« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 11 novembre 2023

J comme Jeunes et moins jeunes

Il n'est pas toujours facile de déterminer les âges d'après les registres de Conques.

 


Les curés et vicaires paroissiaux n’indiquent jamais (ou trop rarement) les âges au mariage : on peut les compter sur les doigts d’une main. Des recherches complémentaires m’ont permis de calculer l’âge des trois quarts des protagonistes : sur les 120 personnes mariées à Conques entre 1780 et 1790, 94 personnes ont un âge déterminé. Toutefois ces âges sont à prendre avec précaution : certains sont estimés d’après l’âge au décès (l’acte de naissance n’ayant pas été retrouvé) et sont donc sujet à caution.

D’après ces chiffres, la moyenne d’âge au mariage serait d’un peu moins de 29 ans.

La mariée la plus jeune (de façon certaine) est Anne ou Marianne Souletier, âgée de 15 ans. Elle aura son premier enfant deux ans plus tard, une fille qui ne vivra que deux semaines ; puis une autre l’année suivante mort-née. Et d’autres encore nés en dehors de la période étudiée (qui ont atteint l’âge adulte). Elle meurt en 1856 dite âgée de cent ans (bon en fait elle n’en avait que 85…).

Elle se marie donc en 1787, avec Jean Fraisse, un vigneron qui est âgé de 34 ans. Ce qui fait que ce couple détient un autre record, celui du plus grand écart d’âge entre les conjoints : 19 ans de différence.

 

Le marié le plus jeune est Antoine Chincholle, marié à 16 ans. Rappelons qu’à cette période la majorité matrimoniale religieuse (c'est-à-dire âge auquel une personne peut s'engager dans le mariage sans l'autorisation de ses parents ou tuteurs) est alors de 30 ans pour les hommes et 25 pour les femmes ; cependant l'âge nubile (état d'une personne en âge de se marier) est de 14 ans pour les hommes et 12 pour les femmes.

Le jeune Antoine, menuisier de son état, épouse en 1784 une fille de bourgeois, Marie Jeanne Baurs, de 11 ans son aînée. Ils s’installent dans la paroisse d’origine d’Antoine, Rignac : ils quittent donc le cadre de mon étude, mais je sais qu’ils auront là-bas plusieurs enfants au moins à partir de 1789.

 

A contrario la mariée la plus âgée a 48 ans environ : il s’agit de Catherine Savi. Son époux en avait 50 : il est lui aussi le marié le plus âgé. Pourquoi ce mariage tardif ? Mystère. Il ne semble pas que les époux aient convolé en premières noces (en tout cas ils ne sont mentionnés veuf/veuve ni l’un ni l’autre). Je sais par ailleurs que Catherine était au service de Me Benazech, notaire.

 


 

Concernant les âges au décès, sur les 345 actes de décès trouvés entre 1780 et 1790, une quinzaine d’actes ne précisent pas l’âge des défunts.

 

6 seraient nonagénaires. Parmi eux, le plus âgé serait Victor Lafon décédé à 96 ans.

Sépulture Victor Lafon, 1787 © AD12

"Victor Lafon veuf de Marie Jalfs âgé d’environ quatre vingt seize ans décédé le jour d’hier…"

Bon, en fait il était âgé de 82 ans.

 

Le suivant, Jean Anterrieux, est dit âgé de 95 ans. Il est né en fait le 12 octobre 1700 : seulement 85 ans au décès.

Marguerite Blax, sensément âgée de 90, en avait en fait 84, Charles Delfieux seulement 85 au lieu de 90 et Antoinette Escudier 84 au lieu de 90. Bref, peu de chance qu’il y ait en fait des nonagénaires à Conques. Il ne reste en lice plus que Catherine Roques, dite âgée de 95 ans, décédée en 1785. Je n’ai pas trouvé sa naissance. L’acte de naissance le plus rapproché qui pourrait correspondre est celui d’une Catherine Roques mariée en 1747, née en 1714 dans une paroisse voisine (soit 71 ans seulement). Je ne sais pas si c’est bien elle, mais si c’est le cas, cela l’élimine aussi des nonagénaires.

 

Après vérification des âges, c’est dans les tranches 60/69 et 70/79 ans que les adultes meurent le plus : 12% des décès de la période.

Mais hélas, toutes tranches d’âge confondues, ce sont les moins de 10 ans les plus touchés : 47%, ou 162 décès. Et parmi eux, 63 n’ont pas atteint l’âge d’un an ; ce qui représente 18% des décès de toute la décennie. 25 sont mort-nés.

On devine ici que la misère tient la population dans sa poigne de fer.

 


 

 

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