« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 18 mars 2017

#RDVAncestral : les petits héritiers

J'avais revêtu une longue robe, taillée simplement, mais ornée de quelques broderies aux encolures et aux poignets, ainsi que des souliers fins de cuir souple. Une houppelande me protégeait de la fraîcheur du matin. La capuche ayant glissé, elle laissait voir mes cheveux emprisonnés dans une fine résille ornée de perles. J’accompagnais Ermina, la nourrice du château.

Dès le portail franchi, une effervescence rompit avec le calme environnant qui nous avait accompagné tout au long du chemin. Des palefreniers sellaient les chevaux qui piaffaient sur le sol de la grande cour, impatients de sortir des stalles où ils avaient passé bien trop de temps à leur goût. Près de la porte menant à la grande salle, se tenaient les hommes, prêts à partir à la chasse ; tout aussi impatients que leurs montures d’aller se dégourdir les jambes au grand air. Dans un tumulte de sabots et d’ordres lancés à grands cris, les seigneurs du lieu et leurs invités s’en allaient passer la journée à chasser sur leurs terres giboyeuses.

Château de Thorens [*] de nos jours, vue aérienne © DgCphotographe, gpps.fr

Le calme revenu, je les aperçu enfin : deux jeunes turbulents qui ne connaissaient pas l’inactivité, toujours en mouvement, à courir, explorer leur domaine, se chercher querelle rien que pour le plaisir de la joute. Tout cela se terminaient parfois en légère catastrophes : combien de fois ne les avait-on pas retrouvés leurs chemises d’une propreté douteuse, voire déchirées, des ecchymoses un peu partout ? D’un premier abord, ils se ressemblaient, certains les prenant même pour des jumeaux (nés à seulement à un mois d’écart), mais en les examinant de plus près on pouvait les différencier.

Le premier des jeunes garçons se tenait bien campé sur ses jambes. Il était de petite taille, trapu, avec une tignasse brune et de grands yeux noirs. Le modelé ferme du menton contrastait avec la rondeur enfantine de ses joues. Plus tout à fait un enfant mais pas encore véritablement un homme. Il était habillé d’un manteau et d’une cotte bleu clair, de chausses grises. Ses vêtements étaient froissés : malgré l’heure matinale, il n’avait pas dû se tenir tranquille bien longtemps ce jour-là, mais avait sans doute vagabondé, arpentant la cour, inventant sans cesse de nouveaux jeux lorsque le précédent le lassait. Cependant il portait ces vêtements froissés avec une assurance toute aristocratique.

L’autre garçon, légèrement plus grand, le dominait d’une demi-tête. Il avait un visage tout en longueur, un front large. Il était tête nue et ses cheveux noirs luisaient comme le jais. Son ceinturon arborait une dague au fourreau incrustée d’argent. Il avait un port tout aussi altier. Difficile de dire qui était l’aîné des deux, et donc l’héritier du château, des terres et des fermiers qui l’exploitaient, libres ou serfs.

Voici donc les deux cousins, Gaspard et François. Ermina et moi avons la lourde tâche de les surveiller pour la journée. Heureusement, de nombreux serviteurs gardent aussi un œil sur eux, l’air de rien, car les suivre en permanence est une gageure en soi. Ce qui nous laisse le temps pour des travaux de broderies. Ermina avait été la nourrice de lait de Gaspard et si elle revenait de temps au temps au château, ce n’était plus elle qui avait en charge l’éducation des garçons. A treize ans il était temps pour eux d’apprendre leurs futurs responsabilités de gestionnaires de grands domaines, le métier des armes, bref, tous les devoirs qu’incombaient aux jeunes nobles de ces années 1580.

D’ailleurs, leur maître d’arme arrivait pour leur donner leur leçon du jour. Des épées à leur taille leur avaient été confectionnées et ils entendaient bien en user « comme les grands ». Parfois quelques entailles superficielles où perlait une goutte de sang arrêtaient la leçon.

Même pour le dîner il était difficile de les garder au calme. Une fois avalé un quignon de pain et une tranche de lard, ils ne cessaient de s’agiter, se donnant de grandes bourrades dans le dos, jusqu’à ce qu’on les autorise à quitter la haute table. Il serait bien temps, plus tard, d’apprendre la patience des longs banquets qu’ils donneraient inévitablement lorsqu’ils auraient hérité des titres et domaines de leurs pères.

L’après-midi s’écoula si rapidement. Je ne cessais de m’émerveiller à les contempler. Force était de constater que certains étaient des êtres d’exception. Quelque fut leur âge, on ne pouvait pas les manquer. Ces enfants en faisaient partie et c’était un réel plaisir de les admirer. Ma broderie n’avançait pas beaucoup, mais cela n’avait pas d’importance.

En fin d’après-midi les chasseurs étaient rentrés, aussitôt accueillis par les nombreux serviteurs et palefreniers du château. Les uns s’occupaient d’ôter les bottes de leurs maîtres, les autres pansaient les chevaux avant de les nourrir et de les rentrer dans leurs stalles pour la nuit. L’agitation qui régnait dans la cour avait ravivé celles des enfants qui, un moment plus tôt, ne savaient plus quoi faire.

Ermina et moi nous apprêtions à partir. Sous le porche, je me retournais une dernière fois. Au même moment, les cloches sonnaient à la chapelle du château pour l’office des vêpres. Gaspard proposa à François de « jouer à la chasse » mais celui refusa.
- «  Non, je préfère aller écouter l’office. »
Il laissa tomber négligemment son épée sur le sol de terre battue de la cour du château et rejoignit le groupe de gens qui se dirigeait vers la chapelle. Gaspard resta un instant seul, déçu, donnant par dépit un léger coup de pied pour faire valser l’épée abandonnée. Puis il haussa les épaules. Il s’aperçut alors qu’il commençait à faire froid, le soleil déclinant ne réchauffant plus la grande cour. Alors, résigné, il suivit les autres. Pour rattraper son retard, il se mit à courir vers la chapelle.
C’est la dernière fois que je le vis.


Gaspard de Sales, fils de Louis, naquit le 29 juillet 1567 en la paroisse de Thorens-Glières (Haute-Savoie actuelle, autrefois terres du Duc de Savoie), au château de Sales. Il est mon ancêtre direct (sosa n°6578) à la XIIIème génération.
François, fils de François, était son cousin germain. Né le 21 août 1567, il est plus connu sous le nom de Saint François de Sales. Il consacra sa vie à Dieu et renonça à tous ses titres de noblesse sur les terres de Sales. Il devint l'un des théologiens les plus considérés de son temps. Ce grand prêcheur accéda au siège d’évêque de Genève et fonda l’ordre religieux de la Visitation.


[*] Le château de Sales qu’ont connu Gaspard et François a été démantelé (en 1630). Il était édifié à 200 m de celui de Thorens. Néanmoins le château de Thorens a bien appartenu, lui aussi, à la famille de Sales.



samedi 11 mars 2017

#Généathème : les migrations de nos ancêtres

D'aussi loin que j'ai pu remonter, c'est-à-dire dans les années 1670, mes ancêtres éponymes ont habité Conques en Rouergue. Mais à partir de 1850, ils ont commencé à bouger. C'est Pierre Jean, le premier, qui quitte le berceau familial. En effet, il est gendarme et se voit muté dans différentes régions, notamment en Corse (histoire racontée dans le billet "L'ancêtre Corse : début de l'enquête" sur ce blog). Ses déplacements sont assez biens connus et expliqués.

Mais aujourd'hui, je vais m'intéresser à son fils aîné, prénommé Augustin Pierre Jean. Je vous le présente : il a les cheveux et les yeux châtains foncé, les sourcils noirs, le nez et le front ordinaire, le menton et le teint rond (sic), la bouche moyenne, le visage ovale [*].
Il est né en 1851 à Conques mais c'est son grand-père maternel Jean Antoine Mas qui a déclaré sa naissance, son père étant dit "gendarme à pied à la résidence d'Ajaccio".
Conques, dessin F.A.Pernot, 1834 © Delcampe

Rapidement, le père fait venir son épouse et son fils en Corse. On retrouve donc Augustin, enfant au sein du foyer familial, dans les recensements : à Appietto (1855), à 10 km d'Ajaccio, puis à Peri (1861), 26 km plus loin.
Appietto et Peri (soulignés en rouge),  Corse du Sud © Magic Serviettes

Par sa fiche militaire, on apprend que, devançant l'appel, il s'est engagé volontaire (classe de mobilisation de 1867) à la mairie d'Ajaccio le 3 octobre 1868 pour 7 ans et incorporé au 32ème de ligne sous le n°3363. Il a 17 ans. Qu'est-ce qui le pousse à quitter la maison si tôt ? Nous ne le saurons probablement jamais.
En 1871, toujours d'après sa fiche militaire (qui se trouve en Aveyron) il est dit cultivateur et caporal au 32ème de ligne. Je ne sais pas si on peut considérer cela comme un nouveau "domicile", mais il est alors dit prisonnier à Koenisgberg (Prusse / aujourd'hui Kaliningrad dans une enclave Russe isolée entre Pologne et Lituanie).
En 1873 est libéré du service actif et envoyé dans la réserve. Mais il ne rejoindra probablement pas sa famille, qui a déménagé à Aubin près de Decazeville (Aveyron).
En tout cas en 1875, lorsqu'il épouse Cécile Rols, il réside à Angers, 31 rue de la Roë. La famille Rols est aussi originaire de Conques; le père de Cécile ayant quitté le Rouergue dans les années 1875, mais on ignore pourquoi. Il a d'abord été en Indre et Loire puis à Angers. Il y était épicier et Augustin était son employé. Tous habitaient la même adresse : on sait où Augustin a rencontré son épouse ! Lors du recensement de 1876 il y habite toujours.

Angers, 31 rue de la Roë aujourd'hui © Google street view

"Le décès survenu à 47 ans de son beau-père et patron l'oblige à trouver un autre emploi" (d'après ce que disait mon grand-père : en fait il a quitté l'épicerie deux ans avant le décès dudit beau-père). Peut-être pistonné par son père, il est nommé "gendarme à pied à la compagnie de Maine et Loire" en 1877: on le retrouve en poste à la gendarmerie de Beaufort en Vallée lors de la naissance de son second fils. Il est ensuite rapidement muté à La Possonière (naissance de sa fille en 1879). Mais il ne fait pas carrière dans la gendarmerie puisqu'il démissionne en 1880. Lors des décès de deux de ses enfants, le 3 et le 16 avril 1881 [**], il est revenu à Angers, au 63 faubourg Saint-Michel; îlot misérable et insalubre totalement démoli dans les années 1960; mais qui avait peut-être meilleure allure dans les années 1880 ? Il est alors dit respectivement ouvrier de fabrique et employé de commerce.

Angers, entrée du faubourg Saint-Michel © Delcampe

Il fait ensuite un bref retour en Aveyron entre 1882 et 1886, à Aubin. Il n'apparaît pas dans le recensement de la commune en 1881, ce qui laisse supposer qu'il y est arrivé en toute fin d'année (après le décès de son fils Alexandre en avril) ou en tout cas avant le mois de juin 1882 puisque sa fille Marie Euphrasie y naît à cette date. Il rejoint sans doute ses parents qui habitent la commune, à nouveau sans doute pistonné par son père puisqu'on le retrouve garde mine comme lui; mais il change régulièrement d'adresses : lieu-dit Le Moulinou en 1882 (naissance de Marie Euphrasie), Combes en 1883 (décès de son père), Peyrolles en 1884 (naissance de son fils François) puis à nouveau Combes en 1886 (naissance de son fils Élie).

 Combes à Aubin, Puits de Mine, 1910 © merigot.chez-alice.fr

Finalement il revient en Anjou : il demeure à Angers, mais il a une adresse différente à chaque naissance ou décès d'enfant : 39 rue des Banchais en 1888 (naissance de son fils Augustin), rue Victor Hugo en avril 1889 (naissance de son fils Ernest), 27 rue Larevellière en juin 1889 (décès de son fils Ernest), 10 rue de la Rame [?] en 1892 (naissance de son fils Benoît), 14 rue Fénelon en 1895 (naissance de son fils Alexandre). Il est journalier.

Détail des migrations de Augustin PJ Astié, Angers et ses environs © TravelMap

En septembre 1904 il demeure encore à Angers, route des Ponts de Cé (mariage de son fils François), mais il déménage ensuite à nouveau : cette fois il va en région parisienne. Selon la tradition orale familiale "il est parti à Paris, à pied, chercher du travail". Il a alors 54 ans. Il deviendra journalier au gaz.

Cette fois il rejoint vraisemblablement son fils qui habite déjà à Ivry : en juin 1905 on le retrouve à Ivry, 34 rue Nationale (décès de son frère Louis), puis rue Raspail en 1911 (recensement).

Finalement, son acte de décès, en 1914 porte l'adresse Paris 13ème, 11 rue Damesme (rue qui se trouve dans le prolongement de la rue Nationale d'Ivry).

Migrations d'Augustin Pierre Jean Astié © TravelMap

Ce qui fait tout de même 20 adresses (je ne compte pas la Prusse) en 62 ans de vie - soit un déménagement environ tous les trois ans en moyenne ! Et peut-être que quelques adresses m'ont échappées, notamment à la fin de sa vie où les sources ne sont plus disponibles en ligne.
La plupart de ces déplacements s'expliquent facilement : la raison principale semble être la recherche de travail, qui se fait essentiellement par rapprochement familial (parents puis enfants) ou relationnel (son futur beau-père). Mais pourquoi ces déménagements incessants dans une même ville à quelques mois d'écart (comme à Angers, Aubin ou Ivry) ? Cela reste un mystère.


[*] Description trouvée sur sa fiche militaire.
[**] Pour l'anecdote les deux décès ont la même adresse, 63 faubourg Saint-Michel, mais celui du 3 avril est classé dans le 1er arrondissement d'Angers tandis que celui du 16 est dans le 2ème arrondissement !

samedi 4 mars 2017

Les oubliés

De retour d’un voyage dans sa famille (et belle-famille), ma mère m'a rapporté un certain nombre de documents généalogiques : 
  • Des photos (dont l’album de mariage de sa mère),
  • Des cartes postales écrites à sa grand-mère paternelle Marcelle,
  • Des cartes postales vierges, signe indéniable de la collectionnite aigüe de feue ma grand-mère maternelle (voir l’article « Défi 3 mois : le livre d'or »),
  • Une lettre manuscrite de mon grand-père paternel racontant sa jeunesse,
  • Des cartes de communion (vierges),
  • Mes lettres d’enfant écrites à mes grands-parents paternels.

Voyons d’un peu plus près tout cela :
  • Les documents connus :
Pour la plupart, je connaissais déjà ces documents : je possède l’album de mariage de ma grand-mère en trois exemplaires ( !), la lettre de mon grand-père, un certain nombre de photos...
J’ai eu un bref moment de nostalgie en relisant mes lettres d’enfants.
  • Les cartes postales :
Il y en a 182 ! Certaines ont dû être envoyées sous enveloppe, ce qui fait qu’elles ne sont pas toutes timbrées et oblitérées – donc datées. Mais pour celles qui le sont, elles ont été écrites entre 1945 et 1978, avec un gros contingent dans les années 60/70.

Cartes postales adressées à Marcelle Macréau, épouse Borrat-Michaud © coll. personnelle

Certaines ne sont pas signées. Quelques auteurs sont identifiés néanmoins : les sœurs de Marcelle, Paulette et Germaine; les petits-enfants de Marcelle (dont ma mère); la famille chez qui elle travaillait (elle était domestique); les enfants de cette famille (qu’elle a quasiment élevés et qui l’appelaient « mémère », comme ses propres petits-enfants). Quelques unes sont adressées à « ma chère sœur » mais ne comportent pas de signature : je ne sais donc pas laquelle des trois sœurs de Marcelle les a écrites.
D’une manière générale, ces cartes ne m’apprennent pas grand-chose : quelques changements d’adresse successifs, de la Seine et Marne à la Seine et Oise (aujourd’hui Val d’Oise notamment), des problèmes de santé à un moment donné. La plupart des messages sont du type : « nous avons fait un bon voyage », « j’espère que tu vas bien », « je te souhaite une bonne année ».
Cela me fait penser à cette chanson chantée par Yves Montand, intitulée «  Je me souviens » : « Quand la nostalgie a retrouvé de veilles cartes postales où le ciel est toujours bleu, l’arbre toujours vert, la mer est calme. […] Je suis seul à savoir ce que l’écriture au dos signifie. Les diminutifs, les phrases banales : poignée de main de Castelnaudary, bons baisers du Mont Blanc, un bonjour de Saint-Jean-de-Luz… ».

Je me souviens, Yves Montand

Personnellement, j’aimerai bien savoir « ce que l’écriture au dos signifie », et qui en sont les auteurs, mais bon…

Deux cartes ont attirées mon attention, mentionnant une tombe à Angers (Maine et Loire). Voici un extrait de l’une d’elle : « Ma chère Marcelle [...] Nous avons été à Angers fleurir la tombe. Nous y avons mis des fleurs artificielles puisque l'on ne peut arroser et la tombe est très propre [...]. Cela m'a fait beaucoup de bien au moral de faire cette visite pour te remplacer. ». A noter : la carte devait se poursuivre sur du papier libre car elle s'arrête en pleine phrase - et n'est donc pas signée et son auteur inconnu. Je me suis demandée un moment quel était le rapport entre cette tombe si éloignée de la région parisienne où a vécu Marcelle, puis je me suis rappelée qu’il s’agissait de la tombe de son fils unique, André, mon grand-père décédé en 1963.
  • Les photos :
Hormis quelques rares exemplaires connus (ma famille proche, même avec 30, 40 ou 50 ans en arrière), la plupart ne sont pas identifiés : c’est une succession de bébés, communiant(e)s, couples posant en studio

Photos non identifiées © coll. personnelle

J’ignore totalement qui ils sont : peut-être sont-ils des cousins éloignés, ou tout simplement les enfants du boucher d’en face ! Même si ces clichés sont très beaux, réalisés en atelier pour la plupart (de toute évidence), quelle valeur ont-ils aujourd’hui alors qu’on a oublié qui sont ces visages ? Et que faire de ces photos ? Les jeter me crève le cœur, mais les garder : à quoi bon ?

Lorsqu’ils ont été écrits, donnés, reçus, ces documents étaient « vivants », ils avaient une signification pour ceux qui les possédaient. Un caractère sentimental bien souvent.
Puis, petit à petit, avec le temps, ils ont pris un intérêt patrimonial, sociologique (ou ici en l’occurrence généalogique), témoins de modes diverses : vestimentaires, mais aussi relationnelles, scripturales, etc…
Mais avec le temps qui va s’écouler encore, ils vont pénétrer peu à peu dans le brouillard : on ne sait plus qui est qui et ça n’a plus d’intérêt pour personne. Ils entrent dans « une petite mort ». Ce ne sont que des vieux papiers sentant la poussière. C’est l’heure fatidique où, s’ils sont encore dans les greniers, on les jette par poignées.
Pourtant, dans deux ou trois siècles, ces « vieux papiers sans intérêt » regagneront leurs galons : devenus Historiques (avec un grand H), ils seront les incunables ou les parchemins d’aujourd’hui. Mais la question qui reste en suspens : les aura-t-on gardé assez longtemps pour cela ?