Jean Avalon est riche. Mais il n’a pas forcément de monnaies sonnantes et trébuchantes : il s’agit plutôt de monnaie virtuelle (voir l’article d’hier, ce que j’ai appelé la « fortune de papier ») ! Rassurez-vous pas de carte bleue visa master gold, et encore moins de bitcoins, mais des actes notariés : dots, promesses d’achats, obligations, transports, testaments, etc…* C’est sans doute ce qui explique que Jean ait gardé précieusement tous ces documents : c’était sa fortune.
Par exemple, en août 1689, un contrat d’accord portant une dette en faveur dudit Avalon précise que Jean souhaite retirer 60 livres sur les 150 que lui doit Guillaume Puech : celui-ci s’engage à les lui payer sous trois ans.
Mais avoir une créance et se la faire payer, ce n’est pas la même chose. Les débiteurs ne font pas forcément les bons payeurs. Afin de recouvrer ce qu’on lui doit, il existe plusieurs options pour Jean : il peut intenter des procès. J’en compte un certain nombre parmi les liasses de documents inventoriés.
La dette peut être « transportée » sur une autre personne : X doit 40 livres à Jean ; X fait un transport sur Y (qui lui devait lui-même 40 livres à X) et c’est maintenant Y qui doit les 40 livres à Jean ; X est libéré de sa dette. Vous me direz, Jean n’a toujours pas reçu ses 40 livres, mais peut-être que Y sera meilleur payeur que X. C’est pourquoi, parmi les 400 actes recensés, certains ne concernent pas directement Jean, mais X et Y et leur accord d’origine. J’ai recherché ces documents de « deuxième (voir de troisième) main » afin d’en savoir plus sur la nature de l’arrangement originel, en particulier dans le cas de lacunes des fonds notariés.
Pour reprendre l’exemple précédent l’histoire commence en 1685 quand le sieur Vidal de la Coste fait un contrat de cession à Guillaume Puech pour une valeur de 60 livres. En parallèle, toujours en 1685, ledit sieur s’engage à payer à Jean Avalon la même somme. Deux ans plus tard la dette a « glissée » : elle est passée directement de Guillaume Puech à Jean Avalon. Et, visiblement, elle n’est pas encore payée en 1689 puisque Jean la réclame dans ledit contrat d’accord.
Enfin il y a la famille. Quand on ne peut payer soi-même, on fait appel à l’argent de la famille. Ainsi en 1693 Pierre Dangles doit 120 livres à Jean Avalon : il fait une « cession » devant notaire où il transporte les 120 livre sur la dot offerte par Marguerite Campredon, veuve de Jean Louis Lavaur, à Françoise Lavaur sa fille et épouse dudit Dangles. Vous avez suivi ? En fait Pierre se sert de la dot promise par ses beaux-parents pour payer Jean.
Parfois la situation se complique car l’un des débiteurs est décédé. Par exemple en 1694 Jean Belloc transporte les 80 livres qu’il devait à Jean Avalon à prendre sur Louise Franque (sa belle-sœur) veuve de Jean Bosc puisque ledit feu Bosc devait la même somme à Antoinette Franque son épouse. Oui, je sais, moi aussi ça m’a fait un peu mal à la tête quand j’ai épluché tous ces documents et que j’ai dû reconstituer le fil des filiations.
Parfois il faut du temps pour recouvrer sa dette : quinze ans ou plus… Ainsi Antoine Vialade, qui devait 340 livres à Jacques Pervenquieres en 1671, finit par les devoir à Jean Avalon… en 1691 ! L’histoire ne dit pas quand la dette fut enfin réglée.
Longtemps, longtemps... © pixabay
Par ailleurs, quand on hérite de ses parents, on ne reçoit pas (toujours) que des meubles : on peut aussi hériter des dettes. Nombreux sont les documents qui précisent que la somme est due par les héritiers du créancier originel.
Comme on l’a vu hier, la dette est un des fondements des relations sociales et on sait que tout sera fait pour quelle soit payée (les dettes irrécupérables restent finalement assez marginales). Bref, tout vient à point à qui sait attendre…
* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie (>lien) de ce blog pour le découvrir !