« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 29 août 2014

Marions-nous ! épisode n°1

Le mariage est l'événement clé du devenir familial. Il faut donc trouver un bon parti. Mais ce qui fait le "bon" obéit à différentes logiques :
  • l'âge, qui doit être suffisant pour la procréation.
  • le statut social.
  • les terres et la dot en jeu.
L'amour semble donc entrer finalement assez peu en ligne de compte, et ce pendant longtemps. Ce qui ne signifie pas qu'il en est totalement exclu non plus, Dieu merci !

La paroisse est le bassin principal du choix conjugal. Les rencontres aux veillées, aux foires, autour du four ou de la fontaine, lors des processions : autant de possibilités de rencontrer son futur conjoint et d'évaluer les enjeux de la future noce.

 Bouquet de fiançailles, cparama

Si les familles ne s'y opposent pas, les jeunes gens peuvent "se fréquenter". En Haute-Savoie, il était d'usage que le garçon offre un cadeau à la jeune fille, gage de promesse : une croix, un mouchoir, des rubans, parfois une simple pièce. Si la jeune fille l'accepte, cela signifie qu'elle s'engage elle aussi vis-à-vis du garçon; sorte de fiançailles officieuses.

La parentèle peut alors intervenir ouvertement, pour négocier au mieux les intérêts de chacun. C'est le moment des choses sérieuses : terres, bétail, argent, trousseau seront âprement négociés.

Comme nous l'avons dit plus haut, la procréation est un des buts essentiels du mariage : les époux se doivent donc d'être en âge de procréer, notamment en ce qui concerne une première union. Lorsque la descendance est assurée, cette question est moins pressante; mais l'éducation des enfants la remplace dans l'ordre des priorités.

S'il arrive que les familles s'arrangent entre elles alors que les enfants sont encore petits (pour réunir des propriétés voisines, par exemple), elles attendent néanmoins l'âge de la procréation pour officialiser les noces.

Dans ma généalogie, la moyenne d'âge des époux est de 28 ans; celle des épouses de 23 ans. Néanmoins il y a quelques extrêmes :
  • l’époux le plus âgé : Rouault Pierre a 64 ans, lorsqu'il se marie le 7 juin 1757 à Villevêque - 49 (il s'agit d'une seconde noce et son épouse n'a que... 27 ans !).
  • l’épouse la plus âgée : Picard Marie Anne a 39 ans, mariée le 6 juillet 1728 à Guérard - 77 (seconde noce également - l'époux a 24 ans).
  • l’époux le plus jeune : Beroud Claude a 15 ans, marié le 14/2/1774 à Lalleyriat - 01 (il aura son premier enfant dès l'année suivante; son épouse est de trois ans plus âgée).
  • l’épouse la plus jeune : Pradellis Marie a 13 ans, mariée le 27 janvier 1761 à Ginolhac - 12 (elle aura son premier enfant 5 ans plus tard; son époux a 29 ans lors du mariage).

Dans les actes de mariages (du XIXème siècle notamment, plus rarement avant), l'officier d'état civil ou le curé mentionnent la majorité matrimoniale et précisent si les époux sont majeurs ou mineurs.

Extrait de l'acte de mariage Guetté/Bertrand, AD79

L'âge de la majorité matrimoniale a évolué au fil des siècles. En dessous de cet âge il était impossible de se marier sans le consentement des parents.
  • De 1579 au 19 septembre 1792 : 30 ans pour les hommes et 25 ans pour les femmes.
  • Du 20 septembre 1792 à 1804 : 21 ans pour les deux sexes.
  • De 1804 à 1906 : 25 ans pour les hommes et 21 ans pour les femmes.
  • De 1907 à 1973 : 21 ans pour les deux sexes.
  • Depuis 1974 : 18 ans pour les deux sexes.

En fonction de certaines régions, l'âge de la majorité était différente, ainsi en Bretagne, sous l'Ancien Régime, la majorité était de 25 ans pour les hommes et 25 ans pour les filles.
Bien sûr, être mineur n'exclut pas le mariage : il s'agit simplement de l'autorisation parentale. 

On a donc trouvé la bonne personne; on a l'âge requis; maintenant les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Mais on est encore loin du jour des noces, comme on le verra dans l'épisode n°2...



mercredi 20 août 2014

Les coiffes de nos grands-mères

Les avez-vous remarquées sur vos clichés familiaux ? Attentifs aux visages, on ne fait pas forcément attention aux vêtements. Et pourtant...

On considère généralement qu'à partir du XIVème siècle apparaît le costume dit "personnalisé". On voit une différenciation des vêtements masculins et féminins, mais aussi des particularités régionales.

Au sein d'une même région, on distingue des différences notables dans le costume traditionnel. Par exemple, on ne peut pas parler "du costume breton" mais "des costumes bretons" tellement il existe de variantes, en particulier au niveau des coiffes. Si les techniques, comme le point de chaînette, sont les mêmes partout, chaque pays, chaque localité possède son propre style et ses propres motifs.
On a ainsi compté plus de soixante modes féminines différentes en Bretagne. Les couleurs, les broderies, les types de vêtements, les accessoires… Autant d’éléments qui distinguent une mode d’une autre. 

Ces différences géographiques s’accompagnent d’évolutions dans le temps. De 1850 à 1950, les costumes ne sont pas restés figés et chaque génération apporte des changements aux modes précédentes. Par ailleurs, il faut différencier les costumes portés le dimanche ou lors de cérémonie, du vêtement de travail. De la même manière, on distingue la coiffe usuelle, que l'on porte quotidiennement, de celle des jours de fête.

En Vendée c'est à l'éventaire du colporteur, puis plus tard auprès du mercier ambulant lors des grandes foires, que les paysannes vont trouver les éléments du trousseau qu'elles vont confectionner, ainsi que les éléments de la coiffe qu'elles fourniront ensuite à la lingère pour qu'elle la leur réalise.
Durant tout le XIXème siècle, vont naître de nombreux "grands magasins" qui proposeront leurs produits sur leurs catalogues. Désormais, les femmes choisissent tranquillement chez elles parmi une offre très vaste, tous les articles de mercerie nécessaires à la confection de leur coiffe, ainsi que leurs bonnets pour leur usage quotidien.


Catalogue Samaritaine, Gallica

Parmi les différents éléments du costume, la coiffe possède une connotation particulière, une conscience sociale. On fait remonter son usage, telle que nous la connaissons, à la première moitié du XIVème siècle. Mais depuis toujours, la tradition judéo-chrétienne (et avant celles-ci les religions antiques) désirait soustraire du regard des hommes les chevelures féminines, sujets de leurs désirs irrépressibles. A la puberté, les jeunes femmes ont donc pris la précaution de se chapeauter et ne sortent plus "en cheveux". Les femmes du peuple se couvraient la tête avec simplicité, et les aristocrates avec plus de recherche. Simple voile, petit bonnet de coton, ou hennin sophistiqué, chaque femme, quelle que soit son appartenance sociale ou religieuse, se doit de couvrir ses cheveux.

Le costume féminin, et particulièrement la coiffe, continue d’exister jusqu’au milieu du XXème siècle, date à laquelle, progressivement, les modes citadines sont adoptées et les costumes abandonnés.

Les coiffes sont des objets à la fois très précaires et porteurs d'une multiple mémoire. Précaires par la fragilité du tissu, de leur montage, leur légèreté ... Mais objets tenaces aussi, porteur d'histoires, des vies paysannes, des identités, des grands moments de l'existence (mariage, cérémonie, morts des proches...).

La coiffe paysanne consiste le plus souvent en une pièce de tissu simplement nouée et drapée autour de la tête. La forme évolue au cours des siècles, tant dans le volume que dans l'ornement. Mais au début du XIXème siècle, au simple rôle utilitaire que jouait le bonnet à la française porté par les paysannes, va se substituer un rôle essentiellement social. Le bonnet, se transformant en coiffe, va devenir le véritable signe d'identité de la femme du peuple. Cette évolution va débuter après la Restauration, vers 1815, et la guerre de 1914 en achèvera le déclin. L'heure de gloire des coiffes correspond aux heures de gloire de la paysannerie française.

Je n'ai malheureusement aucun cliché de mon aïeule bretonne, installée en Ile de France au tout début du XXème siècle. Et aucune coiffe savoyarde ou aveyronnaise ne figure sur les photos en ma possession.

Par contre, sur tous les clichés que je possèdent de mon arrière-arrière-grand-mère, Louise Chatelain, on la voit arborer la coiffe angevine.


Louise Chatelain, 1917, coll. personnelle 

Il s'agit de la coiffe des Ponts-de-Cé (49).
Appelée aussi coiffe à grand devant, cette coiffe est historiquement la première coiffe à tuyaux de l’Anjou et était portée tant à Angers qu'aux alentours. Elle deviendra le symbole de l’Anjou dans l’imaginaire collectif, comme la Bigouden en Bretagne. 
Le fond de coiffe et la passe sont taillés dans le même morceau de tissu et sont le plus souvent ornés de riches broderies blanches, réalisées à l’aiguille, avec des incrustations de dentelle à l’aiguille. La  dentelle  entourant le visage est assez large pour pouvoir être portée rabattue sur le front et mise en forme avec de larges tuyaux horizontaux au niveau des tempes.

Schéma de la coiffe des Ponts de Cé, Amis du Musée des Coiffes

Posée sur un bonnet de coton noir, la coiffe s’ajuste au moyen de deux lacets coulissants qui se croisent autour de la tête. Ils seront ensuite cachés par la passe du nœud. Ce dernier, en forme de grand papillon aux ailes déployées, est fixé à l’aide de deux grosses épingles à tête blanche au-dessus du front. De taille relativement modeste au temps des premières coiffes, le nœud va prendre beaucoup d’ampleur au fil du temps et se porter pointes en haut et parfois très relevé en diadème.  

Le fond de coiffe est creusé et maintenu en forme grâce à un grand peigne piqué dans le chignon, évoquant ainsi l’arrière des barques de Loire, ce qui lui donne une allure tout à fait caractéristique dite vulgairement "en cul de poule".


Coiffe "angevine", Amis du Musée des Coiffes

Concernant la coiffe de Louise Chatelain, il s'agit d'une coiffe de veuve car elle n'est ornée d'aucune broderie ou dentelle (son époux est décédé en 1901).

Quant à mon arrière-grand-mère, Marie Benetreau (décédée en 1951), elle portait toujours la coiffe vendéenne, qu'elle amidonnait avec soin.


Marie Benetreau, fin XIXème siècle, coll. personnelle

Les photos dont je dispose ne sont malheureusement pas assez nettes pour que je puisse distinguer précisément le type de coiffe qu'elle arbore, parmi les nombreuses coiffes vendéennes qui ont existé.



Supplanté par la puissante attraction de la mode internationale, le port du costume traditionnel est devenu anecdotique en France.
Son port est aussi directement proportionnel à la disparition de la ruralité, de l'attachement au terroir et de l'isolement des campagnes.
Chargé toutefois toujours d'un puissant symbolisme, il est conservé surtout dans le domaine du folklore.






Sources : Wikipedia, S. Pacaud : Costumes et coiffes folkloriques des terroirs de France, Le costume breton (CG du Finistère), Amis du Musée des Coiffes, Coiffes sans visages (Parole et patrimoine),

mardi 12 août 2014

Disparition inquiétante

Je tournais ma petite cuillère en une ronde infinie dans ma deuxième tasse de café de la journée quand la sonnerie stridente du téléphone retentit. Bon sang ! J'avais pourtant dit de ne pas me déranger avant le troisième café du matin !



- Quel est l'imbécile qui me dérange si tôt le matin ?
- Euh ! il est dix heures, chef. C'est moi, chef. On vient de nous signaler une disparition inquiétante, chef.

Je raccroche en bougonnant et j'enfile mon long manteau noir qui ne me quitte pas, assorti du chapeau en feutre noir qui me vient de mon grand-père. Le petit est déjà dans la voiture. On file à l'appartement de la disparue pendant qu'il me briefe : jeune femme de 40 ans, célibataire, a disparu depuis plusieurs jours. . .

- Combien de jours ?
- 17 jours, chef.

Arrivé dans l'appartement, une rapide inspection me suffit pour comprendre qu'il n'y a pas eu d’agression ici. Tout est nickel, bien rangé, rien ne dépasse. Tout le contraire de chez moi ! Il ne manque pas d'objet de valeur, mais le sac à main, le smartphone et l'ordinateur ne sont plus là. La seule bizarrerie : une pièce entière tapissée de photos d'individus non identifiés et une carte de France avec de nombreuses punaises marquant différentes régions de France.

- Chef, on a trouvé un truc, chef. C'est un code secret !
- Un quoi ?
- Un code secret, chef !

Le petit me tend un bout de papier, enthousiaste. Je le regarde d'un œil torve et prend le bout de papier. Dessus est inscrite une série de lettres : AGP, CPA, CA, NMD. Ouais du charabia, quoi ! Par contre, sur le programme télé resté ouvert, sont griffonnées des initiales et le début d'un numéro de téléphone parisien  AD 01. . . Elle n'a pas eu le temps d'écrire le numéro complet. AD ? AD ? Albert Dupontel ? Bon, en attendant d'en savoir plus, on va continuer à l'appeler Albert Dupontel.

Plus tard, au poste, on examine son téléphone : il est débranché. Ses comptes : des déplacements récents vers la Bretagne, l'Anjou, l'Aveyron. . . Rien d’extraordinaire. Mais le dernier paiement est un billet de train vers Bourg-en-Bresse. 

Bourg-en-Bresse ? Quelle idée ? Sans rire : personne sait où ça s'trouve Bourg-en-Bresse ! Bon, ben y'a plus qu'une solution : y aller !

Grâce aux collègues sur place, et aux caméras, on distingue une silhouette qui sort de la gare et qui pourrait être elle. Elle est seule, c'est déjà ça. Elle va peut-être retrouver cet Albert ? Elle se dirige droit vers un grand bâtiment allongé, moitié béton, moitié verre. J'y vais à mon tour.

Deux hypothèses, donc, puisqu'elle était seule et non sous la contrainte d'une tierce personne :
- Soit elle est en train de braquer ce bâtiment avec. . . euh elle n'a pas de port d'arme, donc avec. . . une paire de ciseaux ?
- Non, chef : on n'a pas le droit aux ciseaux dans ce genre d'endroit.
- Ah bon ? un coupe papier alors ?
- Non, chef.
- Un tube de colle ?
- Non plus, chef.
- . . . ?
- Un crayon à papier et une feuille, c'est tout, chef.
- Bon, alors, les braquages aux feuilles de papier, ça fait un moment que j'en n'ai pas vu. Passons à la deuxième hypothèse. Donc, soit. . . je ne sais pas encore.

J'arrive devant l'immeuble. Ce sont les archives départementales. 
Archives, archives. . . ? Archives départementales = AD ! Bien sûr. Bon ben, d'évidence, c'était pas le numéro de téléphone d'Albert Dupontel. 

Plusieurs personnes occupent la grande salle. Un silence de tombeau règne ici, seulement perturbé par un clang-clang régulier provenant d'une énorme machine occupant une alcôve au bout de la salle. Un vieillard chenu y fait défiler des documents si rapidement que je me demande bien comment il peut voir ce qu'il y a dessus. Tout d'un coup il exulte : 
- Ça y est ! j'ai trouvé !
Ma parole, il est si heureux qu'on dirait que c'est le Graal qu'il a trouvé.

Je me présente alors à l'accueil et, sortant ma carte et une photo de la disparue, je demande :
- Avez-vous vu cette femme ?
Aussitôt, une nuée de "chuuut" m'assaille de toutes parts. Je me retourne et les personnes présentes me regardent d'un air mauvais. Un couteau entre les dents n'aurait pas fait meilleure impression. La personne de l'accueil, avec un sourire, me montre une salle plus petite, tout au bout de la grande salle.

Au fur et à mesure que j'approche de cette salle, j’entends comme un bourdonnement. Un murmure constant s'élève des personnes attablées par petits groupes de deux, trois ou quatre devant les ordinateurs de la petite salle. Dans le silence assourdissant de ces lieux, ce bruissement est plus incongru qu'une mouche dans un whisky. Il y a là plusieurs personnes, de tous âges. J'essaie d'attirer leur attention, en vain. Ils discutent en eux, tout doucement, mais tous en même temps. Il y a un je ne sais quoi dans l'air. Une espèce d'euphorie. On dirait des abeilles sur un pot de miel. J'entends des bribes de conversations :

- il est granger là aussi.
- j'ai trouvé des achapts et des acquets.
- ton Vuailliat, c'est un "dit Cognat" ou pas ?

Bon sang ! je suis tombé sur une autre planète ou quoi ? Dans quelle langue on parle ici ? Enfin, je repère ma cible parmi ces extraterrestres. Je lui pose la main sur l'épaule, mais il me faut la secouer un peu pour qu'elle détourne enfin son attention de son écran. Pour moi ces pattes de mouches illisibles ne me retiendraient pas 15 secondes, mais bon.

- Je suis contant de vous retrouver : vous aviez disparu depuis longtemps et vos proches s'inquiètent.
- Disparu ? Mais non, je suis là.
- Ça je le vois !
- Depuis longtemps ?
- 17 jours pour être exact.
- Tant que ça ? Mais je n'ai pas vu le temps passer.
- Vous avez passé tout ce temps ici ?
- Bien sûr. Il y a tant d'informations à glaner !
- . . . ?
- Mais enfin, ne vous êtes-vous jamais intéressés à l'histoire de votre père ? de votre grand-père ?
Je jette un coup d’œil à mon chapeau.
- C'est tout ce que j'ai hérité de lui. Le reste, je ne sais pas : je ne l'ai pas connu. Une brouille familiale je crois.
- Mais vous ne savez donc pas le métier qu'il faisait, où il habitait, quel a été son parcours militaire, quelle est était sa vie, quoi !
- Ben non.
- Vous n'avez pas fait votre généalogie ?
- Géné. . . quoi ? 

Un grand silence soudain se fait dans la salle. Glaçant. Tout le monde a les yeux rivés sur moi, une lueur d'horreur dans les yeux. Quand le silence se fait trop gênant, chacun retourne à ses occupations, mais en chuchotant et en me regardant bizarrement.

- Bon, on ne peut pas vous laisser comme ça. 
Elle ouvre son propre ordinateur et, après m'avoir demandé mon patronyme, laisse courir ses mains sur son clavier. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire elle trouve son adresse, la composition de sa famille, son contrat de mariage, ses affectations militaires, son bail, des documents qui les lient à ses voisins (reconnaissances de dette, ventes) et même son testament et l'inventaire de ses meubles après son décès donnant une description précise du contenu de sa maison. Bon sang j'en ai appris plus sur lui de durant toute ma vie.

- Mais comment vous avez fait ça ?
- Mais enfin, monsieur, c'est ça la généalogie !

Sur la route du retour, je repense à tout ça. Je croyais que la généalogie c'était un truc de vieux. Je ne pensais pas qu'on pouvait en apprendre sur soi-même et sur les siens. Et en rentrant chez moi ce soir là, je me suis dit que la journée avait été plutôt bonne : je n'avais pas simplement retrouvé la fille. . . mais aussi ma famille entière.