« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 16 février 2024

Droit de banc

La veille de Noël 1759 plusieurs notables de la paroisse de Villevêque (49) s’assemblent dans la maison presbytérale, « en présence et avec le consentement de René Riffault prêtre curé dudit Villevêque et de Me Nepveu, notaire royal à Angers et Baugé résidant à Villevêque ». Ils sont là afin d’enregistrer officiellement une vente un peu particulière. Parmi les protagonistes principaux on compte :
  •  Jacques Collin, Maître tisserand, est né en 1713 à Corzé (paroisse voisine), installé à Villevêque après son mariage en 1738 (il est apparenté à ma famille par sa mère, Françoise Rattier : je descends de plusieurs oncles, tantes et cousins de cette famille très « implexée » ; et de la famille de son épouse dont les ascendants sont juchés bien haut dans mon arbre).
  •  Symphorien Lysambard, Marchand fermier dont la fille vient d’épouser le neveu de Jacques Collin, est issu d’une vieille famille de Villevêque. S’il ne sait pas signer, il tient un rôle non négligeable dans la paroisse : il est le marguillier de la fabrique. 
La fabrique d’une paroisse est composée d’un groupe de clercs et de laïcs qui gèrent tout ce qui appartient à l’église, depuis les luminaires jusqu’aux fonds affectés à son entretien. En général, c'est à l'issue de la messe, le dimanche, que les habitants se réunissent en assemblée pour y discuter de toutes les questions matérielles de la paroisse et administrer ses affaires. Tout homme possédant quelques biens (c'est-à-dire ceux qui sont imposables, les propriétaires) fait partie de cette assemblée. Les procureurs de fabrique, ou marguilliers (ils sont deux) sont élus par cette assemblée pour un an afin d'appliquer les décisions prises par elle et agir au nom de la collectivité. Les fabriciens (membres de la fabrique) pouvaient avoir un siège réservé dans l'église.
  •  Laurent Vaugoyau est aussi un marchand fermier, alors âgé de 40 ans, demeurant au lieu de la Métairie aux Clercs en ladite paroisse. Lui aussi est issu d’une vieille famille de la paroisse (et un de mes lointains cousins). Il est l’acheteur dans cette affaire.

Sont présents également, les témoins :

  • Maitre Mathurin René Chauvigné et Christophe Davy prêtres et chapelains de la paroisse,
  • le sieur Vincent Gillet marchand fermier, parrain de la fille de Laurent Vaugoyau,
  • le sieur Gabriel Rataud sieur Du Plais maitre chirurgien,
  • Mathurin Allaire maréchal ferrant,
  • Urbain Peltier marchand.

 

Bref, cette noble assemblée est présente pour concéder et accorder audit Vaugoyau, « sous le bon plaisir de Mr le curé dudit lieux, un emplacement de bancelle en ladite église »

 

© Ministère de la culture

La bancelle est un type de banc, étroit et long. En effet, autrefois il n’y avait que peu de siège dans les églises et ceux-ci étaient très étroitement réglementés. Le droit de banc est un droit honorifique qui permet à ceux qui en jouissent, généralement les seigneurs, d'avoir des places réservées dans une église, une chapelle ou une abbaye, à un emplacement privilégié (au premier rang de la nef ou souvent dans le chœur même).

Aucun canon ne défend expressément aux laïcs d’avoir des bancs dans les églises, mais c’en était l’usage très ancien. Puis cette discipline s’est relâchée pour permettre l’entrée du chœur (on ne pouvait alors y entrer que pour recevoir la Sainte Communion), d’abord accordée aux rois, princes puis patrons et fondateurs d’églises (en général le seigneur du lieu). Une fois l’entrée du chœur permise aux patrons, ils se firent attribuer le droit d’y avoir un banc.

 

L’usage des bancs s’est ensuite généralisé, accordé à trois sortes de personnes :

- le patron ou fondateur d’une église : celui qui a fondé, doté ou bâti une église (droit de banc à droite dans le chœur). Ils ont la prééminence sur les tous les autres.

- les seigneurs haut justicier (à gauche dans le chœur).

- les particuliers et paroissiens (dans la nef) : quiconque veut avoir un banc dans une église doit se procurer un titre, concession faite par le marguillier (ou le conseil de fabrique) qui se fait avec l’avis du curé en échange d’une rétribution en faveur de la fabrique. Rétributions qui doivent être destinées aux réparations de la nef, entretien du pavé ou vitrage. L’usage est de faire passer trois criées, ou publications, et il est libre à chacun de former une opposition. La concession accordée est toujours révocable, personnelle, non transmissible et non vendable. La plupart du temps, les veuves et héritiers sont préférés, après le décès du concessionnaire, à tous autres demandeurs, mais le transfert n’est pas automatique. De même, le droit de banc ne « suit » pas le paroissien s’il change de domicile : il faut alors reprendre une nouvelle concession.

Les bancs sont partiellement et progressivement remplacés par les chaises apportées par chaque particulier. Mais cette pratique a entraîné une lutte pour obtenir les meilleures places, si bien qu'a été mis en place le bail des bancs et chaises (géré par les fabriques qui s’assurent ainsi une bonne partie de leurs ressources financières). Cette coutume se codifie au milieu du XVIIIe siècle et se généralise tant et si bien qu’au XIXe siècle c’est devenu un bien de consommation commun. Finalement le mobilier a été mis progressivement à disposition gratuitement. Mais l'usage pour les notables de la paroisse d'être propriétaire dans les premiers rangs de leurs chaises avec prie-Dieu, sur lesquels ils font graver leurs noms sur des plaques de métal (souvent en cuivre, parfois émaillées) vissées au dossier des chaises, perdure jusqu’au concile Vatican II (dans les années 1960).

 

Le banc concédé à Laurent Vaugoyau pouvait « contenir trois personnes » et était situé « derrière le banc immédiatement appartenant au seigneur Rouillon* au lieu et place de celui du sieur Jean Toupelin ancien notaire royal », le précédent concessionnaire.

Ledit Laurent Vaugoyau « a la charge […] de faire placer ladite bancelle à ses frais ».

Ledit Vaugoyau accepte cette concession tant pour lui que pour ses hoirs (héritiers) et ayants causes (alors que le droit n’est normalement pas transmissible, comme on l’a vu plus haut). Il achète ladite concession « au procureur alors en charge de ladite fabrique [pour] la somme de trente sols [par] an » (l’équivalent de 16,91 €). Le premier payement devant se faire immédiatement et ainsi « d’année en année ». Mais « au cas que ledit Vaugoyau ou ses hoirs et ayants cause ne payent pas exactement chaque année, ladite somme de trente sols il sera loisible au procureur alors en charge de disposer dudit emplacement au profit de ladite fabrique » et de le concéder à autrui.

Le document ne précise pas les raisons qui autorisent Laurent Vaugoyau à acquérir ce droit de banc. Était-il fabricien ? En tout cas il était suffisamment fortuné pour y prétendre.

Il a vécu jusqu'en 1786. A-t-il conservé son droit de banc jusqu'à sa mort ? L'histoire ne le dit pas. Il a été inhumé dans le cimetière, non dans l'église. Ce droit réservé, à l'origine, au haut clergé, fut ensuite accordé aux nobles et fondateurs, puis aux paroissiens, bienfaiteurs de l'église - selon un procédé bien similaire à celui du droit de banc. En 1776 il est interdit pour des questions de salubrité, mais l'édit royal mettra assez longtemps à être correctement appliqué. En tout cas, si Laurent Vaugoyau n'a pas pu être inhumé dans l'église de Villevêque, au moins aura-t-il pu s'y assoir...

 

* Rouillon : Ancien fief et seigneurie avec manoir noble, relevant de l’évêque d'Angers, seigneur baron de Villevêque.

 

mercredi 7 février 2024

#Généathème : mémo archives

Tu n’es jamais allé faire des recherches généalogiques aux archives car elles t’intimident un peu ? Pas de panique ! Voici un court mémo pour t’expliquer comment on fait et te donner envie d’y aller (si ce n’était pas le cas). Selon les départements (ou municipalités) il peut y avoir quelques variantes à la marge, mais dans les grandes lignes le fonctionnement est identique partout. 

 

Vue partielle de la salle de lecture des archives départementales de la Creuse
au premier plan, les inventaires © coll. personnelle


D’abord l’inscription : c’est gratuit, il suffit d’une pièce d’identité. C’est le/la président(e) de salle (celui/celle qui est derrière le comptoir) qui l'enregistre. Tous les ans il faudra la renouveler, tout aussi simplement.

Tu t’installe à une table (ou bien c’est le président qui te désigne une place, selon l'usage local). Chaque place a un numéro : il te servira pour obtenir les documents.

Ensuite tu déposes une demande de cote (soit par papier soit sur un terminal informatique, ça dépend des départements) : tu indiques ton numéro de carte, celui de la place et la cote. Une cote = un document. Un document ça peut être un registre, une liasse de notaire, un plan, etc…. Chaque document est classé selon une série (exemple : la série E regroupe les actes concernant les familles, les notaires, l'état civil), éventuellement un numéro de sous série qui le précède (exemple 3 E pour les archives notariales) et un numéro d'article qui l’identifie (exemple 407, qui désigne un notaire et une date particulière). Le tout forme la cote (exemple : 3 E 407). Cette façon de classer les documents est appelé le cadre de classement.

En général, les archives fonctionnent par levée : la levée c’est quand le magasinier récupère toutes les demandes. Ensuite il va dans le magasin, cherche le carton ou le registre qui correspond. Puis il redescend en salle de lecture et là tu peux avoir accès à ton document. La levée peut avoir lieu toute les demi-heures ou 45 min ou… là aussi ça dépend des départements.

Donc, après la levée il faut attendre un peu que le magasinier ait tout récupéré et soit redescendu. Ensuite, soit tu viens chercher ton document, soit on l’apporte à la place ; là aussi ça dépend des dépôts d’archives.

Tu peux enfin consulter ton document.

Dans la plupart des archives, tu peux demander plusieurs cotes à chaque levée (ex : maximum 5 documents par levée) mais on ne te laisse regarder les documents sur ta table que un par un.

 

Cas n°1 : tu ne connais pas tes cotes à l’avance

Quand tu arrives en salle, il te faut regarder les inventaires. Ce sont de gros classeurs (ou un ordinateur) qui contiennent toutes les cotes (c'est-à-dire tous les documents conservés aux archives). En général on les repère assez facilement parce que l’ensemble prend du volume ; sinon le président de salle t’indiquera leur emplacement. Disons que tu cherches une liste de tirage au sort militaire : c’est la sous série 1R. Il y a plusieurs bureaux (par exemple un par canton). Tu identifie le canton qui t’intéresse et la date (dans ce cas : année de naissance de l’ancêtre + 20). Cela te donne les chiffres de fin de la cote : par exemple 128. La cote complète est donc 1R128. Il ne te reste plus qu’à reporter le numéro de la cote sur ta demande de document.

 

Cas n°2 : tu connais tes cotes avant de venir

Tu as fait un repérage sur le site internet des archives et tu as trouvé les inventaires (nommés "inventaires" mais peut-être aussi "états des fonds" ou "répertoires"). Ils sont organisés de la même façon qu’en salle, donc tu as identifié la série et la date qui t’intéresse. Tu as fait une liste des cotes que tu souhaites chercher. En arrivant aux archives, il te suffit de les indiquer sur tes demandes.

 

Cas n°3 : tu sais ce que tu cherches

Tu as trouvé ta cote (avant de venir ou sur place). Une fois que tu as récupéré ton document tu peux photographier la page qui t’intéresse (ou noter les infos sur un papier, chacun sa méthode) et passer au suivant. Ça va assez vite, finalement.

 

Cas n°4 : tu pars à l’aveugle

Par exemple, tu as beaucoup d’ancêtres dans un village. Il y a donc un maximum de chance pour que tu les trouve chez le notaire du coin (nos ancêtres passaient leur vie dans les études notariales, pour toutes sortes de raisons). Donc, tu repères la cote du notaire selon son lieu de domicile, la fourchette d’années où tes ancêtres ont vécu. Tu vas recevoir une liasse de notaire. Une liasse, c’est un tas d’actes (en général non reliés). Selon le mode de classement, la liasse peut contenir plusieurs années d’actes notariés ou juste quelques mois, ça dépend du volume : s’il y a peu d’actes, la liasse peut faire plusieurs années, et inversement. Disons que tu reçois l'année 1747 : tu peux alors passer en revue tous les actes voir si le nom de tes ancêtres apparaît (la plupart du temps le notaire a noté le nom des protagonistes et le type d’acte dans la marge, ça permet de les identifier plus aisément). La rechercher est plus longue que dans le cas précédent, mais cela laisse la place à la surprise. On y ait souvent de belles découvertes (inattendues, forcément).

 

En bref, c’est pas si compliqué que ça les archives, c’est juste une question d’habitude et si tu es perdu(e), le/la président(e) de salle est là pour d’aiguiller.

Si tu as l’occasion, je te conseille vraiment d’y aller. On y fait des découvertes très intéressantes et originales (puisque ces documents ne sont pas en ligne).

 

Mais qu’est-ce qu’on peut y trouver, aux archives ? Je dirais tout ce qui n’est pas en ligne ! Pour ma part, j’ai été chercher les fiches militaires de mes ancêtres avant les années 1860 (assez peu publiées en ligne pour cette période). C’est ainsi que j’ai découvert par hasard l’insoumission de Louis.

Je suis une grande adepte des actes notariés qui détaillent les vies de nos aïeux, leurs possessions (voir ici par exemple) ou la vie de leur paroisse (comme l’achat d’un droit de banc dans l’église) ; mais aussi les successions ou le cadastre pour retracer les possessions ancestrales.

En effet, le cadastre est un document réalisé à la base pour payer les impôts. Il est composé de deux éléments : les plans (qui peuvent être en ligne) et les états des sections (qui le sont moins souvent). Les plans c’est joli, mais ça ne te dit pas qui est propriétaire de quelle parcelle. C’est l’état des sections qui détaille le propriétaire, la nature de la parcelle (bois, pré, maison) et, pour les bâtiments, s’il y a plusieurs portes/fenêtres (car les impôts se payaient sur les ouvertures). Si tu veux savoir quelles terres/maisons avaient tes ancêtres, tu dois passer obligatoirement par les états des sections (qui sont, à mon avis, presque plus importants que les plans). Or bien souvent ils ne sont pas en ligne. Avec les plans seuls tu ne peux rien faire. Voir ici quelques exemples d’usage du cadastre en généalogie.

 

Pour finir, je n’ai qu’un seul conseil à te donner : va aux archives et fais-toi plaisir !

 

vendredi 12 janvier 2024

Au lit !

Alors que j'étais blottie sous les couvertures au fond de mon lit, je pensais : Mais au fait, comment étaient les lits de nos ancêtres ? 
 
Lit en alcôve, Encyclopédie Diderot

 

A ce jour, j’ai retrouvés la description d'une centaine d’entre eux, dans les contrats de mariage ou inventaires après décès passés devant notaires. Le plus ancien date de 1634 :

« un lit fourny » (Contrat de mariage [CM] Barberel/Barré, 1634, Orne)

La mention la plus récente d’un lit de mes ancêtres date de 1915 :

« un lit composé de son bois, une paillasse, une ballière*, deux couettes et une couverture estimée 50 fcs » (Inventaire après décès [IAD] Roy Joseph, 1915, Deux-Sèvres)

 

Mais avant tout arrêtons-nous un instant sur « qu’est-ce qu’un lit ? » Si la question peut paraître un peu saugrenue à nos oreilles modernes, on verra qu’il n’en n’a pas toujours été ainsi.

 

Au XVIIème siècle, le terme de lit n’est pas le plus courant pour définir le meuble où l’on dort. Le lit a d’abord désigné le matelas, ses draps et couvertures. Tandis que mot de couche signifiait la structure du meuble, la menuiserie. Puis, par évolution sémantique, le terme couche a commencé à désigner le meuble dans son ensemble.

 

Le lit est marqué d’une symbolique forte. C’est le lieu des étapes essentielles de la vie : de la naissance à la mort, en passant par le mystère de la nuit de noce et le refuge du malade.

« laquelle étant dans son lit malade, indisposé de son corps mais libre d’esprit et d’entendement » (Testament Gobin Anne, 1810, Deux-Sèvres)

Le lit se fabrique ou est offert pour le mariage. Il se transmet par delà la mort.

« une chambre garnie du lit avec matelas et autre meubles necessaires » (CM Turand Geraud, 1687, Aveyron)

« d'un lit fourny d’une couette, traversin, oreillers, couverture, courtine et président de lit et d'autre linge sellon que l'on a coustume de donner a la fille que l'on marie et sellon la maison d'ou elle part et celle ou elle va » (CM Deschamps/Fourée, 1653, Orne)

« a ladite Soulié ledit Turlan donne […] une chambre garnie d’un lit et matelas » (Testament Turlan Geraud, 1721, Aveyron)

« un bois de lit » (Partage de la succession Astié/Chivalié, 1868, Aveyron)

 

D’ailleurs je peux parfois suivre les lits de génération en génération ; par exemple avec ce lit décrit dans l’IAD de François Châtelain en 1841 (Maine et Loire) :

« un lit à quatre colonnes garni de sa paillasse, un matelas, une couette de coutil*, un traversin, deux oreillers, deux draps et deux couvertures piquées, rideaux, pente* et dossier* en ras* vert, carrée* et vergettes* ; prisés ensemble 130 fcs »

Lit que l’on retrouve 10 ans plus tard au décès de sa femme, Marie Rouault :

« Un lit à quatre colonnes avec carrée et vergettes, garni d’une paillasse, d’une couette, deux autres couettes en mauvaise plume, un traversin, trois oreillers et leurs taies, deux draps, un autre oreiller, un couvrepied, une couverture en laine verte, rideaux pentes et dossier en ras vert estimé à 100 fcs »

Et enfin après le décès de leur fils Jean baptiste après son décès en 1858 :

« Un lit à quatre colonnes avec carré et vergettes composé de : une paillasse, deux couettes, un traversin, deux oreillers, deux draps, un couvre pieds piqué, une couverture en laine verte, rideaux pente et dossier en ras vert, le tout prisé 135 fcs »

On remarque une prisée plus basse en 1851 mais d’une manière générale, tous les meubles de Marie sont estimés moins chers que ceux de son mari et, plus tard, de son fils (sic !).

 

Le lit est le meuble décrit le plus attentivement dans les documents notariés. On en trouve dans toutes les pièces de la maison :

« dans la chambre principale au rez de chaussée se trouvant au milieu de la maison d'habitation, un lit à la duchesse » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

« [dans l'étable] un lit composé d'une paillasse, une couette et deux draps et une couverture prisé à 10 fcs » (IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)

« à côté de la laiterie un lit composé de son bois en chêne » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

« dans la chambre des hommes deux lits de domestique prisé 40 fcs » (IAD Bourry Clémentine, 1906, Deux-Sèvres)

« dans la cuisine un lit à quenouille » (idem)

« un lit dans le fournil » (IAD Rabaud Pelagie, 1853, Deux-Sèvres)

« un lit auprès de la cheminée » IAD Gabard Jean, 1844, Deux-Sèvres)

« Dans la principale chambre à cheminée un lit à quatre colonnes » (IAD Châtelain JB, 1858, Maine et Loire)

« Dans une chambre froide un lit à quatre colonnes » (idem)

« Dans une écurie un bois de lit et une paillasse prisé 6 fcs » (IAD Rouault Marie 1851, Maine et Loire)

 

Et pourtant on ignore tant de choses à propos des lits : leur taille, l’épaisseur des matelas, les usages qui y sont liés (à combien dormait-on dans un même lit ?)…

Le lit concentre par ailleurs de nombreux fantasmes, lié à son double caractère intime et public (notamment chez les grands de ce monde).

 

Un lit est composé de trois éléments : le bois, le coucher et la garniture.

  • Le bois est la structure de menuiserie du lit. On l’appelle aussi châlit (ou charlit en Anjou).

« un charlit de bois noyer garni » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

Le bois de lit n’a guère changé par rapport à nos lits contemporains : un cadre monté sur pieds. Le vide central est comblé par une « enfonçure » fixée au cadre, composé d’un entrelacs de cordes ou de sangles soutenant un ensemble de planches (l’équivalent de nos lattes de lits modernes).  En Anjou on appelle ce dispositif « fonçailles ».

« un bois de lit à quatre colonnes garni de ses fonds et fonçailles » (IAD Bouguié Michelle, 1825, Maine et Loire)

 

Le lit est toujours en bois, même si les essences peuvent varier (généralement en noyer, parfois en chêne, exceptionnellement en hêtre).

« à côté de la laiterie un lit composé de son bois en chêne » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

« un bois de lit en noyer » (IAD Rols Alexandre, 1859, Deux-Sèvres)

 

Parmi les lits de mes ancêtres je trouve aussi du bois blancs (bois clairs comme le peuplier ou le sapin) ou d'autres essences :

« un lit à bateau composé de son bois en cerisier, une paillasse, deux couettes, un traversin, rideau avec couronne le tout estimé 160 fcs » (IAD Roy Joseph, 1915, Deux-Sèvres)

« un lit complet composé de son bois en bois blanc » (IAD Guetté Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)

« Un bois de lit en sappin estimé six francs » (IAD Janvion Claude, 1796, Ain)

« un bois de lit en frêne […] une table de nuit en frêne » (IAD Rols Alexandre, 1859, Deux-Sèvres.

 

Le lit en fer est d’une apparition beaucoup plus récente (fin de l’Ancien Régime).

« un lit en fer, une paillasse, un matelas, un traversin, un oreiller et un édredon, un couvrepieds piqué, une table de nuit en bois blanc, une paire de draps, une taie d'oreiller, le tout prisé 32 fcs » (IAD Rols Alexandre, 1859, Deux-Sèvres)

 


  • Le coucher désigne l’ensemble des pièces nécessaires au sommeil : sommier, matelas, oreillers, etc… On constate une succession de strates qui assurent le confort de l’usager, du plus rigide au plus douillet.

La paillasse est une grande housse de toile, assez grossière, remplie de paille. Elle joue le rôle d’isolant thermique. Elle constitue un premier matelas, en quelque sorte. Elle peut être, selon la richesse du lit, être remplacée par un sommier rembourré de crin. Mais elle ne peut en aucun cas constituer la seule strate du coucher : il lui faut au moins une couche moelleuse.

« un autre bois de lit à quatre colonnes garni de sa paillasse… » (IAD Pillet Jacques, 1842, Maine et Loire)

Le matelas, proprement dit, est l’une de ces strates : il se trouve donc par-dessus la paillasse. Il est constitué de deux grands morceaux d’étoffes qui contiennent une garniture de bourre ou de laine. La première est grossière (reliquat de poils provenant du travail des tanneurs) tandis que la seconde est de qualité supérieure et plus onéreuse.

« un lit à quatre colonnes avec carrée et vergettes composé d'une paillasse, un matelas en laine et crin… » (IAD Lemasson jeanne, 1852, Maine et Loire)

« un matelas piqué en laine et filasse » (IAD Bourry Jacques, 1828, Deux-Sèvres)

Les couettes (ou coettes) sont de grandes pièces d’étoffe avec un remplissage souple, réalisées dans des matériaux d’une plus grande finesse. En général il s’agit de plumes contenue dans du coutil (toile chanvre ou de lin, souvent mélangée de coton, lissée et serrée). On les appelle parfois lit de plumes et coutil. En Anjou se coutil se dit couety. C’est une sorte de matelas plus raffiné, prenant place au sommet de la pile, confortable mais pas indispensable. Ils sont parfois appelées lits (et, ce faisant, pouvant prêter à confusion).

« une couette ensouillée de toile de couetty remplie de plumes d'oye, une autre couette de mauvaise toile remplie de plumes de volailles » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

Traversins et oreillers sont aussi des pièces de coutils bourrées de plumes (qui peuvent être d’oies, de volailles ou « de plumes mêlées »). Le premier occupe toute la largeur du lit, comme on l’entend aujourd’hui tandis que le second est de forme carrée. Ils sont recouverts d’une taie, aussi appelée souille (on les dit alors « ensouillés »).

« une couette et un traversin de plume avec leur couty vieux et usés… » (IAD Boissinot Modeste, 1817, Deux-Sèvres)

« un traversin et un oreiller aussi ensouillé de toile et garni de plumes d'oye » (IAD Joulain René, 1719, Maine et Loire)

 

Les couvertures complètent le coucher. On en distingue de plusieurs sortes. La courtepointe est une couverture piquée de parade, couvrant les traversins et tombant jusqu’au sol (l’équivalent de notre dessus de lit moderne).

« une courtepointe aussi en indienne doublé de toile… » (IAD Châtelain François, 1841, Maine et Loire)

Les couvertures, ou couvertes, sont en laine, garnies de plumes, enveloppant la couche et tombant jusqu’à terre. C’est peut-être un dessus de lit mois élaboré. La différence est mince avec la précédente et sans doute se sont-elles confondues parfois. Il existait de nombreuses variantes de couvertures : de parade (pour les lits où l'on reçoit), en fourrure, en poils de chèvre, etc... Les couvertures en laine sont sans doute proches de celles que nous connaissons.

« pour le lit nuptial deux couvertes facture de Montpellier » (CM Turland/Deveze, 1684, Rouergue)

« trois couvertures en laine blanche et verte, et un couvrepieds piqué » (IAD Rols Alexandre, 1859, Maine et Loire)

La mante est un dessus de lit supplémentaire, aux dimensions toutefois plus réduites que la courtepointe.

« une mante de sarge* brune » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

Elle est sans doute proche du couvre-pieds : deux tissus piqués, doublés de plume ou de laine, de la taille d'une demi-couverture.

 

Les draps sont parfois prisés à part dans les inventaires. Ils peuvent être aussi nommés linseuls, linceux.

« Sept draps de lit tant bon que mauvais estimés sept livres » (IAD Janvion Claude, 1796, Ain)

 

  • La garniture est le dernier élément du lit.

Si les menuiseries peuvent être décorées (plutôt de manière exceptionnelle toutefois pour les lits du commun) c’est davantage les étoffes qui font l’objet de toute l’attention. Elles sont le marqueur du confort et de l’apparat. Elles sont soigneusement décrites dans les inventaires. Tandis que le bois de lit ne compte que pour un dixième de la valeur totale du lit, c’est le textile qui compte le plus.

La garniture permet de clore entièrement l’espace de la couche, assurant à la fois le rôle d’isolateur thermique, de lumière et assurant un minimum d’intimité.

Le ciel est une étoffe tendue horizontalement au-dessus du lit.

« ciel et tour de lit et rideaux en coton » (IAS Guetté Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)

Le lit à housse est constitué d’étoffes descendants du ciel de lit jusqu’au sol. On le différencie du lit à rideaux, ou courtines, dont les pans de tissus s’accrochent sur une tringle par le biais d’anneaux en fer (appelés vergettes en Anjou). On nomme aussi ces rideaux « pentes » ou  « grandes pentes ».

« rideaux et pentes en vieille toile » (IAD Châtelain Jean Baptiste, 1858, Maine et Loire)

Elles peuvent être au nombre de trois à sept, s’il y a un jeu de rideaux à l’intérieur et un autre à l’extérieur. Elles peuvent être de différentes natures, selon la richesse du foyer : d’indienne, de velours, de damas, peuvent être garnies de franges, de crépines (bordure passementée, frange ouvragée formant des torsades, des houppes, etc.)… On les trouve aussi sous le nom de tour de lit.

« un tour de lit a deux pans de toile blanche » (CM Jay Claude, 1709, Haute Savoie)

 « …lesdits rideaux d’étoffe de pays et de la couleur commune » (CM Mommaton/Avalon, 1692, Aveyron)

Tous s’étalent autour du lit, permettant de le clore et de préserver à la fois intimité et chaleur.

Le dossier (ou dosseret) désigne spécifiquement le rideau qui est situé à la tête du lit. Il apparait rarement seul.

« rideaux, pentes et dossier en ras vert » (AID Marie Rouault, 1851, Maine et Loire)

Dans le cas de lits à rideaux, la garniture est aussi composée d’une bande de tissus d’une vingtaine de centimètres, située à la jonction entre le ciel et les rideaux, faisant le tour du ciel et servant à cacher les tringles, appelée pente ou tour de lit (sic).

« un tour de lit a franges » (CM Prost/Bondet, 1753 Ain)

A noter : la notion de tour de lit a évolué au fil du temps : on le voit désigner d’abord ce que l’on appelle ensuite soubassement (dissimulant le châlit), puis il s’applique à l’ensemble des rideaux sans tringle (la housse), ou le lé de tissus cachant la tringle et parfois la menuiserie elle-même. On dit aussi « entour de lit ».

« un entour de lit avec ses pendants de filet et laine » (CM Moccand Jean Michel, 1719, Haute Savoie)

Lorsque le tour de lit désigne les rideaux mais qu'il ne comporte que deux courtines au lieu des quatre réglementaires, on le qualifie de demi tour de lit :

« un demy tour de lit » (CM Gautier Michel, 1693, Orne)

 

Bien que je n’en trouve pas dans les documents concernant mes ancêtres, les lits peuvent avoir aussi un soubassement (autre pièce d’étoffe, masquant le bois de lit), des fourreaux (qui habillent les colonnes de lit), des bonnes grâces ou cantonnières (pièces de tissus destinées à cacher les pentes lorsqu’elles sont ouvertes pendant la journée, placées aux angles du lit).

 

En général soubassement, fourreaux et pièces extérieures sont de même étoffes et couleurs, constituant un véritable ensemble. La courtepointe, elle, peut être de nature différente.

 

Dans les documents de mes ancêtres on trouve différents types de tissus :

« deux rideaux de lit en crétonne* imprimée » (IAD Rols Alexandre, 1859, Deux-Sèvres.

« tour de lit et ciel de lit en coton » (IAD Guetté Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)

« quatre linceulx toille de pais, et lesdits rideaux detoffe de pais et de la couleur commune » (CM Mommaton/Avalon, 1692, Aveyron)

« un demi tour de lit de thoile bon et suffisant » (MC Langlois/Dugué, 1708, Orne)

« un tour de lit de toile tainte » (IAD Joulain René, 1719, Maine et Loire)

« rideaux, pentes et dossier en droguet* vert » (IAD Châtelain François, 1841, Maine et Loire)

« rideaux, pente et dossier en ras vert » (idem)

« rideaux, pentes et dossier en siamoise* flanelle » (IAD Lemassin Jeanne, 1858, Maine et Loire)

« des rideaux et petit tour de cadis* » (IAD Boissinot Modeste, Deux-Sèvres)

« ciel de lit en indienne* » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

 

Les couleurs peuvent être détaillées.

« un tour de lit de mauvaise toile à quarreau » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

 « une couverture de toile grise » (IAD Bouguié Michelle, 1825, Maine et Loire)

« rideaux pentes et dossier en ras rouge «  (IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)

« un tour de lit de toile barrée, deux couvertures de laine dont une blanche et l'autre brune » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

« une mante de sarge brune […] un tour de lit de sarge sur fil sous couleur verte » (idem)

« un tour de lit en ras vert, ciel, dossier, ses pentes en indienne fond [ ?] rouge » (IAD Châtelain François, 1841, Maine et Loire)

« une couverture de laine verte » (IAD Bouguié Michelle, 1825, Maine et Loire)

La couleur verte est souvent présente dans les lits (une douzaine de lits sur les 32 identifiés en Maine et Loire par exemple), mais j'en ignore la raison.

« rideaux bleus » (IAD Gabard Jean, 1844, Deux-Sèvres)

« rideaux bruns » (idem)

« rideaux et tour à carreaux rouges et bleus, ciel et dossier en indienne rouge » (IAD Rabaud Pelagie, 153, Deux-Sèvres)

« rideaux tour et dossier bleu, ciel gris jaune » (idem)

« tour et rideaux en coton rouge » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

« lesdits rideaux couleur de musc » (IAD Avalon Jean, 1701, Aveyron)

 

La couchette, déclinaison de couche, caractérise un meuble plus petit, de préférence pour les enfants.

« un autre bois de lit en forme de couchette, composé d'une couette, d'un traversin, garni de leurs coutys, un loyer (lodier ?) en laine, très usé, avec une couverture piquée la laine, de toile couleur grise, le tout estimé 100 fcs » (IAD Boissinot Modeste, 1817, Deux-Sèvres)

Exceptionnellement la mention lit d’enfant :

« deux bois de lits d'enfants » (IAD barbot Marie, 1800, Maine et Loire)

Ou de domestique :

« un lit de domestique composé de son bois, paillasse, couette, traversin, draps, courtepointe le tout estimé la somme de 50 fcs » (IAD Gabard Jean, 1844, Deux-Sèvres)

 

On distingue le lit à chevet simple de celui à chevet double : le premier a son chevet (la tête) parallèle au mur (aussi nommés lit de bout), le second a ses chevets perpendiculaires au mur (ou lit de travers).

 

Plusieurs noms servaient à distinguer les lits, marqués notamment par la structure suspendue au plafond ou soutenue par des colonnes qui domine la couchette et de laquelle pend les rideaux : pavillon, châssis, ciel, impériale, baldaquin. Ainsi le lit se décline en différentes typologie : 

- lit à colonnes (ou quenouilles ou piliers) : lit avec des colonnes supportant le ciel ou dais de la même taille que le lit. Les colonnes sont arrondies ou cannelées, tandis que les quenouilles sont fuselées et renflées au milieu et les piliers sont carrés ou chanfreinés. Les trois sont fréquemment pris l'un pour l'autre. Se dit aussi lit à baldaquin, ce dernier désignant le dais au dessus de la couche.

Lit à colonnes, Encyclopédie Diderot

- lit à impériale : Lit surmonté d'une structure en forme de dôme

Baldaquin et impériale sont fréquemment pris l’un pour l’autre, rendant difficile la représentation du lit ainsi décrit. Impériale peut aussi être pris comme synonyme de ciel de lit.

- lit à pavillon : Plus petit que la couchette qu’il surmonte, le pavillon est de forme circulaire et ses rideaux forment tente.

- lit à la chartreuse : Lit clos.

« un lit à la chartreuse [… ] une douzaine de linceux, deux couvertes » (IAD Moccand/Curton, 1737, Haute Savoie)

- lit à la duchesse : Lit surmonté d'une structure fixée au plafond, de même dimension que le lit.

« dans la chambre principale au rez de chaussée se trouvant au milieu de la maison d'habitation, un lit à la duchesse composé de son bois en cerisier, une paillasse, deux balières, quatre couettes, trois traversins, trois oreillers, un couvrepied, tour et rideaux en coton rouge, ciel de lit en indienne, carrée en bois, vergettes en fer, le tout estimé 200 fcs » (IAD, Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)

Lit à la duchesse, Encyclopédie Diderot

- lit à la polonaise : Lit de travers (voir plus haut) à deux chevets surmonté d’une impériale, en générale de forme ovale, et qui doit être d’un tiers plus petite que la couchette. L’impériale est portée par quatre courbes en fer formant un S.

Lit à la polonaise, Encyclopédie Diderot

- lit à la romaine : Lit de travers à deux chevets et baldaquin de dimension inférieure à la couche. Se confond parfois avec le lit à la polonaise.

Lit à la romaine, Encyclopédie Diderot

- lit à pavillon : Lit surmonté d'une structure circulaire, de plus petite dimension que le lit, dont les rideaux forment tente.

- lit à tombeau : Lit à baldaquin dont les colonnes disposées à la tête du lit étaient plus hautes que celles du pied, induisant une inclinaison vers le pied de la structure supérieure.

Lit à tombeau, Encyclopédie Diderot

- lit à bateau : Lit dont le flanc présente une courbe concave.

« un lit à bateau composé comme les précédents estimé 160 fcs » (IAD Roy Joseph, 1915, Deux-Sèvres)

Et encore des lits de camps, en baignoire, à la matelote, à arc, etc...

 

A noter : tous les lits ne sont pas à baldaquin. Si les « hauts piliers » désignent les supports du ciel de lit, les « bas piliers » en revanche soutiennent seulement le bas de la couche. Toutefois ces derniers peuvent être aussi dotés une garniture en étoffe (c’est le cas des lits à la romaine par exemple).

Exceptionnellement dans les archives familiales, un lit sans rideaux :

« un autre mauvais bois de lit sans vergetttes ni rideaux, garni seulement d'une couette ensouillée de grosse toile presque mi usée, un traversain aussi ensouillé de toile de peu de valeur rempli de plumes mélées, deux draps de grosse toile de six aulnes le couple, une mauvaise couverture de toile barrée le tout estimé la somme de 20 livres » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)

« un autre bois de lit garni d'un lit de plume et d'un traversin avec leur couty à grandes rayes vieux et usés, d'un matelas piqué en filasse, d'une mauvaise couverture piquée en filasse, sans rideaux, le tout estimé avec deux draps 95 fcs » (IAD Bourry Jacques, 1828, Deux-Sèvres)


Dans les documents en ma possession la taille des lits n’est jamais mentionnée. Toutefois, selon les études des lits parisiens, ils mesurent en moyenne 190 cm sur 120 cm et 200 cm sur 140 cm pour le lit double, voire pour certains 180 et 195 cm de longueur et 180 cm de large (donc proche de la forme carrée). Quoi qu’il en soit, on remarque que les tailles des lits étaient proches de celles d’aujourd’hui, et non pas petits comme on l’affirme souvent parce que l’on y dormait assis. La hauteur n’est jamais précisée, d’autant qu’elle varie selon le nombre et la qualité des strates détaillées plus haut (pour la couche) ou de la hauteur du plafond (pour le lit avec son baldaquin).

 

Les bois de lit sont rarement mentionné seuls : coucher et garniture l’accompagnent. S’ils ne sont pas décrits, le rédacteur mentionne simplement « un lit garny ».

« trois lits garnis à l’usage du pays de valeur de trente six francs » (CM Mas/Dounet, 1816, Aveyron)

En Normandie (Orne actuel) je trouve le terme de « fourny » au lieu de garni.

 

Je compte au maximum 7 lits dans un foyer (IAD de Joseph Roy en 1915). En 1906, dernier recensement avant son décès, le foyer (une ferme dans les Deux Sèvres) est composé de lui-même, son épouse, ses parents, 3 frères et sœurs, ses 4 enfants et 1 domestique (8 adultes et 4 enfants).

Le lit le plus cher est prisé à 200 francs :

« dans la chambre principale au rez de chaussée se trouvant au milieu de la maison d'habitation, un lit à la duchesse composé de son bois en cerisier, une paillasse, deux balières, quatre couettes, trois traversins, trois oreillers, un couvrepied, tour et rideaux en coton rouge, ciel de lit en indienne, carré en bois, vergettes en fer, le tout estimé 200 fc » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)
Le moins cher valait 10 francs; il était situé dans une étable (sans aucun doute pour un domestique) :

« un lit composé d'une paillasse, une couette et deux draps et une couverture prisé à 10 fcs » (IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)

 

Bref, on distingue de nombreuses variantes, formelles ou locales. Un mot étant pris parfois pour un autre (ou évoluant au fil du temps), il est parfois difficile de se faire une idée précise des lits de nos ancêtres.

 

 

 

Les mots suivis d'un astérisque font l'objet d'une définition dans la page lexique de ce blog.

Sources :
Lits historiques. Première anthologie des lits européens du XVe au XIXe siècle, Collectif, In Situ, revue des patrimoines
HAVARD, Henry : Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration depuis le XIIIème siècle jusqu’à nos jours (Gallica)