« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 10 novembre 2023

I comme Instrumentistes

A Conques il y avait des instrumentistes. Ce n’étaient pas forcément des religieux. 

Orgue de Conques, installé en 1898 © Inventaire national des orgues


  • Jean Avalon l'organiste

Baptême Jean Baptiste Dalmon, 1784 © AD12

"… son parrain a été Mr Jean Avalon organiste..."

Les Avalon sont organistes de père en fils (sur trois générations). Jean, talent précoce, est organiste depuis 1747 : il a alors13 ans ! Il perçoit un salaire de 250 livres, plus 2 livres de fondation et 3 livres de chandelle.  Il tient les claviers de l’orgue de la collégiale de son père Jean Louis qui était aussi organiste à Conques. Son frère Jean Louis l’était à Bournazel, son grand-père Antoine l’avait été à Conques avant d’être en poste à Villefranche de Rouergue.

En 1792 il prête serment (en exécution de la loi du 15 et 23 août 1792), jurant fidélité à la nation, et s’engageant à maintenir la liberté. En 1794, il figure sur une liste des employés des chapitres supprimés, comme marié, père de deux enfants, et bénéficiant d’une pension de 250 livres. Le document donne sa description : « taille d’un mètre quatre cent soixante millimètres ; cheveux blancs sourcils châtain, les yeux gris ; nez long visage maigre, bouche moyenne, menton rond ». Il décède en 1810, à Conques dans sa maison, qualifié d’ex-organiste.

 

  • Joseph Basile Fabre le serpent

"... son parrain a été Joseph Basile Fabre serpant du chapitre de Conques"

 Oui, moi aussi j’ai eu du mal à comprendre le métier de Joseph. Mais en cherchant son acte de décès, que j’ai finalement trouvé en 1804, il y est qualifié de « ex-serpant ». Pas de doute possible. Mais que cela signifie-t-il ?

J’ai eu la chance de trouver sa biographie sur le site du CMBV (Centre de Musique Baroque de Versailles), qui a mis en ligne sa base Musefrem, base de données prosopographique des musiciens d'Église en 1790. Classés par département elles détaillent le parcours des musiciens en 1790 grâce à un dépouillement d’archives rigoureux.

Joseph Basile Fabre est originaire de Rodez. Il est d’abord enfant de chœur à la cathédrale, puis, à partir de 1740, il est à Conques où il exerce les fonctions de chantre et serpentaire. Il occupera ce poste pendant "plus de cinquante ans". Il reçoit annuellement la somme de 300 livres. Il est clerc tonsuré.

A partir des années 1790 on le voit toucher des pensions comme musicien, ou ex-musicien.  En 1799 un certificat de résidence, donne le signalement de Bazile Fabre "taille d´un metre quatre cents soixante millimetres cheveux gris sourcils chatains nez pointu visage megre bouche moyenne menton rond " et rappelle qu'il "a été employé au service du ci devant chapitre de Conques en qualité d’ex musicien plus de cinquante ans". En 1800 il signe le serment de fidélité à la république avec Jean Avalon l’organiste. Et l’année suivante un certificat de travail attestant que "Bazile Fabre a joué de l´instrument dit serpent dans ledit chapitre pendant plus de quarante ans".

Le serpent est en effet un instrument de musique, de la famille des cuivres. Doté d’une embouchure à perce conique comme le tuba, il dispose de trous comme une flûte à bec. Le serpent se présente sous la forme d'un « S », particularité qui lui a donné son nom.

Serpent


  • Guillaume Comte le maître de musique

La France, à l’époque moderne, est riche de musique jusque dans ses petites villes. Les institutions ecclésiastiques, telles que les cathédrales, les collégiales voire même les petites églises, financent des chanteurs et des instrumentistes, mais aussi une maîtrise, c'est-à-dire une école destinée à former de futurs artistes musiciens sous la direction d’un maître de musique. Celui-ci est à la fois pédagogue, compositeur, chanteur et/ou instrumentiste, théoricien. Il est chargé de tout ce qui concerne la bonne exécution de la musique durant les offices, conduisant le chœur d’enfants, les chantres (chanteurs), les instrumentistes (ceux de l’église, de la ville ou ceux de passage). Il peut composer ou copier messes et chants. Bien sûr, il rend des comptes au chapitre dont il dépend.

 

Sépulture Guillaume Comte, 1784 © AD12

"Me Guillaume Comte clerc tonsuré Me de musique du chapitre âgé d’environ 66 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 5 avril 1784 en présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire de la paroisse et de Jacques Alran soussignés avec nous curé de ladite paroisse qui avons fait ledit enterrement"

Né vers 1718, Guillaume Comte, est reçu en tant que musicien haute-taille (ténor), aux gages de 12 livres 10 sols par mois, par le chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Rodez en 1740. En 1747 il est recruté comme maître de musique lors de la fondation de la maîtrise de la collégiale Saint-Géraud à Aurillac. Enfin, au début de la décennie 1750 il occupe le poste de maître de musique de la collégiale Sainte-Foy à Conques.

 

  •  Jean François Labro le chantre

En dernier lieu, un autre musicien nous est signalé, c’est Jean François Labro. Nous avons déjà rencontré ce prêtre à plusieurs reprises. La base du CBMV le signale comme chantre (personne qui assure les chants dans les offices liturgiques) et, en 1790, responsable des enfants de chœur. En décembre un état des dépenses du chapitre mentionne une somme de 90 livres payée à Labro pour les 4 enfants de chœur. Le terme de maître de musique ne lui est jamais appliqué.

Néanmoins, dans les registres d’état paroissiaux, ces fonctions ne sont jamais mentionnées.

 

  • Jean Delagnes (ou Delannes) le carillonneur 

Sépulture Jean Delannes, 1785 © AD12

"Jean Delannes carillonneur âgé d'environ quatre vingts ans est décédé le jour d'hier..."

Le carillonneur est celui qui fait sonner les cloches de l'église afin de signaler les événements : messes, assemblées des habitants, mais aussi conflits ou invasions. Le plus célèbre d'entre eux est Quasimodo dans Notre-Dame de Paris. Jean Delagnes est donc carillonneur, mentionné comme tel lors de son décès alors qu'il a 80 ans : est-ce qu'il occupe encore cette fonction malgré son grand âge ? Je ne puis le dire. Quoi qu'il en soit, on le trouve déjà sonneur de cloches en 1753 (auparavant il était dit vigneron). Marié, père de 9 enfants et fils de carillonneur ! Son père Geraud est qualifié ainsi lors de son décès... à 85 ans !

 

 

Pour aller plus loin... Découvrez le serpent !

 

Le serpent, comment ça marche ? David Partouche © France Musique  

 

 

3 commentaires:

  1. Oh, mais c’est extra ! Tu décris tous les instruments dont je vais parler. Tu me donnes une référence que je n’avais pas rencontrée (la base Musefrem) et j’apprends encore plein de choses.
    Je pourrais presque mettre le lien sur tes merveilleux billets et me reposer pour lire le ChallengeAZ … ;-)

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    1. 😂🤣😂 Je t'en prie, n'en fait rien ! Je prends trop de plaisir à lire ton Challenge !
      Mélanie - Murmures d'ancêtres

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  2. Je ne connaissais pas le serpentaire, merci pour cette découverte

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