« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 22 novembre 2019

#ChallengeAZ : S comme somme

Sur les 400 actes retrouvés concernant Jean Avalon, 63 n’ont pas de somme connue - dans l'état actuel de mes recherches. 25 sont exprimés en natures (bois, blé, vin, etc…), ce que je ne sais traduire en valeur pécuniaire.

Pour ceux que j’ai pu dénicher, la plupart se situe sous les 50 livres (156 actes), un gros tiers entre 100 et 300 livres et près d’une quinzaine au-delà.

En dessous de 50 livres ces sommes correspondent à la vente/l’achat d’animaux, de terres, de legs aux prêtres obituaires de la ville, de « marchandises prises dans la boutique », etc… Ces informations proviennent essentiellement de l’inventaire réalisé après le décès de Jean Avalon et je n’ai trouvé que peu de ces documents d’origine dans les fonds en ligne. Pour beaucoup j’ignore même quel est la raison de la dette/créance.

Au-delà de 100 livres on retrouve la trilogie terres/animaux/viande de boucherie.

La moyenne des sommes connues est de 78 livres (1 415 euros).


Montants des actes concernant Jean Avalon

Parmi ces 400 actes notariés, la plus petite somme connue due à Jean Avalon est de 3 livres, dette contractée par Gaspard Marc pour de la viande « puisée dans la boutique dudit Avalon ». Le notaire et la date ne sont pas connus (c’est un acte « de seconde main » ; pour en savoir plus sur ce point voir la lettre L). Ce qui équivaut à un peu moins de 55 euros.

En ce qui concerne les montant les plus élevés on distingue une dette de 500 livres, d’une part, qui est en fait un agglomérat de dettes dues à l’origine par Benoît Comby, paysan d’une paroisse voisine, et de plusieurs membre de sa famille (père, épouse, oncle). Cette dette est passée de main en main par « transport » depuis le contrat de mariage de Comby fils en 1664 jusqu’à finir par échoir à Jean Avalon en 1693.

Et, d’autre part, un extrait de vente de Pierre Gineston à Jean Avalon, pour une valeur de 750 livres, datée de 1689. Malheureusement l’acte en question n’a pas été trouvé, j’ignore donc ce que mon ancêtre a acheté à son lointain cousin (bien sûr : voyez la lettre G), avocat et digne représentant de la haute société d’Entraygues ; je sais juste que cela concerne « un chay » mais l’acte d’origine recelait sans doute davantage de détails sur cette vente.



* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie de ce blog pour le découvrir !



jeudi 21 novembre 2019

#ChallengeAZ : R comme richesse

Jean Avalon fait partie de la bourgeoisie d’Entraygues, est parfois élu consul de sa ville, traite ses affaires avec d’autres bourgeois, voire même la comtesse comme on l’a vu dans les lettres précédentes. Bref, il brasse de l’argent. Mais combien ?

Outre le fait qu’il est difficile de le savoir, il faut choisir un instant T : évidemment sa fortune n’est pas la même au début et à la fin de sa vie.

Si on choisi la fin de sa vie, on voit que dans son testament il lègue à ses enfants la somme de 4 000 livres chacun. A son aînée déjà mariée, il avait donné par contrat de mariage 1 000 livres, des meubles et du linge (dont la valeur n’est pas quantifiée). Ce qui fait au plus bas (sans le mobilier) 10 000 livres pour les dots.

On sait que deux de ses trois enfants nés du premier lit deux sont morts en bas âge. La troisième reste incertaine à cause de lacunes des registres, mais comme elle n’apparaît pas dans son testament on peut supposer qu’elle est décédée avant 1700 ; a-t-elle eu le temps de se marier (et d’être dotée) ? Nous l’ignorons.

Lors du partage de ses biens après décès, quatre lots sont faits (trois pour ses enfants et un pour son gendre), soit un total de 14 295 livres (partie en mobilier/immobilier et partie en obligations).

Ce qui nous fait, avec les dots, 27 295 livres (à minima), soit environ 495 162 euros actuels, légués à ses enfants. N'oublions pas que nous sommes en 1700. Même s'il est difficile d'apprécier le niveau de vie (qui change selon les régions), on peut noter que le salaire d'un ouvrier ou paysan est à cette époque de 100 à 300 livres par an, le revenu bourgeois se situant entre 5 000 et 20 000 livres par an. Une famille de quatre personnes, pour assurer sa simple subsistance, dépensera environ 90 livres. [1] Évidemment les chiffres cités plus haut rendent compte une situation financière à un instant T, pas d'un revenu annuel, que je n'ai aucun moyen de connaître, mais cela nous donne quand même une petite idée du rang que pouvais tenir Jean Avalon.

Richesse © pixabay

Par ailleurs, dans les 312 actes notariés dont le montant est connu, Jean Avalon a brassé 24 499 livres. Somme à laquelle on pourrait rajouter les règlements en nature (bois, blé, récoltes, etc…) mais dont la valeur n’est pas forcément convertie en monnaie et reste donc inconnue. Parfois c’est de l’argent dépensé (lorsqu’il achète une maison par exemple), souvent c’est de l’argent qui vient rembourser une créance !

C’est donc l'équivalent de 444 439 euros qui sont entrés ou sortis de sa poche au cours de sa vie, via les actes notariés. A minima encore une fois.

Si on extrapole (en prenant la moyenne des actes dont le montant est connu, multipliée par 400), ce montant pourrait grimper jusqu’à 31 408 livres, soit 569 776 euros. Mais j’ai peut-être l’imagination un peu fertile…

Bref, si dans l’état actuel de mes recherches il m’est impossible de définir véritablement le montant exact de son « compte bancaire », je crois tout de même pouvoir dire que Jean Avalon était riche.


[1] Source : Jean Sgard : L'échelle des revenus, éd. Garnier frères, 1982


mercredi 20 novembre 2019

#ChallengeAZ : Q comme quinze ans ou plus

Jean Avalon est riche. Mais il n’a pas forcément de monnaies sonnantes et trébuchantes : il s’agit plutôt de monnaie virtuelle (voir l’article d’hier, ce que j’ai appelé la « fortune de papier ») ! Rassurez-vous pas de carte bleue visa master gold, et encore moins de bitcoins, mais des actes notariés : dots, promesses d’achats, obligations, transports, testaments, etc…* C’est sans doute ce qui explique que Jean ait gardé précieusement tous ces documents : c’était sa fortune.

Par exemple, en août 1689, un contrat d’accord portant une dette en faveur dudit Avalon précise que Jean souhaite retirer 60 livres sur les 150 que lui doit Guillaume Puech : celui-ci s’engage à les lui payer sous trois ans.

Mais avoir une créance et se la faire payer, ce n’est pas la même chose. Les débiteurs ne font pas forcément les bons payeurs. Afin de recouvrer ce qu’on lui doit, il existe plusieurs options pour Jean : il peut intenter des procès. J’en compte un certain nombre parmi les liasses de documents inventoriés.

La dette peut être « transportée » sur une autre personne : X doit 40 livres à Jean ; X fait un transport sur Y (qui lui devait lui-même 40 livres à X) et c’est maintenant Y qui doit les 40 livres à Jean ; X est libéré de sa dette. Vous me direz, Jean n’a toujours pas reçu ses 40 livres, mais peut-être que Y sera meilleur payeur que X. C’est pourquoi, parmi les 400 actes recensés, certains ne concernent pas directement Jean, mais X et Y et leur accord d’origine. J’ai recherché ces documents de « deuxième (voir de troisième) main » afin d’en savoir plus sur la nature de l’arrangement originel, en particulier dans le cas de lacunes des fonds notariés.

Pour reprendre l’exemple précédent l’histoire commence en 1685 quand le sieur Vidal de la Coste fait un contrat de cession à Guillaume Puech pour une valeur de 60 livres. En parallèle, toujours en 1685, ledit sieur s’engage à payer à Jean Avalon la même somme. Deux ans plus tard la dette a « glissée » : elle est passée directement de Guillaume Puech à Jean Avalon. Et, visiblement, elle n’est pas encore payée en 1689 puisque Jean la réclame dans ledit contrat d’accord.

Enfin il y a la famille. Quand on ne peut payer soi-même, on fait appel à l’argent de la famille. Ainsi en 1693 Pierre Dangles doit 120 livres à Jean Avalon : il fait une « cession » devant notaire où il transporte les 120 livre sur la dot offerte par Marguerite Campredon, veuve de Jean Louis Lavaur, à Françoise Lavaur sa fille et épouse dudit Dangles. Vous avez suivi ? En fait Pierre se sert de la dot promise par ses beaux-parents pour payer Jean.

Parfois la situation se complique car l’un des débiteurs est décédé. Par exemple en 1694 Jean Belloc transporte les 80 livres qu’il devait à Jean Avalon à prendre sur Louise Franque (sa belle-sœur) veuve de Jean Bosc puisque ledit feu Bosc devait la même somme à Antoinette Franque son épouse. Oui, je sais, moi aussi ça m’a fait un peu mal à la tête quand j’ai épluché tous ces documents et que j’ai dû reconstituer le fil des filiations.

Parfois il faut du temps pour recouvrer sa dette : quinze ans ou plus… Ainsi Antoine Vialade, qui devait 340 livres à Jacques Pervenquieres en 1671, finit par les devoir à Jean Avalon… en 1691 ! L’histoire ne dit pas quand la dette fut enfin réglée.

Longtemps, longtemps... © pixabay

Par ailleurs, quand on hérite de ses parents, on ne reçoit pas (toujours) que des meubles : on peut aussi hériter des dettes. Nombreux sont les documents qui précisent que la somme est due par les héritiers du créancier originel.

Comme on l’a vu hier, la dette est un des fondements des relations sociales et on sait que tout sera fait pour quelle soit payée (les dettes irrécupérables restent finalement assez marginales). Bref, tout vient à point à qui sait attendre…


* Le sens d’un mot vous échappe ? Rendez-vous sur la page Lexique de généalogie (>lien) de ce blog pour le découvrir !