« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

dimanche 5 janvier 2014

On joue aux devinettes ?

C'était peut-être évident à l'époque, mais pour nous, plusieurs siècles plus tard, c'est parfois compliqué de suivre le fil : dans un certain nombre d'actes, le rédacteur prend quelques libertés avec l'identité des personnes concernées.

Ainsi il m'est arrivé plusieurs fois de trouver des actes dans lesquels la personne concernée n'est pas nommée. Bien sûr, cela concerne toujours des femmes (comme par hasard . . . ) : elles sont alors dites "femme de . . . ".


 Décès Ferrant Loysse, 1639, Bauné (AD49)

"Enterrée la femme de Laurent Toullon âgée de soixante douze ans ou environ"

En 1631, deux actes se suivent dans les registres de Pellouailles :


 Décès Bougard André, 1631, Pellouailles (AD49)

 
 Décès Viau Françoise, 1631, Pellouailles (AD49)

"Le troisième jour de juillet fut ensepulturé dans le cimetière de Pellouailles le corps du deffunt André Bougard par moy souls signé"
"La semaine (?) suivante fut ensepulturé la femme dudit Bougard et trois de ses enfants dans ledit cimetière par moy souls signé."

A nouveau l'identité de l'épouse n'est pas précisée, ni celle des trois enfants malheureusement décédés en même temps; ni la date précise : cela se complique.

Mais la palme revient sans conteste au curé de Saint Sylvain d'Anjou :


Acte de mariage de Baussay Jean et Le Gaigneux Françoise, 1640, Saint Sylvain d'Anjou (AD49)


"Le samedy dernier jour de juin 1640 ont espousés en l'église de St Sylvain sur les six ou sept heures du matin [...] Jean Baussé fils de Pierre Baussay et Claude Balluin ses père et mère d'une part et   [manque l'épouse et sa parentèle] ". 

Il s'est arrêté en pleine phrase !

Que s'est-il passé ? Le curé est parti déjeuner et il a oublié de finir son travail en revenant l'après-midi ? Ou bien n'a-t-il même pas pris la peine de s’enquérir de l'identité de celle qu'il a mariée le matin même ? 

Alors, moi je veux bien jouer aux devinettes, mais il y a des limites.


mercredi 1 janvier 2014

Voeux venus des âges lointains

Incroyable ! au détour d'un vieux registre (daté de 1728), j'ai trouvé ces vœux tout droit venus du passé . . .



Je vous les transmets à mon tour et vous souhaite une année émaillée de généapépites et heureuses généatrouvailles.

mardi 24 décembre 2013

Avent généalogique

Pour ceux qui n'auraient pas suivi toutes les gourmandises journalières publiées sur Twitter pendant ce mois de décembre, les voici réunies ici :

Calendrier de l'avent, Photo Pin

1 : c'est UN arbre, et c'est le commencement de tout . . .
2 : c'est le nombre de pays où je trouve des ancêtres dans ma généalogie (la France et la Suisse).
3 : c'est le nombre de Helipx (prénom féminin) dans ma généalogie - mais je ne sais même pas comment ça se prononce !
4 +100=104 (je sais je triche) c'est l'âge de Mathurine Le Floc (sosa 7033) selon son acte de décès.
5 : c'est le nombre de siècles de ma généalogie (sans celui-ci) : Henri IV, Molière, Le Titien, Versailles, la Révolution, la première guerre mondiale . . .
6 : c'est le nombre de semaines entre le mariage de Coutand François/Cousseau Renée et la naissance de leur fils Pierre.
7 c'est le nombre de décès dans la famille Daburon en moins d'un mois en 1626 à Bauné alors que la peste sévit . . .
8 : c'est le nombre de naissances maximum pour un même jour calendaire (le 12 juin et 17 décembre à égalité).
9 : c'est le nombre maximum de décès par an pendant la Révolution (1789/1800), sans rapport apparent avec la période.
10 : c'est le nombre de "propriétaires" dans ma généalogie.
11 : c'est le nombre de métiers exclusivement féminins dans ma généalogie (blanchisseuse, fille de peine, mercière . . . ).
12 : c'est le numéro de département à l'origine de tout : l'Aveyron.
13 : c'est l'âge de plusieurs mariées de ma généalogie (le record c'est 12, mais c'était déjà pris !).
14 : c'est le nombre d'enfants pour le couple Le Boucher/Pillet à Jarzé (49) entre 1656 et 1676 (record non battu).
15 : c'est le nombre de générations dans ma généalogie retrouvées à ce jour.
16 : c'est le siècle où j'ai retrouvé les documents les plus anciens.
17 : c'est le pourcentage d'ancêtres prénommées Marie dans ma généalogie.
18 : c'est le nombre de sources différentes utilisées (registres Baptême-Mariage-Sépulture, cahier de doléance, testaments, contrats de mariage, recensements, cartes de Cassini, etc . . . ).
19 : c'est l'année (1919) où mon arrière-grand-père est revenu de la 1ère guerre mondiale. Pourquoi si tard ? C'est encore un mystère.
20 : c'est le pourcentage de signatures féminines parmi toutes les signatures d'ancêtres retrouvées à ce jour.
21: c'est l'âge de décès le plus jeune dans ma généalogie directe (Barbot Marie sosa 75), décédée "dans son domicile".
22 : c'est le pourcentage de vignerons parmi mes ancêtres.
23 : c'est le nombre de départements où je trouve des ancêtres en France.
24 : c'est à peu près le nombre d'heures (par jour, bien sûr ! ) pendant lesquelles je pense généalogie. Ah ! passion quand tu nous tiens . . .
 

vendredi 20 décembre 2013

Capable d'enseigner

Mon arrière-grand-mère maternelle Flora Roy est née en 1900 tout rond, à Saint-Amand-sur-Sèvre (79). Son histoire est presque un roman et mériterait un article à part entière. Aujourd'hui néanmoins je vais me concentrer sur un document qui m'est parvenu : son brevet de capacité pour l'enseignement primaire.

BCEP, coll. personnelle

Aux termes de l'article Ier de la loi du 16 juin 1881, nul ne peut, en France, exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
Il existe deux brevets de capacité pour l'enseignement primaire : le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Le premier se passait à 16 ans, le second à 18.
Le premier est le seul titre requis pour enseigner dans un établissement quelconque d'enseignement primaire public ou privé.
Le second confère aux maîtres et maîtresses qui en sont pourvus certains privilèges, tels que la nomination aux fonctions d'adjoint ou d'adjointe dans les écoles primaire, etc...

Les intitulés concernant cet examen sont si savoureux, que je ne résiste pas à vous les livrer [et à les commenter . . . ].

L'examen comprend trois séries d'épreuves :

Epreuves de la première série. —  

1° Une dictée d'orthographe d'une page environ, choisie dans nos meilleurs auteurs. [J'adore cette expression]
Des questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte (définition du sens d'un mot, d'une expression ou d'une phrase ; analyse d'un mot ou d'une proposition). Il est accordé une demi-heure aux candidats pour revoir la dictée et pour répondre par écrit aux questions posées.
Chacune des deux parties de l'épreuve est cotée de 0 à 10 ;
2° Un exercice de composition française (lettre ou récit d'un genre très simple, explication d'un proverbe, d'une maxime, d'un précepte de morale ou d'éducation). 
Durée de l'épreuve : deux heures ;
3° Une question d'arithmétique et de système métrique, et la solution raisonnée d'un problème comprenant l'application des quatre règles (nombres entiers, fractions, mesure des surfaces et des volumes simples). [Hum, hum . . . ça fait rêver la littéraire que je suis]
Durée de l'épreuve : deux heures. 

Epreuves de la deuxième série. — 

Les aspirants doivent : 
 1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter à main levée un croquis côté d'un objet usuel de forme très simple (plan, coupe, élévation). 
Durée de l'épreuve : une heure et demie ;
3° Exécuter les exercices les plus élémentaires de gymnastique prévus par le programme des écoles primaires. 
Durée de l'épreuve : dix minutes au maximum. 

Les aspirantes doivent : [les épreuves pour les garçons et pour les filles sont donc différentes : bonjour le sexisme]
1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
2° Exécuter un dessin au trait d'après un objet usuel. 
Durée de l'épreuve : une heure ;
3° Exécuter, sous la surveillance de dames désignées à cet effet par le recteur, les travaux à l'aiguille prescrits par l'article 1er de la loi du 28 mars 1882. 
Durée de l'épreuve : une heure. [Ah, Ah, Ah, on comprend les épreuves différentes]
 
Epreuves de la troisième série.

1° Lecture expliquée ; la lecture se fera dans un recueil de morceaux choisis en prose et en vers ; des questions seront adressées aux candidats sur le sens des mots, la liaison des idées, la construction et la grammaire ;
2° Questions d'arithmétique et de système métrique ;
3° Questions sur les éléments de l'histoire nationale et de l'instruction civique ; sur la géographie de la France avec tracé au tableau noir ;
4° Questions et exercices très élémentaires de solfège ;
5° Questions sur les notions les plus élémentaires des sciences physiques et naturelles et sur les matières de l'enseignement agricole.
Dix minutes au maximum sont consacrées à chacune de ces épreuves.

Nous rappelons aux candidats que :

ART. 1 et 2 : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat constitue un délit. — Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de 1 épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de un mois à trois ans et à une amende de 100 francs à 10 000 francs, ou à l'une de ces peines seulement. *

 [Gloups !]

Je ne sais pas, hélas, quels étaient les intitulés exacts des épreuves que Flora a passées. Mais rien qu'au travers de ces quelques lignes on sent bien une autre époque (et je ne reviendrai même pas sur les travaux d'aiguilles).

Enfin, au cas où vous auriez été distrait pendant cette lecture de cet article (et surtout si vous n'avez pas examiné le brevet à la loupe), je vous rappelle que Flora a obtenu son brevet d'enseignement alors qu'elle n'était âgée que de 15 ans tout juste (tout de même). Elle a dû bénéficier d'une dispense pour pouvoir passer son examen.
Autre temps, autre époque.

Cet examen lui permis d'être institutrice primaire. Elle exerça notamment au pensionna du Sacré Cœur (avant de rejoindre son mari à la boucherie conjugale, changeant ainsi complètement de voie).

Flora Roy, 1918, coll. personnelle

C'était mon arrière-grand-mère (on l'appelait la "petite mamie") et je l'ai connue.

(*Source : inrp.fr)