C'est l'occasion de faire un zoom sur ce métier.
L'ouvrier lapidaire est un tailleur de pierres précieuses (sauf le diamant : travail qui était réservé au diamantaire). Le mot lapidaire vient du latin "lapis" qui signifie pierre. On distingue les pierres précieuses (agate, diamant, émeraude, grenat, topaze, etc...) des pierres semi-précieuses (jade, onyx, etc...). De nombreuses croyances ou superstitions sont liées aux pierres et à leur (supposé) pouvoir. Elles peuvent protéger (de la maladie, de la mauvaise ivresse...) ou porter bonheur. Chaque pierre est associée à une période de l'année; ainsi un mari volage, lorsqu'il offrait un diamant à son épouse en avril, s'épargnait des scènes de ménage ! [ 1 ]
Les lapidaires étaient aussi parfois appelés cristalliers ou "perriers de pierres natureus". Ils aimaient à se distinguer des "perriers de verre" qui fabriquaient et travaillaient des pierres artificielles.
Cette tradition de taille de pierre se retrouve dans le Nord de l’Ain et le Haut Jura. Elle remonte à une époque où les horlogers catholiques genevois, fuyant la Suisse et le calvinisme à partir du XVIème siècle, s'installent par-delà la frontière. Ils s'étaient installés comme agriculteurs ou éleveurs et, comme pendant les mois d’hiver ils ne pouvaient travailler la terre, ils ont repris leur métier, la taille de pierres. A l'origine, ce métier était utile à la confection des mécanismes des montres.
Ce "métier" étant un travail temporaire, saisonnier, c'est pourquoi on le trouve associé à d'autres métiers. Dans le cas de Jules Assumel-Lurdin, il est dit "lapidaire" en 1896 (lors d'un recensement) et la même année cultivateur (sur sa fiche militaire).
C’est donc une activité annexe au travail de la terre, un précieux complément de ressource, qui s’inscrit parfaitement dans la petite industrie de montagne que l’on pratiquait à domicile à l'époque. Ce métier ne nécessite pas d’outillage très important (on peut s’installer dans la cuisine par exemple), ni une grande force; c’est pourquoi les femmes exercent ce métier couramment. C'est le cas de Marie Gros, donc, en 1916. On utilise alors un simple établi avec une grande roue (mesurant de 40 à 50 cm) entraînée par une courroie une meule de bronze (pour la taille) ou de carborundum (pour le polissage). Avec sa main gauche, l’ouvrier fait tourner la grande roue qui entraîne la meule.
Si la taille des pierres précieuses (émeraude, rubis, saphir, topaze…) est assez bien rémunérée (environ 15 francs/jour), celle des pierres synthétiques (strass) l’est environ dix fois moins. L’une et l’autre de ces activités sont néanmoins vues comme pénibles, voire dangereuses pour la santé à cause des poussières dégagées par les meules.
Plus tard, Jules sera dit cultivateur (1896, 1902) et scieur (1905, 1906) avant de devenir, d'une façon plus durable, garde forestier (à partir de 1905). Mais ça, c'est une autre histoire...
[ 1 ] G. Boutet : La France en héritage, éd. Omnibus
Bel article qui rend hommage à un beau métier. Il est possible que les cultivateurs exerçaient des activités annexes, car dans mon arbre beaucoup sont aussi tisseurs ou tailleurs d'habits.
RépondreSupprimerEclairage instructif
RépondreSupprimerFanny-Nésida