« Originaire
de Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres), la famille de Joseph Gabard exploitait une ferme à La
Gidalière depuis plusieurs générations. Réformé pour faiblesse de cœur
lors de la Première Guerre Mondiale, il resta à la ferme, tandis que ses
deux frères aînés partaient au combat. Il assuma le travail de la ferme
avec son père pendant les années de conflit. La paix revenue, son père
lui dit pourtant "l'aîné va reprendre la ferme, toi tu n'as plus qu'à
partir !". En effet, d'ordinaire, c'est l'aîné qui restait sur la ferme et les cadets partaient se marier et trouver du travail ailleurs. Les
années de labeur sur la ferme comptèrent pour rien. C'est pourquoi il
partit faire son apprentissage de boucher à Angers. C'est le premier
Gabard à quitter La Gidalière depuis (au moins) la Révolution.»
« En 1924, Joseph Gabard travaillait à Angers. Il écrivait à Marie,
la sœur de Flora *. Mais comme la première n’aimait pas écrire, c’est
Flora (institutrice) qui répondait. Apprenant ce fait, il vint un jour à
Châtillon, déclarant "j’ai acheté une boucherie à Angers,
marions-nous". Marie fut un peu déçue, mais Flora l’épousa. Joseph avoua
par la suite que Flora lui avait plu dès le début, mais qu’il ne
pensait pas qu’une institutrice put envisager de l’épouser, lui, un
boucher. Il s’est décidé quand il a su que c’était elle qui répondait
aux lettres. »
« Joseph
et Flora avaient une boucherie rue Toussaint (n°42). Tout ce côté de la
rue a été démoli par la municipalité pour dégager l’ancien mur des
fortifications situé derrière la maison. La boucherie se composait du
magasin, une salle à manger (les deux pièces étaient séparées par une
porte vitrée), une cuisine, une petite cour où se situaient les
toilettes. Des caves en sous-sol. Au premier étage étaient les chambres.
Au deuxième habitaient des locataires. Au troisième (mansardé) logeait
le commis et séchait le linge dans les greniers. La boucherie était
ouverte, sans cloison ni porte, sur la rue. L’hiver il y faisait très
froid. Flora était dans sa « caisse » (qui ressemblait à une petite
cabine téléphonique), rendant la monnaie aux clients ou prenant les
commandes. Elle souffrait moins du froid car elle avait une petite
chaufferette sous les pieds. Le soir la boucherie était fermée par de
grandes grilles. Deux rideaux rouges et blancs tirés à la fermeture
isolaient la famille de la proximité de la rue. »
Boucherie Gabard, rue Toussaint à Angers, coll. personnelle
« En
plus du métier de boucher, Joseph exerçait celui de marchand de
bestiaux. Il était joueur de belote et un jour il gagna, en jouant à ce
jeu contre un autre boucher, un cheval, une voiture et la tournée du
boucher. Une tournée c’était un fond de commerce, l’autorisation de
vendre de la viande au porte à porte, à la campagne (en l’occurrence
entre La Bohalle et La Daguenière). C’était très rentable car les gens
de la campagne achetaient les bas morceaux (il gardait ainsi les beaux
morceaux, biftecks ou rôtis, pour les gens de la ville). »
« Tous les vendredis Joseph faisait la tournée de viande à La Daguenière et La Bohalle (à une quinzaine de kilomètres d’Angers). Joseph
louait une ferme à La Morozière (St Lambert la Potherie) qui dépendait
d’un château des comtes de Rorthays. Au début il y installa un couple de
métayer, puis elle servit de maison de campagne à la famille. Cette
ferme lui était utile pour son commerce de bestiaux. Le
matin Joseph préparait les biftecks ou côtelettes, puis partait ensuite
s’occuper de son commerce de bestiaux. Flora restait seule à la
boutique. »
C'est ma grand-mère qui m'a raconté ces fragments de l'histoire de ses parents. Lorsque les archives ne peuvent plus donner de renseignements, c'est la mémoire familiale qui prend le relais !! (pour paraphraser J. Bourillon).
Il est amusant de voir que, sans cette correspondance à laquelle Flora a répondu pour sa sœur, mes arrière-grands-parents ne se seraient (sans doute) pas épousés et nos vies en eut été bien changées . . .
* Il s'agit bien de ma "petite mamie", la Flora que nous avons déjà rencontrée dans le billet Capable d'enseigner
C'est vraiment très précieux de pouvoir avoir ces souvenirs sur sa famille. Et quelle belle histoire que cet échange de lettres :-)
RépondreSupprimerElise
Un zeste de romantisme... Un zeste d'aventures... Cela donne une très belle histoire que j'ai eu plaisir à lire !
RépondreSupprimerL'éviction de la ferme... Bref, une bien belle histoire au final.
RépondreSupprimerUn récit familial très vivant et très réaliste, qui rappelle comment beaucoup de Français ont vécu naguère.
RépondreSupprimerJ'imagine la joie de Joseph lorsqu'il a appris que c'est Flora qui écrivait les lettres, très belle histoire !
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