« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 3 novembre 2023

C comme Curés et vicaires

Dans la décennie 1780/1790 on rencontre des curés et des vicaires à Conques.

Le curé est le prêtre catholique qui est placé à la tête d’une paroisse.

Le mot vicaire vient du latin vicarius : suppléant, assistant. Au sens habituel le mot est utilisé pour désigner, dans une paroisse, le collaborateur du curé.

La messe de Saint Benoit, Ph. de Champaigne © RMN

Jean Roquette est le premier vicaire que je rencontre dans les registres paroissiaux de la décennie 1780/1790. D’abord simple prêtre (depuis 1770), il est vicaire de la paroisse à partir de septembre 1772. Sur la période étudiée il officie en tant que vicaire dans 26 actes. Son dernier acte est daté d’octobre 1780. Il décède 4 mois plus tard :

Sépulture Jean Roquette, 1781 © AD12

"Le 16 de février 1781 est décédé et le lendemain a été inhumé Me Jean Roquette prêtre obituaire et ancien vicaire de Conques après avoir reçu tous les sacrements..."

 

Vient ensuite Jean Benoit. Officiant au baptême de Marianne Rual en mars 1781 il précise, après sa signature, "vicaire de Conques depuis le 1er de l'an 1781". Jusqu’en mars 1782, il rédige 44 actes. Je perds sa trace ensuite (à moins que cela ne soit le prêtre chanoine décédé à Saint Affrique en 1786 ?).

Baptême Marianne Rual (détail), 1781 © AD12

A partir de 1782 on rencontre Jean Pierre Aymé. C’est celui que je connais le mieux : originaire de Requista (12) où il est né en 1754, il officie en tant que vicaire à partir de juin 1782 puis curé à partir d’août 1786. Il est aussi prêtre fraternisant. Il signe son dernier acte paroissial le 26 septembre 1792 ; après cette date les actes (qui sont devenus d'état civil et non plus paroissiaux) sont signés Anterrieux, officier municipal ; puis d’autres, mais ça c’est une autre histoire. On notera d'ailleurs qu'il n'y a aucune interruption dans les registres entre l'Ancien Régime et la République (quelle chance !). La collégiale a été fermée en 1791, suite à la suppression des ordres religieux. Seul le vicaire poursuivra l’exercice public du culte jusqu’en 1793, puis de manière plus ou moins dissimulée. Le père Aymé dut s’exiler un moment avant de revenir à Conques vers 1798/1800 où il reprend ses fonctions de curé. Il décède en 1839 en sa maison de Conques.


Signature curé Aymé, 1787 © AD12

"... Monsieur Aymé Jean Pierre prêtre, curé de Conques, âgé de quatre vingt cinq ans, né à Requista, est décédé ce jourd'huy à cinq heures du soir dans sa maison audit Conques ..."

 


En 1786 et 1787 c'est Vayres qui occupe le poste de vicaire. Je ne le connais que par sa signature et j’ignore son prénom.

 

A partir de juin 1787 c’est Antoine Larousse qui officie à ce poste.

 

Le premier curé de la décennie étudiée est Dauban. Comme pour Vayres je ne connais pas son prénom. Il est déjà curé de Conques depuis 1772. Le dernier acte qu’il signe date d’octobre 1781, mais je n’ai pas trouvé son acte de décès. Sans doute est-il nommé dans une autre paroisse… mais laquelle ?

Signature curé Dauban, 1780 © AD12


Verdier est curé de novembre 1781 à 1786. Ensuite il semble être muté à Espalion, où on le voit en 1789 (d'après sa signature). J’ignore ce qu’il devient ensuite.

 

Au gré des registres, on trouve aussi cités Antoine Layrac, vicaire de Saint Marcel et Guillaume Toussaint Pons, curé de Montignac (les deux paroisses voisines, plus tard réunies à Conques).

 

 

jeudi 2 novembre 2023

B comme Baptisé sous condition

Le baptême assure à l’enfant son éternité et lui permet d’être enterré en terre consacrée. Un enfant mort-né ou en danger de mort à la naissance peut être "ondoyé" par la sage femme ; geste lui ouvrant le ciel en cas de décès. Il doit toutefois être réellement baptisé, l’ondoiement n’étant pas un baptême. Il est alors conduit devant un prêtre pour être baptisé "sous condition" : il suffit que les témoins attestent qu’ils ont aperçu un mouvement du cœur, un semblant de respiration, le tressaillement d’un doigt, un souffle … cela suffit, même s’il est décédé au moment où il paraît devant le prêtre. 

Le baptême, Longhi Pietro © meisterdrucke.fr
 

Les bébés ondoyés et baptisés sous condition sont nombreux à Conques :

Baptême Gabrielle Besamat, 1784 © AD12
"Gabrielle Besamat fille légitime et naturelle de Jean Besamat et de Catherine Condamine mariés habitants dudit Conques naquit le 15 février 1784et fut baptisée sous condition le lendemain par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Jeanne Rols sage femme, sa marraine fut Gabrielle Vigouroux de Conques qui n'a su signer de ce requise"

 

La sage femme Jeanne Rols est (peut-être) la fille de mes sosas 272 et 273. Nous reparlerons d’elle au cours de ce ChallengeAZ. La fillette ne survivra que quelques jours.


Il n’y a pas que la sage femme qui peut ondoyer l’enfant : des médecins qui assistent la mère dans son accouchement le peuvent.

"L’an 1788 et le 1er janvier a été ondoyée à la maison par le sieur Pomarede chirurgien de la présente ville soussigné une fille naissante de François Andrieu…"

 

"Une fille naissante à Pierre Bobis et Catherine Tarral mariés née et ondoyée à la maison par nécessité par Mr Me Pons docteur en médecine ainsi qu'il nous a été attesté, et décédée le 1er juillet 1782, a été inhumée le lendemain"

 

Comme on le voit, un bébé ondoyé n’est pas forcément baptisé sous condition ensuite (en tout cas ce baptême particulier n’est pas toujours mentionné).

 

Mais d’autres personnes aussi peuvent ondoyer l'enfant, appartenant à la famille ou non, parfois simplement présents lors de la naissance du fragile nouveau-né.

 

Baptême Joseph François Falissard, 1782 © AD12
"Joseph François Falissard [...] est né et a été ondoyé à la maison par nécessité ce jourd'hui par le sieur Michel Falissard grand oncle cependant nous avoit cru qu'il était prudent de lui donner le baptême sous condition ce que nous nous avons fait ce jourd'hui…"

 

"Marie Jeanne Escudier […] baptisée sous condition par nous vicaire soussigné ayant été baptisée la veille à la maison à cause du danger de mort par François Roux cordonnier…"


"[…] a été baptisé sous condition Jacques Gaffart né de la veille […] ayant été ondoyé a la maison y ayant cas de nécessité par Antoine Escudier cordonnier qui n’a su signer…"


"Marianne Rols fille légitime et naturelle de François Rols et de Marie Jeanne Cussac naquit le dix huit juillet mil sept cent quatre vingt trois et fut baptisée sous condition par nous vicaire soussigné, ladite Rols ayant été ondoyée à la maison par Anne de Villecomtal épouse de François Ferrieres y ayant nécessité, son parrain a été Antoine Lagarrigue Me cordonnier et sa marraine Marie Anne Cussac tante maternelle de la baptisée qui n'a su signer"

 

Marianne ne survivra que quelques jours. François Rols (frère de Jeanne la sage femme) est mon sosa 136 ; il perdra trois filles, toutes prénommées Marianne, dans ces conditions.

 

Des enfants exposés à la porte de l’hôpital sont aussi parfois baptisés sous condition.

 

"François fils à père et mère inconnus exposé cette nuit à la porte de l'hôpital a été baptisé sous condition ce 16 avril 1783..."

 

Ce fragile petit François survivra deux ans avant de s’éteindre.

 

"Pierre Jean Bories fils légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, son parrain fut Pierre Jean Martin étudiant en philosophie soussigné"

"Maries Bories fille légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, sa marraine fut Catherine Bories sœur de la baptisée qui n'a su signer de ce requise"

Les deux jumeaux sont décédés le même jour 5 février.

 

Une dernière situation similaire, mais avec une formulation différente.

"Le 3ème jour du mois de novembre 1780 ont été suppléé les formalités de baptême de Françoise Escudier fille légitime d’Antoine Escudier cordonnier et de Jeanne Panissier mariés de la ville de Conques ayant reçu l'eau a la maison par Antoine Anterrieux ici présent le tout très régulièrement a cause du danger de mort de l'enfant…"

 

 

mercredi 1 novembre 2023

A comme Absent

Le baptême est le premier sacrement, celui qui introduit dans l’Église et efface le péché originel. La personne est immergée dans l'eau ou aspergée. Cet accueil dans l’Église se fait entouré des parents, du parrain et de la marraine qui présentent l’enfant à la communauté. Ces derniers sont les personnes qui s'engagent à soutenir son filleul ou sa filleule (la personne parrainée) dans sa vie chrétienne pour l'aider à grandir dans la foi. 


 

Mais à Conques, parfois, le parrain se fait représenter par une autre personne lors de la cérémonie du baptême. L’Église a en effet prévu le cas particulier où le parrain ou la marraine ne peut être présent le jour de la cérémonie ou toute autre raison. Dans ce cas là, l’absent pourra se faire représenter par une autre personne. Celle-ci remplacera le parrain ou la marraine le temps de la cérémonie et signera à sa place. La personne initialement choisie reste le parrain ou la marraine officielle aux yeux de l’Église. 

 

Baptême Marie Rose Labro, 1786 © AD12
"Marie Rose Labro fille légitime et naturelle de François Labro marchand et Marie Rose Benazech mariés de la présente ville est née hier et a été baptisée ce jourd'hui 6ème du mois d'aout 1786, parrain Me Jean François Labro prêtre et obituaire de Thomas de la ville de Conques qui la baptisée et qui a commis pour la tenir en sa place Jean Antoine Falissard marchand, marraine Marie Jeanne Benazech sa tante, qui ont signé"

 

Nous retrouverons le prêtre Jean François Labro de nombreuses fois au cours de ce ChallengeAZ. Ici il est l’oncle de la baptisée (il est aussi le fils de mon sosa 278). Il semble que, dans ce cas, le parrain ne pouvant pas cumuler le double rôle parrain/officiant a délégué son rôle à une autre personne. Le représentant est l’oncle par alliance de la baptisée.

 

Les parents récidivent deux ans plus tard :

"…Jean Joseph Labro fils légitime du sieur François Labro marchand et de demoiselle Marie Benazech mariés de cette ville, [le] parrain a été messire Jean Joseph d'Adhemar chanoine du chapitre de Ste Foy de Conques qui s'est fait représenter par Jean Benazech notaire oncle du baptisé…"

 

Cette fois je ne sais pas pourquoi le chanoine n’a pas pu être présent pour la cérémonie. Certains actes gardent leur mystère.

 

Baptême Jean Louis Avalon, 1787 © AD12
"L'an mil sept cent quatre vingt sept et le vingt trois mars a été baptisé Jean Louis Avalon fils légitime et naturel de Me Jean Avalon organiste du chapitre et de demoiselle Marie Christine Valete mariés né de la veille, son parrain a été Me jean Louis Avalon organiste dans la maison de Bonneval qui a commis en sa place le sieur Pierre Jean Martin praticien de cette ville soussigné et sa marraine a été mademoiselle Anne Pages grand mère du baptisé soussignée"

 

Jean Louis Avalon, organiste de l'abbaye de Bonneval (commune du Cayrol), est le parrain du fils de son frère Jean Louis et de Marie Christine Valete, prénommé Jean-Louis. Il n'est pas présent à la cérémonie et est représenté par Pierre-Jean Martin, praticien de Conques (celui-ci est mon sosa 138). Il y a près de 50 km entre Le Cayrol et Conques : la distance explique sans doute son absence.

 

"L'an mil sept cent quatre vingt neuf et le quinzième septembre a été baptisé Pierre Joseph Raymond Laforgue de Ferrieres né du légitime mariage de monsieur Joseph Adrien Laforgue de Ferrieres juge baillif de la temporalité de Conques et de dame Marianne Jausion son parrain a été messire Pierre Joseph Raimond de Vaillac chevalier de l'ordre de st Louis ancien officier de la gendarmerie habitant de Capdenac qui a commis Me Joseph Clement Laforgue prêtre de st Cyprien oncle paternel du baptisé, et qui la baptisé, et qui s'est fait remplacer par messire Louis d’Espeyrac garde du roy seigneur dudit lieu, et la marraine a été madame Marianne Leyrolle veuve de Mr Laval de Busens grand mère du baptisé qui a commis en sa place demoiselle Anne Laforgue de Segonzac tante paternelle du baptisé qui a signé ainsi que les autres"

 

Ici une double représentation ! Le milieu est plus élevé (chevalier de saint Louis, garde du roi…) et, à nouveau, on retrouve le cas de l’officiant qui ne peut être parrain.