« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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dimanche 24 septembre 2023

Passer la Révolution

GABARD est le patronyme de ma grand-mère maternelle. Pendant plus de deux cents ans sa famille occupa la même ferme, située au lieu-dit La Gidalière, à Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres, commune frontalière avec la Vendée).

Signature d'un de "mes" Gabard, 1813 © AD79

Selon la légende familiale ils en étaient propriétaires, mais je ne serai pas aussi catégorique. En effet, j’ai trouvé aux archives la mention de baux (par exemple en 1821 : acte passé devant Me Bellin notaire à Châtillon par M. Augustin Dumoutiers propriétaire à Loudun tant pour lui que pour M. Joseph Jerome Dumoutiers son frère à Jean Gabard et Françoise Paineau sa femme [mes sosas 112 et 113] de la métairie de la Gidalière commune de St Amand pour trois, six ou neuf années à grée respectif qui ont commencé à la St George dernière 1820, moyennant 600 fcs, 146 décalitres seigle, la filature d'un kilogramme et demi de fil, de 6 kg de beurre et les contributions.

Les Dumoustier sont une famille de seigneurs locaux, comptant des gardes du corps du roi, président du baillage de Loudun, légion d'honneur, etc. Qui dit bail dit locataire. Qui dit locataire dit pas propriétaire. Il faudra que je creuse cette question.

Bref, ce n’est pas vraiment le sujet du jour. Non, moi ce qui m’intéresse c’est le avant « les deux cents ans ». Car avant, c’est le trou noir.

 

Les GABARD sont nombreux dans la région. Sur Geneanet, en 1800, on recense plus de 650 porteurs du nom rien qu’à saint-Amand. Dans mon arbre j’en ai enregistré au total 144.

 

Selon Tosti ce patronyme aurait pour origine le nom d’une personne d'origine germanique, Gebhard (geba = don et hard = dur). Autre possibilité, selon Morlet, ce serait un dérivé de l'ancien français gab (= moquerie, plaisanterie), surnom d'un joyeux drille.

Le nom est surtout porté en Poitou-Charentes (avec un gros noyau en Deux-Sèvres/Vendée), dans le Centre et dans le Bourbonnais.

 

Côté prénom, mes GABARD ne sont guère imaginatifs : dans mon arbre 16% sont des Marie, 12% sont des Jean, 11% des Pierre et 9% des Jacques. Ça fait beaucoup d’homonymes.

 

Depuis longtemps je cherche à remonter l’ascendance de Jacques GABARD (sosa 224), marié à Anne GOBIN (ou GAUBIN). Il est né vers 1735 et est décédé en 1798 à St Amand sur Sèvre. C’est lui le « premier » aïeul, cultivateur à La Gidalière.

 

Je reprends sporadiquement ces recherches, mais deux difficultés s’offrent à moi :

  • Les registres paroissiaux ont disparus.
  • L’existence de nombreux homonymes.

 

Cette région a en effet subi de plein fouet les guerres de Vendée. Comme le raconte l’abbé Gabard (un de nos lointains cousins) : « les paysans vendéens accueillirent assez mal les changements qui se succédèrent rapidement en France, à partir de 1789. Bientôt la constitution civile du clergé*, le serment des prêtres, la vente des biens ecclésiastiques, les poursuites exercées contre les prêtres fidèles changèrent cette défiance en une vive irritation. Quelques désordres éclatèrent à Châtillon ; ils furent réprimés avec une rigueur imprudente qui ne fit qu'exciter les esprits. En février 1792, la levée de trois cent mille hommes ordonnée par la Convention amena un soulèvement universel; les jeunes gens refusent d'aller défendre à la frontière un gouvernement qui emprisonnait leur roi et opprimait leur conscience. Bientôt toute la Vendée est en insurrection. » Les révoltes paysannes se transforment alors en mouvement contre révolutionnaire. Ce sont les « Blancs ».

D’abord maître de tout le territoire, les Vendéens doivent bientôt faire face aux soldats envoyés depuis Paris (que l’on appelle les « Bleus »). Victoire et défaites marquent les deux camps. « Au mois de janvier [1794], les colonnes infernales commencèrent à sillonner le pays dans tous les sens, brûlant, pillant, massacrant tout ce qu'elles rencontrent sur leur passage. » Loin de pacifier le pays, ces exactions provoquent de nouveaux soulèvements. Plusieurs tueries marquent l’année jusqu’à ce que la Convention rappelle leurs chefs. En décembre 1794 les républicains engagent des négociations qui aboutissent au printemps 1795 à la signature de traités de paix. Quelques désordres perdurent en 1795 et les années suivantes mais globalement la paix est rétablie.

Néanmoins, le bilan est lourd dans le pays : on estime le nombre des victimes à environ 170 000 (dont près de 50 000 rien que pour les colonnes infernales), soit entre 20 et 25 % de la population du territoire insurgé. D’après l’historien Reynald Secher, « les troupes républicaines, et notamment les colonnes infernales, seraient responsables de la destruction de 35 % des maisons du département. »

 

A Saint-Amand on note des troubles dès l’hiver 1789. À la mi-janvier 1794 la garnison de Mallièvre s’abat sur Saint-Amand-sur-Sèvre à la recherche, selon la tradition orale, du camp des partisans de Charette.

Quelques jours plus tard, les 24 et 25 janvier 1794, c’est la colonne infernale de Boucret, ralliant Châtillon-sur-Sèvre (Mauléon) aux Épesses qui incendie Saint-Amand au passage. Le même 25 janvier, la colonne de Grignon marchant entre Cerizay et La Flocellière ravage l’ouest de la commune dans les parages de La Pommeraie. C’est ainsi que Saint-Amand devint sans doute la seule commune à avoir subi deux colonnes le même jour. La mémoire locale désignait ces événements sous le nom de « Grand Brûlement ». Selon les estimations la population de Saint-Amand passa de 1 220 habitants en 1790 à 767 en 1800. Et que les registres paroissiaux ont disparus, hélas pour nous généalogistes.

Saint-Amand reprendra les armes encore en 1799, puis brièvement en 1815.

 

Comme on l’a vu plus haut, les GABARD aiment beaucoup les prénoms Pierre, Jean et Jacques. Au début de ces (nouvelles) recherches, la famille serait composée du père (peut-être prénommé Jacques), qui a deux fils prénommés Jacques, un petit-fils Jacques, trois petit-fils Pierre, et encore des Jean (3), Jacques(5) ou Pierre (5) aux générations suivantes. Bref, un joli sac de nœuds à démêler.

 

Sur Geneanet on retrouve cette famille. Plusieurs généanautes donnent l’identité du père :

- Selon soubise307 il se prénommerait Jacques, marié à Marie BREMAUD (pas de source).

- Selon beraud86 il se prénommerait aussi Jacques, né au Pin en 1699 mais aurait eu deux épouses : 
  • Marié avec une première épouse dont le nom n’est pas connu, dont : 
    • Jacques GABARD /1735-1798 notre ancêtre 
  • Marié avant 1738 avec Marie BREMAUD †, dont : 
    • Mathurin GABARD ca 1735-1797, marié avec Jeanne Marie COUDRIN 
    • Jacques Jean GABARD 1738-1822, marié avec Marie COUDRIN 
    • Pierre GABARD 1740-1812, curé de Chambretaud, 
    • Jean GABARD 1743-1803, marié avec Louise MORISSET 
 
- Selon babbouff il se prénommerait Jean, mariée le 19 janvier 1734, Treize-Vents, avec Perrine ECHASSERIEAU. 
 
- Selon jeangodet il se prénommerait Jacques, marié avec Anne GABORIT, dont : 
  • Jean GABARD ca 1763-1839, marié vers 1789 avec Marianne MORISSET, puis marié avec Marie Jeanne CHARRIER 
  • Marie GABARD ca 1768-1827, mariée vers 1800 avec Louis MARTINEAU 
  • François Marie GABARD 1782-1836, marié le 18 février 1813 avec Jeanne RONDEAU 
  • Jacques GABARD †1798, marié avec Anne GOBIN †1813 
  • Jean GABARD ca 1778-1827, marié avec Jeanne Françoise PAINEAU

 

Bref, on a le choix !

 

Pour ma part, je sais de façon avérée qu’il y a trois frères : deux Jacques et un Mathurin (mon sosa 1012 car je descends de deux des frères). L’un des Jacques n’est qu’un demi-frère. En effet, lors du décès de Mathurin assistent deux Jacques : l’un "frère propre" et l’autre "frère de père".

Fratrie Gabard avérée avant le début de ces recherches

Le premier Jacques et sa descendance est cultivateur à la Gidalière (ce sont mes ancêtre directs), Mathurin est installé au Poux (ferme voisine) et l’autre Jacques au Puy Jourdain (à moins de 2 km), toutes des fermes de Saint Amand s/Sèvre.



Mais je ne parviens pas à remonter plus avant : pas de registre paroissiaux, donc, mais aussi pas de notaire avant l’an IV (1796) et rien dans les successions qui n’indiquerait une quelconque ascendance.

 

Après vérification, je ne valide pas l’arbre de jeangodet : si François Marie est bien le fils des parents indiqués, il comporte par ailleurs trop d’erreurs (Jean donné pour frère de Jacques alors qu’il est bien dit fils dans son acte de mariage par exemple).

L’arbre de babbouff, bien que très complet, n’est pas assez sourcé : je ne parviens pas à suivre ses filiations.

 

L’hypothèse la plus probable est la parenté avec Jacques GABARD et Marie BREMAUD. J’ai travaillé un moment sur ce couple. Trois enfants sont identifiés de façon certaine :

  • Pierre, le curé de Chambretaud décédé en 1812,
  • Jacques, son frère témoin au décès,
  • Jean, époux de Louise MORISSET, dont la parenté est signalée lors de son décès.
Arbre Gabard/Bremaud

Ce couple de parents aurait vécu à St Amand, décédé dans les années 1740/1750.

 

Leur fils Pierre est bien identifié car il apparaît dans le Dictionnaire des Vendéens : Fils de Jacques GABARD et de Marie BREMAUD, il était curé de Chambretaud depuis mai 1780, succédant à René LOIZEAU (décédé en 1780). Au début il ne se montra pas hostile au mouvement émancipateur né de la Révolution : il est nommé électeur du canton des Herbiers, envoyé à Fontenay en 1790 pour élire les députés à l’Assemblée législative. Mais il refusa de prêter le serment constitutionnel imposé au clergé*. Caché à Saint-Malo-du-Bois (à 3 km de Chambretaud), il prit part à l'insurrection. Il rédigea un dernier acte sur le registre de sa paroisse en août 1792 mais, en mars et avril 1793, on le voit rebaptiser sous condition** les enfants nés depuis la cessation de ses fonctions. En effet, régulièrement il revient à Chambretaud (où aucun curé n’a été nommé pour le remplacer), afin d’assurer les fonctions de son ministère de manière officieuse. Plusieurs fois il failli se faire prendre par les Bleus (soldats républicains). Il tint un registre clandestin à Chambretaud de mars à octobre 1793, puis de juin 1794 à septembre 1797. Il prononça finalement le serment de fidélité par écrit en 1803 en tant que desservant de Chambretaud. Il reprit son registre en juillet 1803. Il décéda en 1812 en tant que « prêtre et desservant de Chambretaud », dit âgé de 73 ans ; la déclaration en a été faite par son frère Jacques et son neveu aussi prénommé Jacques. L’office aurait été célébré par Macé, curé des Herbiers. La notice précise qu’il serait né le 20 juin 1740 bien qu’il n’y ait pas de registre antérieur à l’an VI.

En fait, j’ai retrouvé dans les registres notariés un acte de notoriété, passé devant Me Bellin, notaire à Chatillon en l’an VI, attestant qu’il était né au Poux de St Amand mais la date diffère légèrement : le 29 juin 1730 (au lieu du 20/6/1740).

 

L’hypothèse est donc que le Jacques, frère du curé Pierre, serait un de « mes » Jacques. Il est vrai que dans l’acte de décès de son frère il est dit de St Amand. Cela exclue toutefois mon ancêtre direct, qui est décédé en 1798 et ne peut, par conséquent, pas être témoin du décès de Pierre en 1812. Reste la possibilité qu’il soit le Jacques époux de Marie COUDRIN (qui ne meurt qu’en 1822).

Le lien reste mince. J’ai donc cherché une autre preuve.

 

Parmi les enfants de Jean et Louise MORISSET d’abord : nés à St Jouin sous Chatillon (aujourd’hui Mauléon), ils se sont installés côté Vendée ensuite (Les Châtelliers Châteaumurs, Les Epesses, Treize Vents). S’ils sont très présents entre frère et sœurs, jamais je ne les vois chez leurs « cousins ». A contrario, les « cousins » Deux Sévriens sont aussi très présents les uns pour les autres mais « ne passent pas la frontière ».

 

Carte des Gabard

 

En cherchant du côté de Marie BREMAUD, j’ai la confirmation que le couple GABARD/BREMAUD demeurait bien à Saint-Amand (confirmé lors du mariage de la nièce de Marie, Jeanne JANNEAU, en 1746). Marie y est dite veuve : Jacques est donc décédé cette date.

Ce fait est confirmé par ailleurs : Jacques GABARD, le père du curé, demeurait au Poux de St Amand de son vivant, selon l’acte de notoriété de son fils Pierre. Ledit curé étant lui-même né au Poux.

Le Poux est une ferme où ne vit qu’une seule famille : le fait que « mon » Mathurin GABARD y vivait, de façon certaine, tendrait à confirmer la filiation entre Jacques et Mathurin.

Marie BREMAUD semble encore vivante en 1797 lors de l’établissement de cet acte de notoriété ; mais elle est décédée en 1806 (décès de son fils Jean). Malheureusement son acte de décès n’a pas été trouvé. Je ne l’ai pas trouvée non plus sur les différentes tables de l’enregistrement (décès, testament, succession) du bureau de Châtillon – dont dépend Saint-Amand.

 

Pendant les guerres de Vendée, on l’a vu, dans la plupart des paroisses il n'a pas été tenu de registres paroissiaux ou bien ils ont été détruits. Ainsi à Saint-Amand il n’existe pas de registre antérieur à 1798. Françoise de Chabot, dans son ouvrage « un canton du bocage vendéen », cite néanmoins un registre paroissial de Saint-Amand rédigés pendant cette triste période, de façon plus ou moins officieuse. « A l'avant-dernière page de cet intéressant registre nous trouvons [la mention suivante] : N. B. Plusieurs actes sont transposés ou imparfaits, parce que je n'ai pu, dans la persécution, les faire à heure et à temps, je les ai recueillis au milieu des déroutes et des combats. Cependant j'ai copié sur des feuilles volantes les noms, les dates fort exactement, et j'ai toujours appelé des témoins dignes de foi, et quand j'en ai manqué, je n'ai mis dans les actes que ce qui est de notoriété publique.... ma connaissance. Signé Feuille ». Elle en a tiré notamment la liste de ceux qui sont morts les armes à la main ou massacrés par les Républicains entre 1793 et 1800.

J’ai eu accès à quelques actes appartenant vraisemblablement à ce registre et à un relevé dactylographié (transmis par un de nos cousins, Robert ***). J’y retrouve deux GABARD : « Gabard, Jean-Mathurin, du Poux, 16 ans, des témoins affirment l'avoir vu sabrer près Chemillé, le 10 mai. Gabard, Mathurin, du Poux, 21 ans, mort de ses blessures, le 10 juillet ». Il s’agit des fils de Jean et de Mathurin; peut-être des cousins ?

On trouve des GABARD dans d’autres listes :

- Listes générales des individus condamnés par jugements ou mis hors la loi par décrets, et dont les biens ont été déclarés confisqués au profit de la République) : « Gabard Pierre, brigand de la Vendée, commission militaire Savenay, 4 nivôse. Gabard Jean, id. 6 nivôse. »

- Contrôle nominatif des Vendéens qui ont servi dans l'armée Royale entre 1793 et 1800 : « Gabard, Jacques, né à Saint-Amand, 1740, commissaire en 1794, 1795 et 1799. Gabard, Mathurin, né à Saint-Amand, 1776, capitaine, 4 ans de guerre, action d'éclat, pris un drapeau. Gabard, Jean, né à Saint-Amand, 1781, 3 ans de guerre. Gabard, Jean, né à Saint-Amand, 1756, 4 ans de guerre. Gabard, Pierre, né à Saint-Amand, 1760, 4 ans de guerre. Gabard, Pierre, né à Saint-Amand, 1778, s'est battu en1799. Gabard, Jacques, né à Saint-Amand, 1780, id. »

Encore beaucoup de Jean, de Pierre et de Jacques. Cependant, compte tenu des homonymies, il est difficile de les identifier avec certitude, encore moins de les utiliser pour en dresser des liens.

 

Grâce à ce registres, je sais que Pierre Mathurin, fils de Jacques GABARD et Marie COUDRIN, et sa sœur Marie Jeanne, se marient le même jour en 1800. Et c’est Pierre, le curé de Chambretaud qui officie lors de la cérémonie. Un des rares liens qui uni les deux familles.

 

Mais je trouve mieux encore, grâce à la transcription dactylographiée récemment confiée par Robert. Il s'agit de la naissance de Marie Victoire GABARD, fille de Pierre et Marie DIGUET, en 1804 (petite-fille de Mathurin). J’avais trouvé en ligne son acte, daté du 1er jour complémentaire an XII (18/9/1804). Sur ce document étaient cités comme témoins « Pierre Gabard, 27 ans et Marie COUDRIN, 31 ans ». Je n’étais pas parvenue à déterminer qui étaient exactement ces témoins. Et j’avais oublié cet acte. Or, dans le relevé des « actes révolutionnaires » de Saint-Amand la transcription de cette naissance est bien différente :

« Le 24-12-1803
GABARD Marie Victoire enfant légitime de sexe féminin, née ce jour, fille de GABARD Pierre, taillandier au Poux et de DIGUET Marie
Parrain : GABARD Pierre, curé de Chambretau, grand oncle
Marraine : COUDRIN Marie Victoire, grand-mère
Acte rédigé par Nicolas LE FRANÇOIS prêtre desservant de St Amand »

La date est différente, ce qui n’est guère étonnant : les actes en ligne sont souvent des actes rédigés à postériori, après les troubles. J’ai ainsi pour sa cousine Marie Anne j'ai deux actes de mariages : un en 1796 et un en 1801.

Les témoins ne sont plus de simples témoins, mais un parrain et une marraine. L’acte est dirigé par le prêtre desservant la paroisse et non par le maire ; là encore ce n’est pas étonnant l’acte de 1804 est fait à la mairie, selon les nouvelles directives post-révolutionnaires, tandis que l’autre a été fait devant le prêtre (d’où les parrains).

Mais ce qui est frappant ce sont les témoins, qui n’ont plus d’âge mais des liens familiaux indiqués sans ambigüité.

 

Le lien entre les deux parties de la famille, la Vendéenne et la Deux-Sévrienne, est ici attesté de façon formelle (si on considère que cette transcription est bien correcte ; ce que j’ai très envie de croire). Je n’ai, hélas, pas eu accès au document original de cet acte (si jamais un lecteur en a une copie et qu’il veut bien me la transmettre, j’en serai ravie), mais c’est la  preuve de la parenté de mes ancêtres directs avec le couple Jacques GABARD et Marie BREMAUD qui est enfin avérée.

Sauf élément contraire, j’ai enfin brisé le plafond de verre de la Révolution et j’ai gagné une génération supplémentaire. Voire plus...

Nouvel arbre Gabard (cliquez pour agrandir)

 

En effet, tant qu’à faire, j’ai tenté de remonter la piste des ascendants de Jacques GABARD, époux BREMAUD : il serait le fils de Jean et Perrine PEHILIPPON, couple installé au Pin (à une quinzaine de kilomètres à l’Ouest de Saint-Amand – et où les registres vont jusqu’au milieu du XVIIème siècle). Il aurait eu 5 frères et sœurs, tous décédés en bas âge ou jeune, hormis une sœur – mais il n’apparaît pas de son côté. Les généalogies en ligne déroulent les générations de GABARD jusqu’au début du XVIIème siècle avec un couple fondateur demeurant à Nueil les Aubiers, 10 km plus loin, Jean GABARD et Françoise VIOLLEAU.



De mon côté, il me reste à prouver que Jacques est bien le fils de Jean…

 

 

* La Constitution civile du clergé est créée en 1790 par l’Assemblée constituante, réorganisant unilatéralement le clergé français, instituant une nouvelle Église, l'Église constitutionnelle. Cette réorganisation est condamnée par le pape Pie VI, ce qui provoque la division du clergé français en clergé constitutionnel (les « jureurs ») et clergé réfractaire. La Constitution civile du clergé est finalement abrogée en 1801 par Napoléon Bonaparte.

** Baptisé sous condition : Le baptême efface le pêché originel. Un enfant mort sans baptême est condamné à errer éternellement dans les limbes. C’est pourquoi il faut le baptiser au plus vite (en général le jour même) : quelque soit le temps, il faut se rendre à l'église la plus proche. Un enfant mort-né ou en danger de mort à la naissance est "ondoyé" par la sage femme ; acte qui lui ouvre le ciel en cas de décès (C’est l’une des raisons pour lesquelles la sage-femme était nommée par le curé et prêtait serment). Ensuite, le prêtre baptise le nouveau-né « sous condition » : il suffit que les témoins attestent qu’ils ont aperçu un mouvement du cœur, un semblant de respiration, le tressaillement d’un doigt, un souffle … L’enfant mort, retrouve la vie quelques instants, le temps de recevoir le baptême.

*** Que je remercie d’avoir partagé ses découvertes avec moi.

 

 

vendredi 16 septembre 2022

#52Ancestors - 37 - Mathurin Soulard

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 37 : Les hauts et les bas de votre voyage généalogique

 

A l'occasion de cette trente septième semaine du challenge #52Ancestors dont le thème est "les hauts et les bas", je reviens sur le yo-yo qu'est la généalogie.

 

Si la généalogie était un jeu d'adresse, ce serait un yo-yo. Parce que la généalogie c'est :

  • Le désespoir

Alors que tu crois que c'est bouché, que non, définitivement non, tu ne trouveras jamais l'acte de mariage de Mathurin Soulard et Perrine Grimaud (au XVIIIème siècle).

  • L'espoir

Bon, certaines généalogies sur le Net indiquent bien un hypothétique contrat de mariage, mais que tu ne trouves pas non plus.

  • L'attente

Bon, t'as bien demandé au Fil d'Ariane d'aller voir si ce contrat existe vraiment...

  •  Le scepticisme

... Mais, même s'il est trouvé, rien ne garantit qu'on puisse progresser.

  • La joie

Et puis, voilà, un jour le contrat de mariage arrive.

  • La re-joie (sic)

Chouette, les parents du marié sont cités. 

  • La déception

Zut, je ne les trouve pas sur les généalogies déjà en ligne. 

  • La re-déception (re-sic)

Zut, les parents de la mariée ne sont pas cités. 

  • L'allégresse

Chouette, tous ses frères et sœurs le sont et je les trouve en ligne. 

  • L'ébullition

Par recoupement je trouve les parents. Et donc leur paroisse. 

  • La jubilation

Et donc l'acte de mariage tant recherché (à 50 km de là où je le cherchais : je ne risquais pas de le trouver !). 

C'est vraiment le yoyo des émotions !

 

Yo-yo © Photopin

Et chaque trouvaille soulève son lot de découvertes annexes. Ce n'est pas seulement une génération supplémentaire : c'est un nouveau lieu, un nouveau métier [ 1 ], de nouvelles personnes... Et de nouvelles questions...

  • Étonnement
  • Tracas
  • Confusion
  • Interrogation
  • Effervescence  
  • Plaisir
  • Espoir
  • ...

Un yo-yo, je vous dis.

 

 

[ 1 ] Le cabanier, en l'occurrence, qui est un fermier.

 


 

 

jeudi 30 juin 2022

#52Ancestors - 26 - Jacques Gabard

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 26 : Quels sont les noms présents dans votre généalogie ? Quelles sont les origines de votre généalogie ? 

 

Voici une infographie pour explorer les patronymes de ma généalogie : 

vendredi 17 juin 2022

#52Ancestors - 24 - François Robin

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 24 : Un nom un peut trop commun (cas d’homonymie)

 

Je compte 7 branches portant le nom de Robin dans mon arbre, soit 67 individus. Ce n’est pas énorme, mais c’est déjà beaucoup. Et surtout, les Robin couvrent toutes les branches de mon arbre, tant maternelle que paternelle : Ain, Côtes d’Armor, Maine et Loire, Vendée. Partout ils sont présents, de 1576 à 1840. Parmi eux je compte 8 François ou 4 Joseph.

 

Le patronyme Robin est dans le top 50 des noms les plus portés en France. « C'est un diminutif de Robert porté dans toute la France, mais surtout en Vendée. Très fréquent [sic]. Robert est un nom de personne d'origine germanique, Hrodberht (hrod = gloire + berht = brillant)* ».

 

Si je cherche Robin François sur Gallica, les résultats donnent 838 documents consultables en ligne ! Sur Geneanet cela peut conduire à 11 864 résultats « juste » dans la bibliothèque. Bref, des recherches un peu compliquées.

 

Je prends ici l’exemple de François Robin, ayant vécu aux Epesses (85), mon ancêtre à la XIème génération (sosa n°1976). Il a épousé Marie Jeanneau vers 1707. Je le connais surtout par ses enfants car les registres paroissiaux des Epesses ne commencent qu’en 1737.

Le couple a 4 enfants, probablement entre 1708 et 1719 (si on se fie aux dates données dans leurs actes de décès) :

  • Perrine
  • Jacquette
  • Alexandre Pierre
  • Marie Anne

 

François est dit décédé à partir de 1740 (mariages de ses filles ou acte notarié concernant sa veuve). Il est peut-être même décédé avant 1737 car dans les premiers registres paroissiaux disponibles, son décès n’apparait pas entre 1737 et 1740. Son épouse, Marie Janneau, décède en 1750.

Par ailleurs Alexandre est facilement identifiable car il signe d’un joli « A. Robin ».

 

Mais François Robin n’est pas le seul François Robin dans la famille car son petit fils se nomme aussi François Robin.

En effet Alexandre a eu un fils qu’il a prénommé François. Et l’histoire ne s’arrête pas là : François Robin, petit-fils, a épousé Marie Jeanneau ! Il y a donc homonymie parfaite entre le couple des grands-parents et celui du petit-fils.


Alors là, je peux vous dire qu’on a perdu une grande partie des généalogistes de Geneanet ! De nombreux arbres en ligne mélangent les deux couples. Perrine, Jacquette et Marie-Anne se retrouvent les filles de François petit-fils. Et ça ne gêne pas leurs auteurs de désigner Alexandre né vers 1712 père de François qui se marie vers 1705 : précoce le fiston ! Pour d’autres Alexandre se retrouve le grand-père d’Alexandre. Et pour ceux qui ont compris qu’il y avait deux Marie Jeanneau, mais comme on se recopie sans rien vérifier, Marie Jeanneau la grand-mère se retrouve à décéder le 29 août 1750 exactement comme Marie Jeanneau l’épouse du petit-fils.

 

Bon, vous l’aurez peut-être compris, cela m’exaspère de trouver de tels résultats en ligne, de voir des généalogies qui se copient en dépit du bon sens, défiant la logique la plus élémentaire. Alors qu’une simple vérification sur des registres (qui sont en ligne) permet d’infirmer ces inepties.

 

Ainsi pour commencer Marie Jeanneau (« la Jeune » si l’on peut dire) est décédée en 1821 tandis que « l’Aînée » est bien décédée en 1750. Si elle a bien épousé un François Robin, elle l’a fait en 1785 (date pourtant largement partagée et facile à trouver). De là, il est aisé de voir que leurs enfants naissent entre 1786 et 1792 (et non pas entre 1708 et 1719). De la même manière en examinant un peu les actes concernant Perrine, Jacquette et Marie Anne on se rend vite compte qu’Alexandre est bien leur frère et non leur grand-père :

  • Quand on le voit nommé curateur des enfants de Perrine, il est dit « oncle ».
  • Quand il est témoin au décès de sa sœur Marie Anne, il est dit « frère ».

 

Alors d’accord, si deux individus homonymes sont assez courants au sein d’une même famille, il est plus rare de trouver deux couples homonymes. Mais cela n’empêche pas de faire un minimum de vérifications. Bon, ça demande un tout petit plus d'effort, mais au moins on dispose d'informations justes (et nettement plus logiques !).

 

 

 

* Étymologie fournie par Jean Tosti

 

 

vendredi 27 mai 2022

#52Ancestors - 21 - Pierre Gabard

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 21 : Votre ancêtre dans la presse/les annuaires

 

Pour cette semaine, je triche un peu car ce n’est pas vraiment dans la presse/annuaire que j’ai trouvé mon ancêtre, mais dans les délibérations du Conseil Général des Deux-Sèvres (mais à ma décharge j’avais coché la case Presse lors de ma recherche dans Gallica…).

Donc j’ai trouvé Pierre Gabard dans deux délibérations, en 1877 et 1880, qui concernent un jury d’expropriation.

 

Lors de la séance du 27 décembre 1877 sont à l’ordre du jour une translation de chef-lieu de commune, des foires, un nouveau tableau des poids et mesure, etc… Et le rapport de M. de Beauregard sur le jury d’expropriation.

 

Délibération du CG Deux-Sèvres © Gallica


« En prévision des expropriations auxquelles pourrait donner lieu l'exécution de nouvelles lignes de chemins de fer projetées, la liste du jury d'expropriation a été portée […] à 72 jurés par arrondissement.

Votre troisième Commission vous propose […] de donner votre approbation à la liste ci-jointe ». Et parmi l’arrondissement de Bressuire figure « Pierre Gabard, propriétaire à Saint-Amand »

 

Pierre Gabard est mon ancêtre à la VIème génération (sosa 56). La famille exploite la métairie de La Gidalière depuis trois générations (et encore deux autres après lui). Il y est né en 1818.

 

Le jury d’expropriation est un jury spécial, en fonctionnement de 1841 à 1936, composé de propriétaires et chargé de fixer le montant de l'indemnité versée aux propriétaires touchés par l'expropriation, en cas de désaccord de celui-ci avec l'offre de l'administration.

 

La notion d’expropriation est liée à celle de la propriété. Lorsque l’État entre prend la construction d’un pont, une route, une forteresse, etc… il devient prioritaire : la propriété individuelle est abandonnée au profit de l’intérêt général. Afin de ne pas voir ses projets réduits en cendres par la volonté de quelques propriétaires récalcitrants qui ne veulent pas perdre leurs biens, l’État peut se prévaloir de la notion d’utilité publique. C’est un acte né  d’une volonté unilatérale de la part de la puissance publique. Grâce à cela, l’État obtient le transfert de propriété. Heureusement pour les propriétaires ce sacrifice n’est pas sans contrepartie : ils reçoivent une indemnité (article 545 du code civil). C’est ce que l’on appelle l’expropriation pour cause d’utilité publique.

La première réglementation sur l’expropriation date de 1810, sous Napoléon. Avant cela il suffisait qu’un seigneur décide pour qu’il soit obéi. Lors de la Révolution, la propriété est reconnue comme un droit, mais aucune loi ne protège conte l’arbitraire de l’administration. Napoléon préconise l’intervention d’un juge dans la procédure d’expropriation. Cette loi est complétée par celle de 1833 qui met en place un jury d’expropriation. Ce jury est composé de propriétaires payant l’impôt. Cette loi restera en application jusqu’en 1935, date à laquelle est à nouveau amendée.

Le cas particulier des chemins de fer est précisé dans une loi datant de 1841 : des compagnies concessionnaires de travaux publics visant à construire les voies ferrées, jugées d’intérêt public, sont dotées du droit d’exproprier. C’est un rare privilège accordé au privé par le public, mais qu’il faut nuancer car dans ce cas la propriété est transférée au public, via le privé (le privé ne conserve pas le droit de propriété). Cette loi vise à faciliter la réalisation des travaux. Cela concerne les voies, mais aussi les gares, les ponts ferroviaires, les passages à niveau.

 

Le Conseil général forme, annuellement, la liste du jury pour chaque arrondissement. C’est le document qui a été trouvé concernant Pierre Gabard. Les personnes désignées doivent être de nationalité française, figurer sur la liste des électeurs, avoir leur domicile réel dans l’arrondissement où sont situés les biens qu’il s’agit d’exproprier. La liste doit être composée de 36 personnes au minimum et 72 au maximum. Les personnes portées sur la liste doivent être désignées de manière à ce qu’on ne puisse les confondre avec des homonymes. Ne peuvent être désignés les propriétaires, locataires ou créanciers ayant un rapport avec les biens à exproprier. La liste est ensuite transmise au Préfet et Sous-Préfet qui ont autorité pour convoquer le jury et les expropriés concernés. Les jurés sont alors choisis parmi la liste : 12 d’entre eux sont retenus pour constituer le jury d’expropriation (les 12 premiers de la liste s’il n’existe aucun empêchement ou dispense, puis en suivant si nécessaire). Le jury fixe les indemnités proposées aux expropriés.

 

Les deux séances du Conseil général des Deux-Sèvres que j’ai retrouvées proposent une liste de 72 jurés – ce qui est, comme on l'a vu, le nombre maximum qui peut être soumis. Les deux délibérations nous précisent que ce grand nombre est nécessaire à cause de la construction du nouveau chemin de fer.

 

De quelles lignes s’agit-il ? Le rapport ne le précise pas. On est alors en plein essor du chemin de fer, la modernisation de l’État sous Napoléon III étant une priorité. La ligne Cholet/Niort a été mise en service en 1868, concédée à la Compagnie Paris Orléans en 1883. La ligne Chartres/Bordeaux est en pleine construction. Le tronçon Montreuil-Bellay/Niort a été déclaré d’utilité publique en 1879 (via Thouars et Parthenay).

Pour renforcer le maillage ferroviaire à l'intérieur du département, le Conseil général a étudié un plan de construction de lignes à voie normale (écartement des rails de 1,4 m), mais le projet était trop coûteux. Il a donc mis en œuvre le réseau des Tramways des Deux-Sèvres (TDS), un réseau de chemins de fer secondaire à voie métrique (écartement de 1 m seulement), moins onéreux.

La ligne Bressuire/Montreuil-Bellay a été ouverte en 1897 (pour le tronçon Bressuire Argenton-Château) et prolongée en 1899 (Argenton-Château Montreuil-Bellay). Elle faisait 62 kilomètres de long dans sa totalité. Elle était desservie par un tramway à vapeur. Elle a été fermée en 1939, la TDS cessant son activité au début des années 1940.

Chemin de fer Nord Deux-Sèvres (détail) © www.ruedupetittrain.free.fr

 

Mon ancêtre étant en 25ème position en 1877 et 30ème en 1880, il avait peu de chance de siéger dans le jury puisque n’étaient retenus que les 12 premiers (et quelques suivants si certains étaient récusés). Mais ces documents m’apprennent toutefois qu’il était propriétaire (désignation en 1877) – ça je m’en doutais – et adjoint de Saint-Amand (en 1880) – ça je l’ignorais ! De nouvelles recherches en perspective...

 

 

vendredi 22 avril 2022

#52Ancestors - 16 - François Aubin Benetreau

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 15 : Recensez ce que vous n’avez pas trouvé (c’est aussi une source !) 


Je n’ai pas trouvé un acte de décès. Celui de François Aubin Benetreau. La vie de ce dernier m’est assez bien connue : il naît à Saint-Aubin-de-Baubigné (79) en 1823.

Grâce aux recensements de population je peux le suivre aisément de son enfance à sa vie d’homme. Je le vois ainsi déménager de St Aubin à la Petite Boissière puis Saint-Amand-sur-Sèvre (communes distantes de moins de 15 km). Il est d’abord dit cultivateur puis bordier.

Il apparaît sur les listes de tirage au sort militaire du canton de Châtillon. Sa taille nous est alors précisée : il mesure 1,67 m. Il présente le motif d'exemption suivant : "cicatrice scrophuleuse au bras gauche" (infection chronique de la peau).

En 1856 il épouse Louise Bouju, dont il aura 8 enfants. On notera au passage que son fils se prénomme François Aubin et deux de ses filles Marie Henriette… ce qui, vous vous en doutez, ne facilite pas les recherches.

Selon les archives notariales, il établit une société commune avec son épouse, sa fille Marie Henriette l'aînée et l’époux de celle-ci Arsène Arbet, tous résidants dans la commune de La Petite Boissière.

On le voit témoin aux mariages de ses enfants en 1879, 1886, 1892. En juin il est dit domestique à St Jouin (lors du mariage de Marie Henriette la cadette) et en novembre 1892 (mariage de Marie Thérèse) dit cultivateur à St Amand. Il a 69 ans. Je perds sa trace ensuite.

 

Son acte de décès n'a pas été trouvé dans les registres d’état civil de St Amand, dernier domicile connu. J’ai élargi mes recherches dans les communes où il avait habité précédemment : St Jouin, La Petite Boissière et St Aubin jusqu'en 1932 (j’ai ratissé large : il aurait alors de 109 ans). Sans succès.

Je n’ai pas trouvé d'inventaire après décès sur les répertoires notariaux du chef lieu de canton, Châtillon, mais ces répertoires étant partiellement lacunaires il a peut-être existé sans que je puisse le trouver.

Du côté de l’enregistrement, je n’ai pas trouvé de testaments ou de succession à son nom (mais il n’y a pas de table postérieure à 1895).

Bref, François semble avoir disparu. Qu’est-ce qui pousse un homme de 69 ans, domestique de son état, a disparaître ainsi ?

  • Déchéance financière ? Avoir un ancêtre devenu mendiant, errant sur les routes, n’est pas si improbable. Mais pour le retrouver, c'est autre chose.
  • Problèmes judiciaires ? Les Archives départementales des Deux-Sèvres ne conservent pas les registres d'écrou de la Maison centrale de Thouars. Seul est parvenu un répertoire alphabétique des noms des détenus pour la période 1874-1925. Son nom n'y a pas été trouvé.

A tout hasard j’ai fait un tour sur la base de données des dossiers individuels des condamnés au bagne, des fois qu’il ait eu de sévères démêlés avec la justice. Ce site, hébergé par le site des Anom, recense les condamnés qui ont subi leur peine dans les bagnes coloniaux, principalement ceux de Guyane et de Nouvelle-Calédonie.… en vain.

 

A-t-il déménagé ? 

  • Peut-être pour trouver du travail ailleurs - si toutefois il en cherche (il a 69 ans) - mais dans ce cas il serait allé au-delà des limites cantonales, ce qu’il n’avait jamais fait avant. Difficile alors de deviner où il a atterri. 
  • Ou bien pour se rapprocher de ses enfants - mais les derniers domiciles connus de 4 de ses enfants survivants sont dans le canton. A tout hasard, je cherche dans la commune du cinquième et dernier enfant, sa fille Marie Thérèse. Elle demeure à Combrand, commune limitrophe de La Petite Boissière et de St Amand… mais dans le canton voisin de Bressuire.

Je commence par les tables des successions de l’enregistrement. Et là, surprise ! Je trouve un Benetreau François, demeurant à Combrand, décédé en 1894. Est-ce mon François Aubin ? Il est dit veuf de Louise Bouju : pas de doute possible. Je confirme auprès de l’état civil : c’est bien lui. J’ai enfin trouvé son acte de décès ! Et en bonus, sa succession (bon, en l’occurrence c’est un certificat constatant que le défunt ne possédait aucun actif, mais enfin, c’est toujours mieux que rien).

 

Alors, du coup, c’est dommage pour le thème de l’article de la semaine puisque j’ai trouvé ce que je n’avais pas trouvé ! Mais en refaisant soigneusement le tour de toutes les sources disponibles pour rédiger l’article, ça m’a donné de nouvelles idées où chercher… et j’ai l'ai eu !

 

vendredi 18 mars 2022

#52Ancestors - 11 - Rose Marolleau

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 11 : Fleurs (ancêtres au prénom fleuri ; fleuristes...)

 

Angélique Marchand épouse Pierre Marolleau en 1807 à Cirières (79). De lui, elle a eu 11 enfants entre 1808 et 1827.

Lorsqu’elle décède en 1849 on ne retrouve que 6 de ces enfants. Les trois fils aînés ne sont pas nommés : ils sont donc très vraisemblablement décédés entre temps, même si je n’ai pas (encore) retrouvé leurs actes de décès. De même deux des filles : Julie, née en 1820, est décédée deux ans plus tard, et Marie Jeanne est décédée en 1846 à 31 ans.

 

Il reste donc : deux fils, Louis Casimir et Charles Auguste, et quatre filles :

1)      Rosalie Angélique
2)     Marie Joséphine
3)     Angélique Françoise
4)     Marie Julie

Deux documents me permettent d’en savoir plus sur la succession de la mère Angélique Marchand : les tables de succession et absences et les registres de déclaration de succession du bureau de Bressuire.

Dans le premier il est indiqué que la succession a été réglée le 18 avril 1850. La valeur du mobilier est évaluée à 212,50 francs et les revenus des immeubles situés à Cirières à 258,75 francs. Enfin, son héritière est sa fille Rose.

Mais qui est Rose ? Est-ce la fille n°1 Rosalie Angélique ? De Rosalie à Rose, il n’y a qu’un pas. Mais les choses ne sont pas si faciles…

 

En effet dans le deuxième document, le registre de succession, de nouveaux éléments viennent brouiller les cartes :

« Rose Marolleau comparaît en son nom et en celui d'Auguste et Louis Marolleau métayers à Cirières, Angélique épouse Haye de Combrand, Joséphine épouse Roy de Saint Amand et Julie de Cirières ses frères et sœurs. »


Registre de déclaration de succession © AD79

 

Si les deux frères sont identifiés sans problème, c’est plus compliqué du côté des filles. Donc on a :

a)     Rose
b)     Angélique
c)      Joséphine
d)     Julie

La logique voudrait que :

  •          Rosalie Angélique soit Rose
  •          Marie Joséphine soit Joséphine
  •          Angélique Françoise soit Angélique
  •          Marie Julie soit Julie

 

Mais non ! En effet, grâce au patriarcat (si souvent dénigré de nos jours), on a la clé du mystère. Parce que chaque fille est rattachée à son époux (le cas échéant) et son domicile.

a)     Rose n’est pas mariée
b)     Angélique est dite épouse « Haye de Combrand »
c)      Joséphine « épouse Roy de Saint Amand »
d)     Julie « de Cirières »

Il m’a fallu rechercher tous les mariages de la fratrie et leurs domiciles. Or il s’avère que l’Angélique « épouse Haye » c’est Rosalie Angélique, la numéro 1. Rosalie n’est donc pas Rose.

Joséphine, la c), est bien Marie Joséphine, la numéro 2 (c’est mon ancêtre directe). Marie Julie ne s’est mariée qu'en 1853 : elle a vécu à Cirières où elle est décédée en 1856. Julie, la d), est donc Marie Julie, la 4).

 

Par élimination, il ne reste que Angélique Françoise pour être Rose.

 

Pourquoi Angélique mère a-t-elle choisi une de ses filles cadettes pour la désigner héritière ?La question reste entière.

 

On notera au passage que Pierre Marolleau, le mari d’Angélique, n’est jamais nommé dans ces documents alors qu’il est toujours vivant et qu’ils habitent sous le même toit ! C’est Louis, le fils aîné, qui sera son propre héritier.

 

Bref, en généalogie, on oublie la logique. Et on se souvient que les prénoms d’usage n’ont parfois rien à voir avec les prénoms de baptême !



vendredi 11 mars 2022

#52Ancestors - 10 - Jeanne Cosset

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 10 : Religion/culte

A l'occasion de cette dixième semaine du challenge #52Ancestors dont le thème est "religion/culte", je reviens sur le mystère de Jeanne Cosset.

___

Poursuivant l'exploration des registres paroissiaux à la recherche des actes concernant mes aïeux, je feuilletais (virtuellement) ceux de Vendée. Je n'avais que peu d'information sur Jacques Gendronneau et son épouse Jeanne Cosset, les parents de Jeanne (qui, elle, m'est assez bien connue). J'ignorais où et quand ils sont mariés et décédés, par exemple.

Je découvre qu'ils ont au moins un autre enfant né au Vieux Pouzauges, Louis :

Registre du Vieux Pouzauges, AD85

"Le vingt quatre du mois de mars mil sept cent trente neuf est né et
baptisé le lendemain par moy soussigné loüis fils naturel de Jacque
gendronneau et de Jeanne cosset, a été parrain sans marraine
mathurin blanchard qui ne sait signer au lieu de loüis heriau et de
jeanne pequin qui ont été refuzés pour parrain et marraine.
Moreau prêtre"

Dans cet acte, plusieurs éléments m'interpellent :
  • Le fait que le parrain et la marraine choisis aient été refusés : c'est la première fois que je trouve cette mention.
  • Le fait que l'enfant est dit "enfant naturel". Rappelons qu'un enfant naturel est un enfant conçu hors mariage. Cet état n'est pas définitif, puisque les parents peuvent reconnaître officiellement leur(s) enfant(s) naturel(s) lors de leur mariage [ 1 ]. J'ignore en effet la date de mariage du couple : d'après cet acte, il doit être postérieur à 1739.
Est-ce que ces deux éléments sont liés ?

Ignorant le lieu de naissance de mon ancêtre Jeanne (la sœur de Louis), je poursuis mon exploration des registres du Vieux Pouzauges pour voir si elle y est née quelques années avant ou après son frère.

 Et là, je m'aperçois que les enfants naturels sont légions dans ces registres. Ainsi, sont qualifiés de "naturels" :
  • 15 enfants sur les 29 actes de naissance enregistrés en 1737, 
  • 13 sur 34 en 1738,
  • 10 sur 36 en 1739,
  • 16 sur 31 en 1740,
  • 18 sur 37 en 1741,
  • 9 sur 31 en 1742.
Soit environ 40% des naissances sur ces cinq années. Et cette expression n'est pas une lubie du rédacteur, car on la retrouve indifféremment sous la plume du curé Coursin, du prêtre Moreau et du diacre Touchault.
On notera aussi quelques naissances illégitimes, mais beaucoup plus rares (une en 1741, un autre en 1742 par exemple), de mère seule ou de couple.
Certains couples ont plusieurs enfants naturels. On trouve parfois la mention "fille de non légitime mariage". Les parrains/marraines refusés se retrouvent dans la plupart des autres actes d'enfants naturels, mais ils ne sont pas systématiques.

Je me demande ce qui est l'origine de cette multiplication des enfants naturels.

Un faisceau d'indices me met alors sur une piste :
  • les parrains/marraines refusés par le curé
  • les mentions du "non légitime mariage"
  • l'acte de mariage de mes ancêtres non trouvé
Ces curiosités sont le signe de la religion protestante des parents. Bien qu'elle ne soit jamais mentionnée par les rédacteurs de ces actes, on le devine entre les lignes. Pour mémoire, en 1685 Louis XIV révoque l’Édit de Nantes (promulgué par Henri IV en 1598) accordant la liberté de culte aux protestants. Malgré une émigration massive, nombreux sont ceux qui restent en France. Ceux qui refusent d'abjurer leur foi entrent alors dans l'illégalité.

Concernant ce qu'on appelle aujourd'hui l'état civil, la seule source disponible, ou presque, pendant cette période est constituée par les registres paroissiaux catholiques. Ils enregistrent les baptêmes, mariages et sépultures, suivant les rites catholiques uniquement (le protestantisme étant, en principe, éradiqué du royaume). Malgré cela, on peut y discerner la présence des protestants. 

Le premier indice est le fait que le prêtre mentionne qu’il a refusé les parrains et marraines choisis par les parents. C’est lui qui désigne les remplaçants. Dans ce cas, en général, il y a alors peu de doute sur la religion des parents. Mais il arrive aussi que certains curés complaisants acceptent les parrains et marraines choisis par les parents : on l'a vu ici, le refus n'est pas systématique.

La mention de la naissance d’un enfant né d’illégitime mariage, ou né d'un non légitime mariage confirme qu’il y a eu mariage, mais hors de l’Église officielle (catholique). En effet dès la révocation de l’Édit de Nantes, certains protestants restés en France ont officialisé leur union devant un prêtre, bon gré mal gré; mais d'autres en revanche, malgré les risques, ont choisi de faire appel à des pasteurs clandestins itinérants. C'est ce que l'on appelle des mariages "au désert". Le problème majeur est que ces registres, s’ils ont existé, ne sont qu’exceptionnellement parvenus jusqu’à nous : illégaux, leurs propriétaires risquaient la prison pour eux et pour ceux qui y figuraient si ces registres étaient trouvés. Des "certificats" pouvaient être délivrés, lesquels ont eux-mêmes malheureusement souvent disparu au fil du temps. Parfois, les protestants ont simplement vécu en couple avec la seule bénédiction de leurs parents, puisque pour eux le mariage n’est pas un sacrement. La trace écrite dudit mariage protestant est donc la plupart du temps impossible à trouver.

Les protestants restés dans le royaume ont cherché à résister, de façon plus ou moins ouverte, à la "catholicisation" forcée qu'ils subissaient. Par exemple, le baptême, donné par un prêtre catholique aux enfants protestants était un baptême forcé, puisque les parents n’avaient pas le choix du "baptisant". Ils retardaient donc le plus possible le baptême (puisque la religion catholique recommande de le faire le plus vite possible). Ou bien ils choisissaient des prénoms dans l’Ancien Testament, comme Abraham, Esther, Judith, etc... trouvant leur inspiration dans la lecture assidue de la Bible, qu'ils pratiquaient régulièrement (ce qui n'a pas été constaté ici). Mais parfois, les prêtres, en réaction, refusaient de donner aux enfants ces prénoms bibliques choisis par leurs parents. En généalogie, les choses se compliquent alors car on peut trouver un enfant nommé Abraham par sa famille et identifié comme tel à son mariage après la Révolution, mais qui a été baptisé sous le nom de Pierre ! En conséquence, il est difficile de retrouver le bon acte de baptême.

Les protestants n’ont retrouvé officiellement un état civil propre qu’avec l’Édit de Tolérance, en 1787. Outre le fait que, désormais, les protestants peuvent légalement faire enregistrer leurs mariages, naissances et décès, ils peuvent aussi faire des "réhabilitations de mariages", grâce aux certificats produits par les mariés, et faire inscrire dans l’acte les enfants issus de leur couple, même quand ceux-ci ont été baptisés en leur temps au sein de l’Église catholique. On peut trouver également des registres particuliers aux protestants ouverts dans certaines paroisses; malheureusement ils sont rares.

Dans le cas qui me préoccupe, cette hypothèse protestante est enfin confirmée lors du mariage de Jeanne (fille), en 1766. Après une lecture attentive de l'acte quasi effacé, on peut deviner la mention suivante : "avec le consentement de la mère de la [contractante ?] comme étant de la religion protestante".

Et c'est ainsi que j'ai découvert Jeanne Cosset, première protestante de ma généalogie.



[ 1 ] Dans ma généalogie, je connais par exemple le cas de Joseph Borrat-Michaud et Antoinette Jay qui, lors de leur mariage, reconnaissent Félicie, fille naturelle d'Antoinette (âgée de douze ans) et Marie Louise, fille illégitime de Joseph et d'Antoinette (âgée d'un an).