« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

mardi 21 novembre 2023

R comme Restants

Dans les registres de Conques, on trouve souvent la mention de « restant » ou « restante ». Ce terme signifie « habitant ». Il est utilisé quelques fois pour désigner qu’un qui habite un lieu.

"…Jacques Baxet Me maçon âgé d’environ 24 ans fils légitime à feu Etienne Baxet et à Jeanne Fonteille mariés du lieu de Montignac, ledit Jacques Baxet restant dans la ville de Conques depuis environ 7 ans"

 

Ou quelqu’un qui demeure chez une personne en particulier.

"… et la marraine Marianne Lacombe tante maternelle du baptisé restante au service de Mr le curé de Conques"

 

Néanmoins, la très grande majorité des restant(e)s sont des personnes qui habitent à temps complet, voire travaillent, pour l’hospice.

Ancien hospice de Conques © coll. personnelle

L’hôpital de Conques  a été fondé au XIIIème siècle pour accueillir les pèlerins. Supprimé au début du XVIIIème, il fut rouvert en 1762 afin de « rétablir un azile où, non seulement les pauvres malades trouveroient les secours qu’ils ne peuvent se procurer dans les autres hôpitaux […] mais les nécessiteux trouveroient aussi une retraite et l’occasion de se former aux manufactures ».

Il accueille donc non seulement des malades, mais aussi entretient la population en lui donnant du travail (nombreux sont les cultivateurs ou tisserands "de l’hôpital") : les lettres patentes royales de 1762 permettent la création d'une « manufacture de bonneterie ou de draperie pour que les enfants et les pauvres valides puissent y être employés ».

« Les pauvres malades ou invalides des paroisses » doivent pouvoir y être accueillis ainsi que les « mendiants, valides ou invalides ».

Il est établi sur un terrain donné par les sœurs de l’Union. Il est géré par un bureau, un syndic et deux sœurs. 80 invalides sont recensés au XVIIIème siècle, y compris des enfants.

 

On y réside à temps complet, on y travaille, on y abandonne ses enfants et on y meurt…

 

Je compte environ 25 restant(e)s à l’hôpital dans la décennie étudiée.

 

Certains sont alternativement qualifié de pauvres et de restants.

"… son parrain a été Joseph Delagnes pauvre de l'hôpital…" (1780)

"… son parrain a été Joseph Delagnes demeurant à l'hôpital…" (1782)

"… son parrain a été Joseph Delagnes restant à l'hôpital…" (1786)

 

Ou restants/hospitaliers.

Baptême Guillaume, 1788 © AD12

"… son parrain a été Guillaume Selves restant à l'hôpital…" (1788)

"…présents […] Guillaume Selves hospitalier…" (1789)

 

7 sont des femmes.

"… sa marraine a été Jeanne Vidal restante audit hôpital…"

"… sa marraine a été Magdelaine Servières restante à l’hôpital…"

"… sa marraine fut Anne Piganhol restante à l'hôpital de Conques…"

 

Plusieurs ont des métiers 

  • des tisserands, comme Alexis Lacombe : d’abord qualifié de tisserand puis de restant à l'hôpital à partir de 1783 et « affidé à l'hôpital » lors de son décès en 1798. Pierre Dangles est lui aussi tisserand/restant à l’hôpital.
  •  un cardeur - personne démêlant (cardant) la laine - (Guillaume Alary).
  • un fournier - propriétaire ou gérant d'un four qui cuit la pâte que d'autres ont pétrie, sorte de boulanger  - (Jacques Alran).
  • ou un vigneron (Joseph Bonal).

L’hospice est un lieu d’accueil des pauvres, mais c’est aussi un lieu où l’on soigne. L’une des sœurs du couvent de Conques, Catherine Cabroulie, est dite restante : sans doute y jouait-elle le rôle d’infirmière. Pierre Chatelier est dit praticien en 1789 et même « praticien de la maison communale de l'hôpital » un peu plus tard en l'an II (1794).


Seuls deux restants sont lettrés et signent : Jacques Alran et Pierre Chatelier.

Baptême Marianne Bobis, 1785 © AD12

Ils sont par ailleurs beaux-frères par alliance (la sœur de Pierre ayant épousé le frère de l'épouse de Jacques).


Ces restant(e)s sont sollicité(e)s à de très nombreuses reprises en tant que témoins ou parrains/marraines. Guillaume Alary apparaît ainsi 26 fois, Alexis Lacombe 40 fois, Pierre Chatelier 42 fois. Le record est détenu par Joseph Delagnes : 60 fois.


Enfin, de nombreux enfants y sont abandonnés.

Baptême Benoit, 1789 © AD12

"... benoit enfant trouvé exposé à la porte de l'hôpital fils a pere et mere inconnus..."

Nous reviendrons sur ces enfants à la lettre X de ce ChallengeAZ.



 

5 commentaires:

  1. On n'a pas toujours un commentaire pertinent à ajouter, simplement, j'aime !

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  2. J’adore les vieilles pierres. La photo de l’hospice me fait rêver 🤗

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    1. Alors il faut venir à Conques : c'est le rêve intégral ! (mais pas en été hein, sinon le rêve peut tourner au cauchemar, hélas)
      Mélanie - Murmures d'ancêtres

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  3. merci pour cette découverte, je ne connaissais pas le terme "restant"

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