« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

lundi 6 juin 2016

#ChallengeAZ : E comme Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélo ?

EST-CE QUE JE TE DEMANDE SI TA GRAND-MERE FAIT DU VELO ?

Signification

Je ne t'ai rien demandé, mêle-toi de tes affaires !

E © blog.bubble-globe.fr
Origine

Cette question hautement existentielle viendrait d'une rengaine des années 1930 qui aurait servi de modèle aux questions ironiques ayant la signification sus-mentionnée (dans la chanson, elle se prolongeait d'ailleurs par d'autres questions toutes aussi graves : "si ta p'tite sœur est grande, si ton p'tit frère va bien au pot...").



samedi 4 juin 2016

#ChallengeAZ : D comme (Le) denier de la veuve



(LE) DENIER DE LA VEUVE

Signification

1. L'obole donnée par un pauvre
2. Les maigres ressources d'un pauvre


D © forumfr.com

Origine
 
Le mot denier nous vient du latin denarius qui désignait une « pièce d'argent valant dix as ». S'appliquant à une monnaie française précise au XIe siècle, il a ensuite servi à nommer des monnaies de valeurs diverses, et ce jusqu'au XIXe siècle.
Ce mot a également d'autres acceptions en liaison avec les textiles ou la finance.

Quant à la veuve, elle nous vient, vers la fin du XVIIe siècle, d'un texte des Évangiles, qu'on trouve aussi bien chez Marc que chez Luc :
« Jésus était assis face au Trésor, il regardait la foule mettre de la petite monnaie dans le Trésor, et beaucoup de riches en mettaient abondamment. Survint une pauvre veuve qui y mit deux piécettes, soit un quart d'as. Alors il appela ses disciples et leur dit : "En vérité, je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus que tous ceux qui ont mis dans le Trésor. Car tous ceux-là ont mis de leur superflu mais elle, de son indigence, a mis tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre." »

Voilà qui explique l'origine du premier sens de l'expression.

Puis, cette signification a glissé de ce qu'offre le pauvre vers ce qu'il possède, c'est-à-dire pas grand-chose.

Il ne faut pas confondre notre locution avec le denier de Saint-Pierre ou le denier du culte (anciennement denier du clergé) qui sont des contributions volontaires offertes par les catholiques à la papauté ou à la paroisse, respectivement. Si le premier aide les finances du Vatican, le second sert normalement à payer les prêtres, ainsi que les laïcs travaillant pour l'Église.


vendredi 3 juin 2016

#ChallengeAZ : C comme Croquer le marmot



CROQUER LE MARMOT

Signification

Attendre longtemps, en se morfondant.

C © coloriage-educatif.com

Origine

Il n'a jamais été question ici, bien sûr, de la dégustation d'un enfant.

Avant d'évoquer les nombreuses suppositions plus ou moins farfelues qui ont été faites, nous allons d'abord présenter l'origine qui a maintenant les faveurs des lexicographes, la plus probable, proposée par Pierre Guiraud :
Au XVIe siècle, date d'apparition de l'expression, alors que les sonneries électriques n'existaient pas encore, les portes ou leurs montants étaient équipées de clochettes ou de heurtoirs. Ces derniers, depuis le Moyen Âge, avaient le nom de marmot, parce qu'ils portaient souvent une figurine un peu grotesque comme l'était la tête des marmots, terme qui au même siècle voulait dire singe. Il ne faut pas oublier qu'à la même époque, croquer signifiait frapper. En effet, un croque-note était un mauvais musicien, par exemple, et le jeu de croquet tire son nom du verbe avec cette acception.

Alors croquer le marmot voulait simplement dire « frapper le heurtoir d'une porte » devant laquelle on pouvait attendre très longtemps et frapper sans relâche si elle restait désespérément close.

Parmi les nombreuses autres explications qui ont fleuri au fil du temps voici un résumé des principales :
- Les peintres attendaient leurs clients en dessinant (en croquant) des petits enfants sur les murs des pièces où ils attendaient ;
- Marmotter voulait dire « claquer des mâchoires ». L'expression serait alors une signification comme « grogner (sous-entendu claquer des dents) lors d'une longue attente » ;
- Le marmot désignant aussi un tisonnier, l'expression s'appliquerait alors à quelqu'un qui, attendant longuement à proximité d'une cheminée, s'occuperait en attisant le feu à l'aide de cet instrument également appelé marmouset.





jeudi 2 juin 2016

#ChallengeAZ : B comme Bon sang ne saurait mentir

BON SANG NE SAURAIT MENTIR

Signification

Les qualités ou les défauts des parents se retrouvent chez les enfants.
Ce qu'un parent a fait, son enfant le fera.


B © dondusangcazotte.over-blog.fr

Origine


Ce proverbe date du XIVe siècle (mais il existait sous une autre forme dès le XIIe, alors que, métaphoriquement, le "sang" couvrait déjà la notion de "famille").

Dans son acception actuelle, il peut avoir un côté dangereux car il autorise implicitement le jugement d'une personne d'après ce que ses parents sont ou font (ainsi, un fils de délinquant ne peut être lui-même qu'un délinquant, par exemple).



mercredi 1 juin 2016

#ChallengeAZ : A comme Avoir un cadavre dans le placard

AVOIR UN CADAVRE DANS LE PLACARD

Signification


Avoir dans son passé un scandale, une affaire peu avouable que l'on ne tient pas à divulguer.


A © 3xrien.over-blog.fr

Origine


Le cadavre symbolise ici le lourd secret qu'il ne faut surtout pas ressortir au grand jour, qu'il ne faut pas "déterrer" alors qu'il est dans un endroit, le placard, où il pourrait être inopinément mais facilement découvert. Il peut aussi bien s'agir d'un sombre secret de famille, par exemple, que d'une casserole que traîne un politique en campagne.


Cette expression est une copie pure et simple de l'anglais "a skeleton in the closet" dont l'origine réelle n'est pas connue mais qui a été popularisée en 1845 par le romancier britannique William Makepeace Thackeray, auteur entre autres des "Mémoires de Barry Lyndon" portées à l'écran par Stanley Kubrick.



lundi 23 mai 2016

#ChallengeAZ : des expressions familiales

Cette année, mes obligations professionnelles m'empêchent de participer au ChallengeAZ. Rien que de le dire/l’écrire/le lire, je me dis que ce n'est pas possible. Alors je vais faire un mini challenge. J'avais réuni de la documentation en vue d'un calendrier de l'avent, de publications sur Twitter ou, je ne l'excluais pas, un ChallengeAZ. Alors voilà, je l'adopte pour l'édition 2016.

Pour ce ChallengeAZ 2016 je vais donc, lettre après lettre, vous faire (re)découvrir des expressions ayant un lien avec :
  • la famille - au sens large : c'est-à-dire comportant le nom d'un membre de la famille proche (comme le neveu) ou beaucoup plus lointain (comme les os de nos ancêtres !),
  • un rapport avec l'arbre (généalogique bien sûr),
  •  le mariage, 
  • l'âge...
Significations et origines sont parfois bien connues, d'autres beaucoup plus mystérieuses.

Bon, OK, de temps à autres c'est un peu tiré par les cheveux et parfois la lettre du jour ne se trouve pas au début de la phrase, juste un peu plus loin; mais enfin, tout y est !

Rendez-vous le 1er juin !



Ces articles ont été rédigés grâce aux sites suivants :
- www.expressio.fr
- www.expressions-francaises.fr


lundi 9 mai 2016

Défi 3 mois : les papiers de famille

Comme je le disais dans mon précédent article du Défi 3 mois ma grand-mère gardait tout. J'en ai déjà donné un bref aperçu dans ledit article. Mais dans les liasses de documents retrouvés chez elle il y avait aussi :
  • la carte SNCF "famille nombreuse" de sa grand-mère, qui lui faisait bénéficier de "30% de réduction sur les tarifs généraux".
Carte SNCF Adeline Roy © coll. personnelle

Je connaissais déjà son visage; Exactement celui-là, car cette photo d'identité est tiré d'une carte portrait que je possédais. J'avais aussi un exemplaire de sa signature de jeune fille où elle signait Adeline Bregeon et non Roy comme ici, avec son nom d'épouse. Née en 1875, Clémentine Adeline Bregeon a épousé Joseph Auguste Roy en 1899. Ils auront 5 enfants. L'adresse qui figure sur la carte est celle de sa fille (mon arrière-grand-mère), chez qui elle habitait alors. La carte SNCF a été établie en 1949, valable jusqu'au 9 mai 1953, selon le tampon appliqué sur la carte. Elle est décédée en août 1953, à 78 ans. C'était probablement sa dernière carte SNCF.
  • les cartes de communion solennelle : 
 Celle de ses filles :
Carte de Marie-Catherine (ma mère), 6/6/1957; de Nicole, 26/5/1960; 
de Chantal, 17/6/1962; de Nicole à nouveau © coll. personnelle

Celle de membres de sa famille (notamment celle de la tante Gabrielle, dont nous reparlons) et celles de personnes dont les noms ne m'évoquent rien. Certaines ne sont pas datées, d'autres si : elles vont de 1920 à 1943. Sauf une, beaucoup plus ancienne : elle est datée du 29 mai 1898 ! Elle porte le souvenir de la première communion d'un certain Robert Auguste-Nicolas faite en la chapelle du collège de St Malo le 29 mai 1898. Je n'ai pas réussi à le relier à notre famille. Je ne sais pas qui il est. Un tampon ajouté à postériori indique la date du 23 août 1937 : je ne sais pas à quoi il correspond.

Carte R. Auguste-Nicolas, recto-verso, 1898 © coll. personnelle
  • des bulletins de note de ses filles. Toutes autour de la table, nous triions les documents de feue ma grand-mère. Quand soudain nous trouvons deux bulletins de notes : l'un était celui de ma mère et l'autre celui de ma tante Nicole. Après avoir lu ses appréciations collégiennes, ma tante déchire le document, sans doute jugé inutile à présent. J'ai failli faire un malaise : et voici comment les archives familiales disparaissent - en direct. Heureusement, j'ai pu faire conserver celui de ma mère !
Bulletin de note de Marie-Catherine, 1959-1960 © coll. personnelle

L'année de 4ème au "collège moderne de jeunes filles d'Angers" a été un peu moyenne pour ma mère. Je suis étonnée de la voir si bonne en histoire (15/20), "absente" en mathématique (quoi : on pouvait être dispensée de math à l'époque ?). Je comprends pourquoi je suis si nulle en langue étrangère et en sport (ça doit être héréditaire). Heureusement ma mère avait une "conduite" exemplaire (16/20). La moyenne générale (10,76/20) et le rang (12ème sur 28) expliqua sans doute pourquoi qu'elle n'ait pas figuré au tableau d'honneur ! Ce qui ne l'empêchera pas d'être admise en 3ème. On devrait toujours pouvoir avoir accès au bulletin de ses parents quand on reçoit le sien... Après la 3ème ma mère change d'établissement (et de profs, enfin)... et ne quittera plus les têtes de classe. Comme quoi, il ne faut pas désespérer.
  • le dossier de sa carrière (ou plutôt quelques éléments de sa carrière, essentiellement des années 1946/1961) : de l'arrêté préfectoral de nomination au poste d'auxiliaire en 1946, en passant par des courriers administratifs de la SODEP (Société de Diffusion et d’Éditions Publicitaires) pour qui elle a fait quelques missions d'intérim (si vous me passez le terme anachronique) dans les années 1950, à la carte de visite de l'abbé directeur diocésain de l'enseignement du premier degré qui lui présente (outre ses sentiments dévoués) un poste d'institutrice remplaçante en 1960. Quelques bulletin de paye (vus dans le premier article du défi 3 mois). Un arrêté préfectoral acceptant la demande de congé maternité.
Arrêté préfectoral, 1946 © coll. personnelle

  • les dossiers de sa maison : dans les années 1960 elle et son mari font construire une maison. De nombreux documents rappellent ces travaux : un épais devis de 1961, une esquisse cotée de la barrière d'entrée, des courriers avec les artisans (peintre, vitrier, chauffagiste), des procès verbaux de réception des travaux.
  • quelques inattendus :
- Le livre d'or de la famille (voir article précédent du défi 3 mois).
- Des plaques de photos d'identité... avec de drôles de poses...
Christiane, 1941 © coll. personnelle

- L'abc de la femme pratique...
L'abc de la femme pratique - vacances, 1957 © coll. personnelle

Ce dernier est un fascicule d'une trentaine de page, expliquant quelques astuces pour passer de bonnes vacances : la construction d'un barbecue (avec foyer en maçonnerie !), des patrons de couture, des recettes de cuisine "minutée" pour passer le moins de temps possible aux fourneaux, des leçons de bricolage dont le montage d'une tente fabrication maison, le sport et la beauté et bien sûr les leçons de savoir-vivre. "La femme moderne" est vraiment moderne, jonglant entre le vilebrequin, la pratique de l'aviron, le poulet norvégien, sans oublier de servir à boire aux personnes âgées et enfants de la tablée ! Cette savoureuse leçon vous a été offerte par la revue Femina pratique (supplément au n°69) de 1957.
  • des photos de famille
Marie-Catherine et Nicole, 1949 © coll. personnelle

Voici ma mère et sa sœur Nicole, citée plus haut.

Les photos c'est bien (bon sauf pour ma mère qui ne va sans doute guère apprécier ce cliché avec nœud dans les cheveux...), mais il faut toujours les retourner, car le verso révèle parfois d’autres trésors :

- Un message émouvant
Si ce petit garçon se reconnaît, qu'il se manifeste : je ne connais pas son identité. Mais en tout cas, Christiane a bien gardé la photo, comme il l'avait souhaité.

- Une information inédite ?
André, 1944 © coll. personnelle

Au verso la mention : "André [mon grand-père] à un repas avec les prisonniers de guerre de retour en France 1944"... J'ignorais son passé de prisonnier de guerre. En fait pas du tout : après renseignements pris, il était dans l'intendance des armées pendant la guerre et devait assister à ce déjeuner à ce titre (organisateur ?). Comme quoi, il faut toujours tout vérifier.
C'est à cause de cette affectation qu'il est arrivé en Anjou et a rencontré ma grand-mère...


Et d'autres photos tout à fait particulières, qui feront l'objet du dernier article du Défi 3 mois.

Retrouvez les autres épisodes :
Défi 3 mois : le livre d'or
Défi 3 mois : la sœur missionnaire


lundi 25 avril 2016

#Généathème : le plus ancien des ancêtres

Je m'en vais vous conter les mémoires du tronc de la Maison de Sales, comme ainsi Monseigneur de Sales son descendant le fit en MDCLIX [ 1 ]. Certaines personnes curieuses, savantes ou non, pourraient y voir là quelques sources de divertissement; et ce serait déjà une bien belle chose.
C'est ainsi mon cher lecteur que Pierre de Sales appartient à une belle et fort ancienne Maison. Si les envieux, les calomniateurs et les médisants en doutent, j'ai estimé tout faire pour en apporter l'affirmation. Grâce à de nombreux d'actes d'Œconomie il est facile de les tisser ensemble pour en faire tirer la preuve d'une existence.

Voici donc ce que l'on peut soutenir sans faille :

Il existe plusieurs familles de Sales car c'est là un nom répandu. Nous ne parlerons point de ceux qui ont lâchement usurpé le nom, mais nous intéressons à la famille de Sales de Thorenc (aujourd'hui Thorens-Glières en Haute-Savoie), en Genevois, du nom de la paroisse dans laquelle notre Maison est située.

Le château de Sales, première demeure de la famille, était situé à environ 200 mètres au-dessus du château de Thorens actuel. En 1630 Sales sera détruit pendant l'occupation française du duché de Savoie.

Château de Thorens, de nos jours © gpps.fr

La Maison désigne tout à la fois un bâtiment d'habitation, une famille, une race.

Les armes de la Maison de Sales se blasonnent ainsi : D'azur, à deux fasces d'or, chargées chacune d'une autre fasce de gueules, accompagnées d'un croissant d'or en chef et de deux étoiles à six rais d'or en cœur et en pointe.
Blason de la Maison de Sales

Inféodés, originellement, aux seigneurs de Compey, les Sales passèrent ensuite au service des Princes de Luxembourg-Martigues. Plusieurs générations de Sales occupèrent la prestigieuse charge de maître d'hôtel de la maison du Prince.

Mais revenons à notre sujet de préoccupation : C'est à savoir premièrement que Pierre serait le fils de Garnier de Sales et de Marmette de Balleyfon. Cependant les archivistes qui ont mis en lumière les représentants de cette illustre Maison ne peuvent s'en assurer avec certitude.

Il est parfois nommé Peronnet ou Pierre le Second (son supposé arrière-grand-père étant aussi prénommé Pierre). Il serait né vers 1323 ou 1324. De sorte qu'il appartient à la vingtième génération de ma généalogie. Il n'aurait qu'un seul frère, Etienne.

En 1335 il est fait mention de Peronnet en qualité de "damoiseau".

Pierre "le Second du nom" était "seigneur de Sales et de Montpitton, vidomne [*] de la Roche".

Il épouse Peronne (ou Pernette) de Chiffé environ en l'an 1353. Elle était la fille de "noble, puissant et spectable [*] Girard de Chiffe, chevallier et thresorier general de Savoye". La Maison de Chiffé était fort nombreuse mais ses titres ont été brûlés dans le château de Polinge par les Huguenots de Genève. De fait, comme cet écrit est destitué de preuve, je ne veux rien assurer. Néanmoins cette union n'était pas une petite gloire pour la Maison de Sales. La mort leur enleva les premiers fruits de leur heureux mariage. Jordan (ou Jordain) porte la qualité d'aîné sur trois autres frères.

Pierre a acquis de nombreuses terres, comme le grand et noble vignoble de Vignier dans la paroisse de Faucigny, sous le château à la vue de la rivière d'Arve et de toute la plaine de la Roche, aux héritiers de Girod N. Ce territoire donna bien de la jalousie, ou de l'envie à plusieurs gentilshommes du voisinage; c'est pourquoi Pierre de Sale a souffert de grands procès.

Lui et ses futurs descendants possédaient, outre le domaine de Sales, la terre autour de Thorenc avec titres de fief et d'hommage et, par conséquent, de juridiction. Ils avaient le pouvoir d'imposer des tributs, cens, services et tailles sur plus de 80 feux [*]. Quatre générations plus tard, les seigneurs de Sales étaient à la tête de plus de 800 sujets taillables et juridiciables. En cas de guerre, lorsque le Prince souverain commandait le ban ou l'arrière-ban, ledit seigneur de Sales devait lui donner un homme armé et entretenu à cheval, selon l'ordinaire taxe de la milice. La chasse, la pêche, le bois pour la bâtisse et pour l'affouage [*] appartenaient en pleine liberté audit seigneur de Sales dans toutes l'étendue de la terre de Thorenc.

Pierre et son frère Etienne ont suivi à la guerre le Comte Vert Amédé VI de Savoie (dans le conflit qui l'opposa au marquis de Saluces dans le Piémont). Le généreux Prince récompensa le chevalier Pierre de Sales en lui donnant de nouveaux titres, reflétant sa fidélité ainsi que les grands et insignes services qu'il lui avait rendu.
Les deux frères assistèrent ensuite à l'institution de l'Ordre du Collier (ordre de chevalerie savoyarde) créé par ledit Comte en 1362. Revenu du Piémont, avec de grands deniers, Pierre fit plusieurs autres acquisitions rière [*] Thorenc & la Roche, dont la désignation se voit par le menu dans le livre des Reconnaissances.

Peronne de Chiffé, son épouse bien-aimée, mourut vers 1372 et fut enterrée dans l'église de Thorenc. Âgé d'environ 50 ans, Pierre crut devoir se remarier pour la meilleure conduite de la famille : il épousa donc en secondes noces Rolette du Bochet, une vertueuse matrone, veuve de Jacques de Bessonais, écuyer et bourgeois d'Annecy - alliance moins illustre que celle avec la Maison de Chiffé, bien que fort noble. Ils n'eurent point de descendance.

La Maison de Sales a été régulièrement en conflit avec celle des Compey, seigneurs de Thorenc. Après plusieurs affaires, usant partout de la violence et abusant des grâces de la Duchesse de Savoie, se faisant des ennemis partout, les Compey furent obligé de fuir en France. Par une sentence de 1451 ils furent bannis des États de Savoie, leurs biens confisqués. La Maison de Savoie récupéra le château, qui sera finalement racheté en 1559 par le seigneur de Sales.

Pierre de Sales mourut sans doute avant 1389, date à laquelle son fils passa acte devant notaire en qualité de seigneur de Sales. Sa sépulture fut probablement en la place de ses ancêtres dans l'église de Thorenc.

Pierre de Sales est l'heptayeul de Saint François de Sales (ancêtre à la 7ème génération).

D'après ma source principale, Pierre ne serait pas le plus ancien de la lignée : Garnier, Guigues (ou Guy), Pierre Ier, Jacques, Henry, Raoulet (ou Rodolphe), Guichard, Gerard l'auraient précédé. Mais le silence de l'antiquité ne permet pas d'en être parfaitement assuré : "l'archiviste qui, en l'an 1642, mit en lumière l'échantillon généalogique de la maison de Sales, ignoroit les générations de Jacques à Gérard, parce qu'il n'avoit rien trouvé plus haut que Pierre Ier dans les archives de Sales; mais les archives de la Roche, de l'église cathédrale St Pierre de Genève, les mémoires de Pierre Saillet et quelques autres ont donné ces plus hautes lumières". Hélas, tous les historiographes ne sont point d'accord. C'est pourquoi Pierre II figure dans ce chapitre aujourd'hui en tant qu'ancêtre le plus ancien de mon arbre et que les générations précédentes, connues ou inconnues, restent pour l'heure dans l'ombre. 



Source : Le pourpris historique de la Maison de Sales de Thorenc en Genevois, par Charles Auguste de Sales, Évêque et Prince de Genève.

A noter : Un pourpris est une enceinte, un enclos et parfois une demeure, dans la France de l'Ancien Régime. La réalité désignée par le mot « pourpris » dépasse celle d'un simple jardin en ce qu'elle recouvre les différents éléments d'un domaine physiquement bien délimité et fermé.
L'auteur de l'ouvrage le définit ainsi : c'est pour prendre, actif, prendre tout à bout, ainsi dit-on de la racine d'un arbre pour prendre quelque place.


[ 1] Ne voulant point mettre mon lecteur dans l'embarras, je lui offre ici une table afin qu'il convertisse la date citée, si c'est selon ses désirs :
[*] Voir la définition dans la page lexique de ce blog.