« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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lundi 25 avril 2016

#Généathème : le plus ancien des ancêtres

Je m'en vais vous conter les mémoires du tronc de la Maison de Sales, comme ainsi Monseigneur de Sales son descendant le fit en MDCLIX [ 1 ]. Certaines personnes curieuses, savantes ou non, pourraient y voir là quelques sources de divertissement; et ce serait déjà une bien belle chose.
C'est ainsi mon cher lecteur que Pierre de Sales appartient à une belle et fort ancienne Maison. Si les envieux, les calomniateurs et les médisants en doutent, j'ai estimé tout faire pour en apporter l'affirmation. Grâce à de nombreux d'actes d'Œconomie il est facile de les tisser ensemble pour en faire tirer la preuve d'une existence.

Voici donc ce que l'on peut soutenir sans faille :

Il existe plusieurs familles de Sales car c'est là un nom répandu. Nous ne parlerons point de ceux qui ont lâchement usurpé le nom, mais nous intéressons à la famille de Sales de Thorenc (aujourd'hui Thorens-Glières en Haute-Savoie), en Genevois, du nom de la paroisse dans laquelle notre Maison est située.

Le château de Sales, première demeure de la famille, était situé à environ 200 mètres au-dessus du château de Thorens actuel. En 1630 Sales sera détruit pendant l'occupation française du duché de Savoie.

Château de Thorens, de nos jours © gpps.fr

La Maison désigne tout à la fois un bâtiment d'habitation, une famille, une race.

Les armes de la Maison de Sales se blasonnent ainsi : D'azur, à deux fasces d'or, chargées chacune d'une autre fasce de gueules, accompagnées d'un croissant d'or en chef et de deux étoiles à six rais d'or en cœur et en pointe.
Blason de la Maison de Sales

Inféodés, originellement, aux seigneurs de Compey, les Sales passèrent ensuite au service des Princes de Luxembourg-Martigues. Plusieurs générations de Sales occupèrent la prestigieuse charge de maître d'hôtel de la maison du Prince.

Mais revenons à notre sujet de préoccupation : C'est à savoir premièrement que Pierre serait le fils de Garnier de Sales et de Marmette de Balleyfon. Cependant les archivistes qui ont mis en lumière les représentants de cette illustre Maison ne peuvent s'en assurer avec certitude.

Il est parfois nommé Peronnet ou Pierre le Second (son supposé arrière-grand-père étant aussi prénommé Pierre). Il serait né vers 1323 ou 1324. De sorte qu'il appartient à la vingtième génération de ma généalogie. Il n'aurait qu'un seul frère, Etienne.

En 1335 il est fait mention de Peronnet en qualité de "damoiseau".

Pierre "le Second du nom" était "seigneur de Sales et de Montpitton, vidomne [*] de la Roche".

Il épouse Peronne (ou Pernette) de Chiffé environ en l'an 1353. Elle était la fille de "noble, puissant et spectable [*] Girard de Chiffe, chevallier et thresorier general de Savoye". La Maison de Chiffé était fort nombreuse mais ses titres ont été brûlés dans le château de Polinge par les Huguenots de Genève. De fait, comme cet écrit est destitué de preuve, je ne veux rien assurer. Néanmoins cette union n'était pas une petite gloire pour la Maison de Sales. La mort leur enleva les premiers fruits de leur heureux mariage. Jordan (ou Jordain) porte la qualité d'aîné sur trois autres frères.

Pierre a acquis de nombreuses terres, comme le grand et noble vignoble de Vignier dans la paroisse de Faucigny, sous le château à la vue de la rivière d'Arve et de toute la plaine de la Roche, aux héritiers de Girod N. Ce territoire donna bien de la jalousie, ou de l'envie à plusieurs gentilshommes du voisinage; c'est pourquoi Pierre de Sale a souffert de grands procès.

Lui et ses futurs descendants possédaient, outre le domaine de Sales, la terre autour de Thorenc avec titres de fief et d'hommage et, par conséquent, de juridiction. Ils avaient le pouvoir d'imposer des tributs, cens, services et tailles sur plus de 80 feux [*]. Quatre générations plus tard, les seigneurs de Sales étaient à la tête de plus de 800 sujets taillables et juridiciables. En cas de guerre, lorsque le Prince souverain commandait le ban ou l'arrière-ban, ledit seigneur de Sales devait lui donner un homme armé et entretenu à cheval, selon l'ordinaire taxe de la milice. La chasse, la pêche, le bois pour la bâtisse et pour l'affouage [*] appartenaient en pleine liberté audit seigneur de Sales dans toutes l'étendue de la terre de Thorenc.

Pierre et son frère Etienne ont suivi à la guerre le Comte Vert Amédé VI de Savoie (dans le conflit qui l'opposa au marquis de Saluces dans le Piémont). Le généreux Prince récompensa le chevalier Pierre de Sales en lui donnant de nouveaux titres, reflétant sa fidélité ainsi que les grands et insignes services qu'il lui avait rendu.
Les deux frères assistèrent ensuite à l'institution de l'Ordre du Collier (ordre de chevalerie savoyarde) créé par ledit Comte en 1362. Revenu du Piémont, avec de grands deniers, Pierre fit plusieurs autres acquisitions rière [*] Thorenc & la Roche, dont la désignation se voit par le menu dans le livre des Reconnaissances.

Peronne de Chiffé, son épouse bien-aimée, mourut vers 1372 et fut enterrée dans l'église de Thorenc. Âgé d'environ 50 ans, Pierre crut devoir se remarier pour la meilleure conduite de la famille : il épousa donc en secondes noces Rolette du Bochet, une vertueuse matrone, veuve de Jacques de Bessonais, écuyer et bourgeois d'Annecy - alliance moins illustre que celle avec la Maison de Chiffé, bien que fort noble. Ils n'eurent point de descendance.

La Maison de Sales a été régulièrement en conflit avec celle des Compey, seigneurs de Thorenc. Après plusieurs affaires, usant partout de la violence et abusant des grâces de la Duchesse de Savoie, se faisant des ennemis partout, les Compey furent obligé de fuir en France. Par une sentence de 1451 ils furent bannis des États de Savoie, leurs biens confisqués. La Maison de Savoie récupéra le château, qui sera finalement racheté en 1559 par le seigneur de Sales.

Pierre de Sales mourut sans doute avant 1389, date à laquelle son fils passa acte devant notaire en qualité de seigneur de Sales. Sa sépulture fut probablement en la place de ses ancêtres dans l'église de Thorenc.

Pierre de Sales est l'heptayeul de Saint François de Sales (ancêtre à la 7ème génération).

D'après ma source principale, Pierre ne serait pas le plus ancien de la lignée : Garnier, Guigues (ou Guy), Pierre Ier, Jacques, Henry, Raoulet (ou Rodolphe), Guichard, Gerard l'auraient précédé. Mais le silence de l'antiquité ne permet pas d'en être parfaitement assuré : "l'archiviste qui, en l'an 1642, mit en lumière l'échantillon généalogique de la maison de Sales, ignoroit les générations de Jacques à Gérard, parce qu'il n'avoit rien trouvé plus haut que Pierre Ier dans les archives de Sales; mais les archives de la Roche, de l'église cathédrale St Pierre de Genève, les mémoires de Pierre Saillet et quelques autres ont donné ces plus hautes lumières". Hélas, tous les historiographes ne sont point d'accord. C'est pourquoi Pierre II figure dans ce chapitre aujourd'hui en tant qu'ancêtre le plus ancien de mon arbre et que les générations précédentes, connues ou inconnues, restent pour l'heure dans l'ombre. 



Source : Le pourpris historique de la Maison de Sales de Thorenc en Genevois, par Charles Auguste de Sales, Évêque et Prince de Genève.

A noter : Un pourpris est une enceinte, un enclos et parfois une demeure, dans la France de l'Ancien Régime. La réalité désignée par le mot « pourpris » dépasse celle d'un simple jardin en ce qu'elle recouvre les différents éléments d'un domaine physiquement bien délimité et fermé.
L'auteur de l'ouvrage le définit ainsi : c'est pour prendre, actif, prendre tout à bout, ainsi dit-on de la racine d'un arbre pour prendre quelque place.


[ 1] Ne voulant point mettre mon lecteur dans l'embarras, je lui offre ici une table afin qu'il convertisse la date citée, si c'est selon ses désirs :
[*] Voir la définition dans la page lexique de ce blog.

mardi 8 mars 2016

#Généathème : le mois de la femme

Elle portait toujours la coiffe vendéenne, qu'elle amidonnait avec soin.

Marie Henriette Benetreau, épouse Gabard, années 1920 © coll. personnelle

Née Marie Henriette Benetreau le 10 juin 1871 à Saint Aubin de Baubigné (79), elle était mon aïeule à la cinquième génération. Ses parents étaient cultivateurs (ou bordiers ou métayers selon les années et les actes). Petite dernière, elle a grandi à la ferme avec ses parents, ses sœurs et son frère et bien sûr le domestique et la servante - personnels toujours présents dans les fermes de l'époque et de la région.

Plus tard la famille déménage un peu plus loin à Saint Amand sur Sèvre, au hameau de La Gidalière. C'est là que se trouve la ferme transmise de génération en génération dans la famille de ma grand-mère maternelle, depuis la Révolution et peut-être même avant...

Extrait carte environs de Saint-Amand-sur-Sèvre © Geoportail

Elle y rencontre Célestin Félix Gabard (c'est à sa famille qu'appartient ladite ferme) et l'épouse en 1892. La vie s'organise, avec plusieurs générations sous le même toit : les parents, les époux, son beau-frère et sa famille, ses enfants, les domestiques; entre 10 et 15 personnes selon les années. Les grossesses se succèdent (il y en aura neuf). Les enfants sont envoyés à l'école, au moins "la petite école" pour apprendre à lire et écrire. Ensuite, les enfants reviennent sans doute à la ferme pour aider aux travaux.

Plus tard quand la Grande Guerre éclate, elle connaîtra le destin difficile d'une mère s'inquiétant pour ses fils au front :
- Son fils aîné, Célestin Aubin, âgé de 21 ans est y envoyé dès le début de la guerre. Il est cité comme soldat "calme et courageux", mais sera évacué à cause des gaz qu'il reçoit à la toute fin de la guerre, en septembre 1918.
- Le second François Joseph est d'abord ajourné pour faiblesse, puis finalement incorporé en 1917. Il sera blessé, lui, en octobre 1918; blessure invalidante qui lui vaudra pension.
- Joseph Élie (mon arrière-grand-père) est trop jeune pour avoir participé à la Première Guerre Mondiale. De toute façon, quand viendra son tour, les autorités militaires l'ajourneront pour faiblesse de cœur.
- Les deux derniers fils, né en 1903 et 1912 ont aussi échappé à ce conflit, bien sûr, vu leur âge.

La paix revient mais n'empêche pas les drames : Marie perd son époux en 1924. Il décède "en son domicile", à la ferme, comme c'était l'usage autrefois : on y naissait, on s'y mariait, on y vivait, on y mourrait.
Mais la vie doit continuer. Marie n'a que 53 ans. Elle survivra à son époux et restera veuve pendant presque 30 ans encore.

Pendant la guerre, c'est Joseph, le malade du cœur, qui a aidé sa mère à tenir la ferme. Mais quand ses frères sont revenus le père lui a dit que, malgré la tâche (bien) accomplie, c'était à l'aîné de reprendre la ferme. Lui n'avait qu'à se trouver une situation ailleurs... Marie voir alors partir son fils à Angers où il va s'installer comme boucher. C'est le premier Gabard à quitter la ferme de la Gidalière.

Le vendredi Marie allait jusqu'à Châtillon (aujourd'hui Mauléon) pour y vendre au marché son beurre, ses lapins, poules et œufs. Le midi elle s'arrêtait chez Clémentine Bregeon (épouse Roy, la mère de sa bru) pour y déjeuner. Celle-ci tenait une mercerie : les murs étaient couverts de boîtes de boutons, de cotons à broder ou repriser, de laine à tricoter. Marie profitait de cette sortie "à la ville" pour faire ses achats à l’épicerie car elle trouvait que les épiciers ambulants passant à La Gidalière étaient trop chers.

A l'automne de sa vie, Marie va finalement s'installer chez l'une de ses filles qui habite à Treize-Vents (85). C'est là qu'elle décèdera en décembre 1951, à l'âge de 80 ans.



vendredi 12 février 2016

#Généathème : une famille sous l'œil des recensements

J'avais déjà eu l'occasion de parler des richesses des recensements dans l'article "Un, deux, trois...", sous un angle plutôt généraliste. Pour ce généathème, je vais m'attacher à une famille en particulier, les Macréau. Ils habitent en Seine et Marne, au Sud de Meaux aux XIX et XXème siècles. J'avais repéré leur lignée grâce aux dépouillements des registres d'état civil.

Extrait des recensements de population, liste nominative de Guérard © AD77


Observons plus particulièrement Étienne Théodore, né en 1812 à Guérard, et Théodore Louis Léon, son fils né en 1840. Je les retrouve 13 fois pour le premier et 12 pour son fils dans les listes de recensement au cours de leurs vies (les listes de recensement commencent en 1836).

Avec ces deux générations seulement (sur 15 années différentes de recensement), j'aurais pu nommer ce billet "les mystères insondables des listes nominatives". En effet, si ces documents peuvent être de précieuses sources pour le généalogiste, ils posent aussi de nombreuses questions qui, en l'occurrence, sont restées pour moi sans réponse.


Ainsi lors du premier recensement où apparaît Étienne, à Guérard en 1836, il habite avec son épouse Angélique Fouchy et une fille prénommée Louise âgée d'un an. Or le couple s'est marié en 1834 et n'ont encore qu'une enfant, Mathilde Rose Angélique, née en 1835. Néanmoins on remarque que sur les tables elle est prénommée Mathilde Louise Angélique.
Première inconnue : qui est cette Louise ?
Hypothèses :
- c'est bien Mathilde Rose Angélique qui apparaît dans le recensement mais prénommée usuellement Louise ?
- c'est la nièce du couple, Aimée Louise née en 1835 ? Mais non, ce serait trop simple : cette dernière apparaît bien dans le recensement avec ses parents !

Dans les deux recensements suivants, le couple a deux enfants : leur fils (prénommé seulement Léon) et une fille qui cette fois est dite Angélique Rose Mathilde (1841) puis seulement Mathilde (1846). On ne l'appelle plus Louise (si jamais c'était bien elle en 1836).

En 1866, trois personnes habitent le domicile : Étienne ("sabotier, chef de ménage"), Angélique son épouse, et Marie Louise Gibert, leur bru. En effet Théodore Léon s'est marié avec Marie Louise en mars 1866 (le recensement a été terminé et reçu officiellement en juillet). Mais il n'y a pas de trace de Théodore !
Deuxième inconnue : où est Théodore ? Il a alors 26 ans. Il est charretier. Il ne doit pas être bien loin car son épouse est bientôt enceinte (leur premier enfant naît en juin 1867).

En 1886 Étienne et Angélique habitent avec un petit garçon dit "petit-fils" Coquillard Armand, âgé d'un an.
Troisième inconnue : de qui ce petit Armand est-il le fils ? Leur unique fille est décédée en 1850, âgée d'une quinzaine d'années. Il n'y a plus de fille susceptible d'épouser un Coquillard dans la famille Macréau.

Si je peux suivre facilement Théodore Léon lorsqu’il est enfant (il demeure avec ses parents de 1841 à 1861 à Guérard), je le perds une première fois en 1866 - seul - (cf. plus haut) et à nouveau en 1876 - avec épouse et enfants. Après son mariage je sais grâce à l'état civil qu'il déménage plusieurs fois : Dammartin sur Tigeaux, retour à Guérard, puis Meaux et Tigeaux. Les recensements ont été compulsés (mention spéciale à ceux Meaux, beauuuucoup plus longs et fastidieux que les autres communes plus petites).
Quatrième inconnue : où a encore déménagé Théodore ?

A partir de 1886 on retrouve la famille à Tigeaux. Théodore habite avec son épouse Marie Louise et leurs deux fils Albert et Henri. En 1891 le fils l'aîné a quitté le foyer, mais à la place on voit deux nourrissons : Gaston Croisy (8 mois) et Louis Janvoile (4 mois).
Cinquième inconnue : qui sont ces bébés ? Leurs actes de naissance n'ont pas été trouvés sur tables de Tigeaux. On ne retrouve pas ces patronymes dans l'entourage de la famille.

En 1896 ils habitent avec trois jeunes enfants : Marcel Dangues (3 ans), Léontine Dangues (2 ans) et Lucienne Guilmet (6 mois).
Sixième inconnue : qui sont ces enfants ?

En 1901 Théodore habite avec son épouse et à nouveau des enfants : Lucie Gibert (âgée de 11 ans), Andrée Guilmet (4 ans) et Henriette Longchamps (7 mois).
Septième inconnue : qui sont ces enfants ? Seule Lucie a été identifiée : c'est la nièce du couple (du côté de Marie Louise Gibert l'épouse de Théodore).

En 1906 on retrouve au domicile de Tigeaux Théodore, son épouse et leur petit-fils Lucien âgé de 5 ans. Mais point de trace de la génération intermédiaire, Henri le fils de Théodore et son épouse Ursule. Où sont-ils ? Ils habitent tranquillement 25 km plus loin à Serris avec leur deuxième fille de 4 ans !
Huitième inconnue : pourquoi Henri et Ursule se sont-ils séparés de leur fils aîné et l'ont-ils confié à ses grands-parents ?

Extrait carte de Cassini Sud de Meaux © Geoportail

Bref, beaucoup de questions ! Les recensements sont des documents administratifs et n'ont pas vocation à tout expliquer, mais certains sont plus mystérieux que d'autres.

Si je me risquais à quelques hypothèses, je dirais que :
  •  les prénoms officiels et usuels ne sont pas toujours les mêmes. Louise est peut-être donc Rose (oui, je sais la relation n'est pas évidente au premier abord).
  • les métiers entraînent parfois les hommes au loin, les faisant disparaître des recensements.
  • les déménagements ne sont pas toujours connus : je retrouverai peut-être un jour les disparus dans d'autres communes...
  • les jeunes enfants domiciliés chez Théodore sont-ils placés en nourrice et élevés par son épouse Marie Louise ?
Par contre les va-et-vient des jeunes enfants (dont l'identité même est parfois floue) restent une énigme, qui appartient sans doute à l'histoire familiale aujourd'hui oubliée...



vendredi 8 janvier 2016

#Généathème : je prépare mon année généalogique

Ce mois-ci je me permets de faire une (légère) entorse à la règle des généathèmes (un mois/une idée) : je mixe en effet le généathème de décembre ("je prépare mon année généalogique") - en janvier ! - et le nouveau défi 3 mois pour ma généalogie. En fait je prépare mon année depuis le mois de novembre et cela va durer beaucoup plus que trois mois, j'espère :

Mon année sera marquée par des arbres de vie, armoiries et autres sautoirs généalogiques. En effet, grande nouveauté : je m'installe comme émailleuse d'art sur métaux. Créatrice de bijoux, tableaux ou objets de décoration, je n'oublie pour autant pas ma passion : je prévoie donc de créer des collections de pendentifs "arbre de vie", des "sautoirs généalogiques" et, pourquoi pas, à la demande, des tableaux représentant des armoiries. Je ne néglige pas les Poilus, bien sûr, c'est pourquoi une collection de bleuets viendra compléter mon catalogue.

Pour le reste, j'aime m'inspirer des motifs anciens (médiévaux, art déco, japonais...) et les retravailler pour en faire des pièces modernes.
Pour le moment, je me débats avec les formalités administratives d'installation; ce que je raconte sur le blog Chemin d'émail.

J'aurai peut-être un peu moins de temps à consacrer à ce blog généalogique mais j'espère pouvoir garder les liens avec vous, notamment via les réseaux sociaux et la lecture de vos blogs.

Si vous ne connaissez pas, je vous invite à découvrir l'émail, matière vivante et magique qui se transforme sous l'effet du feu grâce à différentes techniques.

J'ai choisi, comme symbole de ma nouvelle activité, cette pièce réalisée il y a une dizaine d'années :


Elle symbolise ma démarche aujourd'hui : réaliser une pièce selon une technique ancestrale (en l'occurrence ici l'émail "champlevé" où on creuse la pièce de cuivre pour aménager des cavités que l'on remplit de poudre d'émail), mais avec une démarche plus moderne (un motif abstrait et un mélange de couleurs dans la même cavité). En outre, les cloisons de cuivre tracent, dans l'émail, un chemin : celui que je me propose de suivre aujourd'hui...

Si vous voulez prendre une bonne résolution, suivez-moi donc tout au long de mon aventure :
Page Facebook : facebook.com/chemindemail
Twitter : twitter.com/chemindemail
Instagram : instagram.com/chemindemail
et bien sûr le blog... D'ailleurs, à ce propos, si vous voulez m'aider à choisir un visuel pour ma future carte de visite : votez sur le blog !

Au plaisir de vous y voir !




vendredi 9 octobre 2015

#Généathème : Mes ancêtres ont-ils vécu un évènement important ?

Comme je l'avais déjà évoqué au début de l'histoire de ce blog, plusieurs de mes ancêtres ont connu ouragan et inondation et même tremblement de terre; notamment celui qui s'est abattu en Maine-et-Loire en 1751.

Et bien sûr, comme sans doute les ancêtres de presque tout le monde en France, les miens ont connu la grave crise climatique de 1693/1694.

Note curé Conques, registre BMS © AD12

« Nota que cette année [1694] a esté une des plus cruelles 
années qu’on est jamais vu pour conques et quoyque 
elle a esté partout rude conques a esté dans la 
dernière nécessité ny ayant rien eu ny dans les 
vignes ny dans les bois ce qui a causé une misère 
si grande que quasi tous les morts dont le registre 
est chargé sont mort de pure misère nonobstant 
le grand secours que les pauvres ont eu car la charité 
fut faite généralle depuis le huitième janvier 
jusqu’au douze de juillet savoir du pain tous 
les matins a lentrée de matines a la maison de 
ville et une autre de fruis sur les deux heures 
par monsieur diyga doien, et pour lors sindic 
du chapitre et toutes ces charités ont esté faites 
par messieurs du chapitre ou quelques particuliers
la plupart du chapitre Dieu en soit loué qui sera 
sans doubte la recompense de ces bonnes ames si 
charitables et declare le tout […] verité
Pettit curé de Conques »

Raymond Raouls, mon ancêtre à la 11ème génération (sosa n° 1052) est décédé le 20 février 1694 à Conques. On ignore si ce décès a un lien avec cette grande misère, mais s'il faut en croire le curé Pettit "quasi tous les morts dont le registre est chargé sont mort de pure misère".

A travers l'histoire, de grandes famines ont été identifiées, notamment celle de 1693/1694. Ainsi l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie évalue l’effet de ces famines à environ 1,3 millions de décès supplémentaires sur une population estimée à 20 millions, pour les deux seules années 1693-1694; soit à peu près l'équivalent des "Morts pour la France" de la Première Guerre Mondiale, mais en deux fois moins de temps et sur une population totale estimée à deux fois moins. Cette grande famine est l'une plus grave crise vivrière de l'Ancien Régime. 

Ces "années de misère" commencent par plusieurs années de mauvaises récoltes à cause de conditions climatiques médiocres : dès 1687 s'amorce une grosse décennie (jusqu'au début du siècle suivant) caractérisée par des températures très basses et catastrophes alimentaires multipliées. 1691/1692 : l'hiver est froid et très neigeux. Le printemps 1692 et début de l’été sont frais et pluvieux, avec des déluges d’eau, d'où des moissons médiocres et des vendanges tardives et peu abondantes ; à l’automne les semailles sont complètement ratées. Conséquence : en 1693, les prix s'embrasent : la livre de pain coûte l'équivalent d'une journée de salaire d'un ouvrier. La famine s'étend. L'hiver 1693/1694, les organismes affaiblis par la malnutrition supportent mal les basses températures : on meurt en abondance à travers tout le royaume. Le printemps suivant (en 1694 donc) est désespérément sec, empêchant la germination des semences. Les maigres récoltes qui arrivent à maturité sont réquisitionnées en partie pour l'armée : on est alors en pleine guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689-1697) [ 1 ]. Quand il n'y a plus de céréales (froment, seigle, avoine) on se rabat sur les "méchantes herbes" (glands ou fougères) pour faire le "pain" - si l'on peut appeler ça comme ça. Puis se sont les orties, les coquilles de noix, les troncs de chou, les pépins de raisin moulus... [ 2 ] L'été 1694, très chaud, finit d'affaiblir les corps meurtris et favorise les épidémies (typhus, dysenterie, typhoïde...) ravageant les populations survivantes. La grande mortalité de ces années est aggravée par une chute de la fécondité et un exil des populations parties chercher mieux ailleurs, mais ne trouvant que la mort le long des chemins [ 3 ].  

Si la moyenne des défunts est de 2 à 3 décès par mois à Conques, on peut en compter au maximum jusqu'à 16 en juin 1693. Cette année 1693 est la plus "meurtrière", avec les plus grands nombres de décès de mai à août. Le curé rédacteur des registres de décès est assez peu disert sur ces morts en cascade, notamment au printemps/été 1693, néanmoins on voit que toute la société est touchée : hommes, femmes, "nobles", "pauvres", religieux (prêtres, chanoines), "bourgeois", tisserand (mon ancêtre !)...

A noter : mon plus ancien ancêtre éponyme connu, Antoine Astié, est décédé en janvier 1692. A-t-il lui aussi subi les premiers signes de cette grave crise de 1693/1694 ? 

La famine de 1693/1694 est donc la conséquence de la dégradation climatique qui s'observe dans les 10 ans qui précèdent et qui suivent le tournant du siècle (une autre terrible crise climatique aura lieu en 1709, appelée "le grand hyver"). Entre 1690 et 1710, en effet, la France, et avec elle une large partie de l'Europe, connaît une détérioration sensible du régime des températures et des précipitations, marquée par un refroidissement important des hivers et par des étés "pourris". L'étude de l'avancée des glaciers dans les vallées alpines aussi bien que le témoignage des contemporains ont inspiré aux historiens l'expression de "petit âge glaciaire".


Parmi mes ancêtres 31 sont décédés en 1693 à travers toute la France et 30 de mieux en 1694 (et même quelques autres en Suisse). Au total une demi-douzaine résidait en Rouergue.


[ 1 ] La guerre de la Ligue d’Augsbourg, également appelée guerre de Neuf Ans ou guerre de la Grande Alliance, a eut lieu de 1688 à 1697. Elle a opposé le roi de France Louis XIV, allié à l'Empire ottoman, à une large coalition européenne, la Ligue d'Augsbourg, menée par la Hollande, le Saint-Empire romain germanique, l'Espagne, la  Savoie. Les velléités d'expansion du Roi Soleil n'ont guère été satisfaites et devant la ruine générale des États en présence, un compromis fut trouvé pour mettre fin au conflit.
[ 2 ] Via T. Sabot.
[ 3 ] E. Le Roy Ladurie estime que 24% des errants arrivés dans les hospices du Bas-Languedoc en 1694/1695 sont originaires du Rouergue.  

 

vendredi 8 mai 2015

#Généathème : M comme militaire

Jean Maurice Borrat-Michaud est un des derniers représentants Suisse de ma généalogie [ 1 ]. Étant Française, je n'ai pas eu accès à l'état civil suisse. Mais je le connais grâce à l'AVEG (Association Valaisanne d’Étude Généalogique) qui m'a fourni l'ascendance complète de cette branche, basée sur leurs relevés - qu'elle en soit remerciée.

Jean Maurice est donc né en 1785 à Champéry, dans le Valais suisse (dizain [ 2 ] de Monthey). En tapant son patronyme dans le moteur de recherche de Geneanet, un article de Louiselle Gally de Riedmatten est ressorti [ 3 ]. D'après cette source, Jean Maurice est enregistré comme soldat valaisan au service de l'empereur Napoléon, sous le nom de Borrat (comme son frère aîné Jean Louis né en 1783). Cet ouvrage recense les soldats du Bataillon valaisan qui ont pu être identifiés dans les registres baptismaux (hors officiers).

En 1798, le Valais (région bilingue de Suisse à la fois de langue française et allemande) est occupé par l'armée française. En 1802 il devient une "République libre et indépendante", sous le protectorat des républiques française, cisalpine et helvétique; sa capitale est Sion. Dès cette époque, Napoléon pense à recruter des Valaisans, qui viendraient renforcer l'Armée française. Ce n'est en fait qu'en Octobre 1805 (16 Vendémiaire an 14) qu'une Capitulation (c'est-à-dire un contrat) est signée entre l'Empire français et la République suisse pour fournir un Bataillon d'environ 660 hommes, que l'on réunirait à Turin. 

Mais le Valais est assez pauvre (en particulier de dizain de Monthey qui se trouve dans une grande détresse économique) et fournit déjà des hommes à d'autres unités suisses en Europe : le recrutement s'avère difficile. Les recruteurs utilisent alors tous les moyens pour remplir leurs contingents : l’enrôlement se fait parfois "sur un verre de vin", quand ce n'est pas sur des méthodes plus radicales encore (mise aux fers ou au secret); on considère que près de la moitié des recrues est enrôlée sous la contrainte. Cependant cela ne suffit pas : les effectifs sont alors réduits à cinq Compagnies de 83 hommes chacune. Et c'est finalement à Gênes, un an plus tard, que l'on commence à voir arriver par petits groupes des contingents de Valaisans.

La formation du Bataillon s'y déroule de septembre à novembre 1806. Jean Maurice s'y engage le 13 novembre 1806, sous le n° de matricule 144, à l'âge de 21 ans. Le Bataillon est formé à la fin du mois de novembre, sous le commandement de Charles de Bons (nommé dès le 10 juillet 1806).

L'uniforme est composé d'un habit de drap rouge foncé, avec un collet, revers et parements blancs. La doublure, la veste et les culottes sont également de couleur blanche. Le rouge était une des couleurs traditionnelles des troupes suisses au service français, et le rouge et le blanc celles de la République valaisanne. Des boutons jaunes émaillent l'uniforme, gravés des mots Bataillon valaisan au centre et Empire français sur le contour. L'uniforme est complété par un shako français de feutre noir (couvre-chef en forme de cône tronqué avec une visière) à bande du haut, bourdalou (tresse) et renforts en V de cuir noir orné d’un aigle de laiton. L'équipement et l'armement seront identiques à ceux des soldats de l'infanterie de ligne française.
Uniforme de grenadier et officiers du Bataillon valaisan, © D. Davin

Le Bataillon est, évidemment, composé uniquement de Valaisans. Les engagés doivent être âgés au minimum de 18 ans et au maximum de 40. La taille minimum requise est de 1,68 m (5 pieds 2 pouces). Aucune infirmité n'est tolérée. L'hygiène buccale est aussi contrôlée. Ils prennent un engagement de 4 ans. A l'issue, ils pourront quitter le Bataillon ou en contracter un nouveau. Le prix d'engagement est de 180 francs par recrue.

Ces troupes servent une puissance étrangère, tout en restant soumises à la juridiction de l’État d'origine : ils ont donc un statut assez proche de l'immunité diplomatique, avec leur propre justice, leur liberté de culte et leurs propres officiers (contrairement aux mercenaires, par exemple).

Selon l'article de Louiselle de Riedmatten, Jean Maurice est dit baptisé à Val d'Illiez (ville distante de moins de 4 km). A noter : aucune recrue ne déclare être de Champéry (d'ailleurs elle affirme qu'il n'existe plus de registre de baptême entre 1782 et 1786). Cependant, après vérification, les sources ne sont pas révélées très fiables : le soldat pouvait ainsi donner comme lieu de naissance le chef-lieu du dizain et avoir été en réalité baptisé dans une autre paroisse. 16 recrues originaires de Val d'Illiez s'engagent dans le Bataillon (selon l'estimation, il y a entre 11 et 12% de la population du dizain de Monthey nés entre 1782 et 1786 qui s'engagent).

Le 29 mai 1808, le Bataillon quitte Gênes pour Perpignan. Il y arrive le 13 juillet. Mais il n'y reste pas puisqu'il prend aussitôt la direction de l'Espagne. Il y est incorporé dans l'armée de Catalogne, au 7ème Corps.

Lors du siège de Gérone le Bataillon perd un tiers de ses effectifs. Les batailles se succèdent : Bascara (11 avril 1809), La Jonquière (octobre 1810). Pierre Blanc devient le nouveau chef de corps en février 1810. Peu de sources décrivent précisément la vie de corps, selon Louiselle Gally de Riedmatten, et encore moins s'intéressent à la vie de ces soldats, de leurs origines et de leur destin à l'armée (hormis les "rolles ou revues de compagnies" qui recensent les soldats, lorsqu'ils existent ou ont été conservés; ce qui n'est pas toujours le cas). 

De fait, difficile de savoir pourquoi Jean Maurice s'est engagé : emprise de l'alcool, après une dispute avec les parents ou la petite amie, échapper au mariage ou aux ennuis judiciaires, ou encore motif économique (subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille, fuir la misère du pays...), envie d'être soldat, de voir du pays ?

Fin 1810, alors que le Bataillon est cantonné à La Jonquière, les soldats apprennent qu'ils font désormais partie intégrante de l'Empire français et qu'ils doivent prêter serment de fidélité à l'Empereur. Le Valais vient en effet d'être annexé à l'Empire, formant le nouveau département du Simplon (par décret du 12 novembre 1810). Ce département existera jusqu'en 1813 seulement. Devenu français, une troupe étrangère n'a plus lieu d'être : le Bataillon valaisan est dissous le 16 septembre 1811 et intégré au 11ème régiment d'infanterie légère nouvellement créé. Il quitte l'Espagne à destination de l'Allemagne.

On ne sait pas à quelle date Jean Maurice quitte le Bataillon. Est-il parti à la fin de son engagement de 4 ans ? On constate toutefois que 21 % des enrôlés ont été congédiés avant le délai légal, pour inaptitude, blessure ou plus rarement pour conduite morale douteuse. D'autres sont rayés du contrôle des troupes, prisonniers ou déserteurs. On estime que, en fait, la durée moyenne passée au corps est d'un an et huit mois seulement (chiffre à relativiser, car la mort d'un grand nombre de soldats - 40% de l'ensemble du Bataillon en 5 ans - fait baisser considérablement cette durée). Rares sont ceux qui ont prolongé leur contrat. La brève période d'engagement suggère sans doute que le service dans le Bataillon valaisan n'est pas envisagé comme une carrière militaire à suivre, mais plutôt comme une étape de courte durée, une expérience momentanée. De retour on pays on "reprend le cours de sa vie", son métier (ou celui de son père).

Une chose est sûre, Jean Maurice se marie à Val d'Illiez le 3 décembre 1811 avec Milleret Patience. Soit il est rentré de façon temporaire, soit de façon définitive. Sa fille Marie Justine naît le 14 novembre 1814 à Champéry. Elle est la mère de Joseph Auguste (le père n'est pas connu).

J'ignore tout du reste de sa vie, sinon qu'il s'éteint à Champéry le 8 décembre 1848.


[ 1 ] Il est le grand-père de Joseph Auguste, celui qui a franchi la frontière et s'est installé en Haute-Savoie. C'est donc l'arrière-grand-père de Jean François Borrat-Michaud, autre soldat bien connu de ma généalogie dont je suis le parcours pas à pas lors de la Grande Guerre.
[ 2 ] Dizain : division territoriale du Valais, en quelque sorte l'ancêtre du district actuel.
[ 3 ] Article paru dans Vallesia (le bulletin annuel de la Bibliothèque et des Archives cantonales du Valais, des Musées de Valère et de la Majorie)


vendredi 24 avril 2015

#Généathème : A comme ancêtre le plus ancien

L'acte le plus ancien en ma possession est l'acte de naissance de Ryondel Jean, datant de 1570 à Samoëns (Haute-Savoie). 
J'ai déjà parlé de lui lors du ChallengeAZ dans l'article M comme mil cinq cent soixante dix. Dans cet article j'abordais notamment :
  • l'époque moderne, 
  • le roi régnant à ce moment, Charles IX,
  • les grands noms de l'architecture, poésie, peinture...
  • un rappel historico-géographique : la Haute-Savoie n'était pas française à cette époque.
Par cet acte de naissance, je connais ses parents : Louis et ... (aïe ! L'acte est en latin : je sèche sur le prénom de la mère que je ne parviens pas à situer ! [ 1 ]). Tous les deux portent le même patronyme, Ryondel.

 Acte de naissance de Ryondel Jean, 1570, coll. personnelle

Je n'ai aucune date ou événement pour ces parents. Je n'ai que l'acte de naissance de leur fils Jean : pas d'autre événement. J'ignore l'origine et ce que veut dire leur nom. Peu d'informations en somme. Que dire, alors ? Que dire de ces ancêtres qui sont quasi invisibles.

Je me reporte à l’article d'Elise 3 étapes pour raconter l'article d'un ancêtre invisible.

  • Etape 1 : mettre en place une trame de vie.
N'ayant quasiment aucun événement les concernant, c'est un peu mince pour faire une ligne de vie.
Les archives de cette période n'étant pas en ligne, impossible d'explorer leurs proches.
Pas de recensement non plus, pour aider à les localiser.
Donc, pas de cartographie, pas de trame de vie. 

  • Etape 2 : comprendre et intégrer l'environnement de sa vie
J'ignore quel métier ils pratiquaient. 

  • Etape 3 : donner de la couleur au récit
Histoire locale, habitat, événements climatiques... restent assez mystérieux pour moi, à cette époque tout au moins. Une des rares informations en ma possession est que la famille réside à Vallon (aujourd'hui village de la commune de Samoëns).

On y devine, de nos jours encore, un espace voué dès l'origine à l'agriculture : l'habitat a gardé la marque de l'exploitation intensive d'un milieu rude, structurée autour d'une fruitière où se travaillait le lait récolté chaque jour, l'hiver dans les fermes, l'été dans la montagne du Criou. Des bassins rassemblaient les habitants, pour se rafraîchir, ou faire boire le troupeau (mais de quand datent-ils ?). 

Vallon © Hier à Samoëns

On y craignait deux dangers : les risques liés au feu et à l'eau. L'imbrication des fermes et de leurs dépendances, les vastes volumes habillés d'épicéa, expliquent comment un incendie s'étend rapidement et devient désastre. Le beau mantelage [ 2 ] aux teintes grises ou mordorées s'enflamme facilement car les fermes abritent d'importantes réserves de foin. L'inondation, autre danger, revenait régulièrement et nécessitait des corvées de surveillance jusqu'à ce que l'endiguement du Giffre et du Clévieu atténue les risques.

L'architecture traditionnelle est marquée par une variété dans les galeries, aux barreaux rectangulaires ou aux balustrades découpées, l'alternance de la pierre et du bois, et celle des ouvertures d'aérations dans les fenils qui surmontent les habitations. Deux virgules accolées dessinent des cornes de taureau, des cœurs, des flammes, quatre forment un svastika curviligne. Ailleurs se déclinent les symboles des jeux de carte. En s'approchant davantage des portes d'entrée, les colonnes, les linteaux sculptés révèlent le goût des habitants, qui, derrière une apparente austérité, recherchent une esthétique simple et discrète marquée par la tradition.

La vie de Vallon a un autre centre : la chapelle, édifiée en 1636, au clocheton à section octogonale, coiffé d'une coupole aux courbes outrepassées. L'influence baroque y est présente. Sous la protection des Saints Jacques, Philippe et Joseph. Elle fut bâtie à l'initiative de Joseph de Gex, baron de Saint-Christophe, seigneur de Vallon et des communiers du village, en remerciement d'une protection accordée lors d'une épidémie de peste qui resurgit en ce début du XVIIème siècle "désirant accomplir et effectuer la dévotion par eulx prinse au mois de décembre de l'année 1630 auquel temps, il pleut à la miséricorde divine visiter une partie du peuple du présent lieu et mandement de Samoên du fléau de peste et contagion". [ 3 ]

 Chapelle de Vallon © dimoiou

Jean Ryondel ne l'a sans doute pas connue (il semble être décédé lors du mariage de sa fille en 1635); ses parents probablement pas non plus.

Bref, si la date ancienne est satisfaisante du point de vue néalogique, la vie quotidienne et historique de ces lointains ancêtres semble bien difficile à saisir véritablement.
 

[ 1 ] S'il y a parmi vous des latinistes qui s'ennuient, je suis preneuse d'une traduction...
[ 2 ] Mantelage : habillage en bois d'un chalet.
[ 3 ] Source : Samoëns.com

vendredi 13 mars 2015

#Généathème : capsule temporelle

Dans mon grenier virtuel (cf. précédent article du blog), j'ai aussi trouvé un vieux coffre dans lequel il y a :
  • un plat d'étain.
  • une chemise.
  • un paire de pinces.
  • un drap.
  • un fer de pelle.
  • une clé.
  • une petite pièce de cuir soyeuse et un cuir fort.
  • une petite bourse de peau contenant une pièce.
  • deux pièces de bois et quelques petits outils.
  • trois cartons de différentes tailles portant des dessins paysagés. 
Dessin n°1
  • quelques clous.
  • un fragment de papier à demi effacé et taché, trace d'un partage rédigé devant notaire.
  • une paire de souliers.
  • un couteau dont la gravure du manche se devine à peine.
  • et une lettre, qui a malheureusement pris l'eau et dont le contenu s'est effacé

J'ai donc décidé de mener l'enquête sur le propriétaire de cette boîte mystérieuse.

Dans le coffre on distingue quatre séries d'objets : du linge, des papiers, des objets usuels et des outils.
  • Du linge :
Une chemise, une pièce de drap (souvent appelé "linceul" dans les inventaires de Haute-Savoie), une paire de souliers. Ces vêtements et linge sont assez anonymes et ne révèlent rien, à première vue, du propriétaire du coffre.
Les pièces de cuir sont plus singulières. Elle ne semblent pas former de vêtement terminé : était-ce des chutes ou des éléments d'un habit non façonné encore ?
  • Des papiers :
La lettre, sans doute laissée par le propriétaire du coffre, ne m'apprendra rien car l'eau a effacé le texte. Peut-être était-ce une dédicace ? Un papier officiel ? Je ne le saurai jamais.

Le papier déchiré est un fragment de partage, acte rédigé devant notaire. Le nom a disparu sous une tache. Le lieu n'est pas précisé (ou en tout cas pas visible). La date que l'on remarque en haut à gauche est à demi effacée mais commence par mille sept cent; ce qui nous place au XVIIIème siècle.
Dessin n°2

Des trois cartons dessinés, deux restent assez mystérieux à première vue, si ce n'est que ce sont des paysages de montagne avec l'un une église dans un village ("dessins n°2") et l'autre une chapelle dans la nature ("dessin n°3"). Le troisième, en revanche, me met sur une piste ("dessin n°1") : au premier plan on distingue un village et sur le ciel se détache une montagne pointue. On retrouve d'ailleurs sa silhouette sur le dessin n°2. Nombre de mes ancêtres ont vécu sous son ombre protectrice : reconnaissable entre toutes, cette montagne est le Criou, qui surplombe la ville de Samoëns en Haute-Savoie.

Je sais donc désormais que le propriétaire du coffre a vécu à Samoëns au XVIIIème siècle.
  • Des objets usuels :
La clé a perdu sa serrure (j'ai vérifié : ce n'est pas celle du coffre), mais on trouve souvent, dans les inventaires ou contrats de mariage, des meubles fermant à clé. Si le meuble a été perdu, cette clé est sans doute le dernier témoin de ce mobilier traditionnel.
Le plat d'étain, lui, est beaucoup moins courant, signe d'un certain niveau de vie, quand on trouve plus couramment de la vaisselle de terre, voire de bois.
La présence du couteau n'est pas étonnante. C'était souvent un ustensile personnel, que l'on emmenait avec soi. D'ailleurs, généralement on n'en trouve pas dans les inventaires car il n'est pas impersonnel comme le sont les cuillères [ 1 ]. Souvent personnalisé : il n'était pas rare qu'il soit gravé d'un motif ou du nom du propriétaire. Ici, on le devine, mais trop effacé sous l'usage quotidien, l'inscription n'est plus lisible.
La pièce contenue dans la petite bourse de cuir se révèle être, après enquête, un "quart de patagon" : le patagon est une monnaie d'argent que l'on retrouve dans les royaumes espagnols (donc frappée jusque dans les Flandres ou la Franche-Comté). Elle vaut environ trois livres tournois.
La pelle est un objet assez courant dans les inventaires. Celle-ci a perdu son manche de bois et n'a conservé que sa palette de fer.


Dessin n°3
  • Des outils :
Ce sont les outils qui nous donnent la clé du mystère : une paire de pinces, des clous, des petits outils (sorte de canifs et petits marteaux) et surtout les pièces de bois. Ce sont des structures articulées ayant la forme d'un pied, destinées à être placées dans une chaussure pour en élargir une partie ou parfaire sa forme.
Ces outils sont caractéristiques du métier de cordonnier.
D'où la présence de souliers et de différentes pièces de cuir, que j'avais prises pour des vêtements tout à fait communs, au premier abord, mais nettement plus significatifs dans une malle de cordonnier.

Nous recherchons donc un cordonnier ayant vécu à Samoëns au XVIIIème siècle.


A partir de ce moment, aucun problème pour résoudre l'enquête : une simple requête dans mon logiciel de généalogie avec le métier, le lieu et la date.

Seuls deux cordonniers ressortent dans les résultats : un père et son fils. Jean Moccand (1662/1742) et son fils Jean Michel (1701/1755). D'après les actes notariés en ma possession les concernant (inventaires, testaments, contrats de mariage, etc...), le coffre a sans doute appartenu au père. En effet, Jean a bien réalisé un partage en 1727. De plus, ces objets se retrouvent dans un inventaire réalisé par lui et son épouse, en 1737 en vue d'un futur héritage [ 2 ]. Ces objets ont donc été réunis du vivant du père ou par son fils.

Dans quel but ? Nous ne le saurons jamais. Mais grâce à ce coffre, le souvenir de Jean et de Jean Michel est parvenu jusqu'à nous...


[ 1 ] Rappelons que la fourchette, introduite par Catherine de Médicis ou Henri III (selon les légendes), met du temps à se populariser dans les foyer les plus humbles. Sa diffusion massive ne se fait véritablement qu'à partir du XVIIIème siècle.
[ 2 ] Ou tout au moins la plupart de ces objets figurent dans l'inventaire : quelques uns ont été ajoutés pour les besoins de l'enquête !

vendredi 13 février 2015

#Généathème : généalogie, côté insolite

 Certains de nos ancêtres ont des vies particulières, qui les font remarquer et entrer dans le livre des records : mariage à 12 ans, décès à 104 ans, 17 enfants, etc... En voici un, parmi tant d'autres, sorti de mon guinness généalogique personnel :

  • Deux
Pierre Rouault est né le 15 juillet 1692 à Villevêque (au Nord d'Angers). Il est le dernier d'une fratrie de cinq enfants. Son père, René, est vigneron. Mais sa mère, Perrine Dalibon, meurt alors qu'il n'a que deux ans. Il sera élevé par Louise Repussard, la seconde épouse de René. Cinq autres enfants viendront ensuite agrandir la famille.

  • Huit
A l'âge de 22 ans (en 1715), il épouse Andrée Lemele, une fille du pays, de 8 ans son aînée. Ensemble ils auront 4 enfants. Laboureur, il cultive sa terre paisiblement, entouré de son épouse et de ses enfants.

  • Trente neuf
Après 39 ans de mariage, Andrée quitte ce monde. Les enfants ont tous plus de 30 ans et sont tous installés et/ou mariés.

  • Trente sept
Trois ans plus tard, en 1757, alors qu'il a 64 ans, Pierre épouse Magdelaine Saulnier. C'est le record dans ma généalogie : l'époux le plus âgé. Magdelaine, lors de ce mariage, n'a que 27 ans. Ils ont donc 37 ans de différence (ce qui n'est pas le record !).

  • Soixante douze
Ils auront trois enfants, dont Nicolas (de qui je descends). Ce Nicolas est né en 1764. Son père est donc alors âgé de 72 ans. C'est aussi le record dans ma généalogie : le père le plus âgé.

Mains intergénérationnelles, P.Chauvin


  • Quatre vingt trois
Pierre décède à l'âge de 83 ans, en 1776.

vendredi 16 janvier 2015

#Généathème : votre astuce

De mon point de vue, la généalogie est avant tout une question de partage. D'abord parce que mes ancêtres ne m'appartiennent pas en propre, mais parce que je les partage avec beaucoup de personnes - que je connais, ou non (et plus on remonte dans le temps, moins je les connais). Et puis parce qu'elle s'inscrit dans l'histoire (la petite ou la grande) et que, là encore, c'est une affaire collective. D'où mon regret de voir petit à petit la généalogie se monnayer (par les archives, les cercles généalogiques...).

Les blocages, ou épines généalogiques, sont indissociables de la généalogie : parce que soudain vos ancêtres déménagent sans laisser d'adresse, parce qu'ils exercent des métiers disparus aujourd'hui, parce que les écritures manuscrites de chacun ne sont pas toujours aisées à déchiffrer. Vaincre ces difficultés fait partie du plaisir de la quête : d'abord parce qu'elles permettent de comprendre puis de progresser. Comprendre ce qu'on lit ou la vie de ceux qui nous ont précédé. Progresser en trouvant la génération suivante. Et c'est une satisfaction indéniable. Pour passer ces difficultés il y a l'expérience, la patience ou la persévérance.

Mais parfois, malgré toute notre bonne volonté, on se trouve véritablement coincé. Une aide extérieure peut alors se révéler précieuse. Pour débloquer une épine (ou une "épinette") il existe différentes solutions possibles.

Personnellement, les arbres en ligne sont les premiers vers qui je me tourne pour débloquer une situation. Le premier réflexe. Je cherche une personne, un lieu, une filiation... Quelqu'un dans le vaste monde a-t-il eu les mêmes interrogations que moi ? Et surtout a-t-il trouvé ? Je tente ma chance pour trouver un raccourci. Parce que bien sûr, si le plaisir est dans la recherche, il ne faut pas exagérer non plus...

Les bases en ligne : celles des cercles généalogiques, des archives... sont aussi fort pratiques. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler sur ce blog. Elles permettent parfois d'apporter des solutions inédites, auxquelles on n'aurait jamais pensé. De même, les relevés collaboratifs de Geneanet m'ont permis de faire des découvertes complémentaires bien utiles parfois : mention d'un contrat de mariage qui, une fois obtenu, précise toute la parentèle par exemple.

Et puis il y a l'assistance de tous les jours : celle des réseaux sociaux. Sans se prendre la tête, on pose une question au fil du vent. Il y a toujours quelqu'un pour répondre. J'utilise cette botte pas vraiment secrète pour m'aider à lire un mot par exemple. Et soudain le "porc de la mariée" se transforme en "père de la mariée"; ce qui, il faut bien le dire, produit un tout autre effet parmi les témoins de la noce ! Un œil neuf, c'est toujours précieux. D'autre fois c'est pour comprendre le sens d'un mot. Le cabanier a ainsi beaucoup fait parler la Twittosphère autour de moi et je remercie ici tous ceux qui m'ont expliqué que c'était un fermier.


Rencontrée un peu au hasard de mes blocages, l'association Fil d'Ariane fait partie de mon quotidien généalogique maintenant. Je l'utilise beaucoup pour pallier l’éloignement géographique. Si je demande parfois de faire une recherche "au hasard" (genre "est-ce que par hasard untel serait né ici dans ces années-là ?"), généralement c'est plutôt pour me photographier des actes notariés dont j'avais déjà une indication (par exemple un contrat de mariage mentionné dans l'acte de mariage); en attendant que les archives mettent leurs propres copies en ligne. C'est plus ou moins long, selon le nombre de bénévoles sur place, mais peu importe : je ne suis pas pressée. Ces documents "m'attendent" depuis plusieurs centaines d'années parfois, alors quelques jours de plus ne changeront rien.

Bien sûr, cela ne résout pas toujours tout : si grâce au Fil d'Ariane j'ai enfin trouvé la fiche militaire de mon arrière-grand-père (souvenez-vous, l'épine généalogique présentée l'année dernière), aujourd'hui encore il reste des mystères : a-t-il véritablement été envoyé dans les Dardanelles avec son patron angevin et toute l'usine Bessonneau, par exemple ?

Et parce que j’apprécie de pouvoir trouver ces informations et informateurs, je rends la pareil : comme j'ai déposé mon arbre en ligne, je suis devenue bénévole à mon tour pour le Fil d'Ariane... Pour que l'échange soit réciproque.

Bref, le partage, les échanges, les astuces c'est ma vie quotidienne de généalogiste.