« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 2 novembre 2023

B comme Baptisé sous condition

Le baptême assure à l’enfant son éternité et lui permet d’être enterré en terre consacrée. Un enfant mort-né ou en danger de mort à la naissance peut être "ondoyé" par la sage femme ; geste lui ouvrant le ciel en cas de décès. Il doit toutefois être réellement baptisé, l’ondoiement n’étant pas un baptême. Il est alors conduit devant un prêtre pour être baptisé "sous condition" : il suffit que les témoins attestent qu’ils ont aperçu un mouvement du cœur, un semblant de respiration, le tressaillement d’un doigt, un souffle … cela suffit, même s’il est décédé au moment où il paraît devant le prêtre. 

Le baptême, Longhi Pietro © meisterdrucke.fr
 

Les bébés ondoyés et baptisés sous condition sont nombreux à Conques :

Baptême Gabrielle Besamat, 1784 © AD12
"Gabrielle Besamat fille légitime et naturelle de Jean Besamat et de Catherine Condamine mariés habitants dudit Conques naquit le 15 février 1784et fut baptisée sous condition le lendemain par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Jeanne Rols sage femme, sa marraine fut Gabrielle Vigouroux de Conques qui n'a su signer de ce requise"

 

La sage femme Jeanne Rols est (peut-être) la fille de mes sosas 272 et 273. Nous reparlerons d’elle au cours de ce ChallengeAZ. La fillette ne survivra que quelques jours.


Il n’y a pas que la sage femme qui peut ondoyer l’enfant : des médecins qui assistent la mère dans son accouchement le peuvent.

"L’an 1788 et le 1er janvier a été ondoyée à la maison par le sieur Pomarede chirurgien de la présente ville soussigné une fille naissante de François Andrieu…"

 

"Une fille naissante à Pierre Bobis et Catherine Tarral mariés née et ondoyée à la maison par nécessité par Mr Me Pons docteur en médecine ainsi qu'il nous a été attesté, et décédée le 1er juillet 1782, a été inhumée le lendemain"

 

Comme on le voit, un bébé ondoyé n’est pas forcément baptisé sous condition ensuite (en tout cas ce baptême particulier n’est pas toujours mentionné).

 

Mais d’autres personnes aussi peuvent ondoyer l'enfant, appartenant à la famille ou non, parfois simplement présents lors de la naissance du fragile nouveau-né.

 

Baptême Joseph François Falissard, 1782 © AD12
"Joseph François Falissard [...] est né et a été ondoyé à la maison par nécessité ce jourd'hui par le sieur Michel Falissard grand oncle cependant nous avoit cru qu'il était prudent de lui donner le baptême sous condition ce que nous nous avons fait ce jourd'hui…"

 

"Marie Jeanne Escudier […] baptisée sous condition par nous vicaire soussigné ayant été baptisée la veille à la maison à cause du danger de mort par François Roux cordonnier…"


"[…] a été baptisé sous condition Jacques Gaffart né de la veille […] ayant été ondoyé a la maison y ayant cas de nécessité par Antoine Escudier cordonnier qui n’a su signer…"


"Marianne Rols fille légitime et naturelle de François Rols et de Marie Jeanne Cussac naquit le dix huit juillet mil sept cent quatre vingt trois et fut baptisée sous condition par nous vicaire soussigné, ladite Rols ayant été ondoyée à la maison par Anne de Villecomtal épouse de François Ferrieres y ayant nécessité, son parrain a été Antoine Lagarrigue Me cordonnier et sa marraine Marie Anne Cussac tante maternelle de la baptisée qui n'a su signer"

 

Marianne ne survivra que quelques jours. François Rols (frère de Jeanne la sage femme) est mon sosa 136 ; il perdra trois filles, toutes prénommées Marianne, dans ces conditions.

 

Des enfants exposés à la porte de l’hôpital sont aussi parfois baptisés sous condition.

 

"François fils à père et mère inconnus exposé cette nuit à la porte de l'hôpital a été baptisé sous condition ce 16 avril 1783..."

 

Ce fragile petit François survivra deux ans avant de s’éteindre.

 

"Pierre Jean Bories fils légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, son parrain fut Pierre Jean Martin étudiant en philosophie soussigné"

"Maries Bories fille légitime et naturelle de me Pierre Bories Me chirurgien et de demoiselle Hélène Vergnhe naquit le vingt et cinq février mil sept cent quatre vingt quatre et fut baptisée sous condition le même jour par nous vicaire soussigné ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques, sa marraine fut Catherine Bories sœur de la baptisée qui n'a su signer de ce requise"

Les deux jumeaux sont décédés le même jour 5 février.

 

Une dernière situation similaire, mais avec une formulation différente.

"Le 3ème jour du mois de novembre 1780 ont été suppléé les formalités de baptême de Françoise Escudier fille légitime d’Antoine Escudier cordonnier et de Jeanne Panissier mariés de la ville de Conques ayant reçu l'eau a la maison par Antoine Anterrieux ici présent le tout très régulièrement a cause du danger de mort de l'enfant…"

 

 

7 commentaires:

  1. Merci et bravo pour ce texte au sujet méconnu et intéressant

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  2. Merci pour cet article fourni. C'est grâce à un ondoiement que j'ai découvert qu'une de mes ancêtres avait été sage-femme ai XVIIIe siecle
    https://tracesetpetitscailloux.over-blog.com/2022/01/52weeks-52ancestors-favorite-find-trouvaille-preferee-marie-louise-herbault-ca-1735-ca-1800.html

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  3. J'ai appris au catéchisme que l'on pouvait baptiser qqun qui ne l'était pas et qui était en danger de mort. Je veux dire encore aujourd'hui

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  4. Très intéressant, je vais approfondir mes actes de baptême !

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  5. L'occasion, peut-être, de rappeler que tout le monde peut baptiser, dans des circonstances exceptionnelles. Il faut prononcer la formule valide « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » ; et verser de l’eau sur la personne.

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  6. Bonjour, très intéressant. L'occasion aussi de rappeler l'existence des chapelles de répit, dans le même but de "constater" un quelconque signe vital avant de baptiser l'enfant.

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  7. Suite de mon commentaire : ces sanctuaires a répit sont connus dans l'est de la France, en Belgique, en Italie et, pour ce qui me concerne, en Savoie.

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