« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 4 novembre 2023

D comme Dispense des deux bans

La publication des bans est une démarche nécessaire à tout mariage. Il s’agit d’une procédure obligatoire dont le but est de rendre publique et officielle une future union et de permettre à toute personne de s’y opposer pour une raison valable et vérifiable (empêchements de consanguinité, d’affinité spirituelle, d’honnêteté publique, de concubinage, etc..). Le non-respect de la publication des bans peut être une cause d’annulation du mariage. Sous l’Ancien Régime les bans sont publiés pendant les trois semaines précédant la cérémonie (depuis les conciles de Latran, 1215, et de Trente, 1563) lors au prône des messes des trois dimanches ou jours de fêtes dans la ou les deux paroisses d’origine des futurs époux. 

 

Noce aveyronnaise © Cartorum
 

Il existe cependant différents cas qui permettent d’être dispensé de la publication d’un ou plusieurs bans :

  • lorsque l’on souhaitait s’unir durant l’Avent ou le Carême, période théorique d’abstinence qui interdisait toute union pour 40 jours ;
  • pour éviter la naissance d’un enfant illégitime si la grossesse était déjà bien avancée ;
  • relation de cousinage entre les époux ;
  • veuf et veuve se remariant ;
  • Etc…

Il va de soit que cette demande de dispense est payante.

 

"L'an mil sept cent quatre vingt trois et le seizième juillet après la publication d'un banc de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac comme il conste par le certificat de Mr Marc curé signé le quatorze juillet sans qu'il soit venu en notre connaissance ni en celle de Mr le curé d'Arjac aucun empêchement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique et romaine après avoir obtenu la dispense des deux autres bancs en date du quatorze dudit mois et an Grun vicaire général signé contresigné par le secrétaire de l'évêché Vala signé dument insinué ledit jour et an Ityé signé, Jean-Pierre Madrières Me cordonnier fils légitime à Pierre Madrieres et à feue Anne Treilhes de la ville de Conques et Anne Medal fille légitime à feu Michel Medal et à Catherine Pradels du lieu d'Arjac en présence d'Antoine Delagnes travailleur, de Jean Antoine Falissard marchand, d'Antoine Martin vigneron et de Jean Falissard meunier a Molinac tous de Conques soussigné ainsi que l'époux, l'épouse n'ayant su signer de ce requise"

 

"L’an mil sept cent quatre vingt neuf et le onzième du mois de novembre après la publication des bans du futur mariage d'entre le sieur Hyacinthe Garrigues maître chirurgien habitant de la ville de Conques depuis environ quatre mois fils légitime et naturel du sieur Hyacinthe Garrigues aussi maître chirurgien et de demoiselle Catherine Virinques mariés habitant du lieu de Valady d’une part et de demoiselle Marie Jeanne Benazech fille légitime de sieur feu Pierre Benazech bourgeois et de demoiselle Jeanne Baurs mariés tous habitants de ladite ville de Conques faite un fois seulement au prône de notre messe paroissiale de ladite ville et au prône de la messe paroissiale du lieu de Valady où il a été annoncé que les parties se proposoient de demander la dispense des deux autres bans qu'ils ont obtenue comme il conste par le certificat de dispense du 9e novembre de la présente année signé du sieur Fajole vicaire général et plus bas du sieur Dujols secrétaire, ledit certificat annexé au registre que nous avons devant nous sans qu’il soit venu à notre connaissance ni à celle du sieur Rey curé de Valady d’après son certificat du 9 novembre même année aucun empêchement civil ni canonique, je soussigné ai reçu leur mutuel consentement et leur ai donné la bénédiction nuptiale en présence du sieur Jean Baptiste Garrigues frère au nouveau marié Me chirurgien habitant du lieu de St Cyprien, du sieur François Labro marchand, du sieur Guillaume Blax Me menuisier et François Ferrières clerc du chapitre [… ?] habitants de Conques soussigné avec les parties"

 

Mariage Pierre Bobis et Catherine Tarral, 1781 © AD12

"Le 27e septembre 1781 par nous curé soussigné a été célébré en face de la sainte église du consentement des parents respectifs le mariage de Pierre Bobis tisserand fils légitime de feu Jean Bobis Marie Lacroix mariés de la Croix paroisse de Vieillevie en Auvergne avec Catherine Tarral fille de feu Antoine Tarral et marie Boudou mariés de Conques, les bans de mariage ayant été publiés pour les 1er et 2e et dernière publication à la messe de paroisse de Conques sans opposition ni déclaration d'empêchement, les parties ayant obtenues une dispense des deux bans de Mgr l'évêque de Rodez ci attachée, ledit Bobis résidant à Conques depuis plus d'un an et étant majeur, présents Baptiste et François Bobis frères du nouvel époux, Pierre Anterrieux et Guillaume Tarral de Conques signés"

 

Cas unique sur la période étudiée : une sommation respectueuse :

"Le 25 de juillet 1781 a été célébré le mariage de Michel Falissard fils de Jean Falissard marchand et d’Anne Galtier mariés de Moulinols paroisse de Conques avec Antoinettre Vigroux fille de Pierre Vigroux et de Catherine Carles mariés de la ville de Conques après avoir publié les bans pendant trois fois selon le droit sans opposition ni révélation d'empêchement en conséquence de trois sommations respectueuses que ledit Michel Falissard a faite à son père en due forme contrôlées à Marcillac qui sont chez le sieur Benezech notaire de Conques attaché au contrat de mariage qui sont en conséquence desdites sommations passées devant lui le 22 de ce mois et du consentement des autres parents respectifs présents Pierre et Antoine Vigroux frères de l’époux, Joseph Falissard et Pierre Alexis Alran soussigné avec l’époux, l’épouse de ce requise a dit ne savoir"

 

Une sommation respectueuse est un acte extra-judiciaire que des mineurs sont tenus de faire signifier à leurs père et mère lorsque ces derniers n’ont pas donné leur consentement au mariage. On dit que la sommation est respectueuse, car la demande est formulée avec respect, et surtout parce qu’elle est faite sans appareil de justice : c’est un notaire et non un huissier qui joue le rôle d’intermédiaire.

Mariés le 25 juillet, le couple donne naissance à un fils le 31 ! La grossesse était peut-être la cause du refus parental pour ce mariage… et la raison pressante des époux de le faire !

 

 

vendredi 3 novembre 2023

C comme Curés et vicaires

Dans la décennie 1780/1790 on rencontre des curés et des vicaires à Conques.

Le curé est le prêtre catholique qui est placé à la tête d’une paroisse.

Le mot vicaire vient du latin vicarius : suppléant, assistant. Au sens habituel le mot est utilisé pour désigner, dans une paroisse, le collaborateur du curé.

La messe de Saint Benoit, Ph. de Champaigne © RMN

Jean Roquette est le premier vicaire que je rencontre dans les registres paroissiaux de la décennie 1780/1790. D’abord simple prêtre (depuis 1770), il est vicaire de la paroisse à partir de septembre 1772. Sur la période étudiée il officie en tant que vicaire dans 26 actes. Son dernier acte est daté d’octobre 1780. Il décède 4 mois plus tard :

Sépulture Jean Roquette, 1781 © AD12

"Le 16 de février 1781 est décédé et le lendemain a été inhumé Me Jean Roquette prêtre obituaire et ancien vicaire de Conques après avoir reçu tous les sacrements..."

 

Vient ensuite Jean Benoit. Officiant au baptême de Marianne Rual en mars 1781 il précise, après sa signature, "vicaire de Conques depuis le 1er de l'an 1781". Jusqu’en mars 1782, il rédige 44 actes. Je perds sa trace ensuite (à moins que cela ne soit le prêtre chanoine décédé à Saint Affrique en 1786 ?).

Baptême Marianne Rual (détail), 1781 © AD12

A partir de 1782 on rencontre Jean Pierre Aymé. C’est celui que je connais le mieux : originaire de Requista (12) où il est né en 1754, il officie en tant que vicaire à partir de juin 1782 puis curé à partir d’août 1786. Il est aussi prêtre fraternisant. Il signe son dernier acte paroissial le 26 septembre 1792 ; après cette date les actes (qui sont devenus d'état civil et non plus paroissiaux) sont signés Anterrieux, officier municipal ; puis d’autres, mais ça c’est une autre histoire. On notera d'ailleurs qu'il n'y a aucune interruption dans les registres entre l'Ancien Régime et la République (quelle chance !). La collégiale a été fermée en 1791, suite à la suppression des ordres religieux. Seul le vicaire poursuivra l’exercice public du culte jusqu’en 1793, puis de manière plus ou moins dissimulée. Le père Aymé dut s’exiler un moment avant de revenir à Conques vers 1798/1800 où il reprend ses fonctions de curé. Il décède en 1839 en sa maison de Conques.


Signature curé Aymé, 1787 © AD12

"... Monsieur Aymé Jean Pierre prêtre, curé de Conques, âgé de quatre vingt cinq ans, né à Requista, est décédé ce jourd'huy à cinq heures du soir dans sa maison audit Conques ..."

 


En 1786 et 1787 c'est Vayres qui occupe le poste de vicaire. Je ne le connais que par sa signature et j’ignore son prénom.

 

A partir de juin 1787 c’est Antoine Larousse qui officie à ce poste.

 

Le premier curé de la décennie étudiée est Dauban. Comme pour Vayres je ne connais pas son prénom. Il est déjà curé de Conques depuis 1772. Le dernier acte qu’il signe date d’octobre 1781, mais je n’ai pas trouvé son acte de décès. Sans doute est-il nommé dans une autre paroisse… mais laquelle ?

Signature curé Dauban, 1780 © AD12


Verdier est curé de novembre 1781 à 1786. Ensuite il semble être muté à Espalion, où on le voit en 1789 (d'après sa signature). J’ignore ce qu’il devient ensuite.

 

Au gré des registres, on trouve aussi cités Antoine Layrac, vicaire de Saint Marcel et Guillaume Toussaint Pons, curé de Montignac (les deux paroisses voisines, plus tard réunies à Conques).

 

 

jeudi 2 novembre 2023

B comme Baptisé sous condition

Le baptême assure à l’enfant son éternité et lui permet d’être enterré en terre consacrée. Un enfant mort-né ou en danger de mort à la naissance peut être "ondoyé" par la sage femme ; geste lui ouvrant le ciel en cas de décès. Il doit toutefois être réellement baptisé, l’ondoiement n’étant pas un baptême. Il est alors conduit devant un prêtre pour être baptisé "sous condition" : il suffit que les témoins attestent qu’ils ont aperçu un mouvement du cœur, un semblant de respiration, le tressaillement d’un doigt, un souffle … cela suffit, même s’il est décédé au moment où il paraît devant le prêtre. 

Le baptême, Longhi Pietro © meisterdrucke.fr
 

Les bébés ondoyés et baptisés sous condition sont nombreux à Conques :

Baptême Gabrielle Besamat, 1784 © AD12
"Gabrielle Besamat fille légitime et naturelle de Jean Besamat et de Catherine Condamine mariés habitants dudit Conques naquit le 15 février 1784et fut baptisée sous condition le lendemain par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Jeanne Rols sage femme, sa marraine fut Gabrielle Vigouroux de Conques qui n'a su signer de ce requise"

 

La sage femme Jeanne Rols est (peut-être) la fille de mes sosas 272 et 273. Nous reparlerons d’elle au cours de ce ChallengeAZ. La fillette ne survivra que quelques jours.


Il n’y a pas que la sage femme qui peut ondoyer l’enfant : des médecins qui assistent la mère dans son accouchement le peuvent.

"L’an 1788 et le 1er janvier a été ondoyée à la maison par le sieur Pomarede chirurgien de la présente ville soussigné une fille naissante de François Andrieu…"

 

"Une fille naissante à Pierre Bobis et Catherine Tarral mariés née et ondoyée à la maison par nécessité par Mr Me Pons docteur en médecine ainsi qu'il nous a été attesté, et décédée le 1er juillet 1782, a été inhumée le lendemain"

 

Comme on le voit, un bébé ondoyé n’est pas forcément baptisé sous condition ensuite (en tout cas ce baptême particulier n’est pas toujours mentionné).

 

Mais d’autres personnes aussi peuvent ondoyer l'enfant, appartenant à la famille ou non, parfois simplement présents lors de la naissance du fragile nouveau-né.

 

Baptême Joseph François Falissard, 1782 © AD12
"Joseph François Falissard [...] est né et a été ondoyé à la maison par nécessité ce jourd'hui par le sieur Michel Falissard grand oncle cependant nous avoit cru qu'il était prudent de lui donner le baptême sous condition ce que nous nous avons fait ce jourd'hui…"

 

"Marie Jeanne Escudier […] baptisée sous condition par nous vicaire soussigné ayant été baptisée la veille à la maison à cause du danger de mort par François Roux cordonnier…"


"[…] a été baptisé sous condition Jacques Gaffart né de la veille […] ayant été ondoyé a la maison y ayant cas de nécessité par Antoine Escudier cordonnier qui n’a su signer…"


"Marianne Rols fille légitime et naturelle de François Rols et de Marie Jeanne Cussac naquit le dix huit juillet mil sept cent quatre vingt trois et fut baptisée sous condition par nous vicaire soussigné, ladite Rols ayant été ondoyée à la maison par Anne de Villecomtal épouse de François Ferrieres y ayant nécessité, son parrain a été Antoine Lagarrigue Me cordonnier et sa marraine Marie Anne Cussac tante maternelle de la baptisée qui n'a su signer"

 

Marianne ne survivra que quelques jours. François Rols (frère de Jeanne la sage femme) est mon sosa 136 ; il perdra trois filles, toutes prénommées Marianne, dans ces conditions.

 

Des enfants exposés à la porte de l’hôpital sont aussi parfois baptisés sous condition.

 

"François fils à père et mère inconnus exposé cette nuit à la porte de l'hôpital a été baptisé sous condition ce 16 avril 1783..."

 

Ce fragile petit François survivra deux ans avant de s’éteindre.

 

"Pierre Jean Bories fils légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, son parrain fut Pierre Jean Martin étudiant en philosophie soussigné"

"Maries Bories fille légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, sa marraine fut Catherine Bories sœur de la baptisée qui n'a su signer de ce requise"

Les deux jumeaux sont décédés le même jour 5 février.

 

Une dernière situation similaire, mais avec une formulation différente.

"Le 3ème jour du mois de novembre 1780 ont été suppléé les formalités de baptême de Françoise Escudier fille légitime d’Antoine Escudier cordonnier et de Jeanne Panissier mariés de la ville de Conques ayant reçu l'eau a la maison par Antoine Anterrieux ici présent le tout très régulièrement a cause du danger de mort de l'enfant…"