« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

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lundi 3 avril 2017

Fête de famille pour 241 descendants

En août 1971 il y eu à Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) une cousinade. Le nom de cousinade n’avait probablement pas encore été inventé, mais tel était cette réunion de famille.

Célestin GABARD est né en 1860 à la ferme de La Gidalière (commune de Saint-Amand, donc) ; ferme que tenait son père, ainsi que son grand-père avant et sans doute tous ses ancêtres (du moins jusqu’à la Révolution, c’est une certitude ; les registres antérieurs ayant disparus il ne nous est pas possible de le prouver irrévocablement). Il est le grand-père de ma grand-mère maternelle.
En 1892 il épousa Marie Henriette BENETREAU, originaire d’une commune voisine, Saint-Aubin-de-Baubigné.

Ensemble ils eurent  9 enfants, tous nés à St Amand :
- Célestin Aubin Eugène né le 2/4/1893, marié le 27 avril 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Agnès Augustine CHARRIER
- Marie Léonie Henriette née le 4/9/1894, marié le 27 avril 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Gabriel Joseph ROUSSEAU, décédée le 5 juillet 1972 à La Petite Boissière
- François Joseph né le 9/2/1897, marié le 13 juillet 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Claire Marie Augustine ALBERT, décédé le 20 décembre 1962 à St Amand
- Joseph Elie né le 6/9/1899 mon ancêtre direct (cf. plus bas)
- Berthe Lucie Marie née le 19/11/1901
- Octave Henri Marie né le 30/3/1903, marié le 18 novembre 1929 à La Petite Boissière  avec Marie Louise Gabrielle RENAUD
- Alice Françoise Augustine née le 10/6/1904, marié le 10 juin 1925 à Saint-Amand  avec Raoul Alfred Alphonse MAUDES (MANDES ?), décédée le 4 décembre 1960 à Treize Vents
- Lucie Joséphine née le 27/4/1905 p44, décédée à Angers le 18/2/1988  
- Gabriel Roger Octave Marie né le 29/2/1912, marié le 29 avril 1947 à Saint-Amand  avec Marie Madeleine ARNOU (selon la mention marginale de son acte de naissance, mais connue sous le nom de Domitille – qui était aussi le prénom de sa mère semble-t-il).

Il est difficile de suivre ensuite chacun de ces enfants : c’est le fameux « trou noir de la généalogie » (trop récent pour apparaitre librement en ligne [*], trop ancien pour le souvenir des Hommes). Seules les mentions marginales des actes de naissance nous renseignent sur leurs mariages et décès, mais certains actes n’en possèdent pas.

Cependant je connais au moins ce qui concerne mes propres arrière-grands-parents, Joseph Elie et Flora Marie Victunienne ROY : ils eurent 4 enfants.
- L’aînée (ma grand-mère) en eu 5,
- La seconde 3,
- La troisième 3 également,
- Le dernier 3 aussi,
Soit 14 descendants pour cette génération.


La Gidalière, date inconnue © coll. personnelle
Marqués d'une croix, à gauche Gabriel (dernier fils du couple) et sa mère Marie Henriette Benetreau, veuve Gabard [**] (3ème à partir de la gauche) devant la façade de la ferme. Les autres : des inconnus, déjà…

Célestin et Marie Henriette moururent respectivement en 1924 et 1951. Vingt après le décès de Marie Henriette, la famille a choisi de se réunir – à la ferme de la Gidalière, bien entendu. Nombreux furent présents, à tel point que la « fête de famille » fit l’objet un court article dans le journal local.

Cet article nous renseigne sur la composition de la famille à cette date :
  • Les 9 enfants (au moins trois sont déjà décédés, selon les mentions marginales de leurs actes de naissance)
  • 70 petits-enfants
  • 133 arrière-petits-enfants
  • 10 arrière-arrière-petits-enfants

Bon, l’addition de tout cela fait 222 personnes, et non 241 comme annoncé dans le journal : peut-être que les 19 membres manquant de la famille n’ont simplement pas pu assister à la fête. En tout cas, ils étaient nombreux, dirons-nous...

Une messe fut organisée lors de ces retrouvailles, assurée par l’abbé Albert Gabard, fils de François et Claire.

L’article précise que des panneaux généalogiques avaient été réalisés, afin que chacun puisse se situer parmi les membres de la famille. Dommage que ces panneaux se soient perdus… Ils couvraient l’histoire d’une famille sur plus d’un siècle ; une famille à l’origine fermiers des Deux-Sèvres et depuis dispersée dans le département et jusqu’à Angers et Poitiers.

La ferme de La Gidalière resta dans la famille Gabard, reprise par André, fils de François. Pour mémoire, mon arrière-grand-père Joseph n’a pu en hériter après la seconde guerre mondiale, comme je l’ai raconté dans l’article Une lettre… pour changer une vie. André fut le dernier des Gabard à posséder cette ferme. C’est maintenant une coquette résidence… mais sortie du giron familial historique.

Aujourd’hui, combien sommes-nous de descendants de ce couple ? Dispersés à travers toute la France cette fois, difficile de le dire. Les anciens nous ont quittés, remplacés par des plus jeunes.


Fête de famille, journal (inconnu), 1er août 1971 © coll. personnelle

« Une réunion de famille qui mérite son nom…
Réunir une famille dont les 241 membres sont dispersés entre Saint-Amand-sur-Sèvre, Angers et Poitiers, tient du véritable exploit. C’est celui qu’a réussi M. l’abbé Albert Gabard, vicaire de Loudun, qui célébra lui-même la messe de famille dans un pré de la ferme où vécurent ses aïeux, M. et Mme Célestin Gabard.
Les neuf enfants de ces derniers avaient amené leurs fils et filles (70), leurs petits-enfants (133) et leurs arrière-petits-enfants (10).
Après la messe, la nombreuse famille se rassembla en un joyeux pique-nique avant de participer à des jeux et danses divers.
La journée se termina par un feu de joie tandis que, durant toute la fête, les descendants de M. et Mme Gabard avaient pu suivre sur des panneaux généalogiques, l’évolution de leur famille depuis plus d’un siècle. »



[*] Pas de registre en ligne postérieur à 1912 à Saint-Amand.
[**] La date du cliché n’est pas connue, mais vu l’apparence de Marie Henriette, il a sans doute été pris après la mort de Célestin, donc dans les années 1930 ou 1940.


samedi 21 janvier 2017

#RDVAncestral : la colère de Jeanne

Jeanne marche d’un pas décidé, suivie d’Aubin Pineau, son beau-frère. Si rapide que j’ai du mal à les suivre. Les 2 kilomètres qui séparent la métairie du Tail du village de Saint-Aubin-de-Baubigné ne lui font pas peur : elle a l’habitude. La démarche pressée, les poings serrés, la bouche fermée, Jeanne est en colère. Et ce n’est pas le soleil de ce mois de juillet 1822 qui va lui rendre le sourire.

Jeanne s’apprêtait à épouser François Bénéteau, le fils aîné de l’ancien meunier de Changé à Nueil-sur-Argent. Aujourd’hui les deux parents du futur sont décédés et François est domestique. Cependant il apporte tout de même la valeur de 414 livres dans la corbeille du mariage. Après tout, elle, fille de métayers, placée aussi comme domestique, n’est guère plus riche et n’apporte que 271 livres. Et puis, son père est mort il y a déjà six ans et elle en a 22 maintenant : il faut qu’elle se marie. Ce François est un bon parti pour elle.

Jeanne m’a raconté la raison de sa colère : quand ils sont allés à la mairie pour déclarer leur intention de se marier, surprise, l’officier d’état civil leur a dit que ce n’était pas possible.
- Pas possible ? Et pourquoi donc ?
- Parce que vous n’existez pas ! lui a-t-on répondu !
- Et bien ça ! C’est trop fort : vous voyez bien que j’existe puisque je suis devant vous !
En fait l’officier d’état civil lui a expliqué qu’il ne trouvait pas son acte de naissance dans les registres (ou tout au moins ce qu’il en est resté après les combats violents qui ont ravagé la région à la fin du siècle dernier [*]) : sans ce document, pas d’existence légale. Pas de mariage.
- Mais alors, on ne peut pas se marier ?
- Ben, en fait si, il y a un moyen : il faut prouver que vous existez. Ça s’appelle un acte de notoriété : il faut que plusieurs témoins attestent de votre naissance. En général ce sont les parents qui font cette déclaration.

Jeanne est sortie de la mairie bien dépitée : son père est mort et sa mère est tellement malade qu’elle ne quitte plus son lit depuis plusieurs mois. Mais après un léger découragement, elle a repris espoir : deux témoins suffisent ; ils ne doivent pas obligatoirement être les parents.

C’est pour cela que nous marchons d’un pas vif vers la mairie : pour régulariser la situation de Jeanne et prouver qu’elle existe bien ! Arrivés devant la maison commune, nous retrouvons Pierre Sapin, tisserand à Rorthais. Nous entrons, Jeanne en tête bien sûr.

- Je viens déclarer que j’existe !
Elle est si décidée, que l’officier d’état civil ouvre son grand registre sans discuter ni perdre une minute. Et de sa fine écriture il écrit : « A comparu Jeanne le Beau laquelle nous a dit qu’elle ne se trouve pas portée sur les registres de l’état civil, à cause des troubles qui existaient lors de sa naissance ; qu’elle ne peut se faire représenter par sa mère à cause d’une maladie qui la retient au lit depuis près d’un an ; mais elle nous offre le témoignage de deux personnes dignes de confiance, notamment celui de Aubin Pineau son beau frère à cause de marie beau son épouse, et qui nous assure qu’elle est née le douze avril mil huit cent […] elle a déclaré ne savoir signer. » A leurs tours, Pierre Sapin et Aubin Pineau ont fait la même déclaration.

Acte civil reconstitué, Mauléon/St Aubin de Baubigné, 1822 @ AD79

Oui, maintenant Jeanne existe vraiment. Elle se détend un peu. Elle va pouvoir se marier. Le retour à la métairie est plus calme. Nous parlons à bâtons rompus, de ses rêves, de ses espoirs. Avec François ils comptent s’installer au Tail comme « cultivateurs » (comme on dit désormais). Elle espère avoir des enfants : trois ou cinq, elle ne sait pas encore ! Elle espère aussi que sa mère ira mieux et pourra se remettre.

Je lui dis que ses rêves se réaliserons sans doute parce que, vu son caractère bien affirmé, elle ne laissera sans doute personne se mettre en travers de son chemin. Il m’est difficile de lui raconter le futur et de lui dire que sa mère va se rétablir et vivre encore jusqu’en 1836. Qu’elle aura trois enfants (ou cinq, selon quelques généalogistes, mais personnellement, je n’ai pas réussi à prouver leurs liens de parenté…). Hélas, elle perdra une petite fille, âgée de trois mois seulement. Elle et François feront fructifier leurs terres : de la mère de Jeanne ils hériterons de 160 livres, mais lègueront à leurs propres enfants, 20 plus tard, 850 livres. Après le décès de François en 1859, c’est Jeanne qui tiendra les rênes de la borderie du Tail; le recenseur l’inscrivant même comme « chef de ménage ». J’aurais bien aimé lui demander où et quand elle va mourir à son tour, car je pers sa trace après le mariage d’un de ses fils en 1866, mais elle ne le sait pas elle-même : inutile de lui poser la question.

En tout cas, oui, à coup sûr Jeanne ne se laissera pas marcher sur les pieds et elle existera pour de bon cette fois !



[*] Il s’agit sans doute des suites des guerres dites « de Vendée », qui ont ravagé la région à l’époque post-révolutionnaire (au moment de la levée en masse, en 1793, la révolte ou rébellion vendéenne, s'est déclenchée, dans un premier temps comme une jacquerie paysanne classique, avant de prendre la forme d'un mouvement contre-révolutionnaire). Elles se sont étendues aux Deux-Sèvres ; Saint-Aubin-de-Baubigné se trouvant à dizaine de kilomètres de la « frontière » vendéenne. Beaucoup de registres de cette époque sont lacunaires ou totalement manquants. Quelques actes ont été reconstitués plusieurs années plus tard ; comme c’est le cas pour Jeanne ici.


dimanche 6 novembre 2016

Une belle bande de bras cassés

Suite aux récentes mises en ligne des registres de recrutement militaire sur le site des archives départementales des Deux-Sèvres, je me suis précipitée sur mon arbre avec gourmandise pour découvrir le passé militaire de mes ancêtres. Les archives ont bien fait les choses puisque les registres couvrent la (large) période de 1781 à 1920 (même si les dernières années ne voient que les tables alphabétiques, règles de publication obligent).

15 de mes ancêtres directs sont concernés par ces registres. Parmi eux 4 n'ont pas été trouvés : ils sont nés en 1781 (François Roy et Pierre Marolleau), 1792 (François Benetreau) et 1818 (Pierre Gabard). 11 fiches ont donc été découvertes, mais sur ces 11 hommes à peine 3,5 ont fait leur service !

Bon, je sais, 3,5 c'est un chiffre bizarre; expliquons tout de suite : Félix Célestin Gabard, né en 1860, est déclaré dispensé par le conseil de révision car il a déjà un frère aux armées. Cependant cela ne l'exonère pas de ses obligations militaires : il est affecté dans l'infanterie de l'armée active (sans servir sous les drapeaux) puis dans la réserve (en 1886, stationné à Parthenay) et la territoriale (en 1891, 37ème RI) et fait ses périodes d'exercices réglementaires. Il est libéré définitivement du service militaire en 1906.

Son fils Joseph Elie Gabard, né en 1899, est ajourné pour faiblesse, puis finalement déclaré bon pour le service et incorporé en avril 1921. Mais, coup de théâtre, dès le mois de mai suivant il est à nouveau réformé, définitivement cette fois pour cause de "rétrécissement mitral, frémissement cataire très net précédent la systole, léger roulement diastolique, pâleur, essoufflement, période d'arythmie". Rayé des contrôles, il rentre dans ses foyers le 19 mai 1921.

Alexandre Guetté, né en 1793, a une petite particularité (c'est le cas de le dire) : la taille du conscrit est de 1,490 m et 1,478 m (sic ! Les deux tailles sont inscrites sur sa fiche). Il doit y avoir une explication à cette double mesure : correction lors du conseil de révision peut-être ? Mais comment a-t-il fait pour rapetisser, je l'ignore. De toute façon il est trop petit et la décision du conseil de révision est sans équivoque : réformé pour défaut de taille.

François Aubin Benetreau, né en 1823, est réformé pour "cicatrice scrophuleuse au bras gauche"; soit une fistule purulente d’aspect dégoûtant, un abcès - peut-être bien en lien avec une tuberculose articulaire, car le terme scrofuleux est utilisé dans la sémiologie de cette maladie (*). 

Jean Baptiste Bouju, né en 1810, est exempté. Motif : "humeur [=liquide de l'organisme] dans la cuisse gauche, testicule plus gros l'un que l'autre". Il y a parfois des détails sur nos ancêtres qu'on préférerait éviter de savoir...

François Jean Marc Roy, né en 1814, est exempté pour cause d'hernie double.

Son fils François Jean Baptiste Florent Roy, né en 1847, est affecté dans l'infanterie, 1er bataillon 4ème compagnie. Il a le grade de garde. Il est indiqué qu'il a participé aux campagnes de 1870 et 1871 contre l'Allemagne. Son degré d’instruction est de 0 (ne sait ni lire ni écrire) - mais il a de tout évidence appris à écrire un minimum plus tard car il signe l'acte de décès de sa mère en 1891. Il est libéré définitivement du service le 1er juillet 1893. Au milieu de ses années de services, il a fait un petit retour à la maison : marié en novembre 1872, son premier fils naît en août 1873.

De son fils Joseph Auguste Roy, né donc en 1873, je ne possédais au début que de sa photo : cela a été une de mes premières enquêtes généalogiques. 
Joseph Auguste Roy, date non connue © coll. personnelle
Militaire, de toute évidence.
J'ai fait de longues recherches sur internet pour retrouver son affectation d'après son uniforme (les fiches militaires n'étaient pas encore en ligne).
L'uniforme est composé d'un dolman en drap noir ou bleu foncé orné de brandebourg blanc. Le collet est frappé du n°5, entouré d'un liseré blanc. D'après le costume, ce serait un cavalier de la 5ème compagnie de cavalier de remonte (sans doute basé à Saumur). Pour se fournir en chevaux l’armée avait des centres (dépôts) chargés de l’achat et du dressage des chevaux à la vie militaire. Les compagnies étaient dispatchées par région militaire.
Avec les premières mises en ligne des fiches militaires, j'ai eu la confirmation de mon enquête : d'abord affecté au 25ème régiment de dragon, il est rapidement envoyé à la 5ème compagnie de cavaliers de remonte (unité non combattante). 
Le certificat de bonne conduite lui a été refusé (!). Pour mémoire ce certificat est attribué aux soldats qui n'ont pas encouru de punition, sous réserve d'avoir accompli la durée légale du service. Qu'a-t-il fait pour ne pas le mériter ? Mystère...
Il meurt le 17 août 1914 à l'hospice des aliénés (ancien Hôpital Général) de Niort. La première guerre mondiale est déclarée le 1er août. La mobilisation se termine vers le 15 août. Joseph décède le 17 août : il n'a pas été au combat.

Jacques Isidore Bregeon, né en 1813 est exempté. Motif : faible constitution.

Son fils Jacques Célestin Bregeon, né en 1842, est aussi exempté pour faiblesse de constitution.

Jacques Amant Boury, né en1827, est exempté car il est fils unique de femme veuve.

Si vous avez eu la patience de lire cet inventaire à la Prévert, vous avez constaté que sur ces 11 hommes 9,5 ont été exemptés :
  •  6 pour problèmes de santé,
  • 1 pour petite taille,
  • 1 pour soutien de famille,
  • 1 a fait un faut départ et est finalement renvoyé dans ses foyers pour problème de santé également, 
  • et le dernier a été dispensé.
Donc seuls 2 de mes ancêtres ont fait leur service militaire, dont un dans une unité non combattante. Une pensée pour François Jean Baptiste Florent Roy qui a fait les campagnes contre l'Allemagne et a peut-être été le seul de mes ancêtres des Deux-Sèvres à avoir entendu les bruits du canon.
Quant aux autres (scrofuleux, rachitiques, faiblards en tous genres...), on peut dire que le pays a engendré des enfants de petite constitution...



(*) Merci aux spécialistes des trucs dégoûtants qui m'ont aidé à déchiffrer et expliquer ce motif d'exemption : @gazetteancetre, @guepier92, @chroniques92 et @lulusorcière

mardi 8 mars 2016

#Généathème : le mois de la femme

Elle portait toujours la coiffe vendéenne, qu'elle amidonnait avec soin.

Marie Henriette Benetreau, épouse Gabard, années 1920 © coll. personnelle

Née Marie Henriette Benetreau le 10 juin 1871 à Saint Aubin de Baubigné (79), elle était mon aïeule à la cinquième génération. Ses parents étaient cultivateurs (ou bordiers ou métayers selon les années et les actes). Petite dernière, elle a grandi à la ferme avec ses parents, ses sœurs et son frère et bien sûr le domestique et la servante - personnels toujours présents dans les fermes de l'époque et de la région.

Plus tard la famille déménage un peu plus loin à Saint Amand sur Sèvre, au hameau de La Gidalière. C'est là que se trouve la ferme transmise de génération en génération dans la famille de ma grand-mère maternelle, depuis la Révolution et peut-être même avant...

Extrait carte environs de Saint-Amand-sur-Sèvre © Geoportail

Elle y rencontre Célestin Félix Gabard (c'est à sa famille qu'appartient ladite ferme) et l'épouse en 1892. La vie s'organise, avec plusieurs générations sous le même toit : les parents, les époux, son beau-frère et sa famille, ses enfants, les domestiques; entre 10 et 15 personnes selon les années. Les grossesses se succèdent (il y en aura neuf). Les enfants sont envoyés à l'école, au moins "la petite école" pour apprendre à lire et écrire. Ensuite, les enfants reviennent sans doute à la ferme pour aider aux travaux.

Plus tard quand la Grande Guerre éclate, elle connaîtra le destin difficile d'une mère s'inquiétant pour ses fils au front :
- Son fils aîné, Célestin Aubin, âgé de 21 ans est y envoyé dès le début de la guerre. Il est cité comme soldat "calme et courageux", mais sera évacué à cause des gaz qu'il reçoit à la toute fin de la guerre, en septembre 1918.
- Le second François Joseph est d'abord ajourné pour faiblesse, puis finalement incorporé en 1917. Il sera blessé, lui, en octobre 1918; blessure invalidante qui lui vaudra pension.
- Joseph Élie (mon arrière-grand-père) est trop jeune pour avoir participé à la Première Guerre Mondiale. De toute façon, quand viendra son tour, les autorités militaires l'ajourneront pour faiblesse de cœur.
- Les deux derniers fils, né en 1903 et 1912 ont aussi échappé à ce conflit, bien sûr, vu leur âge.

La paix revient mais n'empêche pas les drames : Marie perd son époux en 1924. Il décède "en son domicile", à la ferme, comme c'était l'usage autrefois : on y naissait, on s'y mariait, on y vivait, on y mourrait.
Mais la vie doit continuer. Marie n'a que 53 ans. Elle survivra à son époux et restera veuve pendant presque 30 ans encore.

Pendant la guerre, c'est Joseph, le malade du cœur, qui a aidé sa mère à tenir la ferme. Mais quand ses frères sont revenus le père lui a dit que, malgré la tâche (bien) accomplie, c'était à l'aîné de reprendre la ferme. Lui n'avait qu'à se trouver une situation ailleurs... Marie voir alors partir son fils à Angers où il va s'installer comme boucher. C'est le premier Gabard à quitter la ferme de la Gidalière.

Le vendredi Marie allait jusqu'à Châtillon (aujourd'hui Mauléon) pour y vendre au marché son beurre, ses lapins, poules et œufs. Le midi elle s'arrêtait chez Clémentine Bregeon (épouse Roy, la mère de sa bru) pour y déjeuner. Celle-ci tenait une mercerie : les murs étaient couverts de boîtes de boutons, de cotons à broder ou repriser, de laine à tricoter. Marie profitait de cette sortie "à la ville" pour faire ses achats à l’épicerie car elle trouvait que les épiciers ambulants passant à La Gidalière étaient trop chers.

A l'automne de sa vie, Marie va finalement s'installer chez l'une de ses filles qui habite à Treize-Vents (85). C'est là qu'elle décèdera en décembre 1951, à l'âge de 80 ans.



vendredi 7 août 2015

Je me souviens

Je me souviens de mes trois sœurs, de leurs babillements, cris et rires qui ont peuplé et égayé la maisonnée. Marie, de dix ans mon aînée, aidant notre mère dans ses tâches quotidiennes.
Je me souviens du trajet entre notre maison à La Gidalière et l'école du village. Les 4 kilomètres à parcourir sous tous les temps me paraissaient parfois bien longs pour mes petites jambes.
Je me souviens des bêtes que je gardais, plus tard, dans le Pré Bas. Je préférais cela à l'école parce qu'au moins j'étais dehors.
Je me souviens que mon père me racontait cette grande Révolution qui a bouleversé notre temps. Commencée par des révoltes contre les seigneurs locaux ici, elle a fini par couper la tête du roi là-bas, à Paris.
Je me souviens des troubles qui ne tardèrent pas ensuite, ravageant le pays et divisant les familles. J'avais une quinzaine d'années et la violence des querelles opposant Bleus et Blancs me fascinait pourtant.
Je me souviens de la paix revenue. Mais rien n'était plus vraiment comme avant.
Je me souviens de ce triste jour d'hiver où j'ai enterré mon père Jacques. Ce sentiment de solitude soudain qui vous envahit. Et qui n'est rien à côté de celui que je lisais sur le visage d'Anne, née Gobin, ma mère.
Je me souviens du jour où j'ai repris la métairie de mon père : 36 hectares dépendants du château du Puy Jourdain. J'avais alors 22 ans.
Je me souviens de Françoise Paineau, venant vers moi qui l'attends devant l'autel de l'église de Saint-Amand. Cette église où j'ai été baptisé et où seront baptisés mes enfants.

Église de Saint-Amand-sur-Sèvre

Je me souviens de notre première-née Marianne Françoise l'année suivante. De sa naissance un jour d’août et de celle de nos 9 autres enfants ensuite.
Je me souviens du petit Pierre qui n'a vécu que 15 mois. Le premier de nos trois enfants que j'ai dû accompagner dans le tombeau familial.
Je me souviens du regret que j'ai ressenti de n'avoir pas eu le temps de mener mes filles à l'autel avant de disparaître. Mais je sais que mon épouse aura cette joie pour nous deux.
Je me souviens de ce jour de mai où je me suis sentir partir. Dire que je n'avais même pas 50 ans. Mon épouse devra assumer la métairie seule ainsi que nos sept enfants restants, âgés de 17 à 1 an. Je ne les verrai pas grandir. Puissent-ils connaître une belle vie.

Je me souviens de tout cela... mais qui s'en souviendra après moi ?


Jacques Gabard et Anne Gobin sont nos plus anciens ancêtres Gabard connus. L'absence des registres anté-révolutionnaires à St Amand (79) ne nous permettant pas de remonter cette branche plus loin. La ferme de la Gidalière restera dans notre famille jusque dans les années 1920.


vendredi 20 février 2015

Le sosa qui n'existe pas

Légèrement en panne d'inspiration, je réponds à mon tour à la question posée par Maïwen Bourdic sur son blog D'aïeux et d'ailleurs "Et vous quel est votre sosa n°1000 ?"

Pour mémoire, le système de numérotation dit "Sosa-Stradonitz" est le plus couramment utilisé en généalogie. Le personnage central de la généalogie porte le n°1, son père le n°2, sa mère le n°3, son grand-père paternel porte le n°4, sa grand-mère paternelle le n°5, etc... De ce fait, le numéro 1000 est toujours situé au même endroit dans l'arbre, quelque soit la généalogie. Comme dit Maïwenn "tout droit à droite sur 5 générations, tournez à gauche, prenez la suivante à droite, puis à gauche de nouveau sur 3 générations". En d'autres termes : la lignée maternelle sur cinq générations, puis son père et la mère de celui-ci (vous me suivez ?), et enfin les pères sur les trois générations suivantes.

Personnellement, je n'utilise jamais les numéros sosa pour désigner ou chercher mes ancêtres, même si mon logiciel de généalogie le calcule lui-même automatiquement. Mais cette numérotation existe parmi les critères de recherche : je me lance donc à mon tour. "Aucune personne ne correspond aux critères". Mince, avec plus de 8000 ancêtres, le logiciel ne trouve pas le 1000 ? Évidemment je pense d'abord à une erreur (du logiciel ou de saisie ?). Et je prends mon courage à deux mains en suivant le chemin indiqué par Maïwenn.


Emplacement (théorique) du n°1000 de ma généalogie

Bah oui ! Le n°1000 n'existe pas dans ma généalogie ! Ce n'était pas une erreur.

On est là à l'époque révolutionnaire (et avant), à la frontière entre la Vendée et les Deux-Sèvres (mes ancêtres y font des "allers-retours" réguliers). 

Du n°1000, je ne connais rien.
De son fils, Jean Jadaud, je sais qu'il a résidé à Saint Amand sur Sèvre (79).
De ses petits-enfants, je sais que certains sont nés à Saint Amand, mais se sont mariés à La Verrie ou La Flocellière (85).

Jean Jadaud était sans doute cultivateur, bien que je n'aie aucune mention précise à ce sujet (tous ses descendants le sont). Il est dit décédé en 1796 (au mariage de l'un de ses fils), mais pas en 1801 (au mariage d'un autre fils). Si la première mention est plus probable (on déclare plus rarement son père décédé quand il est vivant, alors que le curé du deuxième acte a peut-être omis de mentionner le décès lors de sa rédaction), cela ne change pas grand chose finalement car, en l'absence de registre, je ne peux pas le vérifier. 

Parce que, pour ceux qui n'ont pas d'ancêtres dans ce coin, sachez que beaucoup de registres ont disparu à l'époque révolutionnaire. Impossible de remonter plus haut par ce biais-là. Les Jadaud font donc partie de cette mince lamelle blanche dans mon arbre circulaire qui, dix générations plus tard, forme une tache béante qui brille par son absence (si je puis dire).

Sur Geneanet on trouve des dates toutes plus fantaisistes (et parfois contradictoires) les unes que les autres; prouvant que les généalogistes amateurs ne lisent pas toujours/souvent les actes qu'ils indiquent.

Je n'ai pas trouvé cette famille chez les notaires vendéens. J'attends que les Deux-Sèvres mettent en ligne leurs actes notariés. Un jour peut-être. Ou peut-être jamais.

Il y a de grandes chances pour que le patronyme de n°1000 soit Jadaud (mais on n'est pas à l'abri de surprises...). Peut-être que son prénom est Jean, comme son fils et son petit-fils. Ou pas du tout.

Pour le moment, donc, le numéro 1000 de ma généalogie est caché dans les replis de l'histoire. Il m'attend, à l'abri dans un document auquel je n'ai pas (encore) accès. Ou bien il est oublié à jamais.

Sinon, je connais assez bien le numéro 100, si ça intéresse quelqu'un...


samedi 3 mai 2014

Elu maire à l'unanimité... ou presque

En cherchant tous les enfants qu'a eu mon ancêtre François Guetté, je suis tombée sur une formulation peu commune (en tout cas inédite pour moi)  :


Acte de naissance de Marie Guetté, AD79

"Le douze avril mil huit cents sept est né de moi maire sousigné et de jeanne merlet mon épouse à huit heures du matin un enfant de sexe féminin a la quelle j'ai donné le prénom de Marie et ce en presence de joseph jamart tisserand agé de vingt six ans et de jean chaillou domestique agé de cinquante les quels ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. le mot douze refait approuvé -
guetté maire"

Aussitôt je quitte la recherche d'enfants pour me pencher sur cette histoire de maire !

En effet, pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce type d'acte, la formule est plutôt "par devant nous M. Xxx maire de cette commune officier de l'état civil est comparu M. Yyy lequel nous a présenté un enfant de sexe féminin né aujourd’hui de lui et de Mme Zzz son épouse". Or là, l'enfant est né "de moi et mon épouse". 
Et c'est comme ça que j'ai découvert que mon ancêtre était maire de la commune de Saint-Amand (79).

Je remonte le temps en observant à la loupe la signature au bas de chaque acte, à la recherche de la mention "guetté maire" qu'il appose discrètement en tant que maire de la commune. Je peux remonter comme ça jusqu'à frimaire an XIII (novembre 1804) et, dans l'autre sens, jusqu'à fin 1812.

Saint-Amand-sur-Sèvre est une commune des Deux-Sèvres ayant tout juste un peu plus de 1 000 habitants en 1806. La commune se trouve à la frontière de la Vendée, au bord de la Sèvre nantaise, dans un triangle entre Les Herbiers, Cholet, et Bressuire. C'est le berceau d'une des branches principales de mon arbre. La légende raconte que saint Amand naquit le 7 mars 594 au pays d'Herbauges, c'est à dire dans la région des Herbiers. Ayant été admis, à peine sorti de l'enfance, dans un monastère de l'Ile d'Yeu, il en chassa, après une brève prière, un serpent de taille prodigieuse, terreur de la population, et qu'on ne revit jamais plus. Il meurt en 675. Sa fête est célébrée dans le diocèse de Poitiers le 8 février. A la mort du saint, la paroisse prend le nom de Saint-Amand et se met sous son patronage. Saint-Amand, comme les autres communes du canton, prit une part très active aux guerres de Vendée, à cause du refus absolu de la conscription lors de la levée en masse qui est décidée en mars 1793 pour aller défendre les frontières de l'Est menacées et surtout du refus de la "constitution civil du clergé" à laquelle la plupart des prêtres refusent de prêter serment.

Le terme de maire est ancien, puisque c'est un curé de Saint Germain des Prés qui l'utilise le premier au IXème siècle (sous la forme "maior"). Comme les campagnes, les villes sont placées sous l'autorité d'un seigneur. Cette autorité est de plus en plus mal ressentie par les bourgeois qui désirent s'en affranchir, car elle entrave les activités commerciales et le développement des villes. A partir de la fin du XIème siècle, les bourgeois s’unissent et forment une "commune". Ils obtiennent du seigneur des avantages mis par écrit dans une charte. Un conseil gouverne la ville. Il est composé d’échevins (terme du Nord de la France) ou de consuls (Sud de la France). 

A la Révolution, les paroisses sont remplacées par des communes : le , l'Assemblée nationale constituante décrète "qu'il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne". Le 14 décembre 1789, la Constituante vote une loi créant les municipalités ou communes désignées comme la plus petite division administrative en France. "Les officiers et membres des municipalités seront remplacés par voie d’élection. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire". Pour être électeur il fallait être citoyen actif, c'est-à-dire qu'il fallait payer un impôt au moins égal à la valeur locale de trois journées de travail. Pour être élu, il fallait être encore plus aisé et payer un impôt au moins égal à dix jours de travail. Le maire était élu pour deux ans. Le vote ne se déroulait pas selon la formule actuelle d’une urne mise à disposition de chaque électeur isolé, mais dans le cadre d’assemblées correspondant au maximum à 4 000 habitants.

Les fonctions propres au pouvoir municipal sont :
- de régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés ;
- de régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ; 
- de diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ;
- d’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée ;
- de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. 

On compte alors environ 44 000 communes. Toutes ces communes ont le même statut, avec un conseil municipal élu par les habitants et un maire. Une maison commune, la mairie, devait être construite pour accueillir les réunions du conseil et l’administration municipale. 

On notera, ce qui intéresse particulièrement les généalogistes, que le 20 septembre 1792, le registre des naissances, des mariages et des décès tenu par le curé de la paroisse passe sous la responsabilité d'un officier public élu. Un mariage civil a été institué et célébré dans les mairies ; la cérémonie n’était pas très différente de celle célébrée à l’église, la phrase "Au nom de la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage" remplaçait celle du prêtre ("Au nom de Dieu, je vous déclare unis par les liens du mariage"). Les prêtres durent remettre à la mairie leurs registres des baptêmes, des mariages et des enterrements. Ce recul de prérogatives de l’Église n'était pas bien accepté partout et, dans l’ouest et au centre du pays, des prêtres furent relativement réfractaires. 

A l'époque de François Guetté, mon ancêtre, les lois de 1789 ont déjà été modifiées. Le coup d’état du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) a amené Bonaparte au pouvoir, instituant le Consulat (1799) puis le Premier Empire (1804). Très rapidement, il a instauré une loi changeant complètement le système d’instauration des maires, beaucoup moins démocratique puisque l’élection du maire est supprimée : celui-ci est dorénavant nommé. Maires et conseillers deviennent donc des fonctionnaires (sans rétribution), choisis sur une "liste de confiance", par le Premier consul pour les communes de plus de 5 000 habitants, par le préfet pour les autres. La "liste de confiance" est établie dans chaque commune par élection. A compter du 2 pluviôse an IX (22 janvier 1801) le maire est chargé seul de l’administration de la commune et les conseillers ne seront consultés que lorsqu’il le jugera utile. En 1802 (ans X-XI), les "listes de confiance" sont supprimées pour être remplacées à nouveau par le suffrage censitaire. Les conseillers sont nommés pour dix ans et le maire et son adjoint pour cinq ans.

Revenons à François Guetté : il a donc été nommé par le préfet (et non pas élu à l'unanimité, donc). Mais à quelle date ? Selon un tableau affiché dans la mairie *, il ne serait maire que de 1806 à 1812 : en 1803/1804 le maire est Pierre Bremaud, en 1805 Bignonnet et de 1806 (seulement) à fin 1812 François Guetté. Mais, comme on l'a vu plus haut, on le voit rédiger les actes d'état civil en tant que maire dès novembre 1804. Il aurait donc exercé ses fonctions pendant 8 ans. Difficile de dire s'il a exercé un ou deux mandats. Il semble que les élections n'ont pas toujours été organisées aux dates prévues dans toutes les communes. 

Il est né en 1765, a eu quatre épouses et 9 enfants. Demeurant au hameau de la Doutière, il était qualifié tantôt de bordier, plus rarement de cultivateur. Le bordier est plutôt situé en bas de l'échelle agricole en général. Mais pour être élu il devait tout de même être assez aisé. De ses fonctions municipales à Saint-Amand, et en l'absence d’archives complémentaires à consulter, on ne connaît que son rôle d'officier d'état civil. C'est le seul maire de ma généalogie (en l'état actuel des connaissances). Il est mon sosa n°228.



* dont on a connaissance via le site MairesFranceGenWeb

mardi 18 mars 2014

Un, deux, trois . . .

Parmi les documents complémentaires que peut consulter un généalogiste, il y a les listes de recensement.

Autrefois appelées listes nominatives des habitants d'une commune, y figurent tous les habitants résident habituellement dans la commune (qu'ils soient présents ou non au moment du recensement); exception faite des hôtes de passage, des militaires, marins, détenus, élèves internes, etc . . . qui sont comptés à part. Ces derniers évoluent un peu au fil du temps (disons que la liste se précise) : les ouvriers étrangers à la commune occupés aux chantiers temporaires, les individus exerçant des professions ambulantes . . . Mais globalement l'esprit reste le même.

Leur consultation permet de confirmer (ou non) la présence d'un ancêtre dans une commune. Mais ces documents sont aussi émaillés de multiples mentions qui peuvent nous fournir des détails complémentaires : le lieu précis d'habitation (hameau, rue), le métier, l'âge . . . Selon les époques, on peut trouver aussi des observations complémentaires, la nationalité, le nom du patron pour les ouvriers ou employés, etc . . .

Entre les lignes, on peut déceler aussi quelques us et coutumes locales.

Ainsi dans les listes nominatives de recensement de Saint Amand sur Sèvre (Deux-Sèvres), que ce soit en 1866, 1901 ou 1906, on s'aperçoit que les familles vivent souvent à deux ou trois générations sous le même toit, accompagnées de leurs domestiques.

Recensement famille Gabard, 1901, AD79

Prenons l'exemple de la famille Gabard, qui réside dans un hameau de la commune, La Gidalière :
  • Les Gabard apparaissent en 1866, le foyer est composé des parents, leurs sept enfants, et un domestique et un berger. Soit 11 personnes sous le même toit. Gabard Pierre est qualifié de "fermier, chef de ménage". 

  • En 1901, le foyer est composé des parents, des enfants, du grand-père (veuf) et des domestiques : trois "garçons domestiques à gages", âgés de 24 à 32 ans, et d'une "fille servante à gages" âgée de 18 ans. Soit 11 personnes. Gabard Célestin (fils de Pierre, comptabilisé au recensement de 1866) est aussi qualifié de "fermier, chef".

  • En 1906, le grand-père est décédé, mais il y a trois enfants de plus. Il y a toujours trois domestiques hommes (dont deux déjà présents au recensement précédent) et une servante (différente de celle de 1901). Soit 13 personnes.

Grâce à au registre de 1901 de la même commune, on voit que la famille Roy est la seule à habiter le hameau de La Cornulière (contrairement à La Gidalière, par exemple, composé de cinq foyers, dont les Gabard). Le foyer est composé des parents, trois enfants, dont le fils aîné marié, son épouse, leur petite fille âgée de 10 mois, et deux garçons domestique à gages. Soit 9 personnes. Roy François est qualifié de "fermier, chef".

Dans les listes nominatives de recensement de Seine-et-Marne, on suit assez facilement les différentes générations de la famille Macréau. Contrairement à ceux des Deux-Sèvres, ils vivent en cellule familiale restreinte, en général les parents et les enfants seulement. Néanmoins, on relève quelques curiosités, qu'on ne peut pas toujours expliquer :

  •  Le couple Macréau/Fouchy est recensé à Guérard (hameau du Grand Lud) : en 1836 ils habitent avec leur fille Louise; en 1841 et 1846 avec leur fille et leur fils Léon; de 1851 à 1861  il n'y a plus que Léon (la fille est mariée ou décédée); en 1866 avec leur bru mais Léon son époux n'est pas mentionné (sa trace n'a pas été retrouvée); de 1872 à 1886 ils habitent tout les deux et en 1891 et 1896 Etienne Macréau est seul puisque son épouse Angélique Fouchy est déjà décédée.

  • Le couple Macréau/Gibert est recensé à partir de 1866 au Grand Lud de Guérard (Marie Louise habite avec ses beaux-parents, Léon n'est pas présent), en 1872 ils habitent seuls avec leur fils Albert. On perd leur trace ensuite. On les retrouve à Tigeaux à partir de 1881 où ils habitent avec leurs deux enfants Albert et Henri; idem en 1886. Mais à partir de 1891, à leur domicile, vivent aussi des jeunes enfants : 2 en 1891, 3 en 1896 et 1901. On ne sait pas qui sont ces enfants, âgés de 4 mois à 8 ans. Seule une fillette a des liens familiaux connus : elle est la nièce de Marie Louise Gibert. Enfin, en 1906, ils vivent avec leur petit-fils (mais la génération intermédiaire, Macréau/Le Floch, n'est pas mentionnée; on ne sait pas où ils résident).


     Recensement famille Macréau, 1906, AD77  

    • Le couple Macréau/Le Floch est recensé en 1901 à Tigeaux. Comme vu précédemment leur fils vit avec ses grands-parents en 1906, mais eux n'ont pas été trouvés. En 1911 on les retrouve à Mortcerf avec leurs 6 enfants. L'un d'eux est dit né à Serris en 1906, ce qui nous apprend (enfin) où ils étaient à cette date (confirmé par les listes de recensement de Serris). On ignore toujours pourquoi leur fils aîné, âgé de 5 ans, habitait avec ses grands-parents et non avec ses parents en 1906.

    Ces précieuses sources sont, comme tous les documents anciens, à prendre avec précaution toutefois. Ainsi les âges donnés ne se vérifient pas toujours exactement. De même l'orthographe des noms peut varier. Par exemple mes ancêtres Borrat-Michaud sont recensés à Samoëns (Haute-Savoie) sous le nom Michaud (en 1866), Borrat-Michaud (en 1896), mais Méchond (en 1911) !

     

    mardi 28 janvier 2014

    Une lettre... pour changer une vie

    « Originaire de Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres), la famille de Joseph Gabard exploitait une ferme à La Gidalière depuis plusieurs générations. Réformé pour faiblesse de cœur lors de la Première Guerre Mondiale, il resta à la ferme, tandis que ses deux frères aînés partaient au combat. Il assuma le travail de la ferme avec son père pendant les années de conflit. La paix revenue, son père lui dit pourtant "l'aîné va reprendre la ferme, toi tu n'as plus qu'à partir !". En effet, d'ordinaire, c'est l'aîné qui restait sur la ferme et les cadets partaient se marier et trouver du travail ailleurs. Les années de labeur sur la ferme comptèrent pour rien. C'est pourquoi il partit faire son apprentissage de boucher à Angers. C'est le premier Gabard à quitter La Gidalière depuis (au moins) la Révolution.»

    « En 1924, Joseph Gabard travaillait à Angers. Il écrivait à Marie, la sœur de Flora *. Mais comme la première n’aimait pas écrire, c’est Flora (institutrice) qui répondait. Apprenant ce fait, il vint un jour à Châtillon, déclarant
    "j’ai acheté une boucherie à Angers, marions-nous". Marie fut un peu déçue, mais Flora l’épousa. Joseph avoua par la suite que Flora lui avait plu dès le début, mais qu’il ne pensait pas qu’une institutrice put envisager de l’épouser, lui, un boucher. Il s’est décidé quand il a su que c’était elle qui répondait aux lettres. »

    « Joseph et Flora avaient une boucherie rue Toussaint (n°42). Tout ce côté de la rue a été démoli par la municipalité pour dégager l’ancien mur des fortifications situé derrière la maison. La boucherie se composait du magasin, une salle à manger (les deux pièces étaient séparées par une porte vitrée), une cuisine, une petite cour où se situaient les toilettes. Des caves en sous-sol. Au premier étage étaient les chambres. Au deuxième habitaient des locataires. Au troisième (mansardé) logeait le commis et séchait le linge dans les greniers. La boucherie était ouverte, sans cloison ni porte, sur la rue. L’hiver il y faisait très froid. Flora était dans sa « caisse » (qui ressemblait à une petite cabine téléphonique), rendant la monnaie aux clients ou prenant les commandes. Elle souffrait moins du froid car elle avait une petite chaufferette sous les pieds. Le soir la boucherie était fermée par de grandes grilles. Deux rideaux rouges et blancs tirés à la fermeture isolaient la famille de la proximité de la rue. »

    Boucherie Gabard, rue Toussaint à Angers, coll. personnelle

    « En plus du métier de boucher, Joseph exerçait celui de marchand de bestiaux. Il était joueur de belote et un jour il gagna, en jouant à ce jeu contre un autre boucher, un cheval, une voiture et la tournée du boucher. Une tournée c’était un fond de commerce, l’autorisation de vendre de la viande au porte à porte, à la campagne (en l’occurrence entre La Bohalle et La Daguenière). C’était très rentable car les gens de la campagne achetaient les bas morceaux (il gardait ainsi les beaux morceaux, biftecks ou rôtis, pour les gens de la ville). »

    « Tous les vendredis Joseph faisait la tournée de viande à La Daguenière et La Bohalle (à une quinzaine de kilomètres d’Angers). Joseph louait une ferme à La Morozière (St Lambert la Potherie) qui dépendait d’un château des comtes de Rorthays. Au début il y installa un couple de métayer, puis elle servit de maison de campagne à la famille. Cette ferme lui était utile pour son commerce de bestiaux. Le matin Joseph préparait les biftecks ou côtelettes, puis partait ensuite s’occuper de son commerce de bestiaux. Flora restait seule à la boutique. »

                C'est ma grand-mère qui m'a raconté ces fragments de l'histoire de ses parents. Lorsque les archives ne peuvent plus donner de renseignements, c'est la mémoire familiale qui prend le relais !! (pour paraphraser J. Bourillon).
        Il est amusant de voir que, sans cette correspondance à laquelle Flora a répondu pour sa sœur, mes arrière-grands-parents ne se seraient (sans doute) pas épousés et nos vies en eut été bien changées . . .


    * Il s'agit bien de ma "petite mamie", la Flora que nous avons déjà rencontrée dans le billet Capable d'enseigner

     

     

    vendredi 20 décembre 2013

    Capable d'enseigner

    Mon arrière-grand-mère maternelle Flora Roy est née en 1900 tout rond, à Saint-Amand-sur-Sèvre (79). Son histoire est presque un roman et mériterait un article à part entière. Aujourd'hui néanmoins je vais me concentrer sur un document qui m'est parvenu : son brevet de capacité pour l'enseignement primaire.

    BCEP, coll. personnelle

    Aux termes de l'article Ier de la loi du 16 juin 1881, nul ne peut, en France, exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.
    Il existe deux brevets de capacité pour l'enseignement primaire : le brevet élémentaire et le brevet supérieur. Le premier se passait à 16 ans, le second à 18.
    Le premier est le seul titre requis pour enseigner dans un établissement quelconque d'enseignement primaire public ou privé.
    Le second confère aux maîtres et maîtresses qui en sont pourvus certains privilèges, tels que la nomination aux fonctions d'adjoint ou d'adjointe dans les écoles primaire, etc...

    Les intitulés concernant cet examen sont si savoureux, que je ne résiste pas à vous les livrer [et à les commenter . . . ].

    L'examen comprend trois séries d'épreuves :

    Epreuves de la première série. —  

    1° Une dictée d'orthographe d'une page environ, choisie dans nos meilleurs auteurs. [J'adore cette expression]
    Des questions (cinq au maximum) relatives à l'intelligence du texte (définition du sens d'un mot, d'une expression ou d'une phrase ; analyse d'un mot ou d'une proposition). Il est accordé une demi-heure aux candidats pour revoir la dictée et pour répondre par écrit aux questions posées.
    Chacune des deux parties de l'épreuve est cotée de 0 à 10 ;
    2° Un exercice de composition française (lettre ou récit d'un genre très simple, explication d'un proverbe, d'une maxime, d'un précepte de morale ou d'éducation). 
    Durée de l'épreuve : deux heures ;
    3° Une question d'arithmétique et de système métrique, et la solution raisonnée d'un problème comprenant l'application des quatre règles (nombres entiers, fractions, mesure des surfaces et des volumes simples). [Hum, hum . . . ça fait rêver la littéraire que je suis]
    Durée de l'épreuve : deux heures. 

    Epreuves de la deuxième série. — 

    Les aspirants doivent : 
     1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
    Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
    2° Exécuter à main levée un croquis côté d'un objet usuel de forme très simple (plan, coupe, élévation). 
    Durée de l'épreuve : une heure et demie ;
    3° Exécuter les exercices les plus élémentaires de gymnastique prévus par le programme des écoles primaires. 
    Durée de l'épreuve : dix minutes au maximum. 

    Les aspirantes doivent : [les épreuves pour les garçons et pour les filles sont donc différentes : bonjour le sexisme]
    1° Faire une page d'écriture à main posée, comprenant une ligne en gros dans chacun des trois principaux genres (cursive, bâtarde et ronde), une ligne de cursive en moyen, quatre lignes de cursive en fin. 
    Durée de l'épreuve : trois quarts d'heure ;
    2° Exécuter un dessin au trait d'après un objet usuel. 
    Durée de l'épreuve : une heure ;
    3° Exécuter, sous la surveillance de dames désignées à cet effet par le recteur, les travaux à l'aiguille prescrits par l'article 1er de la loi du 28 mars 1882. 
    Durée de l'épreuve : une heure. [Ah, Ah, Ah, on comprend les épreuves différentes]
     
    Epreuves de la troisième série.

    1° Lecture expliquée ; la lecture se fera dans un recueil de morceaux choisis en prose et en vers ; des questions seront adressées aux candidats sur le sens des mots, la liaison des idées, la construction et la grammaire ;
    2° Questions d'arithmétique et de système métrique ;
    3° Questions sur les éléments de l'histoire nationale et de l'instruction civique ; sur la géographie de la France avec tracé au tableau noir ;
    4° Questions et exercices très élémentaires de solfège ;
    5° Questions sur les notions les plus élémentaires des sciences physiques et naturelles et sur les matières de l'enseignement agricole.
    Dix minutes au maximum sont consacrées à chacune de ces épreuves.

    Nous rappelons aux candidats que :

    ART. 1 et 2 : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat constitue un délit. — Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de 1 épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de un mois à trois ans et à une amende de 100 francs à 10 000 francs, ou à l'une de ces peines seulement. *

     [Gloups !]

    Je ne sais pas, hélas, quels étaient les intitulés exacts des épreuves que Flora a passées. Mais rien qu'au travers de ces quelques lignes on sent bien une autre époque (et je ne reviendrai même pas sur les travaux d'aiguilles).

    Enfin, au cas où vous auriez été distrait pendant cette lecture de cet article (et surtout si vous n'avez pas examiné le brevet à la loupe), je vous rappelle que Flora a obtenu son brevet d'enseignement alors qu'elle n'était âgée que de 15 ans tout juste (tout de même). Elle a dû bénéficier d'une dispense pour pouvoir passer son examen.
    Autre temps, autre époque.

    Cet examen lui permis d'être institutrice primaire. Elle exerça notamment au pensionna du Sacré Cœur (avant de rejoindre son mari à la boucherie conjugale, changeant ainsi complètement de voie).

    Flora Roy, 1918, coll. personnelle

    C'était mon arrière-grand-mère (on l'appelait la "petite mamie") et je l'ai connue.

    (*Source : inrp.fr)