« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 5 septembre 2014

Marions-nous ! épisode n°2

Suite de notre épopée sur le mariage (cliquez ici pour voir l'épisode n°1).

Les  familles ne s'opposent pas au mariage. C'est déjà une bonne chose. Mais cela ne signifie pas qu'on est déjà marié : plusieurs étapes sont encore nécessaires. 

Et la première étape est la négociation de la dot. En effet, même si ce n'est pas obligatoire ni systématique, il est néanmoins "de coutume" de "constituer dotte et mariage aux marys affin que les charges et facultés d’icelluy se puissent plus commodement et facilement supporter". 

Si les négociations restent secrètes et obscures, le résultat en est tout à fait officiel, légitimé devant notaire et témoins. Ce contrat est rédigé dans l'étude du notaire ou à défaut dans la maison du futur beau-père.

 Photopin

Cela se fait la plupart du temps avant la noce, mais on connaît quelques exceptions; comme François Jannay et Andréanne Buffard qui font rédiger leur contrat de mariage en juin 1710 à Lalleyriat (01) alors qu'ils sont mariés depuis le mois de janvier.

La dot peut se composer de biens et/ou d'argent, parfois de terres. 

A travers la dot on devine le niveau social des protagonistes. Ainsi, si on prend en compte les sommes d'argent :
  • Louise Marie Levrat ne reçoit que 30 livres lors de son mariage avec Jean Claude Simon en 1720 à Saint Germain de Joux (01).
  • A l'inverse le couple  Joseph Anthoine et Jeanne Françoise Denarie, mariés en 1731 à Morillon (74), reçoivent au total 1 350 livres. Dans ce total sont compris les 100 livres que le futur donne à sa fiancée "offert par marque d'amour", comme il est précisé dans le contrat de mariage.

Souvent du bétail est donné : un vache, une chèvre, une brebis (parfois accompagnée de son ou ses agneaux).

S'y ajoute, le "trossel" : le linge et vêtements donné à la jeune fille. Souvent on voit au moins un habit de drap. Parfois des chemises ou chemisettes. Selon les contrats de mariage on a plus ou moins de détails sur la nature des tissus : ainsi j'ai rencontré des chemisettes de ratine rouge (étoffe de laine ou drap croisé dont le poil est tiré en dehors et frisé de manière à former comme de petits grains), de ritte (toile fine de chanvre), un cotillon de sarge (tissu de laine). En général l'un de ces habits neufs tient lieu de robe nuptiale. Les vêtements sont souvent complété par du linge : quelques aunes de toiles, serviettes, linceuls (draps) et couvertes (couvertures). Et très souvent "un tour de lict de toisle [plus ou moins] ouvragé avec ses franges".

En Haute-Savoie les vêtements et linges sont souvent minutieusement décrits : on admire ainsi le trossel de Louise Françoise Vulliez (1755 à Samöens - 74) composé de "une demy douzaine de drapts de toile meslée de trois aulnes piece, une douzaine et demy de chemise de femme de toile de ritte presque nouvel six tabliers dindienne, et douzaine dautres tabliers de toile de ritte, une douzaine de mouchoirs tant de soÿe que de mousseline, trois douzaines de Coëffes tant dans la toile fine que de ritte, trois habits neufs complets de droguet dangleterre, cinq corps bas de drapt de couleur avec leur juppes a tiers usés, une paire de manche de ratine minime presque neuve, un tour a filer et un coffre bois de sapin fermant a clef dans lequel sont renfermés tous les autre menus linges et habits quotidiens".

Extrait contrat de mariage Moccand / Vulliez, 1755, AD74

La plupart du temps vêtements et linges sont en effet sont réunis dans un "coffre de bois sappin fermant à clef" (parfois en tilleul ou noyer). Certain de ces coffres étaient de véritables objets d'art, sculptés de différents motifs (soleils, rosaces...) et portaient souvent la date et les initiales de l'épousée. 

Plus rarement il y a des éléments de vaisselle ou de mobilier : chaudron de cuivre, pot d'étain, poêle à frire. Personnellement je n'en ai pas encore rencontré. Par contre j'ai plusieurs tours à filer.

De temps en temps, il y a des "joyaux". Louise Françoise Vulliez (toujours elle) reçoit "une croix dor avec une bague dor a pierres fines". Marie Landreau reçoit des bagues, joyeux et ornements estimés à 40 livres (1756 aux Epesses - 85).

Dans deux cas seulement il est question d'immeubles ou de terres :
  • il "a été convenu que lesdits pierre soullard et marie landreau, entreront en communauté de [] biens meubles et immeubles" que forment déjà Mathurin Landreau et Perrine Grimaud, les parents du futur, et son frère également prénommé Mathurin; Lesdits parents Soullard et Grimaud pour une moitié entière a eux deux, ledit Mathurin Soullard fils pour un quart, le dernier quart au nouveau couple Soullard/Landreau.
  • les parents de Jeanne Antoinette Vuagnat donnent au couple un grangeage [ * ] en toute propriété et tous les droits et titres présents et à venir (1716 à Samoëns - 74).  Le futur couple Vuagnat/Guilliot est par ailleurs institué héritier universel des parents de Jeanne Antoinette à condition qu'ils règlent leurs frais funéraires aux décès desdits parents, qu'ils dotent les sœurs de Jeanne, et qu'ils payent à Claude son frère la somme de 200 florins (monnaie de Savoie; soit 150 livres tournois) après le décès de leur père, attendu que Claude "n'a pas assisté ny secouru ledit nicolas vuagnat son père ayant toujours resté dans les païs estrangers [...] moyennant quoy il dejette sondit fils de tous ses biens quelconques". Enfin, le couple Guilliot/Vuagnat sera "aussy obligé d'entretenir honnestement et raisonnablement lesdits maries vuagnat et simond pendant leur vie et les serviront comme est de devoir en semblable fait avec obeissance respect et affection".

Enfin, les échéances du règlement sont définies scrupuleusement : tant au jour des noces, tant, six mois après, un an après, à la Toussaint prochaine, au décès des parents... Parfois, il est précisé que si l'épouse meurt sans enfant, la somme promise ira aux enfants du premier lit de l'époux (contrat de Pierre Monet et Catherine Poncet, en 1715 à Martignat - 01) ou à l'époux survivant (contrat de Nicolas Guilliot et Jeanne Antoinette Vuagnat en 1716 à Samoëns - 74).

Bref, bien peu de choses sont laissées au hasard. Mais maintenant que tout cela est réglé, on peu passer à l'étape suivante...



[ * ] Manière de donner une terre à bail, en prenant pour la rente moitié des fruits. Synonyme de métayage. 

dimanche 31 août 2014

#Centenaire1418 pas à pas : août 1914

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois d'août sont réunis ici. 

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie avant son entrée dans le conflit. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées en notes. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas directement Jean François.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er août :

- Papa a acheté l'Indicateur de la Savoie, ce journal catholique qui paraît le samedi. En une : aurons-nous la guerre ?

Indicateur de la Savoie, 1er août 1914 - Mémoire et actualité en Rhône-Alpes

- Bon, la confiance envers les chefs, c'est bien, mais si on n'a pas d'chaussure . . .  

- Le Petit Journal est plus pessimiste et pense que le sort en est jeté (via @geneanet).

- Qu’est-ce que c’est ? Mais c’est le tocsin qui sonne ?!



- Tous, hommes et femmes nous avons été surpris en pleines moissons. Nous sommes restés longtemps figés.

- Les travaux sont finis pour aujourd'hui. Nous nous dirigeons vers le Gros Tilleul, lieu de rassemblement, en silence.

- MOBILISATION GENERALE !!!
Ordre de mobilisation générale, Gallica
2 août :

- Les premiers mobilisés se regroupent. Ils arrivent souvent avec leurs plus beaux atours : canotiers et habits du dimanche.

- Des gars sont heureux de partir : on entend des cris, des chants joyeux. D’autres sont abattus. Des femmes pleurent.

3 août :

- Cette fois c’est fait : L’Allemagne déclare la guerre à la France.

- Certains fanfaronnent et n'ont qu'un seul désir : se mesurer avec l'adversaire. Ils disent qu’en quelques semaines, tout sera réglé.

- Tous ne partagent pas cet avis. Beaucoup d’hommes sont silencieux, frappés de stupeur. La paix, on y croyait encore malgré tout.

4 août :

- Pour moi commence l’attente : je ne fais pas partie des premiers convois. Ma classe n’est mobilisable qu’en octobre.

- Mon petit frère Armand caracole autour de la table de la cuzna [cuisine] en jouant à la guerre.

- Il dit qu’il veut partir lui aussi. Ma sœur Marie Louise lui met une taloche et sort en pleurant. 

5 août : 

- La guerre, la guerre, la guerre. Russie, France, Belgique, Angleterre… : la liste s’allonge indéfiniment. 

- Le temps est lourd, lent, sans vent et sans bruit, étouffant de chaleur et de vide [ 1 ], mais la météo n’y est pas pour grand-chose.

- Avez-vous entendu le discours de Viviani, Président du Conseil ? "Soyons des hommes" dit-il !

Discours de Viviani, Gallica 

6 août :


- La montagne s’est vidée de ses hommes. Une même question revient, obsédante et sans réponse : Qui va finir la moisson ? [ 1 ] 

- Avec la réquisition des animaux de trait, qui va labourer en octobre, si toutefois la guerre n’est pas encore gagnée et terminée ? 

- Viviani fait un appel aux femmes en leur demandant de terminer les récoltes et de préparer les semailles d’automne. 

Appel aux femmes françaises, Wikipedia

7 août :
- Je retrouve mes copains, les jumeaux Jay, Joseph et Alphonse. Il paraît qu’on est cousins [ 2 ]. En tout cas, on fait les 400 coups ensemble.

- On est de la même classe et on se demande bien où on va être envoyé. 

8 août :

- D’après le Petit Journal, les nouvelles ont l’air plutôt bonnes. En tout cas, encourageantes.

- Joseph dit qu’il ne faut pas se fier à la presse parce qu’ils ne racontent pas tout.

- Sous le Gros Tilleul, on hésite entre espoir, incrédulité, abattement et inquiétude. 

9 août :

- C’est comment la guerre ?

- J’essaie de me souvenir de ce qu’on m’a dit de mon arrière-grand-père, Jean Maurice, soldat valaisan au service de l’empereur Napoléon.

- Je frissonne, d’impatience et de peur mêlée. 

10 août :

- Les jumeaux et moi faisons partie des plus âgés maintenant. Les journées sont longues.

- Nous sommes en effet sollicités régulièrement pour aider à finir les moissons, de fermes en fermes.

 11 août :

- Parfois je m’arrête en pleine besogne et regarde autour de moi, ces si belles montagnes à l’avenir incertain. Qu’adviendra-t-il demain ? 

12 août :

- La liste des nations en guerre ne cesse de s’allonger chaque jour.

- C’est la fin de la grande mobilisation semble-t-il. De toute façon, il n’y a plus d’homme à prendre. Ils y sont déjà tous.

13 août :

- Certaines de nos parcelles sont si inclinées, qu’on dit chez nous qu’il faudrait ferrer les poules !

Samoëns - La Rosière, Delcampe

- Les travaux agricoles sont parfois pénibles ici. Mais comment peut-on les faire sans homme ? 

14 août : 

- Je ne peux m’empêcher de ressortir mes papiers militaires suite à la commission du mois de juin.

- Je suis inscrit sous le numéro 3 de la liste du canton de Samoëns. Je n’ai plus qu’à attendre mon ordre de mobilisation. 

15 août :

- De retour du pèlerinage à la Bénite Fontaine. Les prières à Marie ont été particulièrement ferventes cette année.

 
Chapelle de la Bénite Fontaine, notrefamille.com

- Serai-je encore là pour y aller l’année prochaine aussi ? 

16 août :

- L’attente… L’attente… Je préférerais presque partir tout de suite. Attendre sans savoir c’est trop difficile.

17 août :

- Certains épiciers sans vergogne vendent le kilo de riz 80 cts, au lieu des 50cts habituels, et le sucre jusqu’à 1 fc 25 ! Quelle honte ! [ 3 ]

18 août :

- Mon père est trop âgé, mon frère est trop jeune : je serai le seul de la famille à partir... 

19 août :

- Suite à la mobilisation, de nombreux commerces ferment : boulangers, bouchers et autres sont au front. 

20 août :

- Les ouvriers âgés sans emploi et les familles privées de leur gagne-pain grossissent chaque jour un peu plus la population des nécessiteux. [ 4 ] 


21 août :

- La municipalité ouvre des boulangeries et des fourneaux économiques pour distribuer pain et repas aux plus démunis. [ 4 ] 

22 août :

- Les femmes de la paroisse organisent une collecte pour les premiers blessés de guerre : vêtements, pansements, dons en argent… [ 5 ]

23 août :

- Le Préfet de Haute-Savoie fait savoir que, par ordre ministériel, l’ouverture de la chasse n’aura pas lieu cette année jusqu’à nouvel ordre. [ 6 ]

- On ne le sait pas encore, mais hier c’était la journée la plus sanglante de la guerre : 27 000 morts. 

24 août :

- Le Japon a rejoint le cortège des nations en guerre. Est-ce que ce conflit est réellement en train de devenir mondial ? 

25 août :

- D’après ce qui se dit, on sera mobilisé avant octobre. Avec les jumeaux Jay, on attend, fébriles et inquiets. 

26 août 

- Les dépêches officielles sont optimistes : tout va bien. D’aucuns disent qu’il faut savoir lire entre les lignes. [ 7 ]

- Savoir dépister l’euphémisme révélateur d’un insuccès sous le flot des louanges dithyrambiques pour nos succès. [ 7 ]

- On nous bourre le crâne à longueur de journaux sur les atrocités allemandes : cela évite de parler de nos revers de fortune. [ 7 ]

- Viviani démissionne ! 

27 août :

- Encore un mort dans la commune. Cette fois c’est Victor Dechavassine. Il n’avait que 26 ans.

- Alors c’est lui ? C’est le maire qui est le porteur de mauvaises nouvelles, le briseur de vies.

- Accompagné de deux gendarmes, sombres comme des corbeaux, oiseaux de mauvais augure. Chacun prie pour qu’ils ne frappent pas à sa porte.

28 août :

- Cette fois c’est sûr : au lieu de partir en octobre comme c’était prévu officiellement, on partira dès début septembre. 

29 août : [ 7 ]

- Les grandes batailles de la fin août sont un échec. Il ne faut plus en douter : c’est l’invasion. La tristesse se répand sur la vallée.

- Les plus confiants se raccrochent aux affabulations officielles, mais la plupart n’y croient déjà plus.

30 août :

- Avec les jumeaux Jay on regarde la carte à la recherche de localités inconnues de nous et qui sont synonymes de mort et de destruction.

- Morhange, Charleroi, Tamines, Rossignol, Mons, Le Cateau, Guise 

31 août :

- Agitation autour du marchand de journaux aujourd’hui. C’est officiel : le Ministre de la Guerre appelle la classe 14 !

Extrait du Petit Journal du samedi 31 août 1914, Gallica

- Quel sera mon avenir ? ...



[ 1 ] Extrait de la revue Terrain via le blog derdesders
[ 2 ] En fait ils sont bien "cousins", mais il faut atteindre 7 générations pour avoir un ancêtre commun. Les jumeaux Jay ont bien vécu à Samoëns, mais on ignore s'ils étaient amis avec Jean François.
[ 3 ] Tarifs donnés dans un article du Progrès de la Savoie du 5 août 1914, via "La Première Guerre Mondiale vue à travers la presse savoyarde" (AD73)
[ 4 ] Toulouse et la guerre, AM Toulouse 
[ 5 ] C'est la Ligue des femmes françaises de Haute-Savoie qui organise cette collecte, in l’Indicateur de la Savoie du 22/8/1914
[ 6 ] L’Indicateur de la Savoie du 22/8/1914 
[ 7 ] Inspiré de L. Jouhaud : souvenirs de guerre

vendredi 29 août 2014

Marions-nous ! épisode n°1

Le mariage est l'événement clé du devenir familial. Il faut donc trouver un bon parti. Mais ce qui fait le "bon" obéit à différentes logiques :
  • l'âge, qui doit être suffisant pour la procréation.
  • le statut social.
  • les terres et la dot en jeu.
L'amour semble donc entrer finalement assez peu en ligne de compte, et ce pendant longtemps. Ce qui ne signifie pas qu'il en est totalement exclu non plus, Dieu merci !

La paroisse est le bassin principal du choix conjugal. Les rencontres aux veillées, aux foires, autour du four ou de la fontaine, lors des processions : autant de possibilités de rencontrer son futur conjoint et d'évaluer les enjeux de la future noce.

 Bouquet de fiançailles, cparama

Si les familles ne s'y opposent pas, les jeunes gens peuvent "se fréquenter". En Haute-Savoie, il était d'usage que le garçon offre un cadeau à la jeune fille, gage de promesse : une croix, un mouchoir, des rubans, parfois une simple pièce. Si la jeune fille l'accepte, cela signifie qu'elle s'engage elle aussi vis-à-vis du garçon; sorte de fiançailles officieuses.

La parentèle peut alors intervenir ouvertement, pour négocier au mieux les intérêts de chacun. C'est le moment des choses sérieuses : terres, bétail, argent, trousseau seront âprement négociés.

Comme nous l'avons dit plus haut, la procréation est un des buts essentiels du mariage : les époux se doivent donc d'être en âge de procréer, notamment en ce qui concerne une première union. Lorsque la descendance est assurée, cette question est moins pressante; mais l'éducation des enfants la remplace dans l'ordre des priorités.

S'il arrive que les familles s'arrangent entre elles alors que les enfants sont encore petits (pour réunir des propriétés voisines, par exemple), elles attendent néanmoins l'âge de la procréation pour officialiser les noces.

Dans ma généalogie, la moyenne d'âge des époux est de 28 ans; celle des épouses de 23 ans. Néanmoins il y a quelques extrêmes :
  • l’époux le plus âgé : Rouault Pierre a 64 ans, lorsqu'il se marie le 7 juin 1757 à Villevêque - 49 (il s'agit d'une seconde noce et son épouse n'a que... 27 ans !).
  • l’épouse la plus âgée : Picard Marie Anne a 39 ans, mariée le 6 juillet 1728 à Guérard - 77 (seconde noce également - l'époux a 24 ans).
  • l’époux le plus jeune : Beroud Claude a 15 ans, marié le 14/2/1774 à Lalleyriat - 01 (il aura son premier enfant dès l'année suivante; son épouse est de trois ans plus âgée).
  • l’épouse la plus jeune : Pradellis Marie a 13 ans, mariée le 27 janvier 1761 à Ginolhac - 12 (elle aura son premier enfant 5 ans plus tard; son époux a 29 ans lors du mariage).

Dans les actes de mariages (du XIXème siècle notamment, plus rarement avant), l'officier d'état civil ou le curé mentionnent la majorité matrimoniale et précisent si les époux sont majeurs ou mineurs.

Extrait de l'acte de mariage Guetté/Bertrand, AD79

L'âge de la majorité matrimoniale a évolué au fil des siècles. En dessous de cet âge il était impossible de se marier sans le consentement des parents.
  • De 1579 au 19 septembre 1792 : 30 ans pour les hommes et 25 ans pour les femmes.
  • Du 20 septembre 1792 à 1804 : 21 ans pour les deux sexes.
  • De 1804 à 1906 : 25 ans pour les hommes et 21 ans pour les femmes.
  • De 1907 à 1973 : 21 ans pour les deux sexes.
  • Depuis 1974 : 18 ans pour les deux sexes.

En fonction de certaines régions, l'âge de la majorité était différente, ainsi en Bretagne, sous l'Ancien Régime, la majorité était de 25 ans pour les hommes et 25 ans pour les filles.
Bien sûr, être mineur n'exclut pas le mariage : il s'agit simplement de l'autorisation parentale. 

On a donc trouvé la bonne personne; on a l'âge requis; maintenant les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Mais on est encore loin du jour des noces, comme on le verra dans l'épisode n°2...