« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 13 juin 2015

#ChallengeAZ : L comme lettre émouvante

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous ne le savez pas c’est fort dommage, mais Jules avait aussi un côté émouvant.

Ainsi en 1912 il prend la plume pour écrire au sénateur de sa circonscription, espérant obtenir son soutien dans sa demande de poste. Ce courrier est, en quelques sorte, une lettre de motivation, mais tout à fait différente de celle qu’on pourrait écrire aujourd'hui ; jugez-en vous-même :

Lettre Jules Assumel © AD01

"Martignat, le 10 janvier 1912
Monsieur le Sénateur
J’ai l’honneur de venir vous renouveller la demande que je vous ai fait il y a quelques temps pour me faire attribuer le poste de Brigadier de St Germain de Joux, j’ai appris que j’étais en ligne et que j’avais un petit espoir.
Je compte sur votre dévouement pour écarter un peu de moi ma mauvaise chance, car avec toutes les envies de bien faire je n’ai jamais pu réussir en rien : à 32 ans j’étais veuf pour la 2ème fois et aujourd’hui j’ai ma femme au lit malade de l’albumine [ 1 ]. Le médecin a déclaré que c’était très grave, on dirait que le destin s’acharne contre moi.
Veuillez donc s’il vous est possible me faire parvenir à ce poste qui améliorera sensiblement ma situation.
Vous pouvez persuader M. le Préfet qu’ayant été élevé dans un pays de forêts je peux mieux que personne apporter aux forêts les améliorations qu’elles ont besoin et que je resterai un serviteur fidèle et dévoué.
Dans l’espoir que vous ferez votre possible et en attendant que je vous prouve ma reconnaissance.
Veuillez agréer M. le Sénateur mes sentiments dévoués
Assumel garde des Eaux et forêts à Martignat" [ 2 ]

Le ton de cette lettre est bien triste et désespéré. Touchant. Pourtant, dans la famille, il avait plutôt la réputation d’être dur. Gare aux enfants s'ils ne filaient pas droit ! Comme quoi… Les archives permettent des découvertes surprenantes (et attendrissantes) parfois.


[ 1 ] L'albumine est la principale protéine du sang, soluble dans l'eau et fabriquée par le foie. Elle empêche la fuite de l'eau contenue dans le sang (plus précisément le plasma) vers les tissus, où elle est susceptible d'entraîner des œdèmes (collection d'eau dans les tissus). Un niveau inférieur à la normale d’albumine peut être un signe de maladie des reins ou du foie.
[ 2 ] L’orthographe d’origine a été retranscrite telle quelle.


Merci aux Archives Départementales de l’Ain pour cette trouvaille.
Sources : tradition orale familiale, état du personnel des eaux et forêts.

vendredi 12 juin 2015

#ChallengeAZ : K comme képi

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous le savez c’est tant mieux mais, étant donné que Jules est un employé officiel du Ministère de l’Agriculture, il doit porter l’uniforme réglementaire et adéquat.

Les uniformes des forestiers se sont, depuis l’origine, inspirés de ceux de l’Armée.

Dans le Code forestier de 1827 l’uniforme est ainsi détaillé : « Pour tous les agents, habit et pantalon de drap vert ; l’habit boutonné sur la poitrine ; le collet droit ; le gilet chamois ; les boutons de métal blanc, ayant un pourtour de feuilles de chêne et portant au milieu les mots Direction générale des forêts, avec une fleur de lys ; le chapeau français avec une ganse en argent et un bouton pareil à ceux de l’habit ; une épée. La broderie sera en argent et le dessin en feuilles de chêne. »

On notera qu’il n’est pas fait mention de képi ni d’aucun couvre-chef (malgré le titre de l’article du jour !).

Théoriquement, le képi des gardes des eaux et forêts des années 1920 devait ressembler à ça :

 Képi garde forestier années 1920 © ebay

Je ne sais pas si l’uniforme que Jules portait dans les années 1910/1920 était encore similaire à la description du Code forestier de 1827 ci-dessus. Je dispose de deux photos de lui, l’une (peut-être) datée de 1922, l’autre de 1928 environ. Sur les deux clichés il porte une veste à boutons et à collet droit, ainsi qu’une chemise (gilet ?) clair. Était-ce son uniforme officiel ? Je l’ignore. La qualité moyenne et les couleurs des photos (sépia pour l’une, noir et blanc pour l’autre) ne permettent pas de trancher de façon certaine.

Jules Assumel, 1922 ? © coll. personnelle

Sur aucune des deux il ne porte de képi ou de chapeau quel qu'il soit...

Le képi, aujourd'hui, "porte le sigle de l'Office national de la chasse et les revers un cor de chasse sur fond vert" (Arrêté du 6 décembre 1995 définissant l'uniforme des agents de l'Office national de la chasse commissionnés par arrêté ministériel au titre des eaux et forêts, version consolidée au 07 juin 2015, via Legifrance).



Merci à Gallica et Legifrance pour ces trouvailles.
Sources : photo coll. personnelle, code forestier 1827, arrêté 1995.

jeudi 11 juin 2015

#ChallengeAZ : J comme Journal Officiel

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous ne le savez pas je vais vous le dire, mais mon bisaïeul ayant occupé un poste dépendant du Ministère de l’Agriculture (garde des eaux et forêts, pour ceux qui ne suivent pas bien) il apparaît régulièrement au Journal Officiel. 

Et ce, pour plusieurs types d’occasions :
  • Nominations :
Extrait Journal Officiel, 11/08/1908 © Gallica

Exemple du 11 août 1908 : "Ont été nommés gardes communaux des eaux et forêts, à défaut de candidats militaires classés pour cet emploi : [...] par arrêté du préfet de l'Ain du 25 juillet 1908, [...] M. Assumel-Lurdin (Jules Joseph Eugène)."

  • Avancements :
Exemple du 25 mars 1927 : "Tableau d'avancement du personnel de classes des préposés des Eaux et Forêts pour l'année 1926 et comportant attribution de classes (Décision ministérielle du 25 mars 1927) [...] 19e conservation - Gardes [...] Pour la 3ème classe (choix) M. Assumel Lurdin, aux Ponts-de-Cé (1er janvier 1927)."
On le voit ainsi changer de classe régulièrement : 5ème classe en 1921, 4ème classe en 1924, 3ème classe en 1927.

  • Changements d’affectation :
Exemple du 16 janvier 1921 : "M. Assumel-Lurdin (Jules Joseph Eugène), garde domanial des eaux et forêts à Condamine-la-Doye (Ain), est appelé, sur sa demande et en la même qualité, au poste non logé d'Angers, commission de pisciculture, poste créé."

  • Pensions civiles :
Exemple : son épouse Gros Marie est citée après le décès de son époux. Elle reçoit une pension temporaire, approuvée et publiée au Journal Officiel le 15 novembre 1929 : "Le mari garde domanial. Services militaires, 2 ans 11 mois 16 jours; services civils, 18 ans 2 mois 16 jours; campagnes, 2 ans 6 mois - pension avec jouissance du 17 mars 1929... 2 162 francs. Relèvement (art. 69)... 130 francs". Les enfants "orphelins" sont également cités : "1° Anne-Marie-Alice; 2° Marie-Rose-Virginie; 3° Marcelle-Philomène; 4° Robert-Jean-Léon; 5° Raymond-Édouard; 6° Roger-Auguste. Le père garde domanial - Pension temporaire avec jouissance du 17 mars 1929 au 18 octobre 1929... 6 854 francs. Et du 19 octobre 1929 au 20 mai 1932... 5 644 francs."

Si les sources ne sont pas toujours fiables (voir article D comme domicile), je crois pouvoir dire qu'on peut faire confiance à celle-ci ! Ces entrefilets, d'aspect un peu sec et pour le moins formel, sont émaillés d'informations multiples : lieux des postes occupés, avancements dans la carrière, création du poste, pensions, durée du service militaire, nombre d'enfants, etc... Si certains étaient déjà connus (ils ont donc été confirmés), d'autres ont été une véritable découverte.

Merci au moteur de recherche de Geneanet et à Gallica pour toutes ces trouvailles.
Source : JO.


mercredi 10 juin 2015

#ChallengeAZ : I comme instruction

Je ne sais pas si vous le savez, et si vous ne le savez pas c’est peut-être temps de vous inquiéter, mais sur les fiches militaires on peut trouver le niveau d’instruction de votre aïeul.

Extrait fiche militaire Jules Assumel Lurdin © AD01

Les degrés d'instruction sont notés ainsi :
Degré 0 : ne sait ni lire ni écrire
Degré 1 : sait lire seulement
Degré 2 : sait lire et écrire
Degré 3 : possède une instruction primaire plus développée
Degré 4 : a obtenu le brevet de l'enseignement primaire (qui permet d'entrer au lycée; à ne pas confondre avec le certificat d'étude primaire)
Degré 5 : bachelier, licencié, etc. (avec indication de diplôme)
Degré X : dont on n'a pas pu vérifier l'instruction

Jules, en l’occurrence, a un degré d’instruction équivalent à 3 : il possède donc une instruction primaire « plus développée ».

Cependant, en 1910 cette instruction sera jugée « un peu faible » dans un rapport du Ministère de l’Agriculture (cf. futur article Z : rendez-vous le 30 juin !). Quelques années plus tard, son instruction est jugée « faible » mais son intelligence « développée » (en 1926) et « ouverte » (en 1927).

Il est par ailleurs un militaire exercé (les hommes non exercés sont "les hommes n'ayant pas passé au drapeau").

Merci aux Archives Départementales de l’Ain et aux Archives Nationales pour cette trouvaille.
Sources : fiche militaire, état du personnel des eaux et forêts, dossier Assumel-Lurdin.