C'est la Semaine de la Langue Française et de la Francophonie ! Dans ce cadre, l'édition 2018 de "Dis-moi dix mots" a pour thématique l'oralité et invite chacun à s'interroger sur les multiples usages de la parole : "Dis-moi dix mots sur tous les tons". Ces dix mots sont choisis par les différents partenaires francophones : la France, la Belgique, le Québec, la Suisse et l'Organisation internationale de la Francophonie (qui représente 80 États et gouvernements).
Parler, c'est mobiliser la voix, le ton, l’accent : autant de ressources qui créent un espace de liberté où l’improvisation a toute sa place
Parler, c’est partager. La parole va de pair avec l’écoute.
Parler, c’est transmettre, par la voie de la littérature orale : mythes, légendes, contes… On a tous une histoire à raconter !
Parler, c’est parfois même parler pour ne rien dire, de tout et de rien, de choses et d’autres…
Parler, c’est surtout un plaisir : le plaisir de la réplique que l’on savoure au moment de la prononcer, du bon mot que l’on a sur le bout de la langue.
Bien sûr, j'ai adapté ce défi francophone à la généalogie !
Oralité et généalogie ? Impossible me répondez-vous. La généalogie ce n’est que de l’écrit : des actes, des vieux papiers, des plans…
Mais non bien sûr ! Car le généalogiste qui étudie tous ces documents est dépositaire de la tradition mais ne la garde pas pour lui. Il la transmet et devient ainsi griot [1] – ou griotte (rien à voir avec la cerise… quoique la cuisine ancestrale se raconte tout aussi bien : suivez mon regard…).
Tantôt ce n’est que pauvre jactance [2] : des bavardages inutiles qui usent la patience du généalogiste chercheur de vérité.
D'autres fois c'est un bruit infernal où les sources se mêlent en abondance. Le généalogiste devient alors volubile [3]. Il paraît même que certains crient leur bonheur dans la solitude de leur bureau ou exécutent une folle danse de la joie. Et pour ne pas continuer à se parler à eux-mêmes, isolés dans leur coin, ils peuvent même leur arriver d’ouvrir un blog pour raconter leurs trouvailles et les partager. Ils deviennent alors passeurs d’histoires.
De temps à autre c’est l’ancêtre lui-même qui nous interpelle, lors de curieux rendez-vous intertemporels : « Ohé ! » [4] et, sans transition, le (ou la) voilà qui se met à raconter sa vie avec plus ou moins de bagou [5]. Il faut alors être attentif, car son accent [6] peut vous faire perdre le fil de son babillage si vous n’êtes pas familier de sa langue. Mais pour lui/elle, peu importe : il/elle continue à placoter [7], avec un plaisir particulier pour les anecdotes insolites ou les épisodes de la grande histoire, c’est selon… Leurs souvenirs sont truculents [8], joyeux, sombres parfois. Mais ce sont leurs histoires. Leurs vies.
Tantôt, enfin, il faut tendre l’oreille pour saisir ce que nous susurrent [9] nos ancêtres : l’encre a pâlie, une tâche obscurcit la page du registre tant convoitée ou bien les actes sont très mélangés. Il est alors fort difficile d’entendre leurs voix [10]. Celles-ci ne sont plus que de minces filets, des murmures. Murmures d’ancêtres, évidemment ! ;-)
Mais bruyants ou plus discrets, nos ancêtres ont bien des choses à nous dire. Alors écoutons-les. Et transmettons à notre tour leur parole.
Source des définitions, Le Petit Robert 2017 :
[1] Griot, Griotte
[gʀijo, gʀijɔt] nom
étym. vers 1680 ; guiriot 1637 ◊ peut-être portugais criado, de criar « nourrir, éduquer »
■ En Afrique, Membre de la caste de poètes musiciens, dépositaires de la tradition orale. « Les griots du Roi m'ont chanté la légende véridique de ma race aux sons des hautes kôras » (Senghor).
■ homonyme : Griotte.
[2] Jactance
[ʒaktɑ̃s] nom féminin
étym. 1876 « parole » ◊ de jacter
■ FAM.,VIEILLI Bavardage.
[3] Volubile
[vɔlybil] adjectif
étym. 1812 ; « changeant » début xvie ◊ latin volubilis
1 Bot. Se dit d'une tige grêle qui ne peut s'élever qu'en s'enroulant autour d'un support.
▫ Plante volubile, à tige volubile. Le sens d'enroulement des plantes volubiles peut être dextre (liseron) ou sénestre (houblon).
2 (1897 ; voluble 1824) Courant. Qui parle avec abondance, rapidité. ➙ bavard*, loquace. Être volubile (cf. Avoir la langue* bien pendue). « Éloquente, grandiloquente, volubile, […] agitant autour d'elle des paroles nombreuses » (Colette). « Elle se lança dans une volubile explication » (Martin du Gard).
▫ Adverbe volubilement. « une voix de femme qui parlait volubilement » (Le Clézio).
■ contraire : Silencieux
[4] Ohé
[ɔe] interjection
étym. 1834 ; oé 1215 ◊ latin ohe
■ Interjection servant à appeler. Ohé ! là-bas ! Venez ici. Ohé, les gars !
[5] Bagou
[bagu] nom masculin
étym. fin xviiie ; bagos xvie ◊ de bagouler « parler inconsidérément » (1447) ; de 2. goule
■ Loquacité tendant à convaincre, à faire illusion ou à duper. ➙ faconde, loquacité,
fam. tchatche, volubilité. Avoir du bagou, un bon bagou (➙ baratineur).
▫ On écrit aussi bagout. « Elle ne le cédait à aucune marchande du carreau pour le bagout » (Nerval).
[6] Accent
[aksɑ̃] nom masculin
étym. 1265 ◊ latin accentus
I.
3 (1549) Signe graphique qui note un accent (langues anciennes ; espagnol, langues slaves, etc.).
▫ Signe qui, placé sur une voyelle, la définit (en français). E accent aigu [aksɑ̃tegy] (é : fermé) ; grave (è : ouvert), circonflexe (ê : ouvert ; plus long à l'origine).
▫ Signe diacritique analogue (à ; où).
▫ Caractère typographique correspondant à un accent graphique.
II.
1 (1559) Ensemble des inflexions de la voix (timbre, intensité) permettant d'exprimer un sentiment, une émotion. ➙ inflexion, intonation. « L'accent est l'âme du discours » (Rousseau).
III.
(1680) Ensemble des caractères phonétiques distinctifs d'une communauté linguistique considérés comme un écart par rapport à la norme (dans une langue donnée). L'accent
lorrain, du Midi, normand. Avoir l'accent italien, anglais (en
français) ; l'accent français (en espagnol). « C'est ce qu'elle me dit
en français, avec son accent de rocaille et de chant, cet accent italien
des films qu'on aimait » (V. Olmi).
▫ Absolument Prononciation qui diffère de la norme et qui est rattachée à un fait géographique. Avoir un léger accent. Perdre son accent. Spécialement L'accent du sud de la France (pour les locuteurs du Nord). Parler avec l'accent ([avelasɑ̃]).
[7] Placoter
[plakɔte] verbe intransitif
étym. 1900 ◊ de placoter « patauger » et « s'amuser à des riens », métathèse de clapoter
■ (Canada) Fam. Bavarder. ➙ 2. causer, converser, papoter ; régional jaser. Elle « placote avec bonheur, elle parle de tout ce qui se passe » (M. Laberge).
◆ Cancaner. ➙ régional mémérer. « On a tellement placoté sur son compte dans la famille » (Y. Beauchemin).
▫ Nom masculin (1909) placotage.
[8] Truculent, ente
[tʀykylɑ̃, ɑ̃t] adjectif
étym. fin xve, repris xviiie ◊ latin truculentus « farouche, cruel »
1 Vieux. Qui a ou qui veut se donner une apparence farouche, terrible. « Des gaillards à mine truculente […] frappaient sur les tables des coups de poing à tuer des bœufs » (Gautier).
2 (1872) Mod. Haut en couleur, qui étonne et réjouit par ses excès. Un personnage truculent. ➙ pittoresque.
▫ (Choses) La prose truculente de Rabelais. ➙ savoureux.
[9] Susurrer
[sysyʀe] verbe
étym. 1539 ◊ bas latin susurrare, onomatopée
1 Verbe intransitif Murmurer doucement. ➙ chuchoter. « Sa voix fade susurrait, comme un ruisseau qui coule » (Flaubert).
2 Verbe transitif « Elle susurre quelques mots que je n'entends pas » (C. Orban).
[10] Voix
[vwɑ] nom féminin
étym. fin xe ◊ du latin vox, vocis → vociférer
I. Phénomène acoustique
Son humain
1 Ensemble des sons produits par les vibrations des cordes vocales. Émission de la voix. ➙ articulation, phonation, voisement ; vocal. Altération, modification de la voix (enrouement, extinction de voix, mue). Perte de la voix : aphonie, mutité, mutisme. Être sans voix : être aphone ; fig. rester interdit sous l'effet de l'émotion. ➙ muet.
◆ la voix, organe de la parole. De vive voix : en parlant ; oralement. Je le remercierai de vive voix. Parler à voix basse, à mi-voix, à voix haute ; à haute et intelligible voix. Élever* la voix. Couvrir la voix de qqn, en parlant plus fort que lui. Baisser la voix. Reconnaître la voix de qqn, reconnaître qqn à sa voix. « L'inflexion des voix chères qui se sont tues » (Verlaine). Tousser pour s'éclaircir la voix. Par extension « Les énormes voix des haut-parleurs » (Camus).
▫ Cin. Voix dans le champ*, hors champ* ; voix in, off*.
▫ La voix, exprimant les sentiments, les émotions. D'une voix gaie, gouailleuse, autoritaire. ➙ 2. ton.
▫ Voix de synthèse, voix artificielle, reconstituée par des moyens informatiques.
IIII. Abstrait
1 Ce que nous ressentons en nous-mêmes, nous parlant, nous avertissant, nous inspirant. ➙ appel, avertissement, inspiration. La voix de la conscience, de la nature. La voix du sang*. La voix de la raison. ➙ avis, conseil. Les voix intérieures.
Retrouvez les billets rédigés dans la cadre de l'opération Dis-moi dix mots sur ce blog en 2017 et 2015.