« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

Affichage des articles dont le libellé est Insolite. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Insolite. Afficher tous les articles

jeudi 3 octobre 2019

Les livres de bébé

Les « livres de bébé » ne sont pas une invention récente : j’en ai déniché un de 1946 (celui de ma mère en l’occurrence). 

L'album de 1946

Puis je me suis demandé si ceux d’aujourd’hui étaient très différents de ceux d’hier ou pas. J’ai donc emprunté à ma sœur le livre de son fils (né en 2010) et de sa fille (née en 2013). 

Le livre de 2013 (détail)

Ne gardons pas le suspens plus longtemps : globalement on y retrouve les mêmes rubriques. Mais avec quelques différences tout de même. Voici un tour d’horizon des livres de bébé, de la grand-mère aux petits-enfants.

Les rubriques communes

L'identité du bébé. « Bébé 46 » est née en décembre à 8h30, pesait 1,850 kg et mesurait 48 cm. Il est précisé qu’elle est née à terme, mais on dit dans la famille qu’une boîte à chaussure aurait pu être son premier berceau tant elle était menue. Ses petits-enfants pesaient 3,460 kg (« bébé 2010 ») et 2,860 kg (« bébé 2013 ») pour 51 et 47 cm.

La généalogie du bébé, du nouveau-né jusqu’aux grands-parents. En 1946 cela reste un tableau écrit, dans les années 2010 ce sont plutôt des photos.

Les ressemblances du nouveau-né. Ressemblance de BB46 : front de son père ainsi que la bouche et le nez de son oncle maternel (qui n’a que 8 ans de plus). BB10 : « Maman trouve que je ressemble à papa et papa à papa ». BB13 : on ne sait pas trop à qui elle ressemble.

Les premiers jours. BB46 « a très peu d’appétit » mais « les digestions sont bonnes ».  BB10 se réveille toute les deux heures pour la tétée : « pas facile pour maman mais toi tu aimes ! ». BB13 est allaitée par sa mère jusqu’à ses trois mois ; elle prend peu à chaque fois, mais très souvent (« toute la journée »), pour compenser.

L’alimentation : BB46 a été nourri au sein de sa mère pendant un mois, avec 6 tétées par jours, toutes les trois heures. Il est précisé que « le bébé ne prenant pas assez les tétées eurent lieu toutes les deux heures. Très petit appétit ». Il s’avère que le bébé a failli mourir parce que la mère n’avait plus de lait mais ne s’en est pas aperçue ! La semaine suivante une consommation mixte a été tentée : 3 tétées au sein alternées avec trois biberons. Il est précisé « lait maternel insuffisant, complété par du lait concentré ». Une ligne est réservée à la marque du lait concentré. Celui-ci a été pris de janvier à octobre, « date à laquelle le bébé prit du lait ordinaire, le lait concentré ne lui convenant plus ».
Elle a pris ses premières bouillies à 5 mois. Elles étaient composées de farine lactée Nestlé. « Au début une bouillie lactée le midi puis un mois après une bouillie au bouillon de légumes en plus le soir avant le dernier biberon, prise à la cuillère ». BB13 a goûté des aliments solides à partir de mars 2014 (de la purée de carotte). Au début elle aimait « tout », puis quelques temps plus tard : « rien ».

La première sortie. BB46 : « très fragile, ne pas la sortir avant un mois, surveiller très attentivement ». La prescription a été suivie, puisque celle-ci est ensuite décrite : elle a eu lieu 6 semaines après la naissance du bébé, elle a duré une heure, dans sa voiture (landau). Le trajet est décrit rue après rue. BB13 a fait sa première sortie au parc dès sa sortie de la maternité.

Les dodos de bébé. Le sommeil est de BB46 est « très bon », elle « n’a pleuré qu’une nuit et jamais après ». BB10 a fait sa première nuit à 2 mois et trois semaines, puis maman a rayé et a corrigé : « Erreur ! Une semaine plus tard c’était terminé ! ». Il a fallu attendre que bébé trouve son pouce (à trois mois) pour s’endormir seul et… dans son lit : avant il n’acceptait que le cosy ou le lit de ses parents.

Les cadeaux faits à bébé. En 1946 on reste dans la tradition des incontournables couverts en argent (assiette, cuillère et timbale) ou des cadeaux utilitaires (robes, manteaux, capuchon…). Passé les années 2000 on trouve des peluches et doudous à la pelle (« à peine née tu as déjà plein de peluches ; il n’y a d’ailleurs plus de place dans ton berceau. »). Les hochets ont traversé le temps et les générations.

La silhouette du pied et de la main de BB46 ont été tracés lors de ses 18 mois, mais on a du s’y reprendre plusieurs fois pour celle de la main : la mère a ajouté une parenthèse précisant « elle a bougé ». Pour BB10 ce sont deux photos d’empreintes (mains et pieds) laissées dans le sable qui remplacent les silhouettes faites au stylo à bille.

Les jouets de bébé : en mars 1647, BB46 joue à cuire les aliments; en avril 1948, elle joue à la balle. Ses jouets préférés : à 2,5 ans elle préfère les boîtes. Des gros boutons lui représentent des perles, de l’argent ou des billes. C’est le seul jeu, avec ses cartes et ses boîtes, qui plaisent. Celui de BB10 est Sophie la Girafe.

La croissance du bébé : pour BB46 chaque semaine son poids est noté, depuis la naissance (1,850 kg) à la 13ème semaine (4,400 kg). En trois mois le bébé a pris 9 cm ; puis de la 14ème à la 26ème semaine (6,150 kg et 62 cm) ; de la 27ème à la 39ème semaine (7,200 kg et 66 cm) ; et enfin de la 40ème à 52ème semaine (8,500 kg et 70 cm). Pour BB13 taille et poids sont indiqués de la naissance à 12 mois (2,860 kg et 47 cm) à (7,900 kg et 69 cm).

Le diagramme de la courbe de poids du bébé : en 1946 la courbe en rouge indique le poids « normal », en bleu celui du bébé, qui se situe toujours à 1 kg en dessous de la précédente. En 2010 il n’y a pas de courbe « normale », mais seulement les indications parentales : d’un peu plus de 3 kg à la naissance jusqu’à 13 kg à 27 mois. Sa taille est notée sur un tableau : de 60 cm à 3 mois jusqu’à 87 cm à 2 ans.

Le développement physique de bébé (rebaptisé « mes premières fois » en 2010) :
- le bébé a tenu sa tête droite à 5,5 mois
- s’est tenu assis à 8 mois
- s’est traîné à 9 mois
- s’est tenu debout à 10 mois (BB46), 7 mois (BB10)
- a fait ses premiers pas à 1 an
- a marché seul à 16 mois

Habileté manuelle : BB46
- a commencé à se servir de ses mains pour saisir un objet à 6 mois (BB46), 3 mois (BB10)
- s’est servi seul d’une cuillère à 15 mois et d’une fourchette à 22 mois
- a été mis à table pour la première fois à 2 ans

Éveil de l’intelligence :
- a prêté attention au son à 3 mois
- a souri à 1 mois (BB46), 2 semaines (BB10)
- a tendu les bras le jour de son baptême
- a dit maman à 1 an
- a tenu son biberon seul à 6 mois (BB10) et à 1 an pour BB13

Le langage :
Parole : BB46 dit tout ce qu’on lui fait dire, à 27 mois, mais très mal ; pas de grandes phrases encore. Les premiers mots de BB46, après papa et maman furent : cola, ateau (gâteau), aisin (raisin), ayer (ça y est), que c’est ça, qu’est là-haut. Vers 15 mois : non et popo, susucre ; appelle Nicole [sa sœur cadette] « aco » puis « quicole ». A 2,5 ans parle à peu près couramment.
BB10 disait « ça tique » (ça pique) ou « Batelot » (pour matelot).
BB13 a commencé par dire un truc ressemblant à « au revoir » le soir au coucher. Mais longtemps elle est restée « tout juste muette. Ça ne t’intéresse pas beaucoup de parler » [et dire que maintenant elle est si bavarde !]. Son premier maman a été dit à 19 mois et papa à 20.

La marche : après avoir marché 4 mois le long des murs, BB46 s’est lancée à travers la cuisine à 16 mois ; n’a bien marché qu’à 17 mois (coqueluche).
A un an BB13 marchait en se tenant aux murs.

Les dents de bébé : un croquis d’une bouche est dessiné, chacune des dents se voyant attribué un numéro. A côté les numéros sont reportés dans un tableau et la place est laissée pour y mettre la date d’apparition de chaque dent. Pour BB46, la première dent, une incisive de la mâchoire inférieure, est apparue à l’âge de 7 mois, la dernière a poussé en mars 1949. La maman précise que « les dents sont sorties par 2 ou 3 la même semaine, toujours accompagnées de bronchites dentaires, un peu de fièvre, une perte d’appétit [déjà qu’elle n’en n’avait pas !] et par là même de poids. Mais elles n’ont pas causées de grandes douleurs. » BB13 a eu sa première dent en avril 2014 (une incisive inférieure). Les dents ont poussé sans douleur. Une enveloppe collée en bas de page contient la première dent de lait tombée en mai 2019.

La vaccination du bébé. La vaccination antituberculeuse n’a pas été faite, l’antivariolique en octobre 1947 et a entraîné une forte fièvre (« presque 40 »). Une feuille volante de petit format est glissée à cette page : c’est un certificat de la sage-femme de la « Maison d’accouchement de Mme Antoine » certifiant que le bébé a été vacciné « avec succès » 11 mois après sa naissance (il correspond au vaccin antivariolique, bien que ce ne soit pas précisé).

Les maladies infantiles : du premier rhume de BB46 à 3 mois et demi jusqu’à la rougeole à 18 mois. En dehors des maladies classiques, on soulignera « une grande anémie » à 10 mois. BB13 a eu la varicelle en juin 2014 et il a fallu « 4 médecins pour la diagnostiquer et un passage aux urgences pédiatriques ».

La mèche de cheveux :
BB46 coupée le 12 avril 1949
BB10 (non datée)
BB13 coupée à 2 ans et un mois


Les mèches de cheveux de bébés

Les inédits de 1946

L’extrait de naissance du bébé.

Le baptême de bébé nous renseigne sur sa date, le lieu, le parrain (oncle paternel par alliance) et marraine (tante maternelle) et les personnes présentes.

Les habitudes de bébé
Les bonnes habitudes :
- propre le jour à 15 mois
- marche seule à 16 mois
- se relève quand elle tombe à 17 mois
Les mauvaises habitudes :
- suce son pouce à 2,5 mois
- va bouder dans un coin à la moindre contrariété à 20 mois

Le caractère à différents âges :
- un an : coquette, coléreuse, pas méchante, jalouse mais bon cœur.
- à 18 mois : elle se vexe et boude.
- à 2 ans : elle est très complaisante, cherchant toujours quel objet peut manquer pour l’apporter aussitôt et a très bon cœur ; adore sa petite sœur qui le lui rend bien ; mais elle est capricieuse, entêtée.


Les inédits des années 2010

- Avant moi : comment mes parents se sont rencontrés, les conditions d’annonce de la grossesse, comment se passe-t-elle, les échographies.

- Le jour de mon arrivée. On y décrit la météo, des extraits de journaux racontent l’actualité. Ce qu’on entend à la radio et voit au cinéma, le signe astrologique.

- Le choix des prénoms. Quels étaient les envies de la future maman et ceux du futur papa et le choix final (des prénoms doubles qui reprennent les deux souhaits des parents).

- La maternité : les bracelets de naissance de la maternité, les premiers mots dits au bébé, les photos à la maternité.

- L'arivée à la maison : la chambre, le faire-part de naissance, les doudous, le premier bain : donné par maman à BB13 qui a semblé ne pas trop apprécier cette nouvelle expérience, les premières bêtises. « Pas de bêtise dit maman, tu es très sage !!! » BB10.

- Les photos d’anniversaires et autres (première sortie, vacances, Noël, etc…).

- Les premiers dessins.


Globalement on retrouve donc des rubriques identiques, même si elles ne sont pas libellées exactement de la même manière. Chaque livre de bébé est le reflet de son époque, tant au niveau de la morale que du visuel.

Ainsi celui de 1946 est assez moraliste (« Ainsi vous aurez rendu service à ce petit être, chair de votre chair, et aurez étendu sur lui […] la tendre protection que l’oisillon demande aux ailes de sa maman. »). Il est édité par Nestlé donc il est légèrement orienté (« Combien précieux alors seront […] tant de renseignement sur l’alimentation... »). Mais passé 2010 on est dans une ère beaucoup plus visuelle : les albums sont donc plus ludiques, plus décorés et laissent une grande place à l’image. Si, dans l’album de 1946 il y a bien des pages réservées aux photos, elles sont presque toujours vides (il n’y a qu’une seule photo).

Le livre de bébé de 1946 adopte un ton descriptif (« a marché à tel âge ») tandis que ceux des années 2010 sont adressés directement à l’enfant (« tu adorais ça »).

___

Enfin je souhaite faire une dédicace personnelle à BB13... née un 3 octobre...



jeudi 1 août 2019

Typologie d'un cimetière

Voulant participer au projet #SauvonsNosTombes, je suis allée photographier les tombes du cimetière de la commune où habitent mes parents (Faux-la-Montagne, Creuse ; un peu plus de 400 habitants). Pourquoi chez eux et pas le cimetière de ma propre commune (Limoges, Haute-Vienne) ? Sans doute parce que c’est l’un des plus grand d’Europe ! Commençons modeste.

En parcourant les allées, je me suis rendu compte que ce cimetière, situé exactement au centre du Limousin, portait des caractéristiques communes à tous les cimetières mais aussi des particularités spécialement limousines.

Rappelons qu’autrefois (c'est-à-dire il y a bien longtemps) les cimetières étaient accolés aux églises. C’étaient des lieux publics, ouverts sur la ville. Les concessions étaient en général des parcelles de terres nues, périodiquement retournée (environ tous les 5 ans) pour extraire les ossements (que l’ont mettait dans des ossuaires) et offrir une place pour les nouveaux. La proximité de l’église garantissait l’efficacité des prières qui y étaient dites. Les défunts les plus importants étaient inhumés à l’intérieur même des églises, au plus près de l’autel. Au XVIIIème le rapport à la mort commence à changer : on imagine un lieu vaste et clos, abritant des tombes pérennes, à l’écart du monde des vivants, loin de l’église paroissiale.
Le courant hygiéniste issu des Lumières a soulevé le fait que de vivre parmi les morts était le meilleur moyen de les rejoindre rapidement. La législation royale vient appuyer cette idée avec la publication d’un édit interdisant les inhumations dans les églises (1776). Mais il faudra attendre le début du XIXème pour que les cimetières soient massivement déplacés. En général on les aménage sur un lieu élevé et septentrional afin d’éviter que les vents dominants n’entraînent les miasmes des cadavres sur le monde des vivants. C’est ainsi que sont créés les cimetières neufs. Qui sont aujourd’hui nos vieux cimetières.  
C’est pourquoi le cimetière de Faux- la-Montagne s’est retrouvé un peu à l’écart, à flanc de colline dominant des habitations.
Les nouveaux cimetières répondent aussi à une autre inspiration : la tombe individuelle. Auparavant seuls quelques privilégiés pouvaient en bénéficier : notables, ecclésiastiques… Les autres étaient dans une fosse commune jusqu’au regroupement périodique dans les ossuaires. La tombe individuelle implique alors une épitaphe : état civil, qualité du défunt, appelant au souvenir et à la prière.

Le cimetière de Faux est végétalisé : pas d’allées de gravier mais de l’herbe entre chaque tombe. D’après un récent comptage on a identifié 454 concessions, actives ou inactives (certaines parcelles ne contiennent plus de tombes). On peut diviser le cimetière en trois parties :
- le vieux cimetière, composé de quatre carrés de tombes anciennes et surmontés de tombes légèrement plus récentes et mieux rangées.
- une première extension moderne où les tombes sont alignées quatre par quatre. Au milieu du XIXème en effet les cimetières souffrent d’une croissance trop rapide (parallèlement à l’augmentation de la population, notamment dans les villes). Pour gagner de la place on élimine les allées sinueuses au profit du plan en damier permettant d’optimiser le système des concessions. L’hécatombe de la première guerre mondiale et la grippe espagnole qui suivit augmenta le processus d’urbanisation des cimetières. Dès 1920 ils n’offrent plus qu’un panorama monotone de caveaux de granit.
- une deuxième extension qui commence tout juste à être occupée mais qui fait la surface du premier cimetière ; ce qui laisse deviner l’espérance de vie dans la commune ;-)

Précisons au passage qu’en Limousin on qualifie le village (où se trouve église et mairie, etc…) de « bourg » et les hameaux ou lieux-dits sont nommés « villages ». L’appartenance au village était primordiale : on était, dans cet ordre, d’une famille, d’un village puis d’un bourg. Ce qui aura son importance dans le cimetière, comme on le verra plus loin.

Donc à Faux, dans le vieux cimetière, on retrouve les tombes disposées aléatoirement, non orientées (certaines tête -bêche), parfois très serrées. Beaucoup d’entre elles ont subi les outrages du temps : les noms se sont effacés et elles ne sont plus identifiables. Au contraire, dans la partie neuve du cimetière les tombes sont bien alignées, relativement aérées.

  • Le granit
La première caractéristique locale se trouve dans les matériaux : nous sommes dans un pays de granit et de maçons (les fameux « maçons de la Creuse » dont vous avez peut-être déjà entendu parler). Naturellement la majorité des tombes sont en granit et certaines ont une épitaphe gravée (ce qui est une prouesse quand on connaît la dureté du granit).

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

  • Les formes des tombes
La majorité des tombes sont composés d’une pierre tombale en granit, dont la partie centrale est légèrement surélevée, avec une stèle ou croix à la tête. Cette croix peut être simple ou plus travaillée. En granit ou métallique. 
Une croix dont il ne reste que le fût de la colonne brisée symbolise la vie brisée : elle était en général réservée à ceux qui mourraient jeunes.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Les tombes modernes reprennent ce modèle tripartite, hormis la croix souvent remplacée par une forme moins « religieuse » (demi-cercle par exemple).
On trouve aussi deux autres formes de tombes récurrentes : la dalle et les grilles. La première est une simple dalle de granit ou autre, presque au ras du sol.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

L’autre est formée de grilles qui délimitent la concession, à la manière d’un petit jardinet. D’ailleurs souvent ces tombes ont été plantées. En effet l’offrande des fleurs symbolise l’inaltération des liens familiaux, par-delà la mort. Mais  les fleurs coupées flétrissent trop vite : on leur préfère donc les arbustes plantés.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

En variante on trouve une chaîne accrochée à des poteaux.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Au passage, si vous souhaitez planter une graine lors de votre propre enterrement, je vous conseille de le faire derrière la tombe et non à ses pieds, car quand la graine est devenue un buisson ou un petit arbre, on ne voit plus du tout la tombe !

Si au début du XIXème la tombe est individualisée, peu à peu les caveaux se « mutualisent » : on voit apparaître des caveaux familiaux avec l’idée que la mort réunit les êtres chers temporairement séparés.

  • Les protège-couronne
Autrefois on confectionnait souvent des couronnes de perles, sensées tenir plus longtemps que les fleurs coupées. L’industrie et l’artisanat fabriquent en grande quantité ces couronnes de perles, croix, vases… Hélas même les perles finissent par s’abîmer : on voit donc fleurir un nouveau type d’architecture funéraire : des protèges-couronne. Ce sont de petits auvents, généralement en zinc, situés à la tête de la tombe et destinés à allonger la durée de vie des couronnes autres objets funéraires. Aujourd’hui la majorité d’entre eux sont rouillés et assez peu esthétiques, mais toujours efficaces dans leur rôle protecteur.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

  • Les chapelles
Sous le Second Empire (1852-1870) apparaît un nouveau type de tombe bourgeois : le caveau et la chapelle. Ce sont des tombes collectives dont le coût les réserve presque exclusivement aux catégories aisées ; du moins dans un premier temps. L’architecture funéraire, souvent gothique, et la sculpture prennent le pas sur l’épitaphe. Souvent seul le nom de la famille est visible, faisant de la tombe un double de la maison. L’architecture de la mort reflète alors la stratification sociale du monde des vivants.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Il y a bien quelques chapelles funéraires dans le cimetière de Faux, mais on a beau être dans le pays du granit, c’est aussi un pays pauvre : le plus souvent les chapelles (trop chères) sont remplacées par des structures en verre. Elles peuvent couvrir l’intégralité de la tombe ou seulement sa tête (comme les protège-couronne). Sur les 338 concessions de la partie ancienne du cimetière  j’en ai compté une trentaine. Aucune dans les parties modernes : cela ne se fait plus aujourd’hui. La structure est métallique, couverte de plaque de verre. C’est assez solide puisque celles qui ont vu leur verre tomber et se briser sont très rares.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

  • Les noms
Si c’est un caveau familial on retrouve le nom de la famille, pas toujours ceux des défunts eux-mêmes (comme on l’a vu ci-dessus). Mais très souvent le village est mentionné. Je vous ai dit plus haut l’importance du village : on la retrouve sur les tombes. Le fait que seuls figurent le patronyme et le nom du village laisse deviner le rôle primordial de ce dernier.

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

  • Les plaques de porcelaine
Ce qui fait la caractéristique principale des cimetières limousins est bien sûr la plaque de porcelaine. Dans cette région où le granit se prête peu à la sculpture, la plaque de porcelaine est idéale.
Ces plaques apparaissent dans les années 1820-1840 et se généralisent dans les années 1860/1870. Si le granit est monotone, les plaques de porcelaine offrent une infinité de tons, de couleurs et de variations autour du thème de la mort. Elles répondent à une commande individuelle, et n’ont jamais été faites en série. Initié par les élites, elles se propagent rapidement aux classes populaires et rurales via les ouvriers en porcelaine qui les confectionnaient à la demande.

On en distingue plusieurs types, plusieurs modes.
Au début elles étaient systématiquement rondes car elles étaient réalisées par les camarades dans les usines de porcelaine et reprenaient un moule déjà tout prêt : celui de l’assiette. De ce fait, elles avaient un coût relativement modique, ce qui explique leur succès. Plus tard, on a vu apparaître d’autres formes : rectangles, cœurs…
- La plus simple reste blanche cerclée d’un filet noir. Ce sont les plaques type « faire-part » : un texte plus ou moins long dressant le portrait du disparu, invitant à la prière. Un mince filet noir ou or encadre la plaque. Le noir, couleur du deuil, connaîtra une résurgence à partir des années 1860, faisant disparaître les scènes colorées apparues entre-temps.

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Pour marquer son chagrin on peut appuyer le texte par différents symbole : des larmes noires par exemple (ou bien une croix, une vanitas, des mains jointes symbole de l’attachement conjugal… bien que je n’en ai pas vu à Faux).

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

- Dans la partie supérieure peut figurer un paysage : c’est une vision idéalisée, romantique du cimetière. La symbolique végétale évoque l’éternité douce, paisible, l’assurance de la résurrection, le perpétuel renouvellement des générations. Le saule pleureur, en introduisant de surcroît l’idée de désolation, constitue le meilleur symbole de cette nouvelle représentation de la mort.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

En général ces scènes étaient réalisées par les peintres de la manufacture. Elles se situent toujours dans la partie supérieure de la pièce de porcelaine, symbolisant le Ciel, tandis  que le texte est dans la partie inférieure, la partie terrestre.
- Le portrait du défunt a connu un grand succès. En effet l’affirmation de l’identité individuelle de chacun des occupants d’une sépulture collective a favorisé la multiplication des portraits des disparus. La maîtrise locale de la technique de la peinture sur porcelaine a permis au Limousin d’adopter avec un demi-siècle d’avance sur les autres régions ce type d’art funéraire.

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Hélas le temps n’épargne pas ces objets funéraires et les portraits rentrent dans l’ombre comme leur nom dans l’oubli des mémoires.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Et c’est un art qui perdure puisqu’on en trouve encore sur les tombes les plus récentes.
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

Il existe une rare variante qui est celle du portrait… de la maison du défunt !
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

On notera que la représentation de la défunte par un portrait en médaillon est déjà un grand pas vers la reconnaissance de la femme, qui est soudain promue en dehors de son seul rôle de « bonne mère et bonne épouse ».

Le mort représenté d’après photographie est plus ou moins idéalisé : belle posture, beaux vêtements… Le mort est ici un héros. C’est particulièrement vrai pour les militaires. Le Second Empire exalte les vertus militaires et valeurs guerrières, l’appartenance à l’armée est valorisée : on voit alors apparaître sur les plaques de porcelaine les premiers uniformes. On est témoin d’un glissement des valeurs du siècle : de l’appartenance à la communauté restreinte (famille, village), on passe à un ensemble plus vaste : la Nation, la Patrie. L’hécatombe de la première Guerre Mondiale entraîna un retour en force de la mort et de la spiritualité. Outre les monuments aux morts érigés dans les villes, les tombes donnent à voir de nombreux portraits de soldats.
A Faux, huit tombes portent une plaque et/ou un portrait de soldat : quatre Poilus de 14/18, deux dont la guerre n’est pas citée et deux de 39/45. Mais pour ça, je laisse Caroline (alias (@MumTaupe) faire le travail de mémoire !

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié

- les motifs floraux : peu présents jusque dans les années 1840, se diffusent massivement à partir de cette date (couronnes peintes, fleurs en relief, associées ou non à d’autres motifs). Roses et pensées sont les plus représentées. Les chrysanthèmes ne s’imposent dans l’iconographie qu’à partir de la fin du siècle. La présence de l’ange comme guide pour l’ultime voyage est révélatrice des représentations populaires concernant la mort. Mais cela n’est pas caractéristique de la région (il est le symbole même de la mort dans tout l’Occident). Une des premières plaques représentant un ange date de 1840. Dès son apparition, il est associé à la mort d’un jeune. On le retrouve pendant toute la seconde partie du siècle, parfois en putti ou en séraphin. [1]

Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié
Cimetière de Faux-la-Montagne © M.Astié


Il ne reste qu’à aller vous promener dans votre cimetière local et repérer les indices universels et les particularités locales… Ce patrimoine unique, souvent méconnu ou méprisé, qui pourtant nous éclaire sur les mentalités liées au culte des morts à travers les époques.

Pour les curieux, encore quelques plaques :




[1] Source : JM. Ferrer et Ph. Grandcoing : Des funérailles de porcelaine, éd. Culture et patrimoine (2000)

lundi 3 juin 2019

Calendes

Une fois n'est pas coutume, je vous présente aujourd’hui un petit outil que je trouve fort pratique. Il s’appelle « Calendes » et il permet de retrouver n’importe quel jour de la semaine, saint du jour ou fête religieuse à n’importe quelle date. Utile quand on se promène dans les méandres du temps comme nous le faisons, nous autres généalogistes.

Voici un exemple : je recherche depuis des années l’acte de décès de mon (arrière) mémé Berthe et enfin le Graal ! Le voici sous mes yeux. Mais le curé est facétieux et n’a pas souhaité me faciliter les choses : l’acte est daté de « l’Annonciation de l’an de grâce 1682 ». Et bien cela me fait une belle jambe ça !

J’ouvre aussitôt « calendes » et fait dérouler le calendrier jusqu’à trouver l’année correspondante : et hop ! en un clic je vois que l’Annonciation de l’an de grâce 1682 tombait le 25 mars. Je peux ainsi rentrer la date complète du décès de mémé Berthe dans mon logiciel de généalogie (parce que « Annonciation de l’an de grâce 1682 » il n’aimait pas trop en fait…).


Ça marche avec Pâques, fête mobile s’il en est, le solstice d’été ou encore le calendrier de l’Avent (pour les fans…), etc...

Dans l'exemple ci-dessous, j’ai affiché 1682 (et n’importe quel mois) : sur la partir droite de l’écran sont affichées toutes les grandes fêtes de l’année (on remarque que je n’ai coché ici que le fêtes chrétiennes) : ainsi pas besoin de dérouler tous les mois si on veut savoir quand tombait le début du carême cette année-là.



On peut choisir d’afficher les saints – ou pas.




Évidemment le calendrier républicain est disponible (en cliquant sur « correspondances entre calendriers » en haut à gauche), ainsi d’autres, plus exotiques : romain, éthiopien ou… pataphysique !




Et si l’astronomie vous passionne, ça marche aussi avec les levers de soleils ou les quartiers de lunes !




Si vos ancêtres viennent d’horizons lointains ou de religions différentes, on peut cliquer sur le calendrier juif, musulman ou orthodoxe.

Au fait ! J’ai failli oublier :
  • C’est gratuit (et ça c’est une bonne nouvelle)
  • Pour télécharger cliquez ici et choisissez Calendes ! 


En espérant que cet outil vous sera aussi utile qu'à moi...