« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 6 mai 2017

C'est ma cousine

En navigant sur Geneanet, j’ai trouvé un certain nombre d’arbres (ou de branches) qui correspondait à mes propres ancêtres [*]. On peut considérer que 90 ou 95% peut-être des déposants sont les descendants des personnes citées (le pourcentage restant concernant ceux qui dépouillent systématiquement leur village par exemple). Donc, tous ces descendants et moi-même entretenons un lien particulier : quelque part, à une époque donnée, nous avons eu un, ou des, ancêtres communs.
Logiquement, cela signifie que nous sommes de la même famille. 

Chanson Bonjour ma cousine © mespetitsbonheurs.com

Mais qu’est-ce que cela veut dire à ce niveau ? Quand l’ancêtre commun date du XVII ou XVIIIème siècle, que dix ou douze générations nous séparent ? Est-ce que cela a encore vraiment un sens ? Avec une grande majorité de ces déposants je n’ai pas eu de relation. Avec quelques uns, mes demandes de contact sont restées lettres mortes. Avec d’autres, je corresponds régulièrement, par différents biais.

Une seule d’entre elle, je crois, je tiens un blog de généalogie : c’est Françoise, alias Feuilles d’ardoise [**]. Ce qui me permet d’avoir de ses nouvelles régulièrement, et accessoirement, de nos ancêtres communs car il arrive couramment qu’elle fasse des articles sur eux. En effet, nous partageons 65 couples en commun : parfois il s’agit d’une seule paire de mariés, d’autres fois nous faisons un petit bout de chemin ensemble et nous nous suivons sur plusieurs générations. Pour moi, ce sont des ancêtres qui se situent plus ou moins autour de la Xème génération ; ce qui, vous en conviendrez, fait un peu ancien tout de même. Mais finalement, et irrémédiablement, nos arbres se séparent dans la seconde moitié du XVIIIème.

Techniquement ce n’est pas ma « cousine » (fille de mes oncles/tantes), ni ma « cousine issue de germain » - ou « remuée de germain », expression synonyme - (fille de mes cousins germains). Je l’appelle amicalement ma « multiple cousine », du fait de nos nombreux ancêtres communs, mais il n’y a pas, je crois, de mot officiel pour décrire notre degré de relation familial. D’ailleurs je ne la connais pas vraiment : hormis quelques détails qu’elle a laissé échapper sur les réseaux sociaux, je ne sais rien de sa vie privée. Elle n’en connait sans doute pas davantage sur moi d’ailleurs. Mais le hasard a fait qu’elle a pris un pseudo, « Feuilles d’ardoise », moi qui suis née à Trélazé, capitale des ardoisières d’Anjou… Hasard ou coïncidence ? Un point commun de plus en tout cas. Pourtant, malgré ces maigres informations dont je dispose, je la connais finalement mieux que certains de mes « véritables » cousins (ceux issus de germains, en particulier, qui sont pourtant plus proches « techniquement »). Paradoxe de la vie.

Françoise n’est pas un cas unique : grâce aux arbres en ligne j’en ai repéré plusieurs, de ces « multiples cousin(e)s ». Notamment une en Haute-Savoie qui la « bat » d’un cheveu avec 66 couples en commun et un en Anjou qui la laisse sur place avec 80 couples en commun. La palme revient à Bernadette, la cousine de mon père (la vraie : la « germaine » !) qui, elle, tient le record de la plus proche parente en ligne et du plus grand nombre d'ancêtres communs - logique - 165 couples ! Et même s’ils sont plus ou moins éloignés, j’ai toujours plaisir à lire les commentaires de M@g ou les mails de Jean-Pierre, comme lorsqu’on rentre chez soi après un long voyage et qu’on retrouve son univers familier. C’est normal, docteur ?

Et puis il y a tous les autres : ceux que je n’ai pas encore localisés et que je ne connaitrai jamais peut-être.

Est-ce que ce rapport particulier d’avoir un ancêtre commun qui nous lie fait de nous une famille ? Est-ce qu’il y a une différence avec mon boucher ou ma fleuriste ? (qui sont peut-être aussi de ma famille, sans que je ne le sache encore d’ailleurs…). Ou ces liens sont-ils une simple vue de l’esprit ? Est-ce qu’il y a un moment, officiel, où l’on décrète qu’on n’est plus de la même famille car trop de temps nous sépare ?
Et finalement, est-ce que ça a une importance ? Est-ce qu’on ne peut pas « choisir » sa famille ?


[*] Que les déposants soient d’ailleurs chaleureusement remerciés puisqu’ils m’ont permis de progresser dans mes recherches… enfin, pas tous, mais ça c’est une autre histoire (je ne remercie pas les « fantaisistes » qui y mettent n’importe quoi !).
[**] Mise à jour janvier 2018 : depuis j'en ai découvert d'autres, comme Raymond du blog L'arbre de nos ancêtres.


dimanche 30 avril 2017

#Centenaire1418 pas à pas : avril 1917

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois d’avril 1917 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.


Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.


Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.

___ 

1er avril
Détachement du 2e train : étape de Montreuil à Corrobert.

2 avril
Instruction. Douches.

3 avril
Le commandant de Fabry-Fabrègues rentrant de permission reprend le commandement du bataillon.

4 avril
Exercice par compagnie. Ordre de bataillon n°150.

5 avril
Conférence aux officiers montés à la mairie et Montmirail, par le Général Lebrun, commandant le 3e Corps.

6 avril
Manœuvres de division ayant pour but de familiariser le commandement et le personnel de liaison avec les différents signaux et moyens de liaison.

7 avril
Exercice de détail dans les compagnies.

8 avril
Repos.

9 avril
Le bataillon prend le paquetage n°2 (troupes d’exploitation stratégique). Le matériel en excédent est déposé à Verdon.
Effectif du bataillon à 5 Compagnies : 1441 chasseurs, 262 animaux, 42 voitures.

10 avril
Étape de Corrobert à Courboin. Départ 7h30. Itinéraire : Pargny la Dhuys, Montlevon.

Carte Corrobert Courboin

Le Bataillon défile près de Montlevon devant le Général Lebrun, commandant le IIIe C.A.

11 avril
Stationnement.

12 avril
Étape de Courboin à Mont Saint Père.

13 avril
Repos. Travaux de propreté. Nous avons appris que l’Amérique est entrée en guerre : peut-être que la fin de l’enfer est enfin en vue ?

14 avril
Distribution de grenades et artifices. Nous recevons la dotation de cartouches prévue au paquetage n°2.

15 avril
Départ pour Villers-Argon. Itinéraire : Jaulgonne, Le Charmel, Goussancourt, Villers-Argon. Cantonnement à Forzy (2 km NE de Villers).

Carte Courboin Villers

16 avril
Arrivée au cantonnement à 3h après une marche de nuit pénible, sous une bourrasque de neige. Départ 7h vers la vallée de la Vesle. Itinéraire : Aougny, Lagery, Brouillet, Crugny. Grands-haltes à 12h et 17h entre Brouillet et Crugny. Cantonnement au camp de Lagery.

17 avril
Départ à 18h. On revient à Aougny à 19h45, où nous passons la nuit au camp. Nous avons fait une boucle de près de 30 km et on nous annonce qu’il faut repartir demain.

18 avril
Départ à 10h vers le Sud (pour être porté plus rapidement vers le NE). Itinéraire : Villers-Argon, Ferme le Temple (grand-halte à 12h), Verneuil, Vincelles, Chassins. Nous cantonnons à Chassins.

Carte Aougny Chassins

19 avril
Travaux de propreté.

20 avril
Nous somme maintenus pendant quelques jours dans nos cantonnements.

21 avril
Au programme : révision de l’instruction, réparation des routes, remise en état du matériel : armes, effets, voitures…

22 avril
Aucune note pour ce jour.

23 avril
Concours de lancement de grenades.

24 avril
Aucune note pour ce jour.

25 avril
Les soldats que nous sommes ne sont pas au courant de l’évolution de la situation générale : nous nous contentons de quelques échos. [*]

26 avril
Le moral de la troupe n’est pas au plus haut. La relative inactivité des hommes les fait réfléchir à la situation. Moi, j’évite de penser. [*]

27 avril
Ordre de bataillon n°152.

28 avril
Manœuvre de bataillon : combat de rupture, étude de l’attaque d’une position ennemie.

29 avril
C’est ça le plus pénible finalement : ces allées et venues auxquelles on ne comprend rien. [*]

30 avril
Le Général commandant le 3e corps d’armée passe en revue la 47e division dans un terrain situé au Nord du Charmel.



[*] Inspiré de « Ils rêvaient des dimanches » de Ch. Signol

samedi 22 avril 2017

#Généathème : mes ancêtres paysans

Parmi les 175 métiers (connus) de mes ancêtres, il y a un certains nombre de travailleurs de la terre. Par commodité, nous les appellerons « paysans ». Ils ne sont devancés, dans le peloton de tête des métiers de mes aïeux, que par les domestiques, tisserands, charpentiers, maçons, tailleurs d’habits, meuniers, « sans » (sans profession) et notaires. On distingue aussi des marchands et propriétaires (ou rentiers), mais il est possible que ceux-là (81 ancêtres au total) soient aussi rattachés au monde agricole. J’y reviendrai plus tard.
Au sein de ce groupe de « paysans » nous trouvons différentes dénominations de métiers, recouvrant des réalités de vie très disparates.

 Vannage du blé en Vendée © Delcampe

J’ai dénombré en effet 37 métiers distincts dans ce groupe de paysans.

Les plus nombreux sont les laboureurs (165 ancêtres), détrônant d’une courte tête les vignerons (143 vignerons et 1 vigneronne).

Les laboureurs se situaient plutôt en bas de l’échelle sociale paysanne. Au pire ils sont propriétaires d'animaux de labour, et se louent avec leurs bêtes pour les travaux agricoles. Au mieux ils sont propriétaires de terres qu'ils cultivent, ou locataires à la façon d’un métayer (cf. plus bas : métayers et fermiers). On trouve parfois la mention complémentaire « laboureur à bras » (2 ancêtres) [*] : c’est un laboureur qui n'a d'autres moyens de travail que ses bras. Un curé charitable a précisé que l’un de mes ancêtres était « laboureur de terre », des fois qu’on le confondrait avec un laboureur de nuages… On peut les comparer aux bordiers (19 bordiers, 4 bordières) : paysans exploitant une borderie et payant une rente annuelle au propriétaire. Les borderies, inférieures en général à 10 ha, étaient plus petites que les métairies et le bâtiment principal ne comportait qu'une ou deux pièces. Dans la même veine le closier (18 ancêtres), qui est un petit métayer dont le terrain est en général trop petit pour faire travailler une paire d'animaux, ou le brassier (4 ancêtres) qui est le synonyme du laboureur à bras (quand il ne désigne pas un bûcheron ou un manœuvre).

« Mes » vignerons sont originaires de Conques en Rouergue, des hauts plateaux de l’Ain, de la Brie et de l’Anjou. Hormis en Anjou, où la culture de la vigne est toujours restée active, les autres régions ont vues peu à peu leurs treilles disparaître, pour différentes raisons (maladie, qualité médiocre due à des sols peu favorables, vin finalement concurrencés avec l’arrivée de meilleurs crus grâce au développement du chemin de fer…).  De nos jours, quelques vignerons ont à nouveau planté des ceps, mais la vigne reste une exception.
Certains de mes ancêtres ont eu la vigne dans le sang, se transmettant le métier de génération en génération :
- 5 générations pour les Astié à Conques de 1671 à 1841 environ (une sixième génération vient se glisser avant la dernière : un « renégat » qui s’est fait chapelier !). Le dernier, d’abord vigneron, deviendra ensuite gendarme quittant pour la première fois dans l’histoire de sa famille et le métier et le pays.
- 6 générations pour les Macréau à Guérard en Seine et Marne, de 1656 à 1840 environ. Les hommes des générations suivantes sont manouvriers (entre autres).
- 5 générations pour les Noel (dont plusieurs enfants sur une même génération), eux aussi à Guérard, de 1641 à 1781 environ. Le métier se poursuit peut-être chez les hommes des générations suivantes, mais c’est une fille qui arrive après dans mon arbre. Elle épousera… un vigneron nommé Macréau (celui de la 4ème génération). Tiens, tiens ! Après tout ce temps, les familles ont fini par se réunir. On n’en ne s’en étonnera guère.
Aucun de mes vignerons n’était encore en activité quand le phylloxera a fait son apparition en France (à la fin des années 1860) : ce n’est donc sans doute pas cette raison qui a poussé les fils à quitter le métier de leurs pères.

Viennent ensuite, loin derrière, les cultivateurs (83 cultivateurs et 25 cultivatrices – souvent les épouses desdits cultivateurs) ; terme très en vogue aux XVIII et XIXème siècles, recouvrant des réalités un peu floues, changeantes selon les époques et les régions. Difficile de dire s’ils possédaient leurs terres, leurs matériels, leurs bestiaux…

Métayers (47 métayers et 7 métayères) et fermiers (19 et 4) se valent : les premiers exploitent une terre avec les matériels et animaux du propriétaire et partagent avec lui la moitié des fruits de leur labeur. Les seconds payent une somme à un propriétaire pour en exploiter son bien.
Les métairies pouvaient être assez importantes et l'exploitation pouvait aller jusqu'à 50 ha, mais bien souvent on n’a pas conservé suffisamment d’informations pour déterminer la taille des domaines cultivés. Dans l’Ain j’ai trouvé les termes de granger (2 ancêtres) et grangier (idem) : il désigne un paysan exploitant un grangeage, à la façon d’une métairie.

Les journaliers sont des ouvriers agricoles employés à la journée. Ils représentent un contingent assez important parmi mes ancêtres : 45 journaliers, 5 journalières, auxquels ont peut ajouter les 15 manouvriers et 5 manouvrières, ainsi que les 5 travailleurs. Ces dénominations recouvrent des réalités assez proches.

14 fois je trouve le terme de paysan et une seule celui d’exploitant agricole.

17 bêcheurs figurent dans mon arbres, tous en Anjou, sauf un dans l’Orne. D. Chatry [*] donne comme définition un ouvrier employé dans l'exploitation d'une tourbière, qui extrayait les pains de tourbe employés ensuite comme engrais ou chauffage à l'aide d'une pelle spéciale. Or en Anjou (où se trouvent mes bêcheurs, donc), il n’y a pas de tourbière. Ce sont donc plus vraisemblablement des paysans ne possédant que leur bêche pour travailler ( ?).

Parmi les pauvres paysans on peut classer les bergers (7 ancêtres), personne qui garde les moutons mais aussi les oies, vaches, cochons et en général tous les animaux de la ferme quand ils sont dans les pacages et pâtures ; les vachers (1) et vacherons (1) – petits gardiens de vaches - spécialisés dans la surveillance des troupeaux de vaches, comme on peut s’en douter, et parfois responsable de la fabrication du fromage.

J’ajouterai dans la catégorie « paysan » les deux jardiniers de mon arbre, mais pas l’employé des fermes du Roy qui est un faux ami : ce n’est pas un paysan, mais un collecteur d’impôt !

Quant au terme de ménagère (qui n’a pas forcément moins de 50 ans), il désigne celle qui tient le ménage. En gros l’épouse, la « mère au foyer », mais selon les époques, ce terme désigne aussi un métier de la terre : lorsque l'agriculteur dispose d'une grande surface de terres, qu'il est riche, il est qualifié de "ménager", c'est à dire chef de maison. Son épouse est donc la ménagère. On peut donc ajouter mes 16 ménagères au groupe des paysans.

Enfin, il y a trois catégories spécifiques : les « inconnus », les originaux et les « cumulards ».

Dans la première catégorie, on trouve les métiers de :
- marchand. A part deux de mes ancêtres qui sont spécifiés marchands fermiers et un couple dits marchand/e de vin, je compte 63 marchands dont j’ignore la nature des marchandises vendues. Peut-être font-ils parti du groupe des paysans au sens large… ou pas.
- propriétaire. 16 de mes ancêtres sont dits propriétaires… mais de quoi ? d’une ferme ? d’une boutique en ville ? d’un château ?
A part, les deux marchands fermiers, les autres n’ont pas été comptabilisés parmi les paysans : trop d’incertitudes ; même si certains d’entre eux en faisaient sans doute partie.

Viennent ensuite quelques métiers représentés par un seul ancêtre dans mon arbre :
- le botteleur : désigne un fermier en Aunis et dans le Bas-Poitou.
- le cabanier : est aussi un fermier, terme de l’Ouest de la France, en Vendée particulièrement.
- la campagnarde : bon, disons que c’est une variante de fermière (faute de mieux).
- l’herbager : éleveur de bovins dont le métier était de faire ré-engraisser, aux portes des grandes villes, les animaux un peu fatigués provenant de l’arrière-pays.
- le poulailler : négociant en volaille allant généralement de ferme en ferme. A ne pas confondre avec le lieu où sont élevées les gallinacées…
- le bonnier : celui-ci nous pose problème. Le bonnier est une mesure agraire, anciennement utilisée dans les Flandres, représentant environ 1 hectare (selon les époques). Est-ce que le métier correspondant serait celui qui travaille/loue/possède une terre d’un bonnier ? Affaire à suivre.

Dans la dernière catégorie, on trouve les « cumulards », c'est-à-dire ceux qui ont été désignés par plusieurs métiers au cours de leur vie, dans les différents actes les concernant. J’en trouve 25 parmi mes ancêtres. Ils peuvent être toujours en rapport avec le travail de la terre :
- laboureur, cultivateur.
- laboureur, journalier.
- vigneron, laboureur.
- bêcheur, closier, bonnier.
Ou bien varier les plaisirs :
- blanchisseuse, domestique, cultivatrice.
- métayer, tisserand.
- tissier, journalier.
- etc…
Pour les premiers, est-ce juste une dénomination différente adoptée par le rédacteur de l’acte ou un véritable changement de statut ? Et pour les seconds, est-ce un changement de métier ou une activité annexe ? Difficile à dire…

Parmi ces cumulards on peut, si on lit entre les lignes, deviner ceux qui ont probablement bien géré leurs affaires et prospéré :
- d’abord journalier, il devient ensuite marchand ou propriétaire.
- de cultivateur il est ensuite qualifié de propriétaire ou rentier.

Les travailleurs de la terre de mon arbre

Bref, des paysans il y en a. Mais il n’est pas toujours facile de déterminer leur profil spécifique, leur véritable activité et le niveau de vie qui en découle.


[*] La plupart des définitions de métiers est donnée par D. Chatry, Les métiers de nos ancêtres.


 


samedi 15 avril 2017

#RDVAncestral : rencontre au Ralliement

Petite entorse au principe du Rendez-Vous Ancestral : ce n'est pas moi qui vais à la rencontre d'un(e) ancêtre, mais l'inverse...

J'ai rendez-vous Place du Ralliement à Angers. Le nom est prémonitoire et parfaitement adapté à la situation. Je ne sais pas exactement à quoi elle ressemble car j'ignore à quel âge de sa vie elle a décidé de me rencontrer.
Elle, c'est la Louise. Louise Châtelain, épouse Lejard, est née en 1857 et nous a quittée en 1919. C'était l'arrière-grand-mère maternelle de mon père. La place est grande et il y a du monde qui circule. Je me rappelle, enfant, la sculpture-fontaine métallique en forme de rose des sables qui datait du réaménagement des années 1970, remplaçant l'immense parking moche qui avait fini par envahir la place. Elle a été replacée place Saint Serge aujourd'hui.

Je me dirige vers le "nouveau" théâtre, bâtiment signal de la place inauguré en 1871, où je pense pouvoir trouver la Louise. La Place du Ralliement était autrefois l'adresse prestigieuse d'Angers avec ses grands magasins (Nouvelles galeries, Dames de France...), ses beaux immeubles, vitrine de la vie mondaine.

Angers, place du Ralliement © cparama.com

Mon aïeule n'y est peut-être pas venue souvent, elle qui était d'extraction modeste. A moins qu'elle ait fréquenté le marché aux grains ou les foire de la Saint-Martin. Mais j'imagine qu'on ne la trouvait sans doute pas dans les nombreux cafés qui bordaient et animaient la place. Elle a qui vécu dans plusieurs petites villes ou villages des alentours (Chaumont d'Anjou, Saint-Barthélémy d'Anjou, Villevêque, Brain sur l'Authion), comment a-t-elle vécu le fait d'emménager à Angers, faubourg Saint-Michel, à la fin de sa vie ?

Je jette un coup d’œil en passant à la rue de la Roë, qui accueilli l'épicerie d'un autre de mes ancêtres.
Avec l'implantation du tramway en 1896, la place a connu la circulation la plus intense de la ville, toutes les lignes aboutissant ici. Mais cela n'avait sans doute rien à voir avec la ville d'aujourd'hui ! Je m'inquiète du tramway moderne qui, s'il porte le même nom, n'a plus rien à voir avec les véhicules qu'a connu la Louise.

 Angers, place du Ralliement de nos jours © Jean-Sébastien Evrard, tourisme.fr

Et la voici ! Elle, toute recroquevillée aux pieds des colonnes du théâtre. Je la reconnais facilement car elle a l'apparence que je lui connais sur un cliché en ma possession. De toute manière, elle tranche tellement dans le paysage, qu'il faudrait être aveugle pour ne pas savoir que c'est elle. Elle porte sa robe noire et sa coiffe angevine blanche.

Louise Châtelain épouse Lejard, 1917 © Coll. personnelle

Elle semble inquiète, effarée, effrayée : je me rapproche pour la rassurer. Nous traversons la place. Je la tiens par coude pour la réconforter. Durant ce court trajet, tout lui semble étrange : la foule, les vêtements des passants, cette drôle de fusée (le nouveau tramway), cette halle en verre où il n'y a pas de marché, ces véhicules avec le bruit et l’odeur qui les accompagnent (la place est piétonne mais cernée de rues où les voitures circulent), les enseignes colorées et inconnues, l’allure de la place qu’elle ne reconnaît pas vraiment. Où est (l'ancien) tramway ? Les voitures hippomobiles ? ...

Nous nous engouffrons dans un café, au fond de la salle, pour être un peu au calme. Mais là encore que de bizarreries :
- Cette chose rectangulaire et plate qui montre des images qui bougent mais qui défilent si vite qu’on n’a pas le temps de les voir, avec des écritures partout (la télé est branchée sur une chaîne d’information en continu).
- Tous ces gens qui sont à la même table mais qui ne se regardent pas, ne discutent pas, tout entièrement absorbés qu’ils sont par le petit rectangle qu'ils manipulent sans cesse. Ils rient et parlent fort… mais à qui ?
- Ces jeunes filles qui sortent sans chaperon, en cheveux qui plus est !
- « L’orangeade » pétillante que j’ai commandée.
- La  monnaie que je sors de mon sac pour régler nos consommations.
- Le bruit encore.
- Le décor, les couleurs, les matières.
- Ceux qui viennent acheter des cigarettes, d’autres jouer à « la loterie nationale ».
- Un groupe de jeunes gens vienne de faire "leur marché" (du shopping) sans même s'être déplacé et vantent les vêtements et chaussures qu’ils viennent d’acheter en un clic ! Mais qu'est-ce que c'est un clic ?

J’essaye d'expliquer à la Louise ce qu'elle voit, et puis les voitures, les téléphones, les modes vestimentaires, les mœurs mais il y a eu tellement de changements en 100 ans. Trop de choses nous séparent. Je ne sais pas si nous serions capables de vivre à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle, mais une chose est sûre, une personne de cette époque serait incapable de trouver sa place dans le monde d’aujourd’hui.

Au bout d’un moment la Louise n’en peut plus. Elle a mal à la tête avec toutes ces étrangetés. Tout ça c’est trop pour elle. Elle préfère retourner d’où elle vient. Je propose de la raccompagner, mais elle décline. Elle s’en va, toute seule, traversant cette grande place du Ralliement. Je regarde sa silhouette qui paraît bien petite, comme écrasée, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Aujourd’hui le Ralliement porte bien mal son nom finalement…


lundi 3 avril 2017

Fête de famille pour 241 descendants

En août 1971 il y eu à Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) une cousinade. Le nom de cousinade n’avait probablement pas encore été inventé, mais tel était cette réunion de famille.

Célestin GABARD est né en 1860 à la ferme de La Gidalière (commune de Saint-Amand, donc) ; ferme que tenait son père, ainsi que son grand-père avant et sans doute tous ses ancêtres (du moins jusqu’à la Révolution, c’est une certitude ; les registres antérieurs ayant disparus il ne nous est pas possible de le prouver irrévocablement). Il est le grand-père de ma grand-mère maternelle.
En 1892 il épousa Marie Henriette BENETREAU, originaire d’une commune voisine, Saint-Aubin-de-Baubigné.

Ensemble ils eurent  9 enfants, tous nés à St Amand :
- Célestin Aubin Eugène né le 2/4/1893, marié le 27 avril 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Agnès Augustine CHARRIER
- Marie Léonie Henriette née le 4/9/1894, marié le 27 avril 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Gabriel Joseph ROUSSEAU, décédée le 5 juillet 1972 à La Petite Boissière
- François Joseph né le 9/2/1897, marié le 13 juillet 1920, Saint-Amand-sur-Sèvre, avec Claire Marie Augustine ALBERT, décédé le 20 décembre 1962 à St Amand
- Joseph Elie né le 6/9/1899 mon ancêtre direct (cf. plus bas)
- Berthe Lucie Marie née le 19/11/1901
- Octave Henri Marie né le 30/3/1903, marié le 18 novembre 1929 à La Petite Boissière  avec Marie Louise Gabrielle RENAUD
- Alice Françoise Augustine née le 10/6/1904, marié le 10 juin 1925 à Saint-Amand  avec Raoul Alfred Alphonse MAUDES (MANDES ?), décédée le 4 décembre 1960 à Treize Vents
- Lucie Joséphine née le 27/4/1905 p44, décédée à Angers le 18/2/1988  
- Gabriel Roger Octave Marie né le 29/2/1912, marié le 29 avril 1947 à Saint-Amand  avec Marie Madeleine ARNOU (selon la mention marginale de son acte de naissance, mais connue sous le nom de Domitille – qui était aussi le prénom de sa mère semble-t-il).

Il est difficile de suivre ensuite chacun de ces enfants : c’est le fameux « trou noir de la généalogie » (trop récent pour apparaitre librement en ligne [*], trop ancien pour le souvenir des Hommes). Seules les mentions marginales des actes de naissance nous renseignent sur leurs mariages et décès, mais certains actes n’en possèdent pas.

Cependant je connais au moins ce qui concerne mes propres arrière-grands-parents, Joseph Elie et Flora Marie Victunienne ROY : ils eurent 4 enfants.
- L’aînée (ma grand-mère) en eu 5,
- La seconde 3,
- La troisième 3 également,
- Le dernier 3 aussi,
Soit 14 descendants pour cette génération.


La Gidalière, date inconnue © coll. personnelle
Marqués d'une croix, à gauche Gabriel (dernier fils du couple) et sa mère Marie Henriette Benetreau, veuve Gabard [**] (3ème à partir de la gauche) devant la façade de la ferme. Les autres : des inconnus, déjà…

Célestin et Marie Henriette moururent respectivement en 1924 et 1951. Vingt après le décès de Marie Henriette, la famille a choisi de se réunir – à la ferme de la Gidalière, bien entendu. Nombreux furent présents, à tel point que la « fête de famille » fit l’objet un court article dans le journal local.

Cet article nous renseigne sur la composition de la famille à cette date :
  • Les 9 enfants (au moins trois sont déjà décédés, selon les mentions marginales de leurs actes de naissance)
  • 70 petits-enfants
  • 133 arrière-petits-enfants
  • 10 arrière-arrière-petits-enfants

Bon, l’addition de tout cela fait 222 personnes, et non 241 comme annoncé dans le journal : peut-être que les 19 membres manquant de la famille n’ont simplement pas pu assister à la fête. En tout cas, ils étaient nombreux, dirons-nous...

Une messe fut organisée lors de ces retrouvailles, assurée par l’abbé Albert Gabard, fils de François et Claire.

L’article précise que des panneaux généalogiques avaient été réalisés, afin que chacun puisse se situer parmi les membres de la famille. Dommage que ces panneaux se soient perdus… Ils couvraient l’histoire d’une famille sur plus d’un siècle ; une famille à l’origine fermiers des Deux-Sèvres et depuis dispersée dans le département et jusqu’à Angers et Poitiers.

La ferme de La Gidalière resta dans la famille Gabard, reprise par André, fils de François. Pour mémoire, mon arrière-grand-père Joseph n’a pu en hériter après la seconde guerre mondiale, comme je l’ai raconté dans l’article Une lettre… pour changer une vie. André fut le dernier des Gabard à posséder cette ferme. C’est maintenant une coquette résidence… mais sortie du giron familial historique.

Aujourd’hui, combien sommes-nous de descendants de ce couple ? Dispersés à travers toute la France cette fois, difficile de le dire. Les anciens nous ont quittés, remplacés par des plus jeunes.


Fête de famille, journal (inconnu), 1er août 1971 © coll. personnelle

« Une réunion de famille qui mérite son nom…
Réunir une famille dont les 241 membres sont dispersés entre Saint-Amand-sur-Sèvre, Angers et Poitiers, tient du véritable exploit. C’est celui qu’a réussi M. l’abbé Albert Gabard, vicaire de Loudun, qui célébra lui-même la messe de famille dans un pré de la ferme où vécurent ses aïeux, M. et Mme Célestin Gabard.
Les neuf enfants de ces derniers avaient amené leurs fils et filles (70), leurs petits-enfants (133) et leurs arrière-petits-enfants (10).
Après la messe, la nombreuse famille se rassembla en un joyeux pique-nique avant de participer à des jeux et danses divers.
La journée se termina par un feu de joie tandis que, durant toute la fête, les descendants de M. et Mme Gabard avaient pu suivre sur des panneaux généalogiques, l’évolution de leur famille depuis plus d’un siècle. »



[*] Pas de registre en ligne postérieur à 1912 à Saint-Amand.
[**] La date du cliché n’est pas connue, mais vu l’apparence de Marie Henriette, il a sans doute été pris après la mort de Célestin, donc dans les années 1930 ou 1940.


vendredi 31 mars 2017

#Centenaire1418 pas à pas : mars 1917

Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de mars 1917 sont réunis ici.

Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas forcément directement Jean François.

Les éléments détaillant son activité au front sont tirés des Journaux des Marches et Opérations qui détaillent le quotidien des troupes, trouvés sur le site Mémoire des hommes.

Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
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1er mars
Étape sur Champagney, par Quers et Lure. A Lure le Bataillon défile devant le Général Deveney commandant de la VIIème Armée.
Marie-Eugène Debeney, 1924 © wikipedia 

Grand-halte à Ronchamp. Cantonnement dans les faubourgs de Champagney.
Carte Citers-Champagney © Google

2 mars
Étape sur Valdoie (2 km Nord de Belfort). Itinéraire : Frahier, Challonvillars, Cravanche. Grand-halte entre Cravanche et Vadoie.
Carte Champagney-Valdoie © Google

3 mars
Après ces jours de marche, enfin du repos. On apprécie aussi les « travaux de propreté » ordonnés.

4 mars
Étape sur Dannemarie (Haute-Alsace). Départ à 7h. Itinéraire : par Rappe. Grand-halte dans les bois d’Elbach.

Carte Valdoie-Dannemarie © Google

Alternance du travail et de l’instruction prévue par période de 8 jours.
Le 51e est à la disposition du Général commandant le secteur Centre, pour la construction de boyaux, sous la direction technique du génie.

5 mars
Reconnaissance par les cadres des travaux à exécuter. Notre Compagnie, la 8e, est chargée de la construction du boyau de Bénévent.

6 mars
Commencement des travaux. Tout l’effectif du bataillon est employé.

7 mars
Travaux.
Reconnaissance par le chef de Bataillon des villages alentours qu’on aurait à occuper en cas d’alerte.

8 mars
Travaux.

9 mars
En vue des opérations éventuelles à exécuter le chef de Bataillon reconnaît différents ouvrages, le réseau de fil de fer, etc…

10 mars
Travaux sur les emplacements habituels.

11 mars
Nouvelle répartition des travailleurs : avec la 8e et la 9e nous allons au boyau de Brisach.

12 mars
Les travaux exécutés se font de nuit. Vers 17h 12 obus allemands de gros calibre tombent sur le cantonnement de Dannemarie. Plusieurs maisons sont détruites, un caporal blessé.
Dannemarie © ak-Ansichtskarten.de

13 mars
Aucune note pour ce jour.

14 mars
Ordre de bataillon n°144.

15 mars
Travaux.

16 mars
Travaux.
Soldats construisant une tranchée 1916 © Gallica

17 mars
Travaux.

18 mars
Travaux. Ordre de bataillon n°145.

19 mars
Ordre de bataillon n°146 : le chef de bataillon de Fabry-Fabrègues partant en permission, le commandement passe au capitaine Roux.

20 mars
Changements d’affectation.

21 mars
Le Bataillon se rend à Guwenheim pour une période d’instruction. Départ 6h par voie de terre.

22 mars
Reconnaissance par les commandants de Cie des centres de résistance de la gare de Burnhaupt. Ordre du Bataillon n°147.

23 mars
Instruction : lancement de grenades, tir des F.M., des mitrailleurs et des pistolets automatiques.

24 mars
Les permissions sont réduites à 5%.

25 mars
Instruction. Revues diverses. Ordre du Bataillon n°148. Reconnaissance de C.R. Michelbach.

26 mars
Le Bataillon fait mouvement par voie de terre. Départ à 2h. Itinéraire : Rougemont le Château, Eloie, Sermamagny (7km Nord de Belfort).
Carte Guwenheim-Sermamagny © Google

27 mars
Même cantonnement. Travaux de propreté. Revue.

28 mars
Étape de Sermamagny à La Côte (6km SE de Lure). Départ 6h. Itinéraire : Errevet, Frahier, Ronchamp. Grand’halte à Ronchamp à 11h30. Arrivée au cantonnement à 14h.
Carte Sermamagny-La Cote © Google

29 mars
Cantonnement à La Côte.
Instruction dans les Compagnies : évolutions et combat de la section et de la compagnie.

30 mars
Le bataillon embarque à Lure en deux trains. Notre Compagnie est dans le 2e, qui part du quai militaire à 0h32.
Le peloton des prisonniers, avec le s. lieutenant Chassagneux, embarquera à la gare de Champagney le lendemain.

31 mars
Voyage en chemin de fer par Epinal, Neufchâteau, Gondrecourt, Bar le Duc, Vitry le Francois, Sezanne, La Ferté Gaucher. Nous débarquons dans la nuit du 31 au 1er à 3h et cantonnons à Montreuil.
Carte Lure Ferté-Gaucher © Google