« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 15 avril 2017

#RDVAncestral : rencontre au Ralliement

Petite entorse au principe du Rendez-Vous Ancestral : ce n'est pas moi qui vais à la rencontre d'un(e) ancêtre, mais l'inverse...

J'ai rendez-vous Place du Ralliement à Angers. Le nom est prémonitoire et parfaitement adapté à la situation. Je ne sais pas exactement à quoi elle ressemble car j'ignore à quel âge de sa vie elle a décidé de me rencontrer.
Elle, c'est la Louise. Louise Châtelain, épouse Lejard, est née en 1857 et nous a quittée en 1919. C'était l'arrière-grand-mère maternelle de mon père. La place est grande et il y a du monde qui circule. Je me rappelle, enfant, la sculpture-fontaine métallique en forme de rose des sables qui datait du réaménagement des années 1970, remplaçant l'immense parking moche qui avait fini par envahir la place. Elle a été replacée place Saint Serge aujourd'hui.

Je me dirige vers le "nouveau" théâtre, bâtiment signal de la place inauguré en 1871, où je pense pouvoir trouver la Louise. La Place du Ralliement était autrefois l'adresse prestigieuse d'Angers avec ses grands magasins (Nouvelles galeries, Dames de France...), ses beaux immeubles, vitrine de la vie mondaine.

Angers, place du Ralliement © cparama.com

Mon aïeule n'y est peut-être pas venue souvent, elle qui était d'extraction modeste. A moins qu'elle ait fréquenté le marché aux grains ou les foire de la Saint-Martin. Mais j'imagine qu'on ne la trouvait sans doute pas dans les nombreux cafés qui bordaient et animaient la place. Elle a qui vécu dans plusieurs petites villes ou villages des alentours (Chaumont d'Anjou, Saint-Barthélémy d'Anjou, Villevêque, Brain sur l'Authion), comment a-t-elle vécu le fait d'emménager à Angers, faubourg Saint-Michel, à la fin de sa vie ?

Je jette un coup d’œil en passant à la rue de la Roë, qui accueilli l'épicerie d'un autre de mes ancêtres.
Avec l'implantation du tramway en 1896, la place a connu la circulation la plus intense de la ville, toutes les lignes aboutissant ici. Mais cela n'avait sans doute rien à voir avec la ville d'aujourd'hui ! Je m'inquiète du tramway moderne qui, s'il porte le même nom, n'a plus rien à voir avec les véhicules qu'a connu la Louise.

 Angers, place du Ralliement de nos jours © Jean-Sébastien Evrard, tourisme.fr

Et la voici ! Elle, toute recroquevillée aux pieds des colonnes du théâtre. Je la reconnais facilement car elle a l'apparence que je lui connais sur un cliché en ma possession. De toute manière, elle tranche tellement dans le paysage, qu'il faudrait être aveugle pour ne pas savoir que c'est elle. Elle porte sa robe noire et sa coiffe angevine blanche.

Louise Châtelain épouse Lejard, 1917 © Coll. personnelle

Elle semble inquiète, effarée, effrayée : je me rapproche pour la rassurer. Nous traversons la place. Je la tiens par coude pour la réconforter. Durant ce court trajet, tout lui semble étrange : la foule, les vêtements des passants, cette drôle de fusée (le nouveau tramway), cette halle en verre où il n'y a pas de marché, ces véhicules avec le bruit et l’odeur qui les accompagnent (la place est piétonne mais cernée de rues où les voitures circulent), les enseignes colorées et inconnues, l’allure de la place qu’elle ne reconnaît pas vraiment. Où est (l'ancien) tramway ? Les voitures hippomobiles ? ...

Nous nous engouffrons dans un café, au fond de la salle, pour être un peu au calme. Mais là encore que de bizarreries :
- Cette chose rectangulaire et plate qui montre des images qui bougent mais qui défilent si vite qu’on n’a pas le temps de les voir, avec des écritures partout (la télé est branchée sur une chaîne d’information en continu).
- Tous ces gens qui sont à la même table mais qui ne se regardent pas, ne discutent pas, tout entièrement absorbés qu’ils sont par le petit rectangle qu'ils manipulent sans cesse. Ils rient et parlent fort… mais à qui ?
- Ces jeunes filles qui sortent sans chaperon, en cheveux qui plus est !
- « L’orangeade » pétillante que j’ai commandée.
- La  monnaie que je sors de mon sac pour régler nos consommations.
- Le bruit encore.
- Le décor, les couleurs, les matières.
- Ceux qui viennent acheter des cigarettes, d’autres jouer à « la loterie nationale ».
- Un groupe de jeunes gens vienne de faire "leur marché" (du shopping) sans même s'être déplacé et vantent les vêtements et chaussures qu’ils viennent d’acheter en un clic ! Mais qu'est-ce que c'est un clic ?

J’essaye d'expliquer à la Louise ce qu'elle voit, et puis les voitures, les téléphones, les modes vestimentaires, les mœurs mais il y a eu tellement de changements en 100 ans. Trop de choses nous séparent. Je ne sais pas si nous serions capables de vivre à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle, mais une chose est sûre, une personne de cette époque serait incapable de trouver sa place dans le monde d’aujourd’hui.

Au bout d’un moment la Louise n’en peut plus. Elle a mal à la tête avec toutes ces étrangetés. Tout ça c’est trop pour elle. Elle préfère retourner d’où elle vient. Je propose de la raccompagner, mais elle décline. Elle s’en va, toute seule, traversant cette grande place du Ralliement. Je regarde sa silhouette qui paraît bien petite, comme écrasée, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Aujourd’hui le Ralliement porte bien mal son nom finalement…


7 commentaires:

  1. Bienvenue chez moi, et comme le disait fort justement Joachim du Bellay,
    Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme cestuy là qui conquit la toison,
    Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son aage !

    RépondreSupprimer
  2. -Les Châtelain,qui sont miens,précédaient Louise et vivaient à Villevêque,Corzé, Le Plessis -Grammoire Andard etc...
    -Merci pour ces vues de notre bonne ville d'Angers.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les miens sont de Bauné et Corzé. Quelques uns en commun peut-être...

      Supprimer
  3. Famille Chastelain alias Châtelain.(même origine...)

    Germain Chastelain X Jeanne Rattier Corzé.
    dont.
    René Chastelain x Renée Barbot Corzé.
    dont.
    Mathurin Chastelain X Anne Rohard du Plessis-Grammoire.
    dont.
    René Chastelain X Jacquine Penanceau .Corzé.
    dont descendra.
    Marie Chastelain X à Villevêque le 27 1 1756,avec Pierre Dupont.
    dont descendront mes familles Dupont Villevêquoises.
    Joyeuses Pâques cousine...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Germain et Jeanne sont miens aussi (XIIème génération pour moi), mais ici nos branches se séparent vite car je descends d'Urbain frère de René...

      Supprimer
  4. Anne revenait de la ville,bien fatiguée sans doute !
    Ces petites notes qui font notre bonheur ...
    Anne Rohard,épouse de Mathurin Chastelain ,laboureur,de Corzé ,mettra au monde,le 20 avril 1709,une fille, Jeanne à St- Sylvain ...
    Le curé note :"laquelle a accouché au village de la Haye-Joulain,en la maison de la veuve Quénion,sa soeur,en s'en revenant de la ville d'Angers,pour s'en retourner en la paroisse de Corzé,sa paroisse et sa demeure aussy bien que de son mary.Sera parrain Anthoine Quénion ,aussy laboureur,et marraine Jeanne Rohard dite veuve Quénion,tous de cette paroisse ,le père absent.
    AM St- Sylvain(vue 163).

    RépondreSupprimer
  5. J'aime bien l'idée de transporter l'ancêtre à notre époque. C'est un joli défi d'écriture car il faut ajuster les modes de vie.

    RépondreSupprimer