« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

Affichage des articles dont le libellé est Italie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Italie. Afficher tous les articles

dimanche 31 décembre 2017

#Centenaire1418 pas à pas : décembre 1917

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de décembre 1917 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er décembre
Départ à 7h. Itinéraire : Ca Vico, Nuove, Castello di Godego, Valla, Casella. On arrive à midi.

2 décembre
Départ à 9h. Itinéraire : Attivola, San Appolinare, Casella, Asolo, Posa, Castelcucco. Arrivée à 14h. Installation dans les cantonnements.
Carte Stroppari-Castelcucco

3 décembre
Départ à 8h45. Le village doit être de Castelcucco doit être évacué avant 9h : on bivouaque dans le vallonnement SO de Castelunga de 9h30 à 16h30 avant de pouvoir rejoindre notre cantonnement du soir à Pieve et Granigo.

4 décembre
Reconnaissance par les cadres des emplacements de leurs unités : le bataillon doit être en réserve de groupe.

5 décembre
Départ à 4h. Chaque unité gagne les emplacements qui lui sont assigné : des vallonnements orientés NS dans lesquels il n’existe aucune organisation. Nous construisons des abris légers et commençons des sapes.
Notre compagnie, la 8e et le SHR sommes assignés au Ravin de La Costa. La Division tient le secteur de Monte Tomba/Monte Monfenera. La 6e connaît des pertes.
Monte Tomba © magicoveneto.il

6 décembre
On améliore l’installation et les sapes. L’aviation ennemie se montre active : de nombreux appareils survolent la région.

7 décembre
L’activité de l’artillerie ennemie augmente. Plusieurs villages sont soumis à un tir de harcèlement assez conséquent entraînant des pertes. Un peloton va travailler chaque nuit en 1ère ligne où il va creuser le boyau de La Castella.

8 décembre
Recrudescence de l’activité de l’artillerie ennemie. Nous subissons des pertes, notamment un sergent de notre compagnie.

9 décembre
Quelques rafales, principalement sur le chemin Granigo-La Costa. Le lieutenant Henry, venu du 370e RI, est affecté à notre compagnie.

10 décembre
Assez grande activité de l’artillerie et de l’aviation ennemie. Fréquents tirs de harcèlement. Plusieurs pertes parmi les hommes.

11 décembre
Après une nuit assez calme, dès 7h des bombardements violents sur la Piave. De 15h30 à 16h de nouveaux tirs de harcèlement. Malgré la brume les avions ennemis survolent la région. De nombreuses pertes, dont 2 dans notre compagnie.
Panorama © frontedelpiave.info
Point rouge : Monte Tomba
Point orange : Monte Monfenera
Point vert : vallée de la Piave

12 décembre
En vue d’une relève prochaine, reconnaissance dans le secteur du 11e bataillon. Nuit nerveuse aux rafales fréquentes. Relève du 11e à la chute du jour ; terminée à 22h. Notre compagnie est affectée au sous quartier B à La Castella.
La ligne est constituée par une seule tranchée, discontinue par endroit, de La Castella au Monfenera. La Castella est la clé de la défense : les pentes N abruptes sur la Piave en interdisent l’accès. Les mitrailleuses sur l’arrête permettent de stopper l’ennemi sur le Monfenera.

13 décembre
Quelques rafales, aviation active.  Bombardements violent sur La Castella à partie de 9h. Un chasseur de notre compagnie blessé par une balle.

14 décembre
Nuit calme. Pendant la journée l’artillerie este silencieuse mais l’aviation se montre toujours active.

15 décembre
Nuit calme. Dans la matinée rafales sur les tranchées du Mont Castella. Nous apprenons la catastrophe du chemin de fer de Saint-Michel-de-Maurienne : un train de permissionnaires revenant du front italien a déraillé. On compterait plus de 400 morts !Quelle horreur !

16 décembre
Notre artillerie et notre aviation se montre active. Faible activité de l’ennemi. Les travaux sont poussés très activement : on creuse des sape, relie des tranchées, approfondit des boyaux …

17 décembre
Nuit calme. Artillerie ennemie peu active. Il a neigé : cela complique les choses, notamment pour repérer les pistes de la rive gauche du Piave. Un autre blessé dans notre compagnie par éclat d’obus.
Front italien neige, 1917 © Gallica

18 décembre
A 6h30 deux soldats ennemis tentent de s’approcher de nos lignes : sous les coups de feu de nos chasseurs ils se rendent. Ils appartiennent au 1er Régiment Bosniaque de la 50e DI autrichienne.

19 décembre
Dans la nuit nos patrouilles déterminent un lancement de pétards et de grenades.

20 décembre
Nos patrouilles repèrent deux postes ennemis en avant du Monfenera. L’artillerie ennemie reprend de l’activité. Quelques rafales sur La Castella. Vers 21h le bataillon est relevé par le 11eme. L’emplacement de réserve attribué à notre compagnie est situé au ravin de La Costa.

21 décembre
Calme. Installation.

22 décembre
A 2h15 une rafale d’une cinquantaine d’obus, dont quelques uns toxiques s’abat sur le ravin de La Costa. Quelques camarades sont indisposés. On améliore les sentiers muletiers.

23 décembre
A 6h30 rafales analogues à celles de la nuit précédente. Ordre de bataillon n°175.

24 décembre
Quelques obus à nouveau. Reconnaissance par les commandants de compagnie du secteur du 12eme bataillon en vue d’une relève prochaine.

25 décembre
L’activité de l’artillerie ennemie est toujours faible mais l’aviation se montre active : plusieurs appareils survolent les ravins à très faible hauteur. Encore un Noël sur le front. Le troisième. Cette fois en Italie. On peut dire que je vois du pays.
Peut-être aurons-nous de l’oie pour fêter ça…
Soldat chassant l'oie, sans date ©  Gallica

26 décembre
Journée calme. A la nuit on relève le 12e, sans incident. On démarre déjà les travaux d’aménagement des tranchées. Chute de neige.

27 décembre
Il paraît qu’il y a des instructions secrètes du Général commandant la Division annonçant que 3 bataillons, dont le nôtre, attaqueront les positions ennemies avant la fin de l’année afin de reprendre le Monte Tomba. On nous envoie reconnaître les 1ères lignes et le terrain d’attaque.

28 décembre
Nouvelles chutes de neige. On procède à des réglages de tirs d’artillerie. On a fait un prisonnier du 37e RI Hongrois. Préparation du plan d’attaque et préparatifs de toutes sortes : constitution de dépôts, reconnaissances du terrain, etc…

29 décembre
L’ordre d’attaque est précisé.

30 décembre
A 4h notre compagnie est relevée par le 12e. On retourne en réserve dans le haut de Comazzetto. Avant le jour les unités d’assauts font des brèches  dans les défenses accessoires, des gradins de franchissement du parapet. Des patrouilles reviennent avec de précieux renseignements sur les lignes ennemies particulièrement bien organisées. L’attaque est prévue à 16h5. Le tir de destruction commence à 12h. A l’heure H les compagnies d’assaut sortent des tranchées et marchent sur leurs objectifs. 16h15 : la 1ère ligne ennemie est enlevée. 150 prisonniers sont dirigés vers l’arrière.16h25 : tous les objectifs sont atteints. 16h50 : on s’organise sur la position conquise. Pertes : 13 tués, 45 blessés. La joie remplace la fatigue sur le visage des hommes. Nuit relativement calme, sauf une contre-attaque vers minuit rapidement dispersée par les feux des mitrailleuses.
A l’assaut du Mont Tomba © chemindememoire.gouv.fr

31 décembre
Journée calme. De minuit à 6h nous sommes relevé par le 54e. Plusieurs blessés. J’ai appris le décès de Lucien Isidore Beauchet, tombé hier sur les pentes du Monfenera. C’était un brave gars originaire de la Creuse.


jeudi 30 novembre 2017

#Centenaire1418 pas à pas : novembre 1917

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de novembre 1917 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___ 

1er novembre
Cette fois c’est officiel : nous partons en Italie ! Préparation de l’embarquement du lendemain.

2 novembre
Le bataillon embarque à Chavanges sur deux trains et demi (le 3e est partagé avec le 54ème). Notre compagnie est dans le 3e. Début de l’embarquement 17h ; départ : 20h.

3 novembre
Nous avons touché 9  jours de vivres. Itinéraire pour se rendre à la gare : Montier en Der, Droyes, Bailly le Franc, Chavanges.

Carte Montier-Chavanges

4 novembre
Itinéraire des trains : Langres, Dôle, St Amour, Bourg, Ambérieu, Culaz, Aixe les Bains, Chambéry, St Pierre d’Albigny, Modane, Turin.

Carte Chavanges-Turin
Dire que je suis passé si près de chez moi… Nous débarquons dans la nuit. Les Italiens nous ont fait un accueil très cordial. Le moral du bataillon est excellent.
Ordre général n°90 de la Division.

5 novembre
Rassemblement des officiers au QG. Pour nous c’est repos, nettoyage, inspection. On ne s’arrête pas ici : le  voyage continue demain.
Dire que me voilà en Italie !

Accueil Italiens © Gallica

6 novembre
Rassemblement à 6h50. Itinéraire Decenzano, Peschiera.

Carte Turin-Peschiera
Le bataillon défile devant le général Dillemann derrière lequel il a fait son entrée en ville. Nous cantonnons à l’école et à la caserne.

7 novembre
Emploi du temps à la discrétion des commandants de compagnie : on nous laisse un peu de temps libre pour découvrir l’Italie.

8 novembre
Ceux de la 47e déjà débarqués sont transportés en auto vers Breno-Edolo. Nous embarquons sur 36 camions à 8h. Itinéraire : Peschiera, Lonato, Brescia, Iseo, Pisogne, Breno, Cedegolo. Arrivée vers minuit à Cedegolo.

Carte Peschiera-Cedegolo

9 novembre
Nous nous installons dans nos cantonnements, situés à Sellero, au Nord de Cedegolo.

10 novembre
Aménagement des cantonnements. Travaux de propreté. Repos. Les habitants du pays se montrent très accueillants. L’armée italienne est très courtoise. Le bataillon reçoit l’ordre de se tenir prêt à se porter dans la région de Sonico-Edolo.

11 novembre
Départs échelonnés entre 9 et 10h. Nous cantonnons à Edolo.

12 novembre
Le bataillon a pour mission de barrer le Val Camonica. Devant lui la 5e DI italienne qui occupe la ligne des glaciers menant à l’Adamello. A droite le 31e CA français. A gauche le 12e BCA. Le seul passage permettant à l’ennemi de pénétrer dans le Val Camonica est le col du Tonale à 1 900 m, déjà encombré par la neige.

Edolo-Tonale

13 novembre
Le bataillon fait mouvement pour être regroupé en deux factions égales à Edolo et Cedegolo. On doit embarquer demain à Malonno. Installation sommaire dans les cantonnements.

14 novembre
Un éboulement interdisant la circulation sur la voie ferrée locale, l’embarquement du bataillon est retardé.

15 novembre
Toujours en attente de l’embarquement.

16 novembre
Nous embarquons enfin.

17 novembre
Itinéraire : Breno, Iseo, Brescia, Lonato, Vérone, Montebello. Nous sommes dans le 2e train qui part vers 1h30.

Carte Malonno-Tavernelle

18 novembre
Étape d’une quinzaine de km pour gagner les cantonnements : Agugliana, Il Motti par Montebello et Vicentino. Nous arrivons au cantonnement vers 5h, composés d’habitations disséminées.

19 novembre
Installation dans les cantonnements.

20 novembre
Exercices. Ordre de la division n°89. La Division est en réserve d’armée, chargée de l’organisation et de la défense d’une position d’arrêt. Elle est située  face au NE sur la ligne Isola di Malo-Vicense. On doit se tenir prêt à contre-attaquer pour aider les forces italiennes.

21 novembre
Exercices divers. Reconnaissance du terrain pour se rendre aux positions de défense.

22 novembre
Nouvelles répartitions des cantonnements : on nous attribue une ferme au Nord d’Agugliana.

23 novembre
Des renforts arrivent. On nous annonce un mouvement pour la Division demain. Préparation de départ.

24 novembre
Le Bataillon part à 6h. Il gagne le point initial de Montecchio Maggiore où il prend place dans la colonne n°3. En deux étapes la 47e DI, avant-garde de la Xe armée, se porte dans la région de Tezze. Mouvements et stationnements sont exécutés dans les conditions d’une marche de guerre, les troupes prêtes à l’attaque ou à la défense.
Itinéraire : Montorso, Montecchio Maggiore, Sovizzo, Creazzo, Cavazzale, Monticello. Arrivée à 19h à Bolzano.

Carte Montorso-Bolzano

25 novembre
Seconde étape : départ à 6h30. On rejoint la colonne n°2. Itinéraire : San Pietro in Gu, Scaldaferro, pont à bateaux de Friola, Tezze, Stroppari.
Le Bataillon profite d’un arrêt pour manger la soupe. Arrivée à 17h.
Cantonnement le long de la route  de Bassano-Citadella.

Carte San Pietro-Stroppari

26 novembre
Installation dans les cantonnements.

27 novembre
La Division étudie nos nouvelles positions : ligne de surveillance, ligne de résistance, ligne de soutien. Notre compagnie est assignée sur la gauche en première ligne.

28 novembre
Les unités reconnaissent les positions d’arrêts. Nos missions sont de renforcer l’armée italienne, contre-attaquer l’ennemi s’il se présente, couvrir un repli éventuel de l’armée italienne.

29 novembre
Les reconnaissances sont suspendues. Exercices. Les permissions reprennent (4% de l’effectif) à partir du 30 novembre.

30 novembre
Reconnaissance en première ligne du chef de Bataillon. Nous devons faire mouvement demain.