elles illustrent le paradoxe de cet homme, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. 

Ainsi on recense de la vaisselle destinée à des personnes plutôt aisées :
- 2 aiguières en étain
- 14 assiettes dont 4 en étain
- 14 écuelles, dont 12 en étain
- 6 gobelets en étain
- des plats et pots en étain
- 1 étui de noix de muscade
- 1 salière
- 1 petit mortier à piler le sel et autres

Mais on compte aussi :
- 1 vieille bouteille
- 1 courge à tenir le vin
- 1 cuillère de fer
- 3 fourchettes de fer
- un vieux poêlon en fer et trois autres petits aussi en fer, usés
- 1 petite pelle en fer pour la poêle 
- des pots en fer
- 2 seaux de bois cerclés de fer
- 1 méchant et vieux soufflet pour le feu  
- 1 grande pierre à tenir l'huile (jarre ?)

L’éclairage était assez succinct : une vieille lanterne en fer blanc, deux lampes, un chandelier en fer blanc et deux autres en laiton et, plus curieusement, une "petite lampe d’église".

W. Willem Claesz Heda, Nature morte (détail) © hiveminer.com

La vaisselle d’étain est caractéristique des tables bourgeoise du XVIIème siècle. Or Jean possède presque le service complet. Évidemment on n’a pas de détail : ces pièces étaient-elles sculptées par exemple ou toutes simples ? Par contre, elle ne semble pas être en mauvais état, ou cabossées, parce qu’on ne trouve pas la précision usées ou vieillies pour les décrire (comme c'est le cas pour ne nombreuses autres objets de la maison).
La salière était souvent un objet ostentatoire, même si dans le cas présent on ne peut pas l’affirmer par manque de description de l’objet.
Par contre l’étui de noix de muscade est beaucoup plus rare : en effet les épices restent longtemps un produit de luxe et le fait que Jean en possède un « étui » peut laisser supposer qu’il en consomme régulièrement. Était-ce pour lui-même ou pour assaisonner les produits de boucherie ? L’histoire ne le dit pas.

Mais par ailleurs cela ne l’empêche pas d’avoir de la vaisselle en fer (moins chic) et surtout des pièces dites méchantes, usées ou vieilles.



mardi 26 novembre 2019

#ChallengeAZ : V comme vétilleux

Jean Avalon était vétilleux. C'est-à-dire minutieux ascendant procédurier si vous préférez. 

Car s’il n’hésitait pas à faire crédit à ses clients (cf. lettre B), le crédit n’est pas illimité. Ainsi, en 1694, il intente un procès aux héritiers d’un de ses débiteurs à présent décédé, à qui il a prêté « argent, viande de boucherie denrées, pain, vin et autres choses baillés en diverses fois [en 1692 et 1693] pour subvenir aux grandes et urgentes nécessités de la famille a cause du rigoureux temps ». Rappelons que cette époque est le temps des grands froids, des hivers rigoureux et des famines qui s’en suivent. Mais un sou est un sou : et hop, un procès !

Dans son inventaire il se trouve deux « liasses de procès » montrant que Jean a intenté des actions en justice à l’encontre des membres de la bonne société de sa ville d’Entraygues (un avocat par exemple). Il n’y a malheureusement aucun détail sur ces documents : ni date, ni cause, ni somme en jeu (si tel était le cas). On sait seulement que la première liasse contenait 8 pièces, la seconde 19.

Justice © freepik.com

On dénombre également une dizaine d’appointements de condamnation* en faveur de Jean, ou de son épouse, contre diverses personnes de la ville, dont des membres plus ou moins éloignés de sa famille (ou de la mienne !). Pour certaines les procédures sont faites contre les héritiers, les créanciers d’origine étant décédés sans avoir acquitté leurs dettes. Je n’ai hélas pas de détails sur ces affaires : elles sont simplement recensées comme les autres documents conservés par Jean.  Il faudrait que je déménage à Rodez pour aller explorer les séries judiciaires (séries B pour l’Ancien Régime, L pour la Révolution et U pour par la période post-révolutionnaire) afin d’en savoir davantage. Par contre les montants sont généralement indiqués : cela va de 4 livres, pour la plus petite somme due, à un ensemble de pièces qui s’élève à 599 livres à devoir « en argent ou blé ».

Cependant Jean pouvait aussi être visiblement très oublieux de la loi car parmi ses 400 actes, un document le met en cause, lui : c’est la protestation** en 1679. Le consul de la ville proteste contre le non paiement de la taille par Jean Avalon (épisode que j'ai raconté dans l'article A vendre !).

Procédurier comme il l’était, les archives judiciaires ont peut-être gardé d’autres affaires le condamnant lui… mais qui n’apparaissent pas dans son inventaire (et on peut le comprendre). Alors, voyons-nous un seul côté de la médaille ou Jean était-il simplement désireux de récupérer ce qui lui était dû, quitte à en passer par la justice s’il le fallait (ce qui peut être légitime) ?


* Appointement : Jugement qui met fin à un procès.
** Protestation : Déclaration formelle, juridique (devant notaire par exemple), par laquelle on s'élève contre quelque chose qu'on refuse d'accepter.


lundi 25 novembre 2019

#ChallengeAZ : U comme unique

Certains actes sont uniques… par :
  •  le type : on a vu hier à la lettre T que 64 actes sur les 400 trouvés n’apparaissent qu’une seule fois. Cela va d’une rétrocession à un cadastre ou une protestation à « un gros paquet ou liasse de papiers inutiles » (sic).
  • le plus long : celui qui bat tous les records c’est l’inventaire après décès : 64 pages, battant de loin le partage des biens (« seulement » 29 pages) et je ne parle même pas du testament (3 pages).
  • le plus court ne fait qu’une seule page : c’est l’affermage par Pierre Mommaton « d’une sienne boutique située dans la place publique » à Jean Avalon en 1678 pour une durée de deux ans et un montant de quatre livres.
  • le mois : juin 1694, Jean Avalon va huit fois chez le notaire (deux fois le dimanche 6 juin, une le 9, une le 10, une le 15, une le 21 et à nouveau 2 fois le dimanche 27).
  • la comtesse : Blanche de Castrevielhe, épouse De Montvallat, comtesse d’Entraygues et d’autres lieux signe un acte pour mon boucher (elle en signe plusieurs en fait, mais comme c’est la comtesse, elle est unique).
  • la ruche : la signature la plus joliment tournée, avec ruche à la clé, est celle de Me Carrie.
Signature de Me Carrie, obligation de Jean Avalon, 1694 © AD12
  • le fantôme : Jean Avalon, concerné par tant d’actes, est le fantôme de cette sélection car il ne sait pas signer. Jamais je ne le vois…

Enfin, Jean Avalon lui-même est unique ! car compter 400 actes à son actif c’est unique (en tout cas en ce qui me concerne). Unique est ce nombre de transcriptions que j’ai fait pour lui. Mais multiple est le nombre de tableaux que j’ai dû réaliser pour m’y retrouver (classement par dates, par notaires, par types d’actes, par ceux trouvés, ceux qui ne sont pas en ligne, etc…) !


samedi 23 novembre 2019

#ChallengeAZ : T comme types d'actes

A partir des trois actes que sont le testament, l’inventaire après décès et le partage des biens de Jean Avalon, j’ai donc découvert 400 actes. Ils sont très variés : j’en dénombre plus d’une centaine de types différents. Parmi eux 64 ne se retrouvent qu’une seule fois et 18 de plus en deux exemplaires. Certains sont dits « extraits de … » (de vente, de cession, etc…) : est-ce une expression ou est-ce que Jean Avalon ne possédait pas le document en entier ?

Les documents les plus nombreux sont les obligations : 204 au total. Certaines portent une précision type « brassade de bois » ou « pipe de vin », mais cela reste assez rare hormis pour le « chaptail » plus souvent nommé.

« Obligations » de Jean Avalon

Les ventes représentent 35 documents et, en général, on sait de quoi il retourne car le bien vendu est presque toujours précisé (maison, vigne, terre, etc…).

« Ventes » de Jean Avalon

7 documents font référence à des contrats de mariage, 8 à des quittances ou 11 à des liasses de procès et des appointements de condamnation (voir lettre V). Plus rare, on mentionne le cadastre d’Entraygues (rappelons que nous sommes à la fin du XVIIème siècle : Napoléon et son célèbre cadastre n'est pas encore passé par là) ou le « rolle des aumônes » : Jean y apparaît comme donateur, pour deux quarts de seigle ; il ne signe pas (comme d’habitude).



* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie de ce blog pour le découvrir !


vendredi 22 novembre 2019

#ChallengeAZ : S comme somme

Sur les 400 actes retrouvés concernant Jean Avalon, 63 n’ont pas de somme connue - dans l'état actuel de mes recherches. 25 sont exprimés en natures (bois, blé, vin, etc…), ce que je ne sais traduire en valeur pécuniaire.

Pour ceux que j’ai pu dénicher, la plupart se situe sous les 50 livres (156 actes), un gros tiers entre 100 et 300 livres et près d’une quinzaine au-delà.

En dessous de 50 livres ces sommes correspondent à la vente/l’achat d’animaux, de terres, de legs aux prêtres obituaires de la ville, de « marchandises prises dans la boutique », etc… Ces informations proviennent essentiellement de l’inventaire réalisé après le décès de Jean Avalon et je n’ai trouvé que peu de ces documents d’origine dans les fonds en ligne. Pour beaucoup j’ignore même quel est la raison de la dette/créance.

Au-delà de 100 livres on retrouve la trilogie terres/animaux/viande de boucherie.

La moyenne des sommes connues est de 78 livres (1 415 euros).


Montants des actes concernant Jean Avalon

Parmi ces 400 actes notariés, la plus petite somme connue due à Jean Avalon est de 3 livres, dette contractée par Gaspard Marc pour de la viande « puisée dans la boutique dudit Avalon ». Le notaire et la date ne sont pas connus (c’est un acte « de seconde main » ; pour en savoir plus sur ce point voir la lettre L). Ce qui équivaut à un peu moins de 55 euros.

En ce qui concerne les montant les plus élevés on distingue une dette de 500 livres, d’une part, qui est en fait un agglomérat de dettes dues à l’origine par Benoît Comby, paysan d’une paroisse voisine, et de plusieurs membre de sa famille (père, épouse, oncle). Cette dette est passée de main en main par « transport » depuis le contrat de mariage de Comby fils en 1664 jusqu’à finir par échoir à Jean Avalon en 1693.

Et, d’autre part, un extrait de vente de Pierre Gineston à Jean Avalon, pour une valeur de 750 livres, datée de 1689. Malheureusement l’acte en question n’a pas été trouvé, j’ignore donc ce que mon ancêtre a acheté à son lointain cousin (bien sûr : voyez la lettre G), avocat et digne représentant de la haute société d’Entraygues ; je sais juste que cela concerne « un chay » mais l’acte d’origine recelait sans doute davantage de détails sur cette vente.



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