« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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dimanche 6 août 2017

Pris sous la poussière

J'ai pris de mauvaises habitudes : à force de dépouiller des sources diverses (fiches militaires, recensement, actes notariaux...), j'ai donné corps à mes ancêtres. Une poêle à frire un peu "uzée", un habit de noce neuf, des terres à labourer... Ces mentions donnent chaire au squelette d'un arbre qui, autrefois (quand j'ai commencé ma généalogie), ne comportait que - au mieux - les trois actes qui rythment la vie : baptême, mariage, sépulture. Depuis, il faut bien l'avouer, je ne peux difficilement m'en passer.

L'autre jour, je "feuilletais" mon arbre à la recherche d'une mention insolite, d'un événement qui pourrait donner matière à un article.
Et plus je furetais de branche en branche, plus les informations recueillies se raréfiaient : plus d'acte notarié d'abord, mais aussi des fiches de plus en plus courtes. Ce sont souvent les métiers qui disparaissent en premier : j'ignore alors si mes ancêtres sont de simples laboureurs ou de riches notaires. Et puis la paroisse d'origine qui reste obscure. Et enfin le nom qui m'échappe.

Le curé est moins bavard, les registres ont disparus : les raisons sont multiples à cette désertification progressive. Mais force est de constater que mon arbre se couvre de poussière. La poussière du temps. La poussière de l'oubli.

Arbre qui disparaît via sergeychubarov.ru

Combien sont-ils concernés ? Des centaines, des milliers peut-être...
Ils me font penser à ces corps momifiés par les cendres à Pompéi : on distingue leur silhouette, leur position, mais la poussière s'est déposée sur ces ancêtres, créant à la fois une gaine protectrice les fixant pour l'éternité mais brouillant leur image.

Les ai-je perdu à jamais ou parviendrai-je à les sortir de l'ombre un jour ? L'avenir le dira...


samedi 22 juillet 2017

Mémère et la tante Henriette

Pour les générations les plus proches de nous il est difficile de récolter des documents officiels, les délais de communicabilité empêchant l’accès à un grand nombre d'informations. Alors il ne nous reste que la parole. Celle de ceux qui nous précèdent. Et il faut faire vite avant qu’ils disparaissent.

Du côté de ma mère c’est, disons… un peu compliqué. D’après ce que j’ai compris belle-mère et belle-fille ne s’entendaient pas. Bref, du vivant de ma grand-mère, je n’ai pas pu avoir d’information sur sa belle-famille.

Du côté de mon père, les questions sont venues trop tard.
On peut donc dire que j’ai laissé passer ma chance : maintenant tous mes grands-parents sont dans les nuages. Je tente donc de me rattraper sur la génération suivante : celle de mes parents.

Mes grands-parents paternels ont eu 7 enfants. 12 ans séparent l’aînée du dernier. Mon père se place en avant-dernière position : beaucoup d’événements vécus par ses aînés lui sont étrangers. Faute de grands-parents pour me renseigner, je me tourne donc vers leurs enfants premiers-nés. Mais eux aussi vieillissent. Ma tante aînée n’est plus vraiment là pour répondre à mes questions, hélas. Alors, prenant dans l’ordre,  je « harcèle » le deuxième. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié. Récemment il protestait gentiment, disant que les vieilles mémoires étaient comme des passoires. Ayant quelques notions de dinanderie, je tente de transformer les passoires en louches, pour récolter le maximum d’informations avant que la marmite de la mémoire percée ne soit définitivement vide.

Passoire © Delcampe

Parfois je fais choux blanc : qui se rappelle que le grand-oncle Frète avait (peut-être) adopté le cousin Robert de son père alors qu’on n’était même pas né (pour en savoir plus sur cet épisode, cliquez ici) ? Mais d’autres fois j’ai plus de chance et les quelques anecdotes que me raconte mon oncle sont un véritable régal pour moi… Mais parfois aussi un véritable casse-tête !

En effet, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans les souvenirs des autres :
- Attend ! Attend ! Qui c’est « grand-mère Frète » dont tu me parles ? C’est la mère du boucher Daniel Frète ? Mais je croyais qu’il était orphelin. Ou est-ce sa belle-mère qui habitait avec eux ? Mais non, suis-je bête, celle-ci tu ne l’as pas connue : grand-mère Frète ne peut donc être, logiquement, que l’épouse de Daniel, la sœur de ton arrière-grand-mère, d’accord !
La « grand-mère » n’étant pas du tout sa grand-mère, ça part bien ! Bon, je commence à sentir que les petits noms vont me donner quelques séances de « mal aux cheveux ». Continuons.
Mon oncle reprend le fil de ses souvenirs :
- Suite à leur départ du logement qu’ils occupaient au-dessus de celui de grand-mère Frète, les grands-parents ont habité une cité d’urgence, construite après-guerre, appelée les Frémureau. Du coup, chez nous, on les appelait les grands-parents Frémureau.
- Bon, mais ces grands-parents, ce sont de « vrais » grands-parents cette fois ?
- Oui, c’étaient les parents de notre père. Nos enfants les avaient appelés comme ça pour les distinguer de leurs grands-parents maternels.
- OK, je suis : il s’agit donc d’Augustin et Louise Astié. Ensuite ?
- Et bien cette Louise, justement, on l’appelait Joséphine.
- … ?
- C’était à cause de ses employeurs : elle était domestique. Avant elle, ils avaient une Joséphine. Donc, ils ont décidé de continuer d’appeler la - nouvelle - domestique Joséphine (c’est vrai après tout : pourquoi s’embêter à apprendre un autre prénom !). Il se trouve que c’était, par hasard, son second prénom, mais de toute façon ça n’aurait rien changé. C’est pour cela qu’on l’appelait toujours Joséphine et non Louise.
- ... !!! Merci les patrons ! Et du coup, pourquoi tout le monde appelait sa sœur Célestine « la tante Henriette » ? Parce qu’elle, elle n’était pas domestique, elle, mais ouvrière chez Bessonneau (la grande usine d’Angers).
- Alors ça, je ne sais pas…
Ma louche est percée : personne ne peut me dire pourquoi Célestine est devenue Henriette.

Ma mère, de son côté, appelait sa grand-mère « mémère ».
- Oh ! Oh ! Doucement : laquelle de tes grand-mère appelais-tu ainsi ?
- Ma grand-mère paternelle, voyons ! Elle était domestique et les enfants de ses patrons l’appelaient mémère eux-aussi. Ils la considéraient comme leur propre grand-mère.
Voyons, voyons, c’est pas toujours facile à suivre, vos histoires de petits noms…
En tout cas,  quand ma mère est devenue grand-mère à son tour, alors là pas question qu’elle se fasse appeler mémère ! Ça faisait trop… "mémère" : vous voyez ce que je veux dire ? Mémère, dans le mauvais sens du terme qu’on peut lui donner aujourd’hui.

En tout cas entre les Joséphine qui n’en sont pas vraiment, les Henriette qui n’en sont pas du tout, les grands-parents qui changent de surnoms quand ils changent de domicile, les mémères qui ont de vrais/vrais et des vrais/faux petits-enfants, pas facile de s’y retrouver…


mardi 4 juillet 2017

Les surprises du recensement

Au début était une famille. Ou plutôt quatre. Enfin quatre qui n’en faisaient qu’une. Nous allons les suivre (ou tenter de les suivre) sur plusieurs décennies au travers des recensements.

Au centre, la famille Astié :
1) Les Astié [attention, suivez bien ils ont presque tous le/les même(s) prénom(s)]
- Pierre Jean et son épouse Geneviève
- leur fils Augustin Pierre Jean, qui épousera Cécile Rols (voir plus loin)
- dans cet article paraîtront trois de leurs dix enfants (trois sont morts en bas âge) : Marie Euphrasie (dite Marie ou Maria), Élie et Augustin Daniel (communément prénommé Auguste)
- mon grand-père, fils d’Augustin Daniel, prénommé… Daniel Augustin !

Autour :
2) Les Rols
- Alexandre, le père, et son épouse Marie Anne Puissant (dite Marie ou Maria)
- Cécile, leur fille aînée, épouse d’Augustin Pierre Jean Astié
- Élisabeth, leur fille cadette, qui épousera Daniel Frète

3) Les Frète
- Daniel Frète, époux d’Élisabeth Rols
Ils n’ont pas eu d’enfant… quoi que…

4) Les Raveneau
- Charles Gaston Raveneau époux de Marie Euphrasie Astié
La question de leurs enfants est un des nombreux fils qu’il m’a fallu tirer pour dénouer la pelote bien emmêlée de ces liens familiaux.

Un arbre pour visualiser tout cela (oui, je sais, c'est un peu petit, mais il y a du monde !).

J’espère que jusqu’ici, tout va bien pour vous ! D’après les informations identifiées dans les divers actes d’état civil, j’ai souhaité retrouver tout ce petit monde dans les listes de recensements d’Angers.

Les faits : les données issues des listes de recensements publiées par les archives municipales d’Angers.

  • 1872
 34 rue de la Roë, Angers, 1er arr.
- Rols Alexandre, né à Conques (Aveyron), âgé de 40 ans, épicier
- Puissant Maria, née à Candé (Maine et Loire) son épouse, âgée de 42 ans
- Rols Cécile, née à Saint-Patrice (Indre et Loire), leur fille, âgée de 14 ans
- Rols Élisabeth, née à Angers, leur fille, âgée de 3 ans
- un employé de l’épicerie né à Conques (Aveyron), âgé de 19 ans



En grisé les personnes décédées ou pas encore nées. Celles identifiées dans les recensements sont marquées d'une pastille de couleur (une par domicile).

  • 1876
31 rue de la Roë, Angers, 1er arr.
- Rols Alexandre, né à Conques (Aveyron), âgé de 45 ans, épicier
- Puissant Maria, née à Candé (Maine et Loire) son épouse, âgée de 46 ans
- Rols Cécile épouse Astié (qui suit), née à Saint-Patrice (Indre et Loire), leur fille, âgée de 20 ans
- Rols Élisabeth, née à Angers, leur fille, âgée de 8 ans
- Astié Augustin (marié à Cécile), gendre, né à Conques (Aveyron), âgé de 26 ans, employé de l’épicerie
- Astié Alexandre, fils du précédent, né à Angers, âgé d’un an

  • 1881
12 place des Prisons, Angers, 1er arr.
- Rols Marie (née Puissant), âgée de 51 ans, ouvrière, mère (époux décédé en 1879)
- Rols Élisabeth, fille, âgée de 13 ans

  • 1886
Cour Ayrault, faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Puissant Anne Marie, âgée de 56 ans, employée
- Rols Élisabeth, fille, âgée de 17 ans, couturière
106 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Raveneau Auguste, 35 ans, chef, plombier
- Deniau Louise, 34 ans,  épouse, ménagère
- Raveneau Auguste, 4 ans
- Raveneau Charles, 1 an
- Raveneau Blanche, 66 ans, belle-mère, ménagère

  • 1896
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, âgé de 30 ans, boucher
- Rols Élisabeth, épouse, âgée de 27 ans, bouchère
- Astié Auguste, neveu, âgé de 8 ans

  • 1901
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Veuve Rols (née Puissant) Marie, âgée de 71 ans, grand-mère
- Astié Élie, petit-fils, âgé de 15 ans, tapissier
82-84 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, âgé de 35 ans, chef de ménage, patron boucher
- Rols Élisabeth, âgée de 32 ans, épouse
- Astié Auguste, âgé de 13 ans, neveu
- Astié Maria, âgée de 19 ans, nièce, lingère embauchée par Daniel Frète

  • 1911
82 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Frète Daniel, né à Angers en 1865 (46 ans), chef de ménage, patron boucher
- Rols Élisabeth, née à Angers en 1868 (43 ans), épouse
- Raveneau Robert, né à Paris en 1903 (8 ans), enfant adoptif, écolier
- Astié Élie, né à Combes (Saint-Aubin, Aveyron) en 1886 (25 ans), neveu, tapissier
- une domestique de 29 ans et un garçon boucher de 17, tous les deux embauchés par Daniel Frète
86 faubourg Saint-Michel, Angers, 1er arr.
- Raveneau Charles, né à Angers en 1884 (27 ans), chef de ménage, employé poinçonneur ?
- Raveneau Maria (née Astié), née à Angers en 1882 (29 ans), épouse, ménagère
- Raveneau Élisabeth, née à Angers en 1906 (5 ans)
- Raveneau Suzanne, née à Ivry en 1902 (9 ans)
- Raveneau Marcel, né à Ivry en 1909 (2 ans)


Les questions qui en découlent :

  • En 1881
- Pourquoi ne trouve-t-on pas Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols, dans les recensements à Angers, 63 faubourg St Michel (adresse donnée par l’état civil lors du décès d’un fils) ? 

  • En 1886
- On ignore où habite Augustin et sa famille. Pas trouvé sur les adresses précédentes ou suivantes : une nouvelle adresse encore inconnue ?

  • En 1896
- On ne trouve pas les Raveneau : où sont-ils ?
- Anne Marie Puissant n’apparaît pas à son adresse habituelle cette année-là : où est-elle ?

  • En 1901
- Pourquoi Élie habite seul avec sa grand-mère : où sont ses parents Augustin et Cécile Astié ?
- Pourquoi son frère Auguste (Augustin Daniel) et sa sœur Maria (Marie Euphrasie) habite chez son oncle et sa tante.
> Où sont Augustin et Cécile ? Ils sont censés habiter toujours en Anjou (où on les voit en 1905 dans l’état civil). Où sont les autres enfants du couple ? 

  • En 1911
- Qui est cet enfant adoptif des époux Frète, nommé Raveneau Robert, né à Paris en 1903, alors qu’on sait que Marie Euphrasie Astié a épousé un Raveneau Charles en 1905 à Angers ? Coïncidence ? Parenté avérée ?
- Où est Augustin Daniel ?

Ce que l’on sait : 

  • En 1872 (probablement) et 1876
- Les parents Pierre Jean et Geneviève Astié (et leurs enfants) n’apparaissent pas dans les recensements d’Angers puisqu’ils vivent en Corse au moins jusqu’en 1870 puis en Aveyron à partir de 1873 et jusqu’à leur mort respectivement en 1883 et 1897. Il reste une légère incertitude sur les années 1871/1872 ; l’hypothèse la plus probable est qu’ils soient partis directement de Corse pour aller en Aveyron, mais à cause de lacunes dans les recensements on ne peut pas le prouver (pour en savoir plus sur cet épisode, cliquez ici).

  • En 1876
- On sait que leur fils Augustin Pierre Jean Astié a trouvé un emploi chez les Rols, en tant que commis épicier ; c’est pourquoi il demeure chez eux rue de la Roë. Sans doute le réseau social a-t-il joué puisque les deux familles sont originaires de Conques. C’est là qu’il rencontre la fille de la maison, Cécile (Marie Augustine de ses autres prénoms), qu’il épouse en 1875.

  • En 1881
- Le couple Augustin et Cécile Astié quitte l’Anjou entre juillet 1881 où il réside à Angers, 63 faubourg St Michel (décès d’un fils) et juin 1882 où on le retrouve à Aubin en Aveyron (naissance d’une fille). Cependant ils n’ont pas été trouvés dans les recensements au faubourg St Michel d’Angers, ni à Aubin…

  • Années 1880/1890
- Augustin, Cécile et leurs enfants reviennent en Anjou à partir de 1888 et changent presque tous les ans d’adresse : 39 chemin des Banchais, Angers (1888), rue Victor Hugo à Angers (1889), 27 rue Larevellière à Angers (1889), 10 rue de la Rame à Angers (1892), 14 rue Fénelon à Angers (1895), Route des Ponts de Cé à Angers (1904). Jusqu’à ce qu’on les retrouve en région parisienne à partir de 1905 (34 Rue Nationale à Ivry) où ils finiront leur vie (pour en savoir plus sur leurs nombreux déménagements, cliquez ici). D’après les souvenirs familiaux, Augustin "était journalier dans une ferme. Quand il n'y avait plus de travail, on le renvoyait. Il mettait ses enfants et ses effets dans un coffre, le tout dans une charrette à bras, et partait avec toute la famille à pied à la recherche d'un nouvel emploi. Si un/une parent(e) avait besoin d'une aide il lui laissait un enfant. "
- Maria (de ses véritables prénoms Marie Euphrasie donc) épouse Charles Gaston Raveneau à Angers en 1905. Une fille y naît l’année suivante, puis en 1907 et 1909 ils donnent naissance à deux enfants à Ivry (aujourd’hui Val de Marne) mais reviennent ensuite en Anjou puisqu’on les retrouve sur les recensements de 1911.
- Augustin Daniel (communément prénommé Auguste), fils d’Augustin et Cécile Astié, échappe souvent aux recensements : il naît en 1888 : trop tard pour celui de 1886 ; il se marie en 1912 : trop tard pour celui de 1911 ; les recensements suivants (1921 etc…) ne sont pas encore communicables. On ne le trouve qu’en 1901, âgé de 13 ans, vivant chez son oncle Frète.

  • En 1886
- Daniel Frète demeure chez son tuteur (parents décédés) lors de l'appel militaire (en 1885), 17 rue de la Préfecture à Angers. Il part au service en décembre 1886 (selon sa fiche militaire). Mais il n’a pas été trouvé à cette adresse dans le recensement de 1886. Il n’est pas non plus inscrit sur les listes électorales d’Angers cette année-là  (né en 1865 était-il encore trop jeune pour y être inscrit ?) : où est-il ?

  • En 1901
- Augustin Pierre Jean Astié habite 35 rue Franklin d’après les listes électorales, mais on ne le retrouve pas à cette adresse dans les listes de recensement.
- Charles Raveneau n’est pas inscrit sur les listes électorales d’Angers en 1901 (né en 1884 était-il encore trop jeune pour y être inscrit ?) : pourquoi ? où habite-t-il ?

Les réponses (plus ou moins) 

  • Les insaisissables :
- Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols échappent aux recensements d’Angers et d’Aubin en 1881. Est-ce simplement dû à un timing serré : parti avant celui d’Angers, arrivé après celui d’Aubin ?
- La famille n’a toujours pas été retrouvée en 1886.
- Daniel Frète n’a pas été trouvé, en 1886, au 82 rue du Faubourg Saint-Michel à Angers où il habite lors de son mariage en 1889 : visiblement il n’y habite pas encore. Son épouse Élisabeth Rols habite avec sa mère. Bien que né à Angers, Charles semble avoir habité à Châtellerault, dans la Vienne (mention de son acte de mariage où il est dit qu’il y résidait « avant », mais sans doute dans une période récente car les bans y ont été publiés en tant que « précédent domicile du futur » ; bien que non trouvés en ligne).

  • Les enfants
- On ignore toujours pourquoi trois des enfants d’Augustin Astié, et son épouse Cécile Rols n’habitent pas avec leur parents (ni où sont ceux-ci) en 1901, mais l’un avec sa grand-mère et les deux autres avec leur oncle. Le fait que le couple, subissant la misère, « larguait un enfant au gré des cousins qui voulaient bien les accepter » est sans doute l’explication de ces séparations. Mais où sont les autres enfants ?
- Après des recherches plus poussées, notamment dans l’état civil, il s’avère que Marie Euphrasie a eu un fils, né de père inconnu, né en 1903 à Paris. Son prénom est Robert. Il est reconnu et légitimé en 1905 lors du mariage de Marie et de Charles Raveneau.
Il est fort probable que l’enfant « adoptif » des Frète, Robert Raveneau, soit cet enfant illégitime de Marie Euphrasie Astié. Daniel Frète semble très proche de Marie : il est témoin à son mariage, à la naissance de sa première fille. Peut-être a-t-il gardé Robert ? Cependant, pourquoi le garçonnet, n’habite pas avec ses parents légitimes en 1911 ? Difficile de répondre à cause du manque de sources postérieures.
Je dispose d’une photo de Robert, âgé de 9 ans, prise lors du mariage de son oncle Augustin Daniel en 1912 ; il est entouré des Frète et d’Élie Astié (sans doute l’une des dernières photos de lui puisqu’il meurt pendant la Grande Guerre, sur un front de Picardie, en 1916).

Noces Astié/Lejard, 1912 © Coll. personnelle

- Les enfants Raveneau nommés en 1911 (Suzanne, Élisabeth et Marcel) : ce pourrait-il que Suzanne soit en fait Robert (né à Paris à la même époque selon le recensement) ? Quant à Marcel, c’est en fait Marcelle ; ce qui induit une légère nuance… 
Si tel est le cas, je veux bien reconnaître que le vin d’Anjou a des effets secondaires puissants et que l’agent recenseur a dû en abuser…
Par contre pas de trace de Germaine, trouvée lors de ces recherches inattendues, née en 1907 à Ivry, n’apparaît pas avec ses parents à Angers (mariée en 1935 à Paris, décédée en 1966 à Villejuif) : où est-elle ? Est-ce la même enfant en fait ?

  • Le dernier recensement, en 1911 :
- Augustin Pierre Jean et Cécile Astié n’apparaissent plus dans les recensements d’Angers car ils ont déménagé à Ivry, à partir de 1905.
- En 1911 je ne trouve pas trace d’Augustin Daniel : il est probablement à l’armée (d’octobre 1909 à septembre 1911 selon sa fiche militaire) ; à moins que le recensement ait eu lieu en toute fin d’année et dans ce cas il a une nouvelle adresse… 
- Mon grand-père, né en 1913 à Angers, est (était) « trop jeune » pour les recensements en ligne, mais peu importe : il y a bien assez à faire comme cela avec le reste.

En bref, les réponses ne sont pas très satisfaisantes. Par contre, ce qui pouvait me paraître une simple promenade de santé (récupérer les clichés issus des recensements où figurent mes ancêtres) est devenu un sac de nœud que j’ai eu bien du mal à dénouer, m’entraînant dans de longues recherches à travers toute la France et divers types de sources; certaines questions étant restées sans réponse encore. Comme quoi, rien n’est jamais simple en généalogie.



samedi 11 février 2017

L'armée des ombres

Il en va ainsi en général : nous aimons les chiffres ronds. Et en la matière je viens d’en atteindre un. Un assez conséquent. Pour paraphraser une célèbre citation : "je partis seule et nous arrivâmes 10 000."

10 000 c’est un cap… « C'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! » dirait certain. Je répondrais juste : « non, ce n’est qu’un arbre ». Un arbre généalogique qui affiche aujourd’hui 10 000 individus, selon mon logiciel de généalogie : mes ancêtres directs et leurs frères et sœurs (quand je les ai trouvés : leur recherche n’a pas été systématique), quelques beaux-frères ou belles-sœurs  pour les plus proches parents.
9 999 sont donc derrière moi, clairement identifiés ou plus flous, « invisibles » (c'est-à-dire que j’ignore presque tout d’eux) ou mieux connus, voire carrément familiers à force de patientes recherches - et trouvailles.
Ils sont là, à veiller sur moi. Ou plus probablement à m’ignorer complètement, ne se doutant pas un seul instant que 600, 400, 100 ou même 50 ans un(e) de leurs descendant(e)s s’amuserait à les faire sortir de l’ombre où le temps les a patiemment installés.

Foule © via dreamstime.com

Ce travail (bien que le mot semble fort inapproprié en l’occurrence) a fait émerger pauvres gens et riches notables, fermiers laborieux et nobles familles, mort-nés vite ondoyés et vieillards chenus. Il m’a fait voyager dans plusieurs pays, au sens propre comme au sens figuré :
  • 4 pays : France, Suisse, Autriche, Belgique,
  • 18 régions (celles d’avant la réforme de 2016),
  • 31 départements français,
  • 305 paroisses et/ou communes.

Les généalogistes disent souvent (ou entendent dire) qu'il y a dans chaque arbre généalogique un roi et un pendu :
  • Je ne suis pas encore remontée assez pour trouver un roi, mais une belle famille noble qui m'a emportée jusque dans les années 1320 (sous le règne du roi Jean II) - les générations antérieures étant sujettes à caution. C'est la branche la plus longue et la plus ancienne de mon arbre. Elle me mème en (Haute-)Savoie (actuelle). Ma mère est à l'autre extrémité de cette longue branche...
  • De pendu, point non plus; mais un grand oncle assez tapageur qu'on a envoyé se calmer dans un bataillon d'Afrique au début du XXème siècle; ce qui n'a eu guère d'effet puisqu'il a été à nouveau condamné, cette fois par un tribunal militaire. C'est finalement la boue d'une tranchée de la Somme qui aura raison de sa rébellion (comme je l'ai raconté dans cet Hommage aux Poilus). 
  • Par contre j'ai un saint (ou presque) : saint François de Sales, fondateur de l'ordre de la Visitation, est le cousin germain de mon ancêtre direct Gaspard de Sales (la fameuse famille noble citée plus haut).
  • J'ai aussi dans mon arbre un "bastard", une fille "donnée" (à la naissance ?) et un fils illégitime, mon arrière-arrière-grand-père, qui m'a privé d'une grosse branche de mon arbre...

10 000 en vrac, cela donne :
  • Villevêque (Maine et Loire) est le lieu qui compte le plus d’événements (naissance, mariage décès) : 593. 67 paroisses/communes n’en comptent qu’un seul.
  • 1381 patronymes ont surgi du passé. Le plus commun : Le Tessier (109 porteurs) : de braves pêcheurs, pontonniers, laboureurs, vignerons ou marchands des Pays de la Loire, assis sur la branche paternelle et angevine de mon arbre. Mon propre patronyme n’arrive qu’en 6ème position avec 54 porteurs ; 561 ne concernent qu'un seul ancêtre, 24 n’ont pas été identifiés (désignés sous le patronyme de Xxx).
  • 630 prénoms ornent mon arbre. La palme revient à Marie (1 136 porteuses), puis viennent Jean (797), Pierre (697), Jeanne (687), François et Françoise (975 à eux deux). Très classique en somme. 127 n’ont pas été transcrits (Xxx), 267 ont joué les originaux : porté par une seule personne – et heureusement parfois : Yolente, Premier, Rouph, Neymod, Miaz, Ildefonce (Ah ! non, tiens ! ils sont deux ceux-là en fait…), Felisonne, Etragie, Brenguier, Anoye. Quelques un(e)s ont adopté le nom de saints locaux, plus ou moins oubliés aujourd’hui : Vital (nom de plusieurs saints, en France et à l’étranger), Opportune (sainte normande), Maurille (saint évêque d’Angers, Maine et Loire), Fare (sainte de Seine et Marne), Barbe (sainte, grande martyre des églises orthodoxes et catholique)…
  • Ces ombres tutélaires ont, de leur vivant, exercé 207 métiers différents (à ma connaissance : nombreux n’ont pas livré leur secret sur ce point) : paysans, commerçants, artisans, marchands, notables, sans profession (ce qui recouvre de multiples situations : nobles, retraités, épouses de…). De laboureurs (164 personnes) à sarger - ouvrier fabriquant des étoffes ou tissus de laine, de la serge (1 seul) : une grande partie de la société, et de sa diversité, est représentée.
  • 315 ont signé au moins un document au cours de leur vie. Ce faible pourcentage s'explique par le fait que je n'ai enregistré que les signatures de mes ancêtres directs, et non les 10 000 en entier.

Au fait ! le n°10 000 est Benoît Monet, fils de Pierre (sosa n°718, ancêtre à la Xème génération, né vers 1677 dans l'Ain). Benoît fait partie des invisibles : cité dans plusieurs actes concernant sa sœur comme "frère", bien identifié comme fils de Pierre, je n'ai trouvé aucun acte le concernant directement. De plus sa mère n'est pas nommée; or Pierre a eu deux épouses : je ne sais donc même pas laquelle est sa mère. Benoît n'étant pas un ancêtre direct, mais un collatéral, il ne porte pas lui-même de numéro sosa... Mais c'est le n° 10 000 de mon arbre !



lundi 3 octobre 2016

Les voies de la généalogie sont impénétrables

Mon frère m'a prêté les cinq premières saisons d'une série à succès (surnommée GOT pour les amateurs, mais cela n'a pas beaucoup d'importance pour le sujet qui nous occupe). Arrivée à la cinquième saison, je prends le coffret, composé d'une "enveloppe" plastique et du coffret contenant les DVD proprement dit. Et là, un objet s'échappe de ladite enveloppe : je jongle pour le récupérer sans lâcher pour autant enveloppe et coffret. C'est alors que je reste interdite un moment : dans ma main droite le coffret, dans ma main gauche une vieille photo :

"Café de la tante Louise", date non connue © coll. personnelle


Je la retourne : c'est une photo-carte postale comme on en faisait beaucoup au début du XXème siècle, à cinq sous pièce. Elle est un peu découpée, sans doute pour cadrer parfaitement le motif du recto. Au verso je reconnais l'écriture de feue ma grand-mère : "le café de la tante Louise Greff sœur du père d'André" (= son époux). Il s'agit donc de sa belle-tante; je ne sais pas si l'expression se dit mais enfin...


Mais enfin que fait la tante Louise sur le trône de fer ??? Je sais que les relations entre ma grand-mère et sa belle famille n'étaient pas au beau fixe, mais on ne peut tout de même pas les comparer avec celles de la série en question !
J'appelle mon frère : ça le fait bien rire mon histoire, mais il n'a aucune idée de comment cette photo est arrivée là. Échappée d'un carton lors du récent déménagement des affaires de ma grand-mère après son décès ? Impossible à dire.


Est-ce un signe de psychogénéalogie ? En tout cas, le virus est aussitôt attrapé : comment retrouver le café de la tante Louise ?
J'ai mis très longtemps à m'intéresser aux collatéraux de mon arbre : au début j'étais préoccupée par la seule recherche de mes ancêtres directs. Puis, une fois bloquée (en fin de branche par exemple), je me suis aperçue que de passer par les frères et sœurs pouvaient permettre de progresser là où la situation semblait dans une impasse (parents cités dans un acte de mariage par exemple...). Alors petit à petit j'ai aussi recensés les collatéraux.


Cette tante Louise est donc la tante de mon grand-père (et la sœur de Jean-François Borrat-Michaud, soldat de la Grande Guerre, mon arrière-grand-père que les adeptes de ce blog connaissent bien). Elle est née en 1892 à Samoëns (74) où habitait sa famille depuis plusieurs générations. Je la retrouve mariée à Joseph Greff en 1919 à Paris et décédée en 1976 à Levallois-Perret (92); grâce aux mentions marginales de son acte de naissance.


Sur la photo, peu d'indice à première vue. Un groupe de personnes, dont une femme marquée d'une croix : la probable tante Louise. Une moto. La devanture du café cadré très serré. Comme Louise a l'air d'avoir passé sa vie en région parisienne, je suppose que le café est à Paris. Au dessus de la porte une inscription, peu lisible. Sur la vitrine, d'autres inscriptions plus nettes : "déjeuners et dîners", "café et liqueurs", "salle au 1er" et surtout "téléphone 281 Lagny".
Une petite musique commence à trotter dans ma tête : "le 22 à Asnières". Je me demande si le 281 à Lagny peut ressembler au 22 à Asnières. Pour moi, Lagny ne signifie rien, au premier abord (et je me crois toujours à Paris, rappelons-le). Je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de faire des recherches généalogiques à Paris. Je lance donc un message sur Twitter pour savoir si à partir d'un numéro de téléphone (visiblement ancien) on peut retrouver une adresse.


Grâce à de nombreux retweets les premières pistes se dessinent : tout de suite Sophie (@gazetteancetres) pense à Lagny sur Marne (en Seine et Marne, donc : adieu Paris !). La chaîne de Twitter se poursuit jusqu'à Claudie (@claudiegb) qui identifie très vite le café au 19 rue du Chemin de fer.

Café, 19 rue du Chemin de fer © Delcampe, via Claudie

Vue les coiffures des dames, on est ici à une époque plus ancienne. Les inscriptions en vitrine ont légèrement changé, mais la devanture est bien similaire.
Deux jours plus tard Claudie m'envoie un nouveau cliché et une précision : il s'agit de la rue du Pont de fer qui est le début de la rue du Chemin de fer - en partant de la gare / pont sur la Marne (ce qui met le restaurant à Thorigny sur Marne, commune limitrophe de Lagny).

Café Dingremont © via Claudie

Dingremont ! C'est le nom que je n'arrivais pas à déchiffrer au-dessus de la porte (mais quand on sait ce qu'on doit chercher c'est toujours plus facile à trouver). D'après Claudie c'est une famille connue à Lagny. Je ne l'ai pas trouvé sur le recensement de 1911 (dernier en ligne), mais il apparaît dans l'annuaire de 1923. Les investigations se poursuivent...

Aujourd'hui, il y a toujours un café au 19 rue du Chemin de fer, mais il a un peu changé...

Tabac © Google street view

Et voilà comment une série à succès et une photo littéralement tombée entre mes mains m'a menée sur une enquête passionnante. Peu d'indices au départ, mais une chaîne d'entraide très efficace.
Ce que j'aime la généalogie et les généalogistes !





lundi 19 septembre 2016

L'escargot est très très lent

Mais ne dit-on pas "rien ne sert de courir..."
Au début il y a Marguerite Valette. Je la connais depuis longtemps (sa fiche a été créée quand j’ai acheté la première version de mon logiciel de généalogie en 2009 ; ce qui signifie que je l’avais identifiée avant cette date, sûrement en remontant mon arbre, grâce à ses enfants). Et je peux dire que je la connais assez bien puisque j’ai trouvé son acte de naissance en 1698 à Conques (Aveyron), son mariage en 1716 et son décès en 1721 – sans doute décédée de suites de couches (un fils né 4 jours plus tôt) ; actes trouvés au fil du temps et des recherches. J’ai ainsi su qu’elle était la fille de Jean Valette (ou Vallette), qualifié tantôt de menuisier et tantôt de maître menuisier, et de Marie Burguiere, mariés en 1696 à Conques (identifiés en 2010).
Et pendant longtemps ça s’est arrêté là. Impossible de remonter plus haut.

  • Première étape :
Feuilleter les registres BMS à la recherche de la génération supérieure. Rien, absolument rien concernant la mère.
Mais une énigme concernant le père : je vois bien apparaître régulièrement un Jean Valette, menuisier qui plus est, mais marié à une certaine Paule Raouls (par ailleurs fille d’un autre couple de mes ancêtres). Ensemble ils ont quatre enfants. D’accord, c’était avant le mariage d’avec Marie Burguière, Paule étant décédée deux ans avant la seconde ( ?) union, mais le coup de l’homonyme parfait, on me l’a déjà fait (voir l'article Exploit ou fantôme ? – ça doit être le fait de mettre en enfant au monde alors qu’on est déjà morte qui m’avait mis la puce à l’oreille… !). De plus, dans l’acte de mariage Valette/Burguière, Jean n’est pas dit veuf, alors… Alors j’avais juste mis une note dans la fiche de « mon » Jean signalant cet « autre Jean ».
Après une rapide recherche,  je ne trouvais de famille pour aucun des deux Jean à Conques. J’ai donc commencé à faire « l’escargot » : compulser les registres des paroisses alentours pour voir si ce n’était pas un voisin plutôt qu’un paroissien de Conques. Chronophage (et un peu décourageante car vaine), cette démarche n’a rien donné non plus. Au bout d’un moment j’ai arrêté de tourner.

  • Deuxième étape :
Les archives départementales de l’Aveyron ont mis en ligne les registres notariaux pour Conques (entre autres) : très complets, ils s’étendent de 1179 (!) à 1770, hormis quelques failles spatio-temporelles (ils manquent en 1642/1688 et 1747/1755 par exemple). Du coup, pendant longtemps, je n’y étais plus pour personne, feuilletant les registres (virtuellement) page après page. C’est d’ailleurs quand il n’y a pas de répertoire, ni même d’en-tête à l’acte que tu te rends compte de leur importance. Manque de chance, le Jean Valette qui épouse Paule Raouls le fait en 1680, en plein dans une des lacunes des archives notariales ; dommage, un contrat de mariage m’aurait - peut-être - bien arrangé. Je ne trouve pas non plus de contrat de mariage pour les Valette/Burguière à Conques.

Accessoirement, si l’on peut dire, je compulse tous les registres notariaux de la paroisse, car après tout j’y ai aussi beaucoup d’autres ancêtres. Oui, oui, tous les registres mis en ligne, du moins à partir du moment où j'y ai identifié des ancêtres, fin XVIIème siècle.

Et là je tombe sur une autre énigme : de nombreux actes notariés de Me Flaugergues, notaire à Conques, sont signés par un Jean Valette, menuisier, apparaissant en tant que témoin ou protagoniste des actes.

Signature Jean Valette, acte notarié Conques, 1689 © AD12
Signature Jean Valette, acte notarié Conques, 1699 © AD12

Or « mon » Jean ne signe pas son acte de mariage avec Marie Burguière, pas plus que l’acte de naissance de sa fille l’année suivante. Ni le mariage d’avec Paule Raouls.

J’ai continué néanmoins à compulser les archives notariales, pour voir si 1 + 1 = 1 (vous me suivez ?)*. Bref, ça m’a pris un moment mais à force de persévérance j’ai trouvé… le testament de la mère, Marie Burguière. Et dans ce testament une mention : celle de sa propre mère demeurant à Villecomtal (à près de 30 km de Conques). Je ne risquais pas de trouver sa famille à Conques, puisqu’elle n’y était pas originaire ! Grâce au legs de trente sols que Marie faisait à sa mère, j’ai pu retrouver rapidement toute sa famille à Villecomtal : père, mère, frères, sœurs, oncles, tantes et grands-parents (13 personnes en une journée). Franchement, pour 30 sols ça valait le coup !

Tweet du 09/09/2016 © M.Astié

Autre trésor dans ce testament : la mention d’une somme due dans la dot de Marie. S’il y a eu dot, il y a sans doute eu contrat de mariage. Ni une ni deux, j’ai cherché ledit contrat, mais cette fois à Villecomtal, où il attendait sagement que je le déniche depuis 320 ans… Je n’étais pas prête de le trouver à Conques, soit dit en passant. Sans plus attendre, je me suis attelée à sa transcription, un peu fébrile car espérant toujours résoudre le mystère de(s) Jean Valette. Le futur marié est bien dit menuisier de la ville de Conques… mais c’est tout !!! Ses parents ne sont pas cités. Les témoins ne font pas partie de son entourage proche. Il n’apporte rien dans la corbeille du mariage (ce que je n’ai, je crois, jamais rencontré encore), si ce n’est en fin d’acte un droit d’augment (ou gain de survie) à sa future épouse, comme c’est la coutume du pays. Quelle déception !
Mais en bas, tout en bas, qu’est-ce que j’aperçois ? La signature du futur époux : Jean Valette (qui signe Vallette). Et là pas de doute : c’est la même que celle qui apparaît au bas des actes de Me Flauguergues cités plus haut.

Signature Jean Valette, CM 1696 Villecomtal © AD12

  • Troisième étape : 
Je retourne examiner les actes Valette/Raouls sur la période où ils ont été mariés. Je m’aperçois que les parents dudit Jean sont cités dans l’acte de mariage avec Paule ! Ils sont dits de Rieutort : je ne risquais pas de les trouver à Conques non plus. Rieutort, Rieutort… c’est bien beau ça, mais c’est où Rieutort ? En continuant je trouve rapidement le mariage d’Étienne Valette, aussi menuisier, frère de Jean (les parents cités sont identiques). Tiens ? Ne serait-ce pas le parrain de Marguerite Valette, la fille de Jean, dont les liens de parenté ne sont pas précisés ? Mais dans l’acte de mariage d’Etienne, le curé est un peu plus bavard et précise que Rieutort est dans le diocèse de Mende ! En Lozère (actuelle) ! A 150 km de Conques ! Et bien je n’aurai pas assez de toute une vie à faire l’escargot pour arriver jusque là-bas !
A Rieurtort-de-Randon (nom actuel), il n’y a pas de registre en ligne antérieur à 1727 et pas (encore) d’acte notarié en ligne pour la période qui m’intéresse. Les recherches sur les ascendants de Jean (et d’Étienne) s’arrêtent là… pour le moment.

  • Conclusion :
Je pense aujourd’hui que les deux Jean Valette sont une seule et même personne. Le faisceau d’indices qui me fait penser cela est principalement influencé par les signatures de Jean, des dates concordantes et la présence d’Étienne. Donc, sauf mention précise qui viendrait me prouver le contraire, je viens d’adopter officiellement Jean Valette comme unique ancêtre. La recherche a été longue (plus de 7 ans), et encore : j’ai arrêté de faire l’escargot au bout d’un moment ; mais a, sans doute, trouvé une conclusion heureuse.



* J’ai concentré mes recherches dans la même paroisse : quand on reste sur place, ce n’est plus « l’escargot », alors c’est quoi ? La limace ? Faut dire que ça m’a pris du temps…