« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 29 février 2016

#Centenaire1418 pas à pas : février 1916

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de février 1916 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Jean François dispart "des radars" entre sa blessure (fin janvier) et son retour au front en septembre. J'ignore où il a été soigné et où il a passé sa convalescence. Il m'a donc fallu inventer un probable parcours, basé sur la consultation de différentes archives (vie à l'hôpital, autres batailles...).
 
Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er février 
L’ambulance alpine n°2/64 qui m’a évacué est celle qui est stationnée dans la mairie-école de Mittlach, à quelques kilomètres de Metzeral.

Ambulance alpine n°2/64 © ambulance-alpine-dna.fr

Suite à de très violents bombardements et à la destruction partielle des parties hautes, l’ambulance s’est retranchée au sous-sol du bâtiment.
Elle a aussi installé des infrastructures creusées dans le sol alentours.
Ce que le service des armées nomme « ambulance alpine » est un poste de secours qui accueille une cinquantaine de médecins, infirmiers, brancardiers…
Initialement conçu comme un lieu d’accueil des blessés venant du front, il a pour fonction de les trier, de remettre sur pieds ceux qui peuvent l’être et de stabiliser les plus gravement touchés avant de les transférer vers les hôpitaux de campagne situés à l’arrière.
Toutefois, en raison des conditions climatiques, notamment en hiver, le rôle de l’ambulance va évoluer. En effet, les cols devenant impraticables à cause de la neige, il est impossible de transférer les blessés. Les soins et les traitements sont donc administrés parfois directement sur place.
La météo le permettant, je ne suis resté qu’un seul jour à l’ambulance : j’ai été évacué dès le 29.

2 février
L’ambulance 2/58 m’a ensuite emmené à Krüth
J’y retrouve R. Gustave, du 23e bataillon de chasseurs alpins, entré à l’ambulance 2/58 le 25-12-15.
Il était considéré comme suspect, le rapport préliminaire concluant à un coup de feu tiré à courte distance.
Finalement il  est considéré comme un blessé ordinaire et évacué à l’arrière.

3 février
J’en ai vu des gars, usés par la peur, le froid et l’horreur : certains cèdent à la panique et laissent leurs mains dépasser du parapet.
Ils espèrent être la cible d’un tireur isolé : un membre estropié vaut un retour au pays.
A condition de ne pas être reconnu comme blessure volontaire : c’est alors la cour martiale… ou pire.
Le vacarme incessant des bombardements, la saleté, les poux, la boue. Il faut avoir les nerfs solides pour résister à tout ça.
D’autres se sentent coupables à l’idée de détruire la vie d’un Allemand inconnu de leur âge, respirant le même air, riant, mangeant.
Ce n’est pas de la déloyauté ou de la lâcheté. C’est simplement le signe de leur humanité.

 Soldat russe ©  legeekcestchic.eu

4 février
Me voici donc à l’hôpital [*]. Je découvre un nouvel univers.
En treize mois au front, c’est la première fois que je suis blessé.

5 février
La souffrance me fait oublier tout ce qui est étranger à cette salle commune dans laquelle on meurt ou on vit presque par hasard.
La nuit les plaintes des blessés interdisent un sommeil qui de toute façon ne vient pas.

6 février
La nuit, parfois, des souvenirs de mon enfance surgissent, bouleversants, chargés d’espérance.
Je n’ose m’y abandonner.

7 février
Ici on est plus loin du front, mais chaque assaut et bombardement se devine par l’afflux de blessés qui arrive parmi nous.

8 février
La pénurie, le rationnement, le manque de personnel est le lot commun de l’hôpital.
Celles et ceux qui se dévouent pour nous ont d’autant plus de mérite. Leur engagement est sans faille et leur tâche toujours plus lourde.
Soigner les blessés est un défi. Les nourrir une gageure.

9 février
Après le bruit, le froid, la peur, infirmières et médecins apparaissent comme un rempart aux drames du quotidien du front.

10 février
Ici on trouve des tuberculeux, syphilitiques, gazés. Mais 70% des blessés sont là à cause des obus, comme moi.

11 février
Parfois les blessés affluent en si grand nombre qu’il n’y a plus de lit disponible. On les met par terre, sur un matelas s’ils ont de la chance.
Dans ces cas-là les médecins opèrent de jour comme de nuit.

12 février
Beaucoup d’infirmières sont de simples bénévoles. Elles ont reçu un enseignement de 2 à 6 mois, basé sur le « Manuel de l’infirmière ».
Dans la réalité, elles font beaucoup plus que des confections de pansements, bandages ou préparations des opérations.

13 février
La salle est pleine. Beaucoup sont gravement blessés.
Mon voisin de lit me dit, d'une extrême tristesse : "Tu vois petit, la guerre, c'est pas beau, c'est pas beau...".

14 février
Le soir la mélancolie du pays me prend.
Je fredonne alors un de ces airs dont la musique semble être en patois, évoquant vals, torrents et pics enneigés.

15 février
"Je suis dans l’abri. Près de la porte avec mon fusil. 5 balles dans chaque chargeur. Malheur au premier qui entrera !"
Je me réveille en sursaut : encore un cauchemar.

16 février
On essaye de se tenir au courant des événements, du moins quand on en a la force et la capacité.
En général, les nouvelles nous arrivent en pointillé.

17 février
Je me rends compte soudain que depuis quelques nuits je dors dans un vrai lit, chose que je n’avais pas connue depuis la caserne je crois.
Ça me change de la paille !

18 février
Mon voisin de lit a un énorme bandage qui lui mange presque tout le visage.
Un autre a été amputé d’une jambe. Celui-là d’un bras.
Au milieu des canons on ne se rend pas vraiment compte des conséquences du « retour du front ».

19 février
Soudain une alerte : les bombardements se rapprochent. Vont-ils nous toucher ?
Chacun retient son souffle. Le calme revient. Le soulagement aussi.

20 février
Notre quotidien ici ce sont des cris perçants des agonisants, des larmes amères mais aussi des gestes de réconfort des infirmières dévouées.

21 février
Il paraît qu’on se bat fort à Verdun, Souville, Vaux, Douaumont… Les boches sont passés à l’offensive, avec force et fermeté.

22 février
A Verdun les canons se sont déchaînés. Un million d’obus allemands ont été tirés le premier jour. Du jamais vu.

Verdun © lesfrancaisaverdun-1916.fr

Ensuite c’est l’assaut des troupes.
Encore un lieu où on meurt par paquets de dix.
Hachés par la mitraille avant même d’avoir pu combattre.

23 février
La noria des voitures sanitaires doit être incessante, d'un poste de secours aux grands postes de triage et aux hôpitaux d'évacuation.
Dans une ambiance de fin du monde, le découragement doit s’emparer des chefs comme des soldats.

24 février
Pour les chefs, la perte de Verdun est inenvisageable. L’ordre suivant est donné : « On meurt sur place en attendant les renforts ! »

25 février
Par la fenêtre j’entrevois le médecin-chef, le curé et un brancardier qui fument une cigarette. Ils ont l’air si désemparés, écœurés.

26 février
Les héros ici sont les blessés silencieux. Non que la douleur les assomme, mais tant de visions les occupent : luttes, fatigues, sang, boue.

27 février
Pour beaucoup des visions de passé et des inquiétudes d'avenir : le foyer retrouvé, mais par un invalide. Pour quelle vie ?
Le foyer demain ; ou peut-être la mort aujourd’hui…

28 février
Au début les médecins et officiers ne se trouvaient pas très bien cantonnés (dans une vieille ferme).
Maintenant ils n’ont plus le temps de s’en plaindre, n’importe quelle paillasse accueillant leur fatigue !

29 février
Certains chirurgiens hardis ne reculent devant rien avec leurs bistouris à la main.
Ils enregistrent parfois une mortalité effrayante, mais la chance aidant leurs quelques succès leur vaut le respect et considération.


[*] Le SAMHA (Service des archives médicales hospitalières des armées) n’a pas su me dire où il avait été évacué après le 29 janvier. Le Thilliot (l’hôpital le plus proche), Gérardmer, Epinal (où les hôpitaux sont les plus nombreux) ou ailleurs ?



Sources complémentaires :
A. Perry « au temps des armes »
Ch. Signol « Ils rêvaient des dimanches »
Léon Jouhaud : Souvenirs de la grande guerre 
Document Arte : Verdun, ils ne passeront pas (réal. Serge de Sampigny)
"Journal résumé de la guerre 1914-1918", par Jean Pouzoulet, caporal au 23e Bataillon de chasseurs alpins, AD Hérault :






 

vendredi 12 février 2016

#Généathème : une famille sous l'œil des recensements

J'avais déjà eu l'occasion de parler des richesses des recensements dans l'article "Un, deux, trois...", sous un angle plutôt généraliste. Pour ce généathème, je vais m'attacher à une famille en particulier, les Macréau. Ils habitent en Seine et Marne, au Sud de Meaux aux XIX et XXème siècles. J'avais repéré leur lignée grâce aux dépouillements des registres d'état civil.

Extrait des recensements de population, liste nominative de Guérard © AD77


Observons plus particulièrement Étienne Théodore, né en 1812 à Guérard, et Théodore Louis Léon, son fils né en 1840. Je les retrouve 13 fois pour le premier et 12 pour son fils dans les listes de recensement au cours de leurs vies (les listes de recensement commencent en 1836).

Avec ces deux générations seulement (sur 15 années différentes de recensement), j'aurais pu nommer ce billet "les mystères insondables des listes nominatives". En effet, si ces documents peuvent être de précieuses sources pour le généalogiste, ils posent aussi de nombreuses questions qui, en l'occurrence, sont restées pour moi sans réponse.


Ainsi lors du premier recensement où apparaît Étienne, à Guérard en 1836, il habite avec son épouse Angélique Fouchy et une fille prénommée Louise âgée d'un an. Or le couple s'est marié en 1834 et n'ont encore qu'une enfant, Mathilde Rose Angélique, née en 1835. Néanmoins on remarque que sur les tables elle est prénommée Mathilde Louise Angélique.
Première inconnue : qui est cette Louise ?
Hypothèses :
- c'est bien Mathilde Rose Angélique qui apparaît dans le recensement mais prénommée usuellement Louise ?
- c'est la nièce du couple, Aimée Louise née en 1835 ? Mais non, ce serait trop simple : cette dernière apparaît bien dans le recensement avec ses parents !

Dans les deux recensements suivants, le couple a deux enfants : leur fils (prénommé seulement Léon) et une fille qui cette fois est dite Angélique Rose Mathilde (1841) puis seulement Mathilde (1846). On ne l'appelle plus Louise (si jamais c'était bien elle en 1836).

En 1866, trois personnes habitent le domicile : Étienne ("sabotier, chef de ménage"), Angélique son épouse, et Marie Louise Gibert, leur bru. En effet Théodore Léon s'est marié avec Marie Louise en mars 1866 (le recensement a été terminé et reçu officiellement en juillet). Mais il n'y a pas de trace de Théodore !
Deuxième inconnue : où est Théodore ? Il a alors 26 ans. Il est charretier. Il ne doit pas être bien loin car son épouse est bientôt enceinte (leur premier enfant naît en juin 1867).

En 1886 Étienne et Angélique habitent avec un petit garçon dit "petit-fils" Coquillard Armand, âgé d'un an.
Troisième inconnue : de qui ce petit Armand est-il le fils ? Leur unique fille est décédée en 1850, âgée d'une quinzaine d'années. Il n'y a plus de fille susceptible d'épouser un Coquillard dans la famille Macréau.

Si je peux suivre facilement Théodore Léon lorsqu’il est enfant (il demeure avec ses parents de 1841 à 1861 à Guérard), je le perds une première fois en 1866 - seul - (cf. plus haut) et à nouveau en 1876 - avec épouse et enfants. Après son mariage je sais grâce à l'état civil qu'il déménage plusieurs fois : Dammartin sur Tigeaux, retour à Guérard, puis Meaux et Tigeaux. Les recensements ont été compulsés (mention spéciale à ceux Meaux, beauuuucoup plus longs et fastidieux que les autres communes plus petites).
Quatrième inconnue : où a encore déménagé Théodore ?

A partir de 1886 on retrouve la famille à Tigeaux. Théodore habite avec son épouse Marie Louise et leurs deux fils Albert et Henri. En 1891 le fils l'aîné a quitté le foyer, mais à la place on voit deux nourrissons : Gaston Croisy (8 mois) et Louis Janvoile (4 mois).
Cinquième inconnue : qui sont ces bébés ? Leurs actes de naissance n'ont pas été trouvés sur tables de Tigeaux. On ne retrouve pas ces patronymes dans l'entourage de la famille.

En 1896 ils habitent avec trois jeunes enfants : Marcel Dangues (3 ans), Léontine Dangues (2 ans) et Lucienne Guilmet (6 mois).
Sixième inconnue : qui sont ces enfants ?

En 1901 Théodore habite avec son épouse et à nouveau des enfants : Lucie Gibert (âgée de 11 ans), Andrée Guilmet (4 ans) et Henriette Longchamps (7 mois).
Septième inconnue : qui sont ces enfants ? Seule Lucie a été identifiée : c'est la nièce du couple (du côté de Marie Louise Gibert l'épouse de Théodore).

En 1906 on retrouve au domicile de Tigeaux Théodore, son épouse et leur petit-fils Lucien âgé de 5 ans. Mais point de trace de la génération intermédiaire, Henri le fils de Théodore et son épouse Ursule. Où sont-ils ? Ils habitent tranquillement 25 km plus loin à Serris avec leur deuxième fille de 4 ans !
Huitième inconnue : pourquoi Henri et Ursule se sont-ils séparés de leur fils aîné et l'ont-ils confié à ses grands-parents ?

Extrait carte de Cassini Sud de Meaux © Geoportail

Bref, beaucoup de questions ! Les recensements sont des documents administratifs et n'ont pas vocation à tout expliquer, mais certains sont plus mystérieux que d'autres.

Si je me risquais à quelques hypothèses, je dirais que :
  •  les prénoms officiels et usuels ne sont pas toujours les mêmes. Louise est peut-être donc Rose (oui, je sais la relation n'est pas évidente au premier abord).
  • les métiers entraînent parfois les hommes au loin, les faisant disparaître des recensements.
  • les déménagements ne sont pas toujours connus : je retrouverai peut-être un jour les disparus dans d'autres communes...
  • les jeunes enfants domiciliés chez Théodore sont-ils placés en nourrice et élevés par son épouse Marie Louise ?
Par contre les va-et-vient des jeunes enfants (dont l'identité même est parfois floue) restent une énigme, qui appartient sans doute à l'histoire familiale aujourd'hui oubliée...



dimanche 31 janvier 2016

#Centenaire 1418 pas à pas : janvier 1916

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de janvier 1916 sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er janvier
Dans la région du Kiosque l’ennemi exécute plusieurs tirs de mitrailleuses sur nos tranchées et lance des grenades à fusil dans la nuit du 31 au 1er.
Perte : néant.
Ordres de bataillon n°1 et 2 : citation.
Ordre de général n°50 : « Soldats de la République !
Au moment où se termine cette année de guerre, vous pouvez tous considérer votre œuvre avec fierté et mesurer la grandeur de l’effort accompli.
En Artois, en Champagne et dans les Vosges, vous avez infligé à l’ennemi des échecs retentissants et des pertes sanglantes, incomparablement plus élevées que les nôtres.
L’armée allemande tient encore, mais elle voit diminuer chaque jour ses effectifs et ses ressources. […]
Au contraire, les alliés se renforcent sans cesse. […]
Soyons fiers de notre force et de notre droit ! Ne songeons au passé que pour y puiser des raisons de confiance ! Ne pensons à nos morts que pour jurer de les venger.
Pendant que nos ennemis parlent de paix, ne pensons qu’à la guerre et à la victoire !
Au début d’une année qui sera, grâce à vous, glorieuse pour la France, votre Commandant en Chef vous adresse, du fond du cœur, ses vœux les plus affectueux.
Signé : J. Joffre »
Joseph Joffre © Wikipedia

2 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

3 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.
Le ravitaillement a réussi à se frayer un chemin à travers la neige.
Ravitaillement à travers la neige, 1915 © Gallica

4 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

5 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

6 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : 1 sergent blessé.
Ordres de bataillon n°3 et 4 : citations.

7 janvier
Journée et nuit calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°5 : nominations.

8 janvier
Journée et nuit calmes.
Brouillard et neige.
L’ennemi lance quelques bombes sans effet sur nos tranchées de la côte 664.
Perte : 1 chasseur blessé par balle.
Ordre de général n°320 : le Général Hollet, commandant la 66e division, a la douleur de porter à la connaissance de votre division le deuil qui la frappe : le Général Serret, blessé le 20 décembre à l’Hartmannswillerkopf, a succombé ce matin aux suites de ses blessures.
General Serret © D.Boussat via pages14-18.jpg

9 janvier
De 10h30 à 11h l’ennemi bombarde nos tranchées de 664 et du mamelon intermédiaire.
De 12h à 15h l’artillerie de la 47e Division soutenue par celle de notre secteur, exécute sur le Bois Noir un tir de démolition d’une extrême violence.
A 14h30 l’observatoire du kiosque signale une quinzaine de boches fuyant du Bois Noir sur Mühlbach.
Le tir sur ce village provoque plusieurs incendies.
Pertes : 3 chasseurs tués, 7 chasseurs blessés.
Ordre de bataillon n°6 : citations.

10 janvier
De 15h15 à 15h45 l’ennemi bombarde nos tranchées du mamelon intermédiaire par des lances bombes et nos tranchées de 664 par des obus de 105.
Pertes : 2 chasseurs blessés.

11 janvier
Journée et nuit assez calmes.
A 6h30 l’ennemi lance quelques bombes sur le mamelon intermédiaire et à 12h  une dizaine d’obus sur 664 ; de même à 17h.
Perte : néant.

12 janvier
L’ennemi bombarde assez violemment nos tranchées de 664, du mamelon intermédiaire et des abords du camp Girard où se trouve une Compagnie de réserve.
Ce bombardement ne produit que quelques dégâts matériels.
Pertes : néant.
Ordre de bataillon n°7 : nominations.

13 janvier
Journée et nuit très calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

14 janvier
Journée et nuit calmes.
Tourmente de neige.
Perte : 1 chasseur blessé.
Ordres de bataillon n°8 et 9 : nominations.

15 janvier
Journée et nuit assez calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

16 janvier
Journée et nuit assez calmes.
Aucun événement à signaler.
Perte : 1 chasseur blessé.

17 janvier
De 12h30 à 14h l’ennemi bombarde Metzeral dans la région de l’église par obus de 105 sans produire de dégât.
Dans la matinée plusieurs avions boches survolent la région.
Perte : néant.


18 janvier
L’ennemi bombarde nos ouvrages de la première ligne à 20h et 20h40.
Nuit calme.
Pertes : 1 caporal et 2 chasseurs blessés.

19 janvier
L’ennemi bombarde par obus de 105 la carrière de 664 sans produire de dégât.
Lutte de grenades à fusil au Kiosque et à 664.
Pertes : 1 chasseur blessé par grenade à fusil.

20 janvier
Journée et nuit calmes.
Bombardement intense.
Aucun événement à signaler.
Perte : néant.

21 janvier
De 10h à 12h l’ennemi bombarde assez violemment nos tranchées de 664 par obus de 77 et 105.
Notre artillerie riposte sur nos positions ennemies situées en face des nôtres.
Pertes : 1 chasseur tué par balle, 1 chasseur blessé.

22 janvier
De 10h à 10h50 l’ennemi bombarde violemment nos tranchées de 664 et les boyaux y accédant.
Une sape s’effondre : 1 caporal et 1 chasseur contusionnés.
De 12h à 12h50 il bombarde la ligne de soutien et dans la journée la carrière. Les dégâts ne sont que matériels.
Pertes : 1 caporal et 1 chasseur tués, 1 chasseur blessé par éclat d’obus.

23 janvier
Je tombe sur un exemplaire du Petit Journal Illustré.
J’espère que cette couverture du Journal ne sera pas prémonitoire pour moi !
Dans la journée l’ennemi envoie quelques obus sur notre ligne de soutien, la carrière et le camp Girard.
Dans la nuit ils envoient quelques obus de 105 à diverses reprises sur nos travailleurs à 664. Ils n’occasionnent aucun dégât.
Pertes : 3 chasseurs blessés par éclats d’obus.

Petit Journal Illistré, 23 janvier 1916 © Gallica

24 janvier
Matinée calme.
A 15h bombardement de nos cantonnements au camp Renaud à Mittlach.
Nuit calme.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°9 : nominations à la réserve.

25 janvier
Matinée calme.
Lutte d’artillerie très active dans l’après-midi.
De 14h45 à 15h60 l’ennemi envoie une soixantaine d’obus de 105 dans la région Metzeral-Mittlach, château de Metzeral…
Pas de dégât.
Pertes : 2 chasseurs blessés par grenade.
Ordre de bataillon n°10 : décoration.

26 janvier
De 9h à 10h l’ennemi bombarde violemment nos tranchées du mamelon intermédiaire et cause de nombreux dégâts matériels.
Riposte de notre artillerie sur l’Ilienkopf et le petit Braunkopf.
On signale des cyclistes circulant sur la route de Mühlbach-Munster.

27 janvier
Journée et nuit calmes.
A 20h20 un de nos dirigeables franchi nos lignes se dirigeant vers l’ennemi. Il les repasse à 22h20.
Perte : néant.
Ordre de bataillon n°11 : nominations.

28 janvier
L’ennemi envoie dans la journée une trentaine d’obus de 105 sur les tranchées du mamelon intermédiaire.
Au milieu du vacarme, soudain une douleur vive. La tête me tourne. Je n’entends plus rien.
Très vite c’est le noir total.
Je ne me vois même pas tomber au sol.
Extrait JMO 23ème BCA, 28 janvier 1916 © Gallica

30 janvier
J’essaie d’ouvrir un œil. Tout est blanc.

Petit à petit le halo blanc laisse place à des formes de plus en plus précises.

Je suis vivant. A l’hôpital, mais vivant !
Infirmières au front, detail © ONF.CA
J’ai reçu un éclat de bombe. « Plaie pénétrante dans la région claviculaire gauche » a dit le docteur lors de sa visite.

31  janvier
J’essaye d’en savoir plus car je n’ai que peu de souvenir des jours passés.
Une infirmière m’apprend que j’ai été transporté par l’ambulance alpine n°2/64.
Extrait du registre des carnets de passage et des entrées de l'ambulance alpine 2/64 © SAMHA

vendredi 22 janvier 2016

Le sieur Estienne

C'est étonnant de constater combien un ancêtre peut garder ses zones d'ombre alors même qu'on le retrouve si souvent dans les archives. Estienne Regourd est mon ancêtre à la douzième génération (sosa n°2221). Il a vécu à Conques (12) au XVIIème siècle.

Je sais qu'il est originaire de Varen (Tarn et Garonne) mais j'ignore quand il est né à cause de lacunes des registres paroissiaux. Quand et pourquoi est-il arrivé à Conques (distant d'une centaine de kilomètres) ? Cela reste un mystère.

Fils de praticien, il est praticien lui-même en 1672, l'année de son mariage. On le désigne ensuite sous le terme de marchand, sans que la nature des marchandises ne soit jamais révélée. Dans les documents il est distingué par les titres de "maître" (lorsqu'il est praticien) ou de "sieur" (titre donné, notamment, aux marchands aisés). Il épouse Marie Benavent, fille d'apothicaire; ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'ils devaient fréquenter les mêmes cercles, facilitant leur rapprochement. Les témoins de son mariage sont procureur d'office ou notaire. Tous signent. Estienne évolue donc dans un milieu favorisé, parmi les notables de la ville de Conques.

Grâce à cela, je peux le suivre aisément à travers les documents d'archives. Je retrouve sa belle signature au bas de nombreux actes, paroissiaux ou notariés : comme témoin du  mariage d'Issanjou Amans et Avalon Antoinette à Conques en 1693 (par ailleurs mes ancêtres à la onzième génération), du décès du chanoine Benoit du Moulin en 1694, ou de nombreux documents de son ami et témoin de son mariage Me Flaugergues de 1688 à 1702 (et sans doute plus loin encore, mais les recherches sont encore en cours). On le voit apparaître aussi comme parrain, rôle essentiel dans la vie religieuse de l'époque : il est celui d'Issanjou Etienne (fils d'Amans et d'Antoinette) né en 1700, par exemple.

Signature Estienne Regourd, 1701 © AD12

Estienne est sans doute proche de la famille Issanjou : Amans est marchand lui aussi et on le retrouve témoin de plusieurs baptêmes d'enfants Issanjou répartis sur deux générations.

Lors du mariage de sa fille Marie en 1701, il lui offre une dot assez conséquente, reflet de son aisance matérielle : deux paires de linceaux (draps), une nappe, une douzaine de serviettes, un chaudron, un pot, deux plats, deux assiettes, deux écuelles, une bague d'or et la somme de 650 livres.

Ce notable a aussi un rôle conséquent dans la cité : on le retrouve "second consul" de la ville de Conques en 1692 [*]. Cette fonction de consul n'est pas toujours facile à déterminer car elle évolue selon les époques et les régions. D'une manière générale, le consul s'occupe de la gestion des affaires publiques : il peut percevoir les taxes, réglementer les transactions commerciales ou s'occuper de justice... Il est l'ancêtre du conseiller municipal. Dans cet acte notarié de 1692 il organise le "bail de la regence des escolles de conques a Mres Geraud Cantaloube pretre et antoine Labro accolyte dudit Conques".

Au fil des ans, je le vois marier ses filles : Hélène, Marie Anne, Antoinette. Pour cette dernière (en 1716) il n'est pas présent mais il a envoyé son consentement, "habitant présentement Lieucamp" (paroisse de Sonnac). Or il n'y a pas de registre antérieur à 1737 pour Lieucamp. Je ne sais donc pas quand (ni où) il est décédé. J'attends de voir s'il a laissé un testament auprès de son ami le notaire Pierre Flaugergues (mais je n'en suis qu'à l'année 1702 : il me reste encore quelques belles années à éplucher...).

En bref, je ne connais ni le début ni la fin de l'histoire... mais le milieu reste riche d'informations.



[*] Information trouvée grâce à la récente mise en ligne des minutes notariales par les AD12.




vendredi 8 janvier 2016

#Généathème : je prépare mon année généalogique

Ce mois-ci je me permets de faire une (légère) entorse à la règle des généathèmes (un mois/une idée) : je mixe en effet le généathème de décembre ("je prépare mon année généalogique") - en janvier ! - et le nouveau défi 3 mois pour ma généalogie. En fait je prépare mon année depuis le mois de novembre et cela va durer beaucoup plus que trois mois, j'espère :

Mon année sera marquée par des arbres de vie, armoiries et autres sautoirs généalogiques. En effet, grande nouveauté : je m'installe comme émailleuse d'art sur métaux. Créatrice de bijoux, tableaux ou objets de décoration, je n'oublie pour autant pas ma passion : je prévoie donc de créer des collections de pendentifs "arbre de vie", des "sautoirs généalogiques" et, pourquoi pas, à la demande, des tableaux représentant des armoiries. Je ne néglige pas les Poilus, bien sûr, c'est pourquoi une collection de bleuets viendra compléter mon catalogue.

Pour le reste, j'aime m'inspirer des motifs anciens (médiévaux, art déco, japonais...) et les retravailler pour en faire des pièces modernes.
Pour le moment, je me débats avec les formalités administratives d'installation; ce que je raconte sur le blog Chemin d'émail.

J'aurai peut-être un peu moins de temps à consacrer à ce blog généalogique mais j'espère pouvoir garder les liens avec vous, notamment via les réseaux sociaux et la lecture de vos blogs.

Si vous ne connaissez pas, je vous invite à découvrir l'émail, matière vivante et magique qui se transforme sous l'effet du feu grâce à différentes techniques.

J'ai choisi, comme symbole de ma nouvelle activité, cette pièce réalisée il y a une dizaine d'années :


Elle symbolise ma démarche aujourd'hui : réaliser une pièce selon une technique ancestrale (en l'occurrence ici l'émail "champlevé" où on creuse la pièce de cuivre pour aménager des cavités que l'on remplit de poudre d'émail), mais avec une démarche plus moderne (un motif abstrait et un mélange de couleurs dans la même cavité). En outre, les cloisons de cuivre tracent, dans l'émail, un chemin : celui que je me propose de suivre aujourd'hui...

Si vous voulez prendre une bonne résolution, suivez-moi donc tout au long de mon aventure :
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Au plaisir de vous y voir !