« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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jeudi 16 novembre 2023

N comme Nom, surnom et titre

Nom, surnoms et titres permettent de distinguer les personnes. Dans les registres de Conques, on en trouve à foison.

Fille de qualité, H. Bonnart © Louvre


Le nom de famille est le nom d'une personne qui est transmis à un enfant par son père (et aujourd’hui par le père ou la mère, ou les deux). Pendant longtemps, il s’est confondu avec le patronyme, mot d’origine grecque, signifiant étymologiquement « nom du père. »

"Gabriel Carles, vigneron, fils légitime à feu Jean Carles"


Dans les registres de Conques on trouve aussi des particularités locales, comme la féminisation du nom.

Décès Anne Boulignague/Boulignac (détail), 1784 © AD12

"Anne ditte Boulignague... mourut à l'hôpital de Conques"

Le patronyme de son père était sans doute Boulignac, devenu pour sa fille Boulignague.

 

Un surnom est à l'origine un nom formé, par addition au prénom ou au nom d'une personne, d'un terme mettant généralement en relief ses particularités physiques ou morales (qualité ou défaut).

"…est décédé à l’hôpital Jean Roux dit Bourrut…"

"… est décédé après avoir reçu tous les sacrements Antoine Marty de Conques dit Goubert…"

Goubert est le nom d’un lieu dit de la paroisse.

"Jean Casal dit lauvergnat"

Le surnom peut aussi avoir comme origine un toponyme, un lieu, une région d’origine par exemple. 

 

Il n'attend pas le nombre des années : 

"Antoine Bonal dit le duc âgé d'environ sept ans et demy"


"Jean Chevaille dit Baldit"

On a déjà rencontré mon sosa 130. Baldit est le nom de sa mère : c’est sans doute l’origine de ce surnom.


"…fils légitime à Antoine Selves vigneron dit Romigou et à Jeanne [Pradellis]…"

Cet Antoine est le beau-frère de mes sosas 133 et 271 puisque je descends de deux sœurs de Jeanne, Marie et Françoise Pradellis. Romigou est (peut-être) une variante de romieu signifiant le pèlerin : a-t-il lui-même ou un de ses ancêtres fait un pèlerinage ?

 

Dans les registres apparaissent aussi de nombreux titres :

  • les titres de civilité, comme monsieur, dame, demoiselle.

"Monsieur Joseph Charles Delfieux bourgeois"

 

Baptême JMA Brassat (détail), 1783 © AD12

"Jean Marc Antoine Brassat fils légitime et naturel de Maître Brassat avocat en parlement seigneur demeurant à St Parthem et de dame Marie Jeanne Cadrieu"

"Demoiselle Françoise Garrigue fille légitime à feu Mr Jean Baptiste Garrigue, avocat et notaire royal"

  • les titres de courtoisie : un titre de noblesse qui n'est ni légal, ni régulier, soit parce qu'il n'a jamais fait l'objet d'une création ou d'une régularisation par le pouvoir souverain, soit parce que celui qui le porte n'est pas le successeur légal d'un détenteur de titre régulier et authentique.

"Messire Louis d’Espeyrac garde du Roy seigneur dudit lieu"

"Le sieur Joseph Baurs âgé d’environ 52 ans"

Les bourgeois vivant noblement voulant imiter les nobles prirent le nom de leur domaine, mais n'ayant pas le droit de s'intituler « seigneur de...» ils prirent la qualification de « sieur ».

  • les titres de noblesse

"Noble Foy d’Humières âgée de 62 ans décédée le jour d’hier"

  • les titres religieux 
Sépulture Jean Roquette (détail), 1781 © AD12
"est décédé et le lendemain a été inhumé Messire Jean Roquette prêtre obituaire et ancien vicaire de Conques..."

"…baptisée par Monsieur Vergnhes chanoine du chapitre de Conques"

"Monsieur le prieur de Saint Yves"

  • les titres honorifiques : appellations de politesse et marques de respect en usage dans certains milieux, comme les personnes exerçant certaines professions juridiques.

"…a été inhumé maître Louis Castelnau notaire"

  • les titres de rangs ou de statut : celui qui occupe le premier rang au sein d'une corporation ou d’un métier.
Mariage François Ferrières (détail), 1783 © AD12

"François Ferrières Maître tailleur de la ville de Conques"

 


 

mercredi 15 novembre 2023

M comme Marraine

Dans les registres de Conques il y a des marraines et des parrains.

Le baptême, E. Renard © RMN

Ceux-ci sont choisis par les parents du nouveau-né. Cela peut être un membre de la famille, un ami, un voisin. Les parrains et marraines ont pour mission d'accompagner l'enfant et de le guider dans sa foi chrétienne. Ils sont présents dans les temps forts de l'éducation religieuse de l'enfant. Ce sont des personnes de confiance qui pourront être présentes en cas de besoin : ils ont un rôle essentiel pour suppléer les parents en cas de maladie ou de décès. C'est le sens premier des noms compère et commère que l'on donnait autrefois aux parrain et marraine (du latin ecclésiastique compatrem et commatrem, composés de cum, « avec » et pater/mater, « père/mère »).

 

Du sacrement du baptême naît une relation spirituelle de parrainage, entre parrain et filleul, mais aussi de compérage entre parrains et parents de l’enfant. La fraternité spirituelle qui s’instaure entre le filleul et les parrains, ou les enfants des parrains, s’accompagne logiquement d’interdits de mariage afin d’éviter l’inceste spirituel.

 

Pour l’aîné(e) les parrains/marraines sont souvent choisi parmi les grands-parents, comme Anne Albouze marraine de sa petite-fille Anne en 1784 ; ce n’est pas une règle absolue bien sûr : certains grands-parents sont choisis simplement pour les cadets. Ensuite on élargit le cercle familial : Marie Jeanne Cussac est marraine de deux de ses nièces en 1787 et 1790.

 

Mais le parrainage est aussi créateur de lien social. Le choix des parrains peut relever d’une certaine stratégie mise en place par les parents pour officialiser des relations avec des amis, des voisins, des relations de travail, ou bien s’efforcer d’obtenir la protection d’un plus puissant.

 

Les personnes sollicitées pour être parrains ou marraines peuvent l’être plusieurs fois, généralement à l’époque où elles sont elles-mêmes en âge d’être parents. C’est le cas par exemple de Marianne Cussac, triple marraine de 1783 à 1785 de ses trois nièces ou Elisabeth Delagnes aussi triple marraine, cette fois en dehors du cadre familial, de 1786 à 1788.

Toutefois à Conques je n’ai pas trouvé de femme revendiquée plus de trois fois pour être marraine.

Le triple parrainage est plus courant chez les hommes : Jacques Alran, Jean André Marti, Jean Antoine Falissard sont tous triple parrains. Jean Avalon, l’organiste, est même quatre fois parrain. Le record est détenu par Joseph Delagnes, huit fois parrain dans la décennie, tous de garçons inconnus déposés à l’hôpital ; mais son cas est particulier : il est l’un des hospitaliers de l’hôpital.

Pierre Jean Martin est deux fois parrain et deux fois représentant, c'est-à-dire parrain commis à la place d’un autre (voir à ce sujet la lettre A de ce ChallengeAZ).

Jean François Labro, en tant que prêtre est parrain trois fois et officiant à la cérémonie quatre fois. Cependant, si les religieux sont quelques fois sollicités, on les trouve plus souvent officiants (pour les prêtres et les curés), ou témoins aux décès, que parrains.

 

A Conques, mon étude commençant en janvier 1780, il faut attendre la toute fin du mois de novembre 1781 pour voir le premier acte contenant un parrain ET une marraine. En effet : les 26 premiers baptêmes ne contiennent qu’un parrain pour les garçons et une marraine pour les filles.

Baptême François Combret, 1781

"François Combret fils légitime et naturel de Joseph Combret et de Marie Mery mariés de la présente ville né le jour d’hier 30 novembre, a été baptisé ce jour d’hui 1er décembre 1781 ; son parrain a été François Ferrières, sa marraine Elisabeth Ytié soussignée ; le parrain requis de signer a dit ne savoir."

 

Toutefois, dans la décennie précédente ont trouve déjà le double parrainage/marrainage, même si ce n’est pas systématique, loin de là…

 

Quant à Marie Viguier et Antoinette Avalon elles sont marraines d’un petit garçon, respectivement Jean Pierre Fraysse et Antoine André Avalon, sans qu’il n’y ait de parrain. La première est la grand-tante du baptisé, la seconde sa tante :

Baptême Jean Pierre Fraysse, 1784 © AD12

"Jean Pierre Fraysse fils légitime et naturel de Joseph Fraysse et de Jeanne Balitrand de la ville de Conques naquit le 17ème juillet 1784 et fut baptisé le même jour par nous vicaire soussigné, sa marraine fut Marie Viguier grand tante du baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

"L’an 1789 et le 15ème du mois de mai est né et a été baptisé le 16ème dudit mois Antoine André Avalon fils légitime au sieur Jean Avalon organiste et de Demoiselle Christine Valete mariés, marraine a été Antoinette Avalon tante au baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

La famille Avalon fait partie de l’élite sociale de Conques : ils n’auraient pas eu de difficulté à trouver un parrain s’ils l’avaient souhaité : c’est donc un choix délibéré.

 

 

mardi 14 novembre 2023

L comme Licence

Dans les registres de Conques on trouve des mariages, bien sûr. 

Scène d'accordailles © RMN


Le mariage religieux obéit à certaines règles édictées par l’Église, notamment lors des conciles de Latran au XIIIème et de Trente au XVIème siècle. Il est reconnu comme sacré et indissoluble. Les époux doivent être monogames. Un âge minimum est requis.
Les curés de Conques précisent parfois l'âge et la majorité/minorité des fiancés, mais c'est plutôt rare.

 

Mariage André Cavanac, 1784 © AD12

"L'an 1784...ont été conjoints en mariage par nous vicaire soussigné suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique apostolique et romaine andré cavanac vigneron majeur de vingt cinq ans...et anne landes majeure de vingt cinq ans..."
Pour en savoir plus sur les âges au mariage à Conques, voir la lettre J de ce ChallengeAZ.

 

La parenté peut être un empêchement au mariage. On distingue différent types de parenté :

  • La parenté naturelle ou consanguinité : les mariés ne peuvent pas épouser leurs cousins jusqu’au 4ème degré.
  • La parenté par alliance : il est impossible pour un(e) fiancé(e), après rupture de premières fiançailles, d’épouser un(e) parent(e) du premier fiancé, tout comme il était impossible pour un veuf d’épouser un(e) parent(e) du premier conjoint.
  • La parenté légale par adoption : l’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents
  • La parenté spirituelle : il y avait interdiction d’épousailles avec son parrain ou sa marraine.

Compte tenu des contraintes géographiques (endogamie) et démographiques, il devenait difficile de trouver un conjoint qui ne soit pas de l’une de ces parentés ; c’est pourquoi l’Église accordera parfois des dispenses.
Cependant, dans la décennie étudiée, je n'ai trouvé aucune dispense de consanguinité. Cela implique que, malgré la situation isolée de Conques, il y avait suffisamment d'ouverture sur l'extérieur pour renouveler les populations.

 

Pour procéder à la cérémonie les fiancés doivent procéder à un certains nombre de phases obligatoires :

  • la publication des bans
  • la célébration en public, c'est-à-dire témoins et prêtre
  • la signature des nouveaux époux sur un registre paroissial

 Comme pour la parenté, des dispenses peuvent être accordées.

 

"L'an 1783... après la publication d'un ban de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac... sans qu'il soit venu à notre connaissance... aucun empechement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l’église catholique et romaine, après avoir obtenu la dispense des deux autres bans... signé par le secrétaire de l'évêché... jean pierre madrières... et anne medal..."

Pour en savoir plus sur cette dispense des deux bans, voir la lettre D de ce Challenge.


Lorsque le ou la futur(e) mari(e) est originaire d’une autre paroisse, il/elle se devait d’apporter une autorisation signée du curée de la paroisse d’origine certifiant qu’il/elle n’était pas marié(e) et ce afin d’éviter toute bigamie. Contrairement aux dispenses de consanguinité - et logiquement - on trouve de nombreux certificats signés des curés de paroisses extérieures qui autorisent les mariages; ce qui conforte l'exogamie des mariages conquois soupçonnée plus haut.

 

"L'an 1783 et le 16e juillet après la publication d'un banc de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac comme il conste par le certificat de Mr Marc curé signé le quatorze juillet sans qu'il soit venu en notre connaissance ni en celle de Mr le curé d'Arjac aucun empêchement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique et romaine après avoir obtenu la dispense des deux autre bans… Jean-Pierre Madrières Me cordonnier fils légitime à Pierre Madrieres et à feue Anne Treilhes de la ville de Conques et Anne Medal fille légitime à feu Michel Medal et à Catherine Pradels du lieu d'Arjac"

"L'an 1780... a été célébré... le mariage de benoit anterrieux... du lieu de noailhac avec marie anne batejat... paroisse de montinhac la susdite épouse résidant a conques en qualité de servante, les bans publiés ainsi que de raison à noilhac et à montinhac et Conques sans qu'il nous aye apparu d'aucun empechement ni opposition ce qui résulte des attestations a nous envoyées par les messires curés de noilhac et montinhac..."

 

Mariage de Jean Chivalié, 1783 © AD12
"L’an 1783 est le 4e février après la publication des bans de mariage faites pendant trois dimanches consécutifs dans notre église et dans celle de la Capelle Neuve Eglise comme il conste par le certificat signé de Mr Portalès prieur curé sans qu’il soit venu à notre connaissance aucun empêchement canonique ou civil ni à celle de Monsieur le curé de Neuve Eglise, ont été conjoints en mariage… Jean Chevaille dit Baldit charpentier fils légitime à feu Jean Chevaille et à Chatherine Baldit et Jeanne Banide fille légitime d’Antoine Banide et feu Marie Rols de la ville de Conques…"

Jean Chivalié (dont le nom a été copieusement déformé) et Jeanne Banide sont mes sosas 130 et 131. N'étant pas originaire de la paroisse de Conques, le fiancé a fait publier les bans dans sa paroisse d'origine (La Capelle Neuve Église), comme il se doit, et a fourni un certificat signé de son curé pour le prouver.

Sa première épouse étant décédée 15 mois après le mariage, il épouse en secondes noces Marguerite Lavernhe; avec une curieuse formulation lors de la rédaction de l'acte de mariage :

Mariage Jean Chivalié, 1785 © AD12
"L'an 1787 et le 3e du mois de février après avoir publié à notre messe de paroisse pour la première, seconde et troisième publication attendu que les parties promirent d'obtenir la dispense des deux autres bans, et ils l'ont en effet obtenue, en conséquence après avoir publié pour la quatrième fois sans qu'il y ait eu aucune opposition et sans qu'il soit venu à notre connaissance aucun empêchement nous avons donné la bénédiction nuptiale selon qu'il se pratique dans l'église catholique..."

Seul exemple dans ma généalogie de publications de quatre bans après avoir obtenu la dispense de deux !

 


 

lundi 13 novembre 2023

K comme Kaléidoscope de métiers

Dans les registres de Conques on retrouve de nombreux métiers (92 pour être exact), reflet de la société, habitants de ladite ville ou des environs. 

Sabotiers © Cartorum

En voici quelques exemples.

- des nobles

"Noble Foy d’Humières âgée de 62 ans décédée le jour d’hier a été inhumée ce jour d’hui…"

Sépulture Antoinette d'Humières, 1789 © AD12

"… a été inhumée demoiselle noble Antoinette d’Humières décédée de la veille âgée de 72 ans"

 

- des bourgeois

"L’an 1789 et le 11e mars a été inhumé Léonard Castelnau bourgeois décédé de la veille âgé d’environ 72 ans"

…et demoiselle Marie Anne Baurs fille légitime à feu sieur Baurs bourgeois et demoiselle Marie Anne Bertrand

…présents les sieurs Charles Delfieux bourgeois

 

- des gens du droit et de la justice

"… né du légitime mariage de monsieur Me Joseph Adrien Laforgue de Ferrières juge baillif de temporalité de Conques"

"… qui se sont fait représenter par Me Jean Antoine Nolorgues avocat en parlement et dame Anne Lucas son épouse habitants de la présente ville..."

"Monsieur Pierre Flaugergues avocat et notaire royal âgé d'environ 85 ans décédé le jour d'hier a été inhumé ce jour d'hui septième jour de mois d’août 1785..."

Sépulture Louis Castelnau, 1789 © AD12

"L’an 1789 et le 29e janvier a été inhumé Me Louis Castelnau notaire décédé de la veille, époux de demoiselle Margurite Bouygues âgé d’environ 45 ans"

"… fille légitime du sieur Paul Franques feudiste..."

(parfois dit « féodiste », juristes spécialistes du droit féodal)

"… en présence de sieur Jean Antoine Bertrand procureur"

"… son parrain a été André Baurs greffier de la temporalité soussigné"

 "Jacques Fontalbat huissier âgé d’environ 60 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 24 juillet 1785"

 L'huissier est un auxiliaire de justice.


- des gens de santé

"Pierre Bories chirurgien époux de demoiselle Hélène Vergnes âgé d’environ 48 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 8 avril 1784"

"… le parrain a été le sieur Pierre Flaugergues docteur en médecine"

"… ledit mariage a été célébré en présence de Louis Combes praticien"

"Une fille naissante d’Antoine Anterrieux vigneron et de marie Jeanne Serles mariés fut ondoyé à la maison y ayant cas de nécessité par Marie Carles sage femme et mourut de suite le même jour 12 juin 1790 et fut enterré le lendemain"


- des religieux : on a déjà parlé des chanoines, des clercs, des vicaires et des curés (voir lettre C et H), et bientôt des nonnes...

"…son parrain a été Me André Benazech chanoine"

"Françoise Issanchou soeur des filles de l'union âgée d'environ 70 ans, mourut audit couvent le 22 janvier 1783"

Elle est (peut-être) la fille de mes sosas 1118 et 1119.

 

- des régents des écoles (maîtres d’école)

"… présent monsieur Laurent Bey régent des écoles soussignés"

 

- des employés 

Baptême Jean Pierre Martin, 1790 © AD12

"Jean Pierre Martin né de la veille du légitime mariage de Pierre Jean Martin officier municipal de cette ville et d’Antoinette Labro"

Pierre Jean Martin et Antoinette Labro sont mes sosas 138 et 139.

"… en présence de Pierre Imbaut employé aux fermes du Roy soussigné"

"… a été baptisé Jean Cardonel fils légitime et naturel à Raimon employé aux gabelles"

 

- des marchands

"… présent François Rols marchand"

François Rols est mon sosa 136.

"… Jean Pierre Falissard fils légitime et naturel de Michel Falissard marchand"

Et une marchande !

"…la marraine a été Elisabeth Ytié veuve de Vidal marchande"

 

- des musiciens (pour plus de détails sur eux, vois la lettre I)

"… Chaterine Christine Avalon fille légitime et naturelle de Mr Jean Avalon organiste du chapitre et de demoiselle Christine Valette"

"... son parrain a été Joseph Basile Fabre serpant du chapitre de Conques"

"Me Guillaume Comte clerc tonsuré Me de musique du chapitre âgé d’environ 66 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 5 avril 1784 en présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire de la paroisse et de Jacques Alran soussignés avec nous curé de ladite paroisse qui avons fait ledit enterrement"

"Jean Delannes carilloneur âgé d’environ 80 ans est décédé le jour d’hier et a été inhumé ce jour d’hui 1er mars 1785"

 

- des gens du textile et de l'habillement

"... a été célébré en face de la ste église et du consentement de leurs peres et meres le mariage de benoit anterrieux tisserand..."

"… en présence de François Roux Me cordonnier qui n’a su signer"

"L’an 1790 et le 4 février a été inhumé Joseph Mommeja tailleur mort de la veille âgé d’environ 70 ans"

"... ont été conjoints en mariage monsieur Antoine Series Me perruquier  habitant de la ville de Conques…"

"... fille légitime à Antoine Clerc chapelier…"

"L’an 1787 et le 2e janvier a été inhumé dans notre cimetière François Boutaric Me tanneur âgé d’environ 65 ans"

"… en présence de Pierre Vergnes teinturier soussigné"

"… futur mariage entre Jean Louis Clot sabotier fils légitime à Joseph Clot sabotier…"

Sépulture Joseph Charles Delfieux, 1788 © AD12

"… présent à son enterrement Guillaume Alari cardeur qui n’a su signer de ce requis"

Guillaume Alary, fils de mes sosas 274 et 275 ; en l’an III il est dit peigneur de laine, restant audit hôpital

 

- des gens de la terre, dont des vignerons : ce sont les plus nombreux

Sépulture Antoine Bonal, 1787 © AD12

"… témoin Antoine Astié vigneron... qui n’a su signer de ce requis"

Antoine Astié, mon sosa 128, de même que son fils Pierre, Joseph Rols sosa 272, Jean Labro sosa 278, Pierre Martin sosa 276… sont vignerons.

"Le 30e jour du mois d’août 1780 est décédé après avoir reçu tous les sacrements et le 31e du même mois a été inhumé Pierre Marc vigneron époux a Jeanne Lala âgé d’environ 50 ans"

"… après la publication d’un ban de mariage entre Pierre Mazenc travailleur habitant actuellement le lieu de Campuac"

 Le travailleur est l'équivalent du manouvrier ou du journalier.

"… en présence de Pierre Lavergnhe laboureur qui n’a su signer"

 

- des gens de métiers de bouche (très peu nombreux)

"L’an 1788 et le 26e juillet a été inhumé Antoine Fraysse natif du lieu de Sauri présente paroisse domestique de Jean Antoine Raynal boucher âgé d’environ 30 ans"

"…Pierre Vigouroux fils légitime de Pierre Vigouroux aubergiste…"

 "… en présence de Jacques Alran fournier soussigné"

Le fournier est celui qui tient un four public.

 

- des gens du bâtiment

"… ont été conjoints en mariage … Jean Chevaille dit Baldit charpentier…"

Jean Chivalié est mon sosa 130.

"Antoine Banide charpentier âgé d’environ 80 ans est décédé le jour d’hier"

Antoine Banide (beau-père du précédent) est mon sosa 262.

"…en présence de Pierre Doumergue garçon charpentier qui a signé…"

Pierre Doumergue apparaît plus tard en tant que charpentier.

"Jean Escudier maçon veuf âgé d’environ 70 ans mourut le 6e février 1784 et fut inhumé le lendemain dans notre cimetière par nous curé"

Sépulture Escudier, 1789 © AD12

"…en présence d’Antoine Mas couvreurs des toits soussigné…"

Antoine Mas est mon sosa 132.

"… après la publication des bans du futur mariage d’entre Guillaume Blax Me menuisier fils légitime à Jean Pierre Blax aussi menuisier…"

"Joseph Ferrière serrurier âgé d’environ 50 ans décédé du jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 22 février 1782"

"… présent Pierre Besombes forgeron de Conques qui requis a dit ne pouvoir signer"


- des domestiques et des servantes

"L’an 1788 et le 26e juillet a été inhumé Antoine Fraysse natif du lieu de Sauri présente paroisse domestique de Jean Antoine Raynal boucher âgé d’environ 30 ans"

"… et la marraine Marguerite Lacombe, servante de Mr Fijagol chanoine du chapitre qui requis de signer a dit ne savoir"

 

- des pauvres (aussi dits hospitaliers ou restants)

"… son parrain a été François Marty pauvre dudit hôpital"

"... son parrain a été Guillaume Selves restant à l’hôpital qui n’a su signer"

Baptême Marie Angélique, 1790

"... sa marraine a été Magdeleine Servières restante à l’hôpital"


La majorité des restant(e)s sont associé(e)s à l’hôpital (nous reviendrons sur eux un peu plus tard dans le ChallengeAZ). Mais c’est aussi un terme que l’on retrouve pour désigner un habitant d’une ville (« restant de Conques ») ou un serviteur.

"… sa marraine a été Louise Loubatières restante au service de Dalmon qui n’a su signer"

  

 

samedi 11 novembre 2023

J comme Jeunes et moins jeunes

Il n'est pas toujours facile de déterminer les âges d'après les registres de Conques.

 


Les curés et vicaires paroissiaux n’indiquent jamais (ou trop rarement) les âges au mariage : on peut les compter sur les doigts d’une main. Des recherches complémentaires m’ont permis de calculer l’âge des trois quarts des protagonistes : sur les 120 personnes mariées à Conques entre 1780 et 1790, 94 personnes ont un âge déterminé. Toutefois ces âges sont à prendre avec précaution : certains sont estimés d’après l’âge au décès (l’acte de naissance n’ayant pas été retrouvé) et sont donc sujet à caution.

D’après ces chiffres, la moyenne d’âge au mariage serait d’un peu moins de 29 ans.

La mariée la plus jeune (de façon certaine) est Anne ou Marianne Souletier, âgée de 15 ans. Elle aura son premier enfant deux ans plus tard, une fille qui ne vivra que deux semaines ; puis une autre l’année suivante mort-née. Et d’autres encore nés en dehors de la période étudiée (qui ont atteint l’âge adulte). Elle meurt en 1856 dite âgée de cent ans (bon en fait elle n’en avait que 85…).

Elle se marie donc en 1787, avec Jean Fraisse, un vigneron qui est âgé de 34 ans. Ce qui fait que ce couple détient un autre record, celui du plus grand écart d’âge entre les conjoints : 19 ans de différence.

 

Le marié le plus jeune est Antoine Chincholle, marié à 16 ans. Rappelons qu’à cette période la majorité matrimoniale religieuse (c'est-à-dire âge auquel une personne peut s'engager dans le mariage sans l'autorisation de ses parents ou tuteurs) est alors de 30 ans pour les hommes et 25 pour les femmes ; cependant l'âge nubile (état d'une personne en âge de se marier) est de 14 ans pour les hommes et 12 pour les femmes.

Le jeune Antoine, menuisier de son état, épouse en 1784 une fille de bourgeois, Marie Jeanne Baurs, de 11 ans son aînée. Ils s’installent dans la paroisse d’origine d’Antoine, Rignac : ils quittent donc le cadre de mon étude, mais je sais qu’ils auront là-bas plusieurs enfants au moins à partir de 1789.

 

A contrario la mariée la plus âgée a 48 ans environ : il s’agit de Catherine Savi. Son époux en avait 50 : il est lui aussi le marié le plus âgé. Pourquoi ce mariage tardif ? Mystère. Il ne semble pas que les époux aient convolé en premières noces (en tout cas ils ne sont mentionnés veuf/veuve ni l’un ni l’autre). Je sais par ailleurs que Catherine était au service de Me Benazech, notaire.

 


 

Concernant les âges au décès, sur les 345 actes de décès trouvés entre 1780 et 1790, une quinzaine d’actes ne précisent pas l’âge des défunts.

 

6 seraient nonagénaires. Parmi eux, le plus âgé serait Victor Lafon décédé à 96 ans.

Sépulture Victor Lafon, 1787 © AD12

"Victor Lafon veuf de Marie Jalfs âgé d’environ quatre vingt seize ans décédé le jour d’hier…"

Bon, en fait il était âgé de 82 ans.

 

Le suivant, Jean Anterrieux, est dit âgé de 95 ans. Il est né en fait le 12 octobre 1700 : seulement 85 ans au décès.

Marguerite Blax, sensément âgée de 90, en avait en fait 84, Charles Delfieux seulement 85 au lieu de 90 et Antoinette Escudier 84 au lieu de 90. Bref, peu de chance qu’il y ait en fait des nonagénaires à Conques. Il ne reste en lice plus que Catherine Roques, dite âgée de 95 ans, décédée en 1785. Je n’ai pas trouvé sa naissance. L’acte de naissance le plus rapproché qui pourrait correspondre est celui d’une Catherine Roques mariée en 1747, née en 1714 dans une paroisse voisine (soit 71 ans seulement). Je ne sais pas si c’est bien elle, mais si c’est le cas, cela l’élimine aussi des nonagénaires.

 

Après vérification des âges, c’est dans les tranches 60/69 et 70/79 ans que les adultes meurent le plus : 12% des décès de la période.

Mais hélas, toutes tranches d’âge confondues, ce sont les moins de 10 ans les plus touchés : 47%, ou 162 décès. Et parmi eux, 63 n’ont pas atteint l’âge d’un an ; ce qui représente 18% des décès de toute la décennie. 25 sont mort-nés.

On devine ici que la misère tient la population dans sa poigne de fer.

 


 

 

vendredi 10 novembre 2023

I comme Instrumentistes

A Conques il y avait des instrumentistes. Ce n’étaient pas forcément des religieux. 

Orgue de Conques, installé en 1898 © Inventaire national des orgues


  • Jean Avalon l'organiste

Baptême Jean Baptiste Dalmon, 1784 © AD12

"… son parrain a été Mr Jean Avalon organiste..."

Les Avalon sont organistes de père en fils (sur trois générations). Jean, talent précoce, est organiste depuis 1747 : il a alors13 ans ! Il perçoit un salaire de 250 livres, plus 2 livres de fondation et 3 livres de chandelle.  Il tient les claviers de l’orgue de la collégiale de son père Jean Louis qui était aussi organiste à Conques. Son frère Jean Louis l’était à Bournazel, son grand-père Antoine l’avait été à Conques avant d’être en poste à Villefranche de Rouergue.

En 1792 il prête serment (en exécution de la loi du 15 et 23 août 1792), jurant fidélité à la nation, et s’engageant à maintenir la liberté. En 1794, il figure sur une liste des employés des chapitres supprimés, comme marié, père de deux enfants, et bénéficiant d’une pension de 250 livres. Le document donne sa description : « taille d’un mètre quatre cent soixante millimètres ; cheveux blancs sourcils châtain, les yeux gris ; nez long visage maigre, bouche moyenne, menton rond ». Il décède en 1810, à Conques dans sa maison, qualifié d’ex-organiste.

 

  • Joseph Basile Fabre le serpent

"... son parrain a été Joseph Basile Fabre serpant du chapitre de Conques"

 Oui, moi aussi j’ai eu du mal à comprendre le métier de Joseph. Mais en cherchant son acte de décès, que j’ai finalement trouvé en 1804, il y est qualifié de « ex-serpant ». Pas de doute possible. Mais que cela signifie-t-il ?

J’ai eu la chance de trouver sa biographie sur le site du CMBV (Centre de Musique Baroque de Versailles), qui a mis en ligne sa base Musefrem, base de données prosopographique des musiciens d'Église en 1790. Classés par département elles détaillent le parcours des musiciens en 1790 grâce à un dépouillement d’archives rigoureux.

Joseph Basile Fabre est originaire de Rodez. Il est d’abord enfant de chœur à la cathédrale, puis, à partir de 1740, il est à Conques où il exerce les fonctions de chantre et serpentaire. Il occupera ce poste pendant "plus de cinquante ans". Il reçoit annuellement la somme de 300 livres. Il est clerc tonsuré.

A partir des années 1790 on le voit toucher des pensions comme musicien, ou ex-musicien.  En 1799 un certificat de résidence, donne le signalement de Bazile Fabre "taille d´un metre quatre cents soixante millimetres cheveux gris sourcils chatains nez pointu visage megre bouche moyenne menton rond " et rappelle qu'il "a été employé au service du ci devant chapitre de Conques en qualité d’ex musicien plus de cinquante ans". En 1800 il signe le serment de fidélité à la république avec Jean Avalon l’organiste. Et l’année suivante un certificat de travail attestant que "Bazile Fabre a joué de l´instrument dit serpent dans ledit chapitre pendant plus de quarante ans".

Le serpent est en effet un instrument de musique, de la famille des cuivres. Doté d’une embouchure à perce conique comme le tuba, il dispose de trous comme une flûte à bec. Le serpent se présente sous la forme d'un « S », particularité qui lui a donné son nom.

Serpent


  • Guillaume Comte le maître de musique

La France, à l’époque moderne, est riche de musique jusque dans ses petites villes. Les institutions ecclésiastiques, telles que les cathédrales, les collégiales voire même les petites églises, financent des chanteurs et des instrumentistes, mais aussi une maîtrise, c'est-à-dire une école destinée à former de futurs artistes musiciens sous la direction d’un maître de musique. Celui-ci est à la fois pédagogue, compositeur, chanteur et/ou instrumentiste, théoricien. Il est chargé de tout ce qui concerne la bonne exécution de la musique durant les offices, conduisant le chœur d’enfants, les chantres (chanteurs), les instrumentistes (ceux de l’église, de la ville ou ceux de passage). Il peut composer ou copier messes et chants. Bien sûr, il rend des comptes au chapitre dont il dépend.

 

Sépulture Guillaume Comte, 1784 © AD12

"Me Guillaume Comte clerc tonsuré Me de musique du chapitre âgé d’environ 66 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 5 avril 1784 en présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire de la paroisse et de Jacques Alran soussignés avec nous curé de ladite paroisse qui avons fait ledit enterrement"

Né vers 1718, Guillaume Comte, est reçu en tant que musicien haute-taille (ténor), aux gages de 12 livres 10 sols par mois, par le chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Rodez en 1740. En 1747 il est recruté comme maître de musique lors de la fondation de la maîtrise de la collégiale Saint-Géraud à Aurillac. Enfin, au début de la décennie 1750 il occupe le poste de maître de musique de la collégiale Sainte-Foy à Conques.

 

  •  Jean François Labro le chantre

En dernier lieu, un autre musicien nous est signalé, c’est Jean François Labro. Nous avons déjà rencontré ce prêtre à plusieurs reprises. La base du CBMV le signale comme chantre (personne qui assure les chants dans les offices liturgiques) et, en 1790, responsable des enfants de chœur. En décembre un état des dépenses du chapitre mentionne une somme de 90 livres payée à Labro pour les 4 enfants de chœur. Le terme de maître de musique ne lui est jamais appliqué.

Néanmoins, dans les registres d’état paroissiaux, ces fonctions ne sont jamais mentionnées.

 

  • Jean Delagnes (ou Delannes) le carillonneur 

Sépulture Jean Delannes, 1785 © AD12

"Jean Delannes carillonneur âgé d'environ quatre vingts ans est décédé le jour d'hier..."

Le carillonneur est celui qui fait sonner les cloches de l'église afin de signaler les événements : messes, assemblées des habitants, mais aussi conflits ou invasions. Le plus célèbre d'entre eux est Quasimodo dans Notre-Dame de Paris. Jean Delagnes est donc carillonneur, mentionné comme tel lors de son décès alors qu'il a 80 ans : est-ce qu'il occupe encore cette fonction malgré son grand âge ? Je ne puis le dire. Quoi qu'il en soit, on le trouve déjà sonneur de cloches en 1753 (auparavant il était dit vigneron). Marié, père de 9 enfants et fils de carillonneur ! Son père Geraud est qualifié ainsi lors de son décès... à 85 ans !

 

 

Pour aller plus loin... Découvrez le serpent !

 

Le serpent, comment ça marche ? David Partouche © France Musique