« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 25 février 2022

#52Ancestors - 8 - Claude Louis Macréau

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 8 : Les actes de ventes/d'achats/d'échanges de terre


Le deux frimaire l’an IV de l’ère républicaine (le 23 novembre 1795) Denis Nicaise et Claude Macréau, accompagnés de leurs épouses respectives, se réunissent dans l’étude de Me Pinart, notaire à Guérard (Seine et Marne) pour procéder à un échange de terres.

Monthérand de Guérard


Denis Nicaise (Jean Denis de ses prénoms de baptême) est né en 1763 à Guérard, d’une famille de vignerons installée au lieu-dit Montherand.

Guérard est la commune la plus citée de mon arbre après Villevêque (49), avec 568 occurrences. De ce fait, lorsque j’examine un acte il y a une chance pour que tous les protagonistes du document me soient plus ou moins apparentés.

C’est donc le cas de Denis, arrière-petit-neveu de mon ancêtre Claude Nicaise. Il a épousé en 1785 Marie Anne Roze Holeux (ou Hauleux). Celle-ci est la fille de Marie Madeleine Hochet (ma sosa 839) et de son troisième mari Nicolas Holeux.

 

L’autre couple est formé par Claude (Louis) Macréau et Marie Anne Roze Pochet mes sosas 208 et 209 (ancêtres à la 7ème génération). Dans l’échange Claude est nommé « Maqueriot ». On trouve aussi parfois l’orthographe Maquereau ou Macriot. Dans l’acte de mariage de son petit-fils il est d’ailleurs mentionné que lors de sa naissance "le nom patronymique de son père est orthographié à tort Maquereau au lieu de Macréau" (déclaration sous serment lors de son mariage). C'est pourquoi j'ai gardé l'orthographe "Macréau". Les Macréau sont aussi originaires de Guérard, d’autres lieux-dits nommés Le Charnoy pour les deux premières générations, puis Rouilly le Bas pour les deux suivantes. Claude, lui, demeure au Grand Lud (même commune). Claude Macréau est aussi vigneron. En 1795 il a alors 30 ans. 


Il s’est donc mis d’accord avec Denis Nicaise pour procéder à un échange de terres. De son côté Denis donne deux pièces de terre situées aux « Landy » (ou Les Landis) à Monthérand : la première mesure 10 perches. La perche est une ancienne mesure de longueur, valant un peu plus de 6 m, ou de superficie (le « carré » de « perche carré » étant alors sous entendu) valant un peu plus de 42 m² ; valeurs données à titre indicatif car elles dépendent beaucoup des époques et des régions. L’autre parcelle mesure 6 perches. Cela fait donc un total de 16 perches, soit environ 672 m².

Les parcelles sont précisément situées grâce à la méthode « Ancien Régime » : en nommant les propriétaires ou points remarquables voisins. Ainsi au levant de la parcelle (c'est-à-dire à l’est) il y a une parcelle appartenant aux héritiers Langlois, au couchant (à l’ouest) le sentier, au midi (au sud) une autre parcelle appartenant à Claude Macréau et au septentrion (au nord) une parcelle à Hubert Lhuillier. Difficile de situer exactement ces terres aujourd'hui, mais peut-être le cadastre napoléonien, rédigé 15 ans après l'échange, peut-il nous donner quelques pistes. Les états des sections ne sont pas en ligne, mais il se trouve que sur les feuilles de plans du cadastre de Guérard, les noms des propriétaires sont inscrits sur les parcelles ! Bon, le seul problème c’est que la définition de numérisation n’est pas assez haute pour lire correctement lesdits noms : il faut essayer de deviner !

Donc, on retrouve bien le lieu-dit Les Landis, le sentier et une parcelle appartenant à Claude Macréau. Peut-être que la parcelle de 10 perches donnée par Denis Nicaise se trouve au nord de cette parcelle appartenant à Claude Macréau. Le propriétaire identifié n’est pas Claude, mais ne perdons pas de vue que le cadastre a été rédigé 15 ans après l’échange : il s’est peut-être séparé de cette parcelle entre temps. Ou bien la parcelle que nous voyons est issue de la fusion entre celle donnée par Denis et l'ancienne parcelle voisine appartenant déjà à Claude.


Cadastre Les Landries © AD77

 

En échange Claude Macréau donne une pièce de terre située aussi à Monthérand, mais au lieu-dit Les Grandes Vignes. Cette terre est entrée en la possession de Claude par sa femme, grâce un héritage reçue par elle de sa mère Honorée Suzanne Gaudin (décédée en 1775), qui était originaire de Monthérand. De la même manière, on peut suggérer un emplacement pour cette parcelle.


Cadastre Les Grandes Vignes © AD77


Les parcelles échangées sont d’une superficie égale (16 perches au total). Elles sont estimées à mille livres, soit environ 15 693 euros actuels.

Bien sûr, l’acte d’échange ne dit pas pourquoi Denis et Claude ont troqué leurs parcelles. Tout juste peut-on supposer qu’un regroupement territorial est à l’origine de la transaction : en effet, les parcelles données par Denis sont contiguës à d’autres appartenant déjà à Claude et inversement. Ainsi chacun dispose désormais de terres d’un seul tenant, augmentées de 16 perches.


vendredi 18 février 2022

#52Ancestors - 7 - Jean Claude Assumel Lurdin

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 7 : Cadastre


La famille agnatique de ma grand-mère paternelle est originaire des hauts plateaux de l’Ain. Ils se nomment Assumel Lurdin (ou Lourdin parfois, comme ici dans les matrices cadastrales). D’aussi loin que je remonte (c'est-à-dire au milieu du XVIIème siècle), ils ont toujours habité le hameau du Poizat, commune de Lalleyriat. Le Poizat est situé sur le Plateau de Retord au cœur du Haut-Bugey.

Au XIXème siècle le Bugey, assez peuplé, est plutôt pauvre. En dehors des plaines et des vallons, seules quelques enclaves fertiles au cœur de la montagne sont cultivées. Les Bugistes, sont régulièrement confrontés aux intempéries et aux disettes. Dans le Haut-Bugey, terres froides, les cultures de type alpin produisent des céréales dites « pauvres » : orge, seigle, avoine, méteil (seigle et froment mêlés semés et récoltés ensemble)… qui assurent à peine les besoins alimentaires. C’est là que l’élevage va s’intensifier avec la création des fromageries ou « fruitières » qui apporteront une source de revenus.*

C’est donc naturellement qu’on retrouve les Assumel Lurdin dans le hameau du Poizat lors de la création du cadastre dit « napoléonien » en 1827.

Jean Claude Assumel Lurdin (1758/1836) est journalier (en 1786, 1789) ou cultivateur (1801, 1836).

Au début du XIXème siècle, vaches et bœufs de race locale rustique « rudes à la tâche et se nourrissant de peu » sont utilisés pour le travail de la terre. Les chevaux, peu nombreux, fournissent force de traction et engrais. Le paysan veut avant tout du grain, à côté de l’huile et du chanvre qui constituent l’essentiel de sa production. Bovins, ovins et caprins sont élevés principalement pour produire le cuir, l’os, la corne, la laine... et accessoirement la viande et le fromage (le gruyère apparaît vers 1820).*

Jean Claude et sa femme ont eu sept enfants. L’ainé est probablement décédé en bas âge car je ne le retrouve pas ensuite. Il reste donc trois fils et trois filles.

Jean Claude possède  28 parcelles dans la commune : 2 jardins, 1 maison et cour, 1 pâture, 7 prés, 16 terres et 1 [terrain] vague en copropriété avec la veuve Beroud Maure Pierre; pour un total de 33,6 francs (n'oublions pas que le but du cadastre est d'être un document à vocation fiscale). Sa maison, située parcelle 1004, n'a qu'une porte et une fenêtre, elle est classée dans la 5ème catégorie (la dernière), 3ème du revenu non imposable (elle vaut 88 centimes).

 

Possessions Jean Claude Assumel Lurdin © AD01

 

Pourquoi Jean Claude possède une parcelle en copropriété avec « la veuve Beroud Maure Pierre » ? Je n’en sais rien. Cette veuve se nomme en fait Claudine Assumel. Son mari était Pierre Beroud Maure (ou Mouroz) décédé en 1790. Ils ne semblent pas apparentés à mon ancêtre.

Les parcelles possédées par Jean Claude sont disséminées dans la commune. La plupart sont de fines et longues lamelles. Et on comprend pourquoi quand on regarde les courbes de niveaux d’une carte topographique : le relief est très accidenté. Le village du Poizat est situé sur un replat à environ 850 m d’altitude, dominé par un massif montagneux culminant à plus de 1 100 m.


Carte topographique du Poizat


Aujourd’hui la maison de Jean Claude n’existe plus. Une nouvelle route, toute droite, a quelque peu modifié le paysage.


Le Poizat aujourd’hui – possessions de Jean Claude Assumel Lurdin

 

Le jardin de Jean Claude a laissé place à une maison et la maison de Jean Claude a laissé place à un jardin.


Emplacement de la maison de Jean Claude Assumel Lurdin


A l’arrière plan, le pignon de la maison construite sur la parcelle de jardin et au premier plan l’emplacement de la maison disparue de Jean Claude. Entre les deux, la nouvelle route.

Après la mort de Jean Claude, en 1836, c’est son fils Pierre qui hérite de la maison. Pierre est le fils aîné, si l’on considère que le premier-né Joseph est décédé en bas âge. Il est cultivateur, comme son père.

Pour l’anecdote Pierre aura une fille en 1833 prénommée Mélanie – l’une des trois collatérales de mon arbre portant ce prénom qui est le mien aujourd’hui (aucune ancêtre directe n'est prénommée comme moi).


Possessions de Pierre Assumel Lurdin © AD01


Simon, le deuxième fils, lui aussi cultivateur, reçoit plusieurs terres (pas de maison; il demeure dans un autre hameau, nommé Le Replat).

 

Possessions de Simon Assumel Lurdin © AD01

 

Le dernier fils, Louis Marie (de qui je descends) en reçoit d’autres. Il s’éloigne un peu de la tradition familiale puisqu’il est dit tailleur d’habit en 1838 et 1839. Puis il semble revenir dans la lignée de ses pères en étant qualifié de cultivateur (en 1842, 1844, 1866, 1870) et même propriétaire (en 1857 et 1859).


Possessions de Louis Marie Assumel Lurdin © AD01


Certaines de ces terres sont héritées à plusieurs. Ainsi les parcelles 375 et 376 (une terre et un pré) sont échues à la fois aux trois frères.

Plus tard, Louis Marie fera construire une maison sur la parcelle 1099 héritée de son père. C’est ce qu’indique le cadastre. Toutefois la parcelle 1099 est longue est fine, bien fine pour y construire une maison. Juste à côté néanmoins, il y a une maison, qui existe toujours aujourd’hui : est-ce la maison de Louis Marie ?


Détail parcelle 1099


Cette « maison 1099 » passera en héritage à son fils aîné Emile (frère de mon ancêtre François).

Quand à l’antique maison familiale, parcelle 1004, elle a en effet disparu comme on l’a vu plus haut : dans le folio de Pierre, il est noté qu’elle a été détruite lors d’un incendie en 1855. La partie « sol et cour » est transmise quelques années après sa mort, en 1867,  à son gendre Jean Antoine Jacquiot (le mari de Mélanie) puis finalement incluse dans la nouvelle voirie en 1870.

 

* patrimoines.ain.fr


vendredi 11 février 2022

#52Ancestors - 6 - Jean-François Borrat-Michaud

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 6 : Cartographiez  

A l'occasion de cette sixième semaine du challenge #52Ancestors dont le thème est "cartographiez", je ressors le périple effectué par Jean-François Borrat-Michaud, soldat de la Première Guerre Mondiale, mon arrière-grand-père.

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Parti de Haute-Savoie, Jean-François Borrat-Michaud commence son périple par l’entraînement à la caserne, probablement celle de Chambéry. Lors de sa première affectation, avec le 23ème BCA, il est envoyé dans les Vosges. Il y connaîtra différents lieux, soit en premières lignes soit en cantonnements à l’arrière. Avec son nouveau bataillon, le 51ème, il rejoint la Somme, puis la Picardie, la Meuse, la Marne, les Ardennes. Ils sont finalement envoyés en Italie, avant de rentrer en France : Somme, Nord, Oise, Aisne et Somme à nouveau.

Les déplacements de courte distance, entre cantonnement et premières lignes, sont effectués à pied, parfois dans des conditions pénibles de froid et de neige (durant la période vosgienne par exemple). Parfois le transport se fait en automobiles ou en convois de camions. Et pour les trajets plus longs, des trains sont affrétés spécialement.

Il y a aussi d’autres types de déplacements : des missions de reconnaissances régulièrement effectuées.
Lors des périodes de « repos » sur les lignes arrières, les soldats ne restent pas inactifs et font de longues marches de manœuvre, avec barda complet sur le dos : ils vont d’un point à un autre ou marchent parfois en boucle, revenant à leur point de départ.
A tous ces déplacements il faudrait ajouter les permissions : en effet, en 4 ans de guerre, il est fort probable que Jean-François en ait eu ; malheureusement je n’ai pas d’indication quand aux dates et aux lieus de départ dont il aurait pu en bénéficier, si bien que je ne peux pas les prendre en compte.

L'année 1917 est particulièrement riche en déplacements : le bataillon va de cantonnements en cantonnements, monte parfois en première ligne, mais fait surtout de longues marches d'exercice. Vosges, Haute-Saône, Haut-Rhin, Marne, Oise, Seine et Marne, Marne, Meuse, Vosges, Marne se succèdent à un rythme effréné jusqu'au grand départ de novembre vers l'Italie.

Parfois les déplacements sont difficilement compréhensibles, comme cet aller-retour italien : étape Lonato-Cedegolo le 8 novembre 1917, poursuite vers Edolo le 9  et retour immédiat à Lonato (prévu le 13, mais reculé au 17 à cause d’un éboulement sur la voie), soit 240 km initialement prévus en 5 jours (et finalement réalisés en 9).

Si l’on ajoute tous les déplacements en 4 ans de conflits, d’après mes estimations, cela représente 13 037 km (hors les 5 mois de formation, les marches de manœuvres qui ne sont pas détaillées et les permissions dont je n’ai pas retrouvé les traces), soit environ 280 km par mois. L'étape la plus longue a lieu lors du retour d'Italie : de la Vénétie jusque dans la Somme, ce sont près de 1 400 km qui sont effectués en trois jours (par train principalement, terminés par une marche pénible sous la pluie et sur des routes défoncées).

Voici ce que cela donne sur une carte :


 Bref, en 4 ans de guerre, Jean-François en a fait du chemin !

 

vendredi 4 février 2022

#52Ancestors - 5 - Pierre de Sales

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 5 : Jusqu'où s'étend votre généalogie ?

Une infographie valant mieux qu'un long discours, voici une présentation des limites de ma généalogie.