« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 27 juin 2020

#Défi_2706

 A l'initiative de Geneatch, et en lien avec le premier Salon Virtuel de la Généalogie qui a lieu le 27 juin 2020, voici le défi d'écriture #2706 :

"Racontez en 100 mots un événement de votre généalogie survenu un 27 juin."

A partir de cet événement racontez cette journée du 27 juin

ou évoquez la vie de votre ancêtre en quelques lignes (entre 80 et 120 mots).

___


Ah ! Marie, petite reine aujourd’hui.

Née un 27 juin 1696, tu es déjà repartie 6 ans plus tard.

Un souffle à l’échelle généalogique. Mais trop court pour une vie.

6 ans ! Tes frères ont-ils seulement eu le temps de s’intéresser à toi ?

6 ans ! Ton père a-t-il déjà pensé à un mariage qui arrangerait son toit ?

6 ans ! Ta mère a sans nul doute eu le temps de s’attacher à toi.

27 juin : A-t-elle gravé cette date dans sa mémoire ?

Mais 100 mots c’est trop court… même pour une aussi courte vie !


© photofunky

- Marie ROY, 27 juin 1696, La Chapelle-Largeau (79) / 24 octobre 1702, Treize Vents (85) -


samedi 20 juin 2020

#RDVAncestral : Le déménagement

On avait profité de cette journée chômée d’août 1805 pour entasser toutes les affaires du jeune couple, Augustin et Catherine, dans une charrette tirée par un vieil âne. Le placide animal renâclait un peu mais Pierre, le frère aîné d’Augustin, l’encouragea d’une tape sur la croupe :
- Allez ! T’inquiètes pas, c’est tout en descente dans ce sens-là. Et quand tu devras remonter, ce sera à vide ! Allez !

La famille et les voisins étaient réunis : tous mettaient la main à la pâte. Ce n’est pas tous les jours qu’un fils quitte la maison de son père. En plus de l’attelage de l’âne, il y avait aussi des charrettes à bras, tirées par les hommes qui en avaient la force, et des ballots ou paniers portés par les femmes et les enfants.
L’ambiance était plutôt bon enfant et dans un joyeux hennissement, l’âne donna le signal du départ à l’équipage. Le convoi s’ébranla. Dans les rangs, on commenta fort ce départ, plaisantant, s’interpellant ou glissant des sous-entendus intimes pour le jeune couple qui allait enfin avoir son propre chez soi et ne serait plus gêné par la présence des parents… Je jetai un coup d’œil à Catherine : elle semblait bien prendre les plaisanteries, à vrai dire assez courantes dans ce genre de situation. 

Augustin, lui, ne les entendait pas. Il était resté à l’arrière et contemplait la maison qu’il quittait aujourd’hui. Il avait un air triste. Je m’approchai de lui et mis doucement une main sur son épaule. Il se retourna, surpris et un peu embarrassé.
- Je viens ! Je viens ! dit-il précipitamment. Et, empoignant solidement son fardeau, il se mit en route.
- On ne va pas par-là ? demandai-je innocemment, indiquant une route étroite et très pentue, à l’opposée de la direction que prenait Augustin.
- Bon Dieu non ! On se romprait le cou ! Malheureuse ! me répondit aussitôt Augustin, le plus sérieusement du monde. Tu n’es pas d’ici toi, ça se voit ! – je fis une discrète moue : pour un généalogiste ça veut dire quoi « être de quelque part » ? Mais bon, je ne rentrai pas dans ce débat et laissai Augustin poursuivre : 
- Non, on va faire le tour. C’est un peu plus long, mais moins risqué.

C’est ainsi que, ajustant le ballot que l’on m’avait confié sur ma hanche (pas question de partir les mains vides, bien sûr), je réglai mon pas sur celui d’Augustin. Nous nous dirigeâmes vers les anciens remparts : il nous faudrait sortir de la ville pour y rentrer presque aussitôt par la porte de la Vinzelle. Les plus chargés feraient le détour par la rue des Écoles avant de remonter la rue qui menait à l'abbatiale, tandis que ceux qui ne craignaient pas la pente rejoindraient notre destination par le haut de cette rue.

La (probable) chapellerie Astié à Conques

Je gardai le silence un moment, et laissai manœuvrer Augustin dans un passage délicat, avant de reprendre : 
- Êtes-vous triste de quitter la maison du Palais ?  
On l’appelait ainsi car elle était située quand le quartier du Palais, sur les hauts de Conques. 
- Bah ! C’est la vie ! répondit d’abord Augustin. Puis, réfléchissant sérieusement à la question il ajouta : 
- Quand même ! Ça me fait quelque chose ! C’est que, cette maison, je l’ai toujours connue. Pour moi, mais aussi avant : c’était la maison de mon père et celle de son père avant lui. Ça en fait des souvenirs qu’ont vu passer les murs de cette maison ! 
- Et le père de votre grand-père ! demandai-je mine de rien, à la fois taquine et intéressée car je ne savais pas où logeaient mes premiers ancêtres Astié à Conques. 
- Oh là ! Mais ça on sait pas ! C’est bien trop loin ! Déjà que j’ai à peine connu mon grand-père, qu’est mort quand j’avais une dizaine d’années. Ma grand-mère – tiens elle s’appelait Catherine aussi, comme ma femme – elle je l’ai pas connue : elle nous a quitté juste après ma naissance. Mon frère dit qu’il s’en rappelle mais, eh !, il marchait à peine ! A mon avis il se vante ! 
- Mon frère... reprit-il pensif. C'est lui qui hérite de la maison du Palais. Ben, c'est normal, crut-il obligé de préciser, c'est l'aîné après tout. 

Nous débouchâmes dans la rue qui, désormais, allait être la sienne. Un peu plus loin on distinguait le début du convoi qui ne nous avait pas attendu pour commencer à déballer les biens du ménage : lit conjugal, ustensiles de cuisine, linge…
Augustin était encore un peu nostalgique. Pour chasser d’éventuelles mauvaises pensées, je l’encourageai : 
- Ah ! voilà votre nouvelle maison : vous allez être bien là-bas, avec Catherine.
- C’est sûr ! Ce sera notre chez-nous !
- Et puis, pour installer la chapellerie, ce sera pratique. Cette grande rue m’a l’air d’être bien fréquentée : elle mène tout droit à l’abbatiale.
- Ma foi oui ! Et puis comme ça on sera moins serrés. Et pour le commerce ce sera bien. 

Et pourtant, il taisait ses regrets de quitter la maison de son enfance, la maison de ses pères. Celle du souvenir et des temps heureux. Une nouvelle page se tournait et, devant l’inconnu qui se profilait, la douceur du passé était réconfortante. 
- Regardez, cette jolie maison à pans de bois avec ses trois ouvertures, c’est la maison de vos enfants. Ceux que vous aurez avec Catherine. Ce sera aussi la maison du bonheur… 
Il me regarda, d’abord étonné, puis sourit au futur heureux que j’évoquai. Oui, décida-t-il, ce serait une maison où il serait comblé ! 
- Oh là ! T’en a mis du temps Augustin ! Et pour quoi ? Cette toute petite charge de rien du tout ! 
Les plaisanteries accompagnèrent Augustin dans son nouveau logis et ainsi débuta un nouveau chapitre de l'histoire de sa famille… notre famille…



mercredi 10 juin 2020

Les égarés du XVIème

Ils sont comme une foule située au loin. Ils marchent vers moi et ainsi je les devine de mieux en mieux (ou pas). Parmi eux, je peux distinguer trois groupes différents :
- les premiers sont bien identifiés. Ils sont 23 : ce sont mes ancêtres directs [1].
- derrière eux, le deuxième groupe. Je les connais un peu moins, je les ai trouvés par hasard. Il m’en manque certainement : ce sont les frères et sœurs des premiers. A ce jour ils sont au nombre de 124.
- les derniers sont plus flous : ils restent dans le brouillard. Je sais qu’ils sont là, mais je ne les ai pas trouvés formellement. Ce sont les ancêtres dont j’ai une mention de naissance au XVIème, mais dont je n’ai pas trouvé les actes les concernant. J’en compte 74.

Tous forment mes ancêtres nés au XVIème siècle. Ils sont mes « bouts de branches » [2], les extrémités de mon arbre.


  •  Les biens connus
J’ai donc retrouvé 23 actes de naissance du XVIème. Dans ce groupe je trouve Gaspard, Jean, Charlotte, Urban, Bernarde, Macé et les autres…
Les actes les plus anciens datent de 1567 et 1570

Naissance Ryondel Jean, 1560 © Coll. personnelle

9 sont ceux de femmes. J’y retrouve deux couples et trois cousins. Certains sont témoins d’actes d’autres membres de ce groupe. Ils sont originaires de Haute-Savoie et d’Anjou. En Haute-Savoie ils sont principalement originaires de Samoëns, qui a eu la bonne idée de conserver précieusement ses registres dans ses locaux de la mairie : baptêmes depuis 1552, décès depuis 1568, mariages depuis 1642. Les registres angevins ont été trouvés en ligne sur le site des archives départementales.
Pour certains, j’ai trouvé aussi leurs actes de mariage et décès mais dans ce n'est pas systématique car, dans plusieurs paroisses, il n’y a plus que les registres de baptêmes (mariages et sépultures ayant disparus).

Leurs dates de naissance me sont données par plusieurs sources : la bibliographie pour Gaspard de Sales, dont la branche noble a fait l’objet de plusieurs ouvrages, un répertoire pour deux autres ancêtres (ou du moins je le pense, car les tables ne donnent pas l'identité des parents), les actes de baptême eux-mêmes pour les derniers. Certains sont joliment calligraphié, d’autres… beaucoup moins. 

Naissance Dolbeau Urban, 1596 © AD49

Les actes de Haute-Savoie sont en latin, tandis que ceux de l’Anjou sont en français.
Leurs métiers sont rarement connus : quand ils le sont, nous rencontrons un métayer, des laboureurs, ou un seigneur de noble lignée.
Deux signatures ont été trouvées, dont celle du sergent royal et notaire angevin René Guespin.

Signature de Guespin René, né en 1597 © AD49

Le métier du second signataire, Maugars Jacques, n’est pas connu mais plusieurs sergents royaux et notaires sont témoins de ses noces ce qui suppose une appartenance à un milieu plutôt favorisé.



  •   Les fratries
Trouvés au hasard de mes pérégrination dans le XVIème, ces ancêtres collatéraux sont parfois seuls, parfois plus nombreux; se succédant alors souvent à un rythme d’une naissance tous les deux ans. Cela concerne 42 couples. La moyenne est de 3 enfants par couple, mais cela ne reflète pas la réalité puisque les enfants n’ont pas tous été systématiquement cherchés et que certains membres de la fratrie sont nés au tout début du XVIIème et ne sont donc pas comptabilisés. 
Néanmoins, le record de la plus grande fratrie née au XVIème est de 11 enfants. Il est détenu par le couple Felon Pierre et Chastillon Renée dont les enfants sont nés entre 1579 et 1599 (mon ancêtre direct, Jean, est le petit dernier). 
La naissance la plus ancienne date de 1522 ; il concerne encore la famille de Sales. Je n'ai pas trouvé l'acte, mais la bibliographie donne sa date précise. Or, comme cela concerne François de Sales, père de Saint François de Sales, j'ai tendance à y accorder foi. 

Détail tableau François de Sales © Pourpris historique

On retrouve les deux mêmes régions d’origine : la Haute-Savoie et l’Anjou.
Partir à la recherche des fratries, c’est aussi parfois débloquer une branche et atteindre une génération supplémentaire lorsque les parents sont cités dans un acte concernant un frère/une sœur alors qu’ils ne l’étaient pas dans l’acte de son ancêtre direct. Bref, c'est toujours utile.


  • Les égarés
J’ai trouvé leurs dates de naissance grâce à leurs décès, donnant l’âge « ou environ ». Après vérification, je n’ai pas trouvé leurs actes de baptêmes, souvent à cause de la disparition des registres. Le plus ancien daterait de 1500 tout rond : "l'état des âmes" [3] de Morzine en donne le nom, Jean Baud de Mollie (et même deux générations supplémentaires, mais sans date de naissance). 


Dans ce groupe, la zone géographique est étendue à la Suisse, l’Ain, la Seine et Marne, la Bretagne. Quelques uns sont des frères et sœurs des personnes identifiées dans les deux groupes précédents. Les informations les concernant sont réduites à la portion congrue.
On notera la présence, dans ce groupe, de Le Floc Mathurine, qui serait née en 1573 et décédée en janvier 1677 à Loudéac (Côtes d'Armor)... soit à l'âge de 104 ans ! Il y a bien un acte de naissance en 1573 qui pourrait correspond, cependant, j'ai du mal à lire ce document (ci-dessous). De ce fait l'année de naissance n'est pas très sûre... Mais si l'âge est exact, ce serait assurément la doyenne de ma généalogie !

Possible acte de naissance de Le Floc Mathurine, 1573 © AD22
(oui, je sais, on ne voit rien ! Pour les plus curieux, cet acte de naissance est dans le 
registre de Loudéac, AD22, Lot 1, B 1556/1624, vue 49/386, page de droite)

Ce troisième groupe est suivi d'un éventuel quatrième groupe, composés de ceux qui se sont mariés et/ou sont décédés au tout début du XVIIème (et donc forcément nés au XVIème). Mais ceux-là restent davantage encore dans le brouillard et n'ont pas été comptés. Du travail pour l'avenir peut-être ? 


 
[1] Sur les 1 242 actes de naissances trouvés à ce jour, concernant les 11 200 personnes que compte ma base généalogique (chiffre qui évolue en permanence...).
[2] Exception faite de ma branche noble qui remonte jusqu'au XIVème siècle, voire plus loin selon certaines bibliographies.
[3] Le but de ce document était d’établir la liste de toutes les personnes -les âmes- qui dépendaient spirituellement du curé : il importait donc de procéder à la reconstitution des familles de la paroisse.