« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 14 novembre 2024

L comme linges

Affaire Sénat de Savoie contre JAY-GUILLOT


Lorsque le juge fit la visite dans la maison de François JAY le 12 février, il demanda à Me Antoine Joseph DUSAUGEY, notaire collégié et châtelain, de faire procéder à une description des effets qui était dans la maison de Levy, et d’en charger un gardiateur pour que rien n’en soit soustrait. François JAY, sa femme et leur servante avaient alors abandonné la maison depuis deux jours et l’avaient laissé ouverte. Le lendemain, alors qu’il procédait à la description demandée qu’il n’avait pas terminé la veille, « et ne l’étant pas même encore asteure » [à cette heure], il trouva dans le poile [pièce de vie de la demeure savoyarde] les linges ensanglantés en présence des gardiateurs Pierre SIMOND et Claude DEFFAUG, pris pour témoins pour l’assister dans ladite description. 

 

Linges, création personnelle inspirée de Van Ostade
Linges, création personnelle inspirée de Van Ostade

 

Sur le lit qui est le plus près de la fenêtre, parmi un tas de linge qui paraissait nouvellement lessivé, se trouvaient deux chemises, l’une d’homme et l’autre de femme, toutes tachées de sang. Il y avait aussi une paire de culotte de toile de couleur minime [qui est d’une couleur tannée, fort obscure, comme celle de l’habit des religieux minimes] faite à la Française, qui étaient aussi tachée de sang. « J’y bien cru devoir les faire mettre au coing pour vous les exhiber ». Il y avait également une petite veste couverte de toile de rite sans manche qui n’avait des boutonnières que d’un côté et des gros boutons rouges de fillet [fil ?] de l’autre côté, sur laquelle on voyait de même des taches de sang, notamment à la troisième boutonnière.

La chemise d’homme était déchirée sur environ quatorze pouces [35,56 cm] au milieu des deux épaules et depuis un pouce [2,54 cm] du bord du cou. Il y avait une tache sur le côté gauche de la fente, qui paraissait être un reste de sang qui ne s’en est pas allé à la lessive. Et cette tache tendait même jusque dans la manche gauche. Il y avait d’autres taches et déchirures encore à différents endroits de la chemise. Il n’y avait pas de boutonnière autour du col mais apparemment on l’attachait avec du fil, comme on en voyait encore des petits bouts.

La chemise de femme était beaucoup plus tachée de sang que celle d’homme. Il y avait une tache au bras gauche qui était presque tout à fait noire. Il y en avait d’autres sur les deux côtés du sein qui étaient plus grande que la première mais pas si noire, s’étant mieux en allée dans la lessive. Il y avait de plus différentes autres taches de sang dans différents endroits de la chemise, sur les manches. Elle avait été ouverte [déchirée] au devant jusqu’aux creux de l’estomac.

De même que dans la veste, il y avait dans les culottes un trou de la largeur d’un petit doigt qui paraissait avoir été fait avec un couteau. Et quoique ces culottes aient été lavées, on observait qu’il avait coulé du sang du trou jusqu’au bas de la culotte, grâce aux vestiges et les traces qui en restaient. D’autres taches étaient situées sur le devant du gousset [petite poche]. Les culottes ne paraissaient pas avoir été doublées et elles avaient quatre boutons de chaque côté ainsi qu’une jarretière de même étoffe et une boutonnière à chaque jarretière. Elles étaient ouvertes en devant et avaient un gros bouton jaune à la ceinture.

 

Le juge ordonna à Me VUARCHEX de garder les chemises, veste et culottes et d’en saisir le greffe pour en conserver toute identité de corps de délit. C’est après y avoir apposé sur cire rouge son cachet ordinaire, représentant un chevron traversant où sont trois liquernes et deux poules dessus et une dessous. En foi de quoi il dressa son rapport et le signa.

 

 

 

4 commentaires:

  1. "Asteure"'(à cette heure).
    Encore utilisé par les anciens en Anjou.dans mes jeunes années.
    Merci Mélanie.



    e

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  2. L'histoire est vraiment sanglante !

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